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sais qu'on a osé publier que vos personnes n'étaient pas en sûreté : serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des récits aussi coupables, mentis d'avance par mon caractère connu? Eh bien! c'est moi, qui ne suis qu'un avec ma nation, c'est moi qui me fie à vous; aidez-moi dans cette circonstance; assurez le salut de l'état : je l'attends de l'assemblée nationale : le zèle des représentants de mon peuple pour le salut commun m'en est un sûr garant; et comptant sur l'amour et la fidélité de mes sujets, j'ai donné ordre aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles : je vous autorise et vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale. »

Ce discours fut accueilli par les plus vifs applaudissements. Le caractère national l'emporta sur le souvenir du passé et sur l'irritation du moment présent. L'archevêque de Vienne, président, répondit avec dignité, mais avec onction: il insista sur la libre communication de l'assemblée avec le roi; et lorsque Louis XVI se leva pour se retirer, toute l'assemblée se porta sur ses pas, et le reconduisit au château, où le roi se rendit à pied.

Dans l'enthousiasme causé par les derniers mots du roi, l'assemblée décida qu'une députation de cent de ses membres, ayant à sa tête La Fayette, vice-président, se rendrait à Pars pour porter aux habitants de cette capitale, si agitée, des paroles de paix et de bonheur.

La journée du 45 juillet avait eu, à Paris, les mêmes alarmes que les précédentes. Dès la nuit, on avait annoncé avec effroi que quinze mille hommes postés au bois de Boulogne se disposaient à fondre sur Paris par la barrière de Clichy, et que les troupes royales campées à Saint-Denis s'avançaient sur la Villette : ces rapports se trouvèrent encore faux. Toutefois on prit des mesures pour opposer aux troupes royales des milices nationales et du canon, et des ordres furent donnés pour fortifier et garder les barrières. Élie, que nous avons vu guidant les citoyens à l'attaque de la Bastille, dirigeait l'exécution des délibérations de l'Hôtel-de-Ville, d'où partirent, pendant cette nuit, plus de trois mille ordres, et où furent reçues tant de réclamations.

en même temps pour fane part au comité de la formation d'un bataillon de quinze cents jeunes gens de bonne volonté, sous le nom de volontaires au Palais-Royal, qui l'avaient nommé pour les commander. Le comité ne crut pas devoir refuser la confirmation de ces deux nominations, qu'ils étaient venus solliciter; mais il y mit la condition expresse que ces deux chefs seraient sous les ordres du commandant général en second.

Depuis trois jours, une armée formidable s'était formée comme par enchantement au milieu de la ville de Paris; on aurait dit que les bataillons sortaient de dessous terre tout armés; tout le monde s'enrôlait dans la milice bourgeoise, et l'on vit accourir dans les districts jusqu'aux jeunes gens qui étudiaient dans les colléges. Mais le comité défendit de les inscrire sur les rôles.

Tous ces armements, toutes ces organisations partielles firent sentir au comité la nécessité de mettre à la tête de la force armée un commandantgénéral dont la réputation et les principes pussent inspirer de la confiance aux habitants. Il y avait dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville un buste du général La Fayette, sculpté par le célèbre Houdon, et qui avait été donné à la ville de Paris par les Etats-Unis d'Amérique Moreau de Saint-Merry se borna à l'indiquer de la main; et ce geste, vivement scuti par les électeurs, entraîna leurs suffrages: La Fayette fut nommé spontanément commandant général.

Mais toutes ces mesures ne changeaient guère la situation des choses, et les habitants de Paris étaient bien loin d'être rassurés. Tout à coup arrive à l'Hôtel-de-Ville un citoyen qui avait assisté à la séance de l'assemblée nationale du matin : il avait vu le roi entrer seul et sans gardes dans la salle de cette assemblée, et il avait entendu le discours par lequel Louis XVI déclarait avoir donné ordre à toutes les troupes de s'éloigner à l'instant de Paris et de Versailles. Cette nouvelle, qui fut bientôt confirmée par d'autres témoignages, ouvrit tous les cœurs à l'espérance, et excita les plus vifs transports de joie. On fit suspendre tous les préparatifs de défense qui avaient été ordonnés dans la matinée, et tout changea de face en un instant. Des avis alarmants, des députations, des de- On ne tarda pas d'apprendre qu'une grande démandes de passeports et cent autres objets pres-putation de l'assemblée nationale se rendait à Pasants attiraient un si grand nombre de personnes ris. P usieurs électeurs, escortés de troupes, à l'Hôtel-de-Ville, que toutes les salles étaient ayant à leur tête deux tambours, se rendirent à encombrées, au point que l'on ne pouvait plus s'y la barrière pour y recevoir ces députés. Leur enmouvoir. trée dans Paris fut un vrai triomphe. Le peuple s'était porté en foule à la rencontre de ces cent délégués, ayant à leur tête La Fayette. « Tous les bras étaient tendus vers eux, tous les yeux étaient remplis de larmes, dit le procès-verbal des électeurs, des fleurs tombaient sur eux de toutes les

Un homme, qui joua depuis un grand rôle dans la révolution, Santerre, alors électeur, se présenta au comité permanent pour annoncer que le faubourg Saint-Antoine l'avait nommé, la veille, son commandant général : M. de Labarthe arriva

et

fenêtres jamais spectacle plus majestueux n'a- | lement dans les principaux quartiers de la ville, vait étonné les rues de la capitale. Le patriotisme et le nouveau maire de Paris recueillit partout seul en faisait la pompe et l'ornement. » On ne les témoignages de l'estime et du respect dont les cessait de crier : Vive la nation! vive le roi! vivent citoyens étaient pénétrés pour son savoir et pour les députés! son caractère. Quand il passa sur le Pont-Neuf, le canon et la mousqueterie le saluèrent.

Le discours que La Fayette prononça à l'Hôtelde-Ville fut remarquable: il exposa tous les efforts de l'assemblée nationale pour obtenir l'éloignement des troupes; parla de l'arrivée du roi à cette assemblée; fit le tableau de la joie que ses promesses avaient excitée, et félicita les Parisiens d'avoir conquis leur liberté. Lally-Tollendal prit la parole pour recommander aux Parisiens d'être calmes et paisibles. Un autre député, le duc de Liancourt, annonça que le roi confirmait et autorisait l'établissement de la garde nationale, et qu'il accordait aux gardes françaises leur pardon. Mais ce mot excita un murmure général, et un garde française s'avança vers le bureau pour déclarer que ses camarades ne croyaient pas avoir besoin de pardon, puisqu'en servant la nation ils avaient servi le roi. Moreau de Saint-Merry dit aux députés qu'il leur recommandait les militaires qui avaient défendu la Bastille, parce qu'il fallait se montrer généreux au jour du triomphe de la liberté; et les députés promirent de s'intéresser au sort de ces malheureux. En même temps le comité permanent, au nom de tous les districts de Paris, demanda l'intercession de l'assemblée nationale auprès du roi, pour obtenir de lui le rappel de Necker et des autres ministres que les ennemis de la nation avaient fait éloigner. Enfin, l'archevêque de Paris proposa un Te Deum solennel, qui fut chanté en actions de grâces de l'heureux changement opéré en ce jour.

Dans la même journée, les électeurs profitèrent de la circonstance qui avait amené le général La Fayette à l'Hôtel-de-Ville pour le proclamer commandant général de la milice parisienne. La Fayette, pénétré de reconnaissance, tira aussitôt son épée, et jura de sacrifier sa vie à la conservation de cette liberté si précieuse dont on daignait lui confier la défense. Ce serment, La Fayette n'a jamais cru le trahir; et toute sa vie a été vouée à la grande et belle cause de la liberté.

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La Fayette et Bailly commencèrent à exercer leurs fonctions dès leur retour de l'église de Notre-Dame, où fut chanté le Te Deum. L'un se livra aux soins qu'exigeaient l'organisation, l'armement et la régularisation de la milice parisienne, qu'il proposa de nommer garde nationale. L'autre prit, malgré les fatigues de la journée, la présidence du comité permanent, où des travaux de tout genre l'attendaient.

Il fallut d'abord s'occuper des subsistances : il n'y avait plus dans Paris que ce qu'il fallait pour la consommation de trois jours. On fit partir à la hâte des commissaires pour toutes les villes des environs.

On alloua des secours aux pauvres ouvriers du faubourg Saint-Antoine, que le service public avait empêchés de pourvoir à leur nourriture.

Un soin non moins pressant occupa sérieusement le comité : il fallait rétablir l'ordre, et ce n'était pas une entreprise facile dans un moment semblable.

Les détenus à la Salpêtrière s'étaient révoltés et allaient s'évader : il fallut faire murer la porte de cette prison et y envoyer le commandant du guet.

Un district demandait que le roi fût prié de se rendre à Paris; un autre témoignait des craintes sur les carrières situées sous le faubourg SaintGermain et où les malveillants pouvaient, disait-il, faire jouer la mine. Des craintes de la même nature s'étaient manifestées sur un prétendu souterrain qu'on disait communiquer de la Bastille à Vincennes. Il fut reconnu qu'il n'existait aucun souterrain, et que les carrières n'arrivaient point jusque sous le faubourg Saint-Germain. La nuit même ne fut pas exempte de quelques désordres, dont la répression ne laissa pas un moment de repos au comité permanent.

Danton, à la tête d'une nombreuse patrouille Il restait à nommer le prévôt des marchands, du district des Cordeliers, força la Bastille, dont fonctions éminentes qui, dans les circonstances le commandement provisoire avait été confié dans où Paris se trouvait, devaient être un grand far-la nuit du 14 au 15, à l'électeur Soulès. Il s'emdeau toutes les voix nommèrent Bailly; mais un para de cet électeur, et le conduisit à l'Hôtel-deélecteur s'écria: Point de prévôt des marchands! Ville, à travers la place de Grève, lieu si danun maire de Paris! et tous les assistants répétèrent: gereux pour tout homme présumé en arrestation. Oui, un maire! Bailly, proclamé maire de la ville Les électeurs blâmèrent la conduite de ce même de Paris, versa des larmes d'attendrissement et de Danton, dont le nom était prononcé pour la prereconnaissance, qui exprimerent mieux que les mière fois, et qui allait devenir bientôt le grand paroles qu'il voulut proférer les sentiments dont athlète de la révolution. il était pénétré. Il fut aussitôt conduit triompha

Le premier acte du comité permanent, dans la

journée du 16 juillet, fut de prendre un arrêté | ville de Paris. Elle écrivit à Necker : « La nation, pour ordonner légalement la démolition de la son roi et ses représentants vous attendent. » Bastille, que le peuple démolissait déjà. Cet arrêté, Tout annonçait une révolution complète dans proclamé par les trompettes de la Ville dans tous le gouvernement; aussi, dans la même soirée, les carrefours de Paris, fut accueilli par les plus plusieurs personnes de la cour, mécontentes ou grandes démonstrations de joie. Quelque temps effrayées, quittèrent Versailles, et puis la France. après, sur l'esplanade où avait été élevée cette fa- | Le roi, assure-t-on, ordonna à son frère, le comte meuse prison d'état, pour laquelle le Dante sem-d'Artois, de partir avec ses deux fils; il donna le blait avoir composé la désolante inscription placée même ordre au duc de Polignac, en l'assurant sur la porte de son enfer, on lisait ces mots de qu'il lui conserverait toutes ses charges. Le prince bonheur Ici l'on danse! de Condé et ses deux fils, le maréchal de Broglie, le maréchal de Castries, plusieurs ministres et favoris quittèrent aussi la cour dans cette même nuit, et le roi se trouva presque seul. La reine perdit encore son confesseur, l'abbé de Vermond, qui, par son influence sur l'esprit de cette princesse, dirigeait, sans être aperçu, le fil de bien des intrigues politiques et de la plupart des résolutions du gouvernement. Tel fut le premier signal de cette nombreuse et imprudente émigration qui attira sur la France une foule de maux affreux, auxquels on fut forcé d'opposer les moyens les plus violents. De ce jour, les Français qui commirent l'immense faute politique de se ranger sous l'étendard de l'émigration, durent être considérés comme des ennemis qui se séparaient volontairement de la cause publique.

Le court espace de vingt-quatre heures avait donc suffi pour changer totalement la face des choses. Naguère Paris craignait les projets de la cour; maintenant Versailles redoutait la vengeance des habitants de Paris. Aussi la seule annonce de l'envoi à Versailles d'une députation, choisie par les soixante districts, pour aller porter au roi les remerciments de Paris, avait-elle causé à la cour une véritable terreur panique, on disait que cette députation était escortée par vingt mille hommes de la garde nationale, et on prédisait les plus grands malheurs. Ce fut vainement que le nouveau maire de Paris chercha à rassurer quelques courtisans ; les alarmes furent si vives qu'elles nécessitèrent un comité secret au château, où fut débattue la question de savoir si le roi ne partirait pas avec les troupes dont il venait d'ordonner la retraite. La reine, dit madame Campan, était de cet avis; et, comme ce qu'elle voulait était souvent la loi de la cour et des ministres, la volonté de cette princesse prévalut d'abord. Elle fit ôter de leurs écrins toutes ses parures de diamants, pour les réunir dans un seul petit coffre qu'elle devait emporter dans sa voiture : elle brûla aussi une grande quantité de papiers, et fit, en un mot, toutes ses dispositions de départ. Le roi paraissait indécis entre son départ avec les troupes et le projet de se rendre à Paris sans troupes pour y calmer les esprits. Il était également prêt à prendre l'un ou l'autre de ces deux partis; mais quelques personnes du conseil, effrayées des suites que pourrait avoir sa fuite avec les troupes dans des circonstances devenues si difficiles, insistèrent fortement pour le parti contraire, et la majorité finit par décider que le roi resterait à Versailles, d'où il irait à Paris se montrer avec confiance aux vainqueurs de la Bastille. La reine céda, mais en pleurant de dépit. Le même soir, tous les nouveaux ministres donnèrent leur démission, et le roi envoya à l'assemblée nationale une lettre de rappel pour Necker.

Ce qui restait de courtisans craignaient si fort le peuple qu'ils ne doutaient pas qu'il n'arrivat quelque malheur au roi, s'il se rendait à Paris; mais rassuré par Bailly, il se décida à partir. Il se mit en route accompagné de deux cents députés, et escorté par la nouvelle milice bourgeoise de Versailles, formée à la hâte et armée de mauvais fusils.

L'avenue de Paris était remplie d'une foule de spectateurs qui regardaient passer Louis XVI dans le plus grand silence, et, au lieu des cris habituels de vive le roi! on n'entendait que celui de vive la nation!

Arrivé à la barrière de Passy, le roi fut reçu par le corps municipal: le maire, Bailly, lui présenta les clefs de Paris, et lui adressa un discours qui commençait par cette phrase : « Ce sont ces mêmes clefs qui furent présentées à Henri IV. : il vint conquérir son peuple; aujourd'hui, c'est le peuple qui conquiert son roi. » Tout, en effet, annonçait une victoire remportée sur le roi. Cent cinquante mille hommes, dont la plupart étaient armés de piques et de faux, offraient un aspect à la fois majestueux et terrible. Les quais, depuis Passy jusqu'à l'Hôtel-de-Ville, étaient bordés de A ces nouvelles se joignit bientôt l'avis officiel ces nouveaux miliciens, sur trois et quatre de du voyage du roi à Paris. L'assemblée vota des re-hauteur; les ponts et l'entrée des rues étaient garmerciments au roi, et nomma une députation nis de canons. Une foule immense placée derrière pour aller faire connaître cette résolution à la les gardes nationaux, donnait à ce vaste tableau

ane teinte lugubre par le silence qu'elle gardait et qui n'était interrompu que par les cris de vive la nation! De temps à autre on entendait aussi quelques décharges de mousqueterie, que des groupes placés sur les quais parallèles faisaient en signe de réjouissance. Ces coups de fusil tirés par des hommes peu habitués au maniement de ces armes, causèrent en ce jour plusieurs accidents graves. On a prétendu, plus tard, qu'ils avaient été dirigés sur la voiture du roi ; mais on ne trouve dans aucun des Mémoires du temps la pensée d'un pareil attentat, dont on eût sans doute beaucoup parlé s'il eût cu la moindre réalité.

Par la démarche que Louis XVI venait de faire, il avait sanctionné toutes les innovations, tous les changements opérés par l'assemblée nationale et par la ville de Paris : il avait consacré, par un aveu public, la nouvelle forme de gouvernement que la capitale s'était donnée, et que les autres villes commençaient à adopter; il avait confirmé de sa bouche la nomination de Bailly aux nouvelles fonctions de maire de Paris, et celle de La Fayette au commandement général de la garde nationale de cette ville immense.

Tout semblait marcher au gré des désirs des patriotes. La nation, en possession du pouvoir législatif et de la force publique, semblait ne devoir éprouver désormais nul obstacle pour la réalisation des réformes dont ses mandataires allaient s'occuper; et le roi paraissait entrer franchement dans les voies constitutionnelles qu'ils avaient com

Le roi descendit à l'Hôtel-de-Ville, et fut obligé de passer sous une voûte d'épées et de piques croisées sur sa tête : il parut ému quand il fut assis sur le trône qu'on lui avait élevé, et un long saisissement l'empêcha de répondre aux discours qui lui furent adressés. On désirait pourtant qu'il ex-mencé à lui tracer. primât ses sentiments, et Bailly l'ayant prié de céder au vœu de la population de Paris, il ne put prononcer que ces mots : Mon peuple doit toujours compter sur mon amour! Cette assurance suffit pour provoquer de nombreux cris de vive le roi! répétés par la foule qui encombrait la place et les quais.

Alors La Fayette, s'avançant vers le roi, lui présenta la nouvelle cocarde tricolore adoptée par les Parisiens, en lui disant : « Sire, je vous apporte une cocarde qui fera le tour du monde. » Ce prince la prit, et la mit à son chapeau. Déjà on avait remarqué que la voiture et les chevaux du roi étaient parés de ces couleurs, et, lorsque le peuple le vit sortir ayant toujours la cocarde tricolore à son chapeau, toutes les figures s'épanouirent, les armes furent renversées en signe de paix, et le peuple accueillit Louis XVI avec les plus vifs transports de joie. « Cette cocarde, dit Bailly, semblait être le signe de la réconciliation et d'une alliance nouvelle entre la nation et le roi : » mais cette alliance ne pouvait être ni sincère ni du

rable.

La même escorte reconduisit Louis XVI jusqu'à la barrière de Passy. Les sentiments contenus dans les discours qui lui furent adressés au nom de la ville de Paris, les transports de joie que les habitants avaient laissé éclater dès qu'ils l'avaient vu paré de la cocarde nouvelle, avaient soulagé le cœur de ce prince, et cependant il ne put s'empêcher de laisser éclater sa joie en apercevant ses gardes-du-corps, qui l'attendaient sur les hauteurs de Sèvres; et quand, à neuf heures du soir, il arriva enfin à Versailles, la reine et sa famille se jetèrent dans ses bras, et versèrent des larmes d'attendrissement, tant ce voyage de Paris leur avait causé d'effroi.

Cependant tout était bien loin d'être terminé; l'aristocratie, et tous ceux qui ne vivaient que d'abus, espéraient encore ressaisir l'influence que le peuple venait de leur arracher violemment. Toujours plus incorrigibles, ils ne voyaient point que toutes les victoires remportées par la cause populaire avaient été le fruit de leur résistance aux idées progressives, et se disposaient à suivre un système dont le résultat immédiat devait être de semer partout la défiance, et de pousser le peuple aux derniers excès. Aussi, dès le jour même où leurs premières terreurs furent calmées, les vit-on mettre tout en œuvre pour parvenir à leur but.

Nous allons donc voir l'aristocratie entraver de tous ses moyens l'assemblée natiouale, à qui elle ne pouvait pardonner son abaissement, soit en semant la division parmi ses membres, soit en attaquant systématiquement tous ses actes. Nous la verrons en même temps puiser dans l'appui des baïonnettes étrangères, vivement réclamé par l'émigration, un courage qui lui manquait, et, par ses conseils et ses démarches imprudentes, rendre le roi suspect au peuple et le perdre, en lui faisant violer ouvertement les serments qu'il prêtait en toute occasion, et avec les apparences de la plus grande sincérité. «Par tous ses actes depuis la prise de la Bastille, a dit Ferrières, l'aristocratie a plus contribué au renversement de la monarchie française, que tous les efforts réunis des soutiens de la cause populaire. »

CHAPITRE VI.

Inquiétude générale. · Disette. Vengeances populaires.
Débats an sujet de ces vengeances. — Paroles de Mirabeau,
de Barnave et de Robespierre. - Démission et réintégration
du général La Fayette. Effroi causé par les brigands.
Armement général. - Incendie des châteaux.
recherches. Secret des lettres.

Comité des

Beaucoup de citoyens espéraient que la démarche que Louis XVI venait de faire serait le signal du rétablissement de l'ordre; mais, malgré les protestations et les promesses du roi, la fermentation des esprits continua dans la capitale, et se communiqua partout avec une grande rapidité. Les Parisiens, étonnés de leurs succès, croyaient que la faiblesse de la cour n'était qu'apparente et cachait des ressources qui leur seraient bientôt funestes. Un sentiment général d'inquiétude s'était emparé de cette population formidable, et les vainqueurs de la Bastille éprouvaient une frayeur secrète, que chaque faux bruit laissait entrevoir. Les hommes opposés à la révolution travaillaient sourdement à ne pas laisser rétablir l'ordre et la tranquillité; tandis que les chefs populaires, qui commençaient à se dessiner, agissaient pour tenir le peuple en haleine, afin qu'il ne se laissât pas endormir par les fausses caresses de la cour. Ces chefs disaient au peuple que la promesse faite par le roi d'éloigner les troupes de la capitale n'était pas sincère; que bientôt on verrait ces troupes retourner sur Paris et e écuter le plan des aristocrates; qualification que l'on donna à tous les adversaires de la révolution indistinctement, et qui devint un titre de proscription. On assurait que déjà deux de ces régiments étaient revenus à Saint-Denis; que les soldats arrachaient à tout le monde la cocarde tricolore, et en bourraient leurs fusils; et que douze cents hommes des hussards de Nassau s'étaient introduits dans Paris, avec le dessein de surprendre les principaux postes, tandis que les autres troupes accourraient s'emparer de la ville. On leur disait encore que le nouveau plan consistait à réduire les habitants de Paris par la famine, et on leur montrait, comme un commencement d'exécution, les convois arrêtés et enlevés par les troupes. On alla jusqu'à faire courir le bruit que les gardes françaises avaient été empoisonnés. Les crédules ouvriers employés à la démolition de la Bastille refusèrent le pain et le vin qu'on leur distribuait, dans la persuasion où ils étaient que les aristocrates avaient fait mettre du poison dans ces aliments: il fallut, pour dissiper leurs craintes, qu'un des électeurs se transportât à la Bastille, et qu'il bût et mangeât devant eux de tout ce qu'on leur distribuait.

sans réflexion, se joignirent bientôt les cris de la faim.

La disette n'était pas réelle en France: quoique la récolte précédente eût été mauvaise, il existait plus de blé qu'il n'en fallait pour attendre la récolte suivante; mais, en ces moments de troubles, la plupart des fermiers n'osaient porter leurs blés aux marchés, dans la crainte de les voir enlever de vive force; d'autres, se flattant de les vendre encore plus cher, les renfermaient. Enfin, quelques-uns de ces hommes qui spéculent sur les calamités publiques, avaient fait des accaparements qui rendaient cette denrée encore plus rare.

Le peuple de Paris se voyant menacé de manquer de pain, s'en prenait à tous ceux qui étaient chargés des subsistances, et les traitait d'aristocrates. Bailly, et tous ces infatigables électeurs, dont les journées et les nuits entières étaient employées à expédier des commissaires partout pour engager les communes à envoyer leur superflu à la capitale, et pour assurer l'arrivée des convois, n'étaient point à l'abri des injures de la populace, laquelle frémissait de rage au seul nom d'accapareur. Jamais on ne la vit se déchaîner avec autant de fureur contre ceux qui lui étaient désignés comme étant la cause de la disette.

A Saint-Germain, le peuple avait massacré un marchand de grains nommé Sauvage, et sa tête avait été promenée dans toutes les rues : un autre marchand, désigné aussi comme accapareur, avait couru les plus grands dangers, et l'assemblée constituante avait été obligée d'envoyer une députation dans cette ville pour y rétablir l'ordre. Les scènes de Saint-Germain ne furent que le prélude de celles, plus horribles encore, dont la capitale allait être le théâtre.

Depuis plusieurs jours on avait désigné à la haine du peuple de Paris l'ancien intendant de l'armée, Foulon, et son gendre, Berthier de Sauvigny, ex-intendant de Paris. On présentait Foulon comme un vieillard d'une ambition démesurée, ayant toujours visé au ministère, sans avoir les talents nécessaires, dans le seul but de satisfaire son insatiable avarice, et de mener les Français avec la dureté qui l'avait fait détester en Westphalie et dans la Hesse, pendant la guerre de 1755; il avait, disait-on, déshonoré le nom français par des concussions scandaleuses et des cruautés inouïes. On le désignait encore comme l'auteur du plan que la révolte du 14 juillet avait fait échouer; enfin on lui attribuait ce propos: « Un royaume bien administré est celui où le peuple broute l'herbe des champs; si jamais je suis ministre, je ferai manger du foin aux Français. » C'est sous ces couleurs que l'on peignait cet an

A tous ces faux bruits que le peuple accueillait | cien intendant, et le propos affreux qu'on lui at

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