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une espérance, dit-il, offrons-lui une réalité; nous avons ordonné que provisoirement les impôts continueraient d'être payés comme ils l'ont été jusqu'à présent, c'est-à-dire que nous avons réservé au clergé et à la noblesse le bénéfice de leurs exemptions, jusqu'à ce qu'elles aient été expressément révoquées. Pourquoi tarderions-nous à prononcer cette révocation dont presque tous nos cahiers nous font une loi? Je propose que, nonseulement dès les six derniers mois de l'année, mais dès le commencement, tous les privilégiés, sans exception, supportent leur part proportionnelle des impositions publiques; et, en attendant que cette assemblée ait établi les principes d'après lesquels la généralité des taxes sera payée, je suis d'avis qu'on renvoie aux assemblées provinciales, aux assemblées des départements et aux municipalités le soin de faire les évaluations nécessaires, et de régler les contributions de la manière la plus équitable.

Cette proposition est suivie d'une foule d'autres.

Derichez propose la justice gratuite pour tout le royaume, et la suppression de la vénalité des charges.

Le comte de Virieu demande la suppression du droit de colombier. « Comme Catulle, dit-il, je regrette de n'avoir à offrir en sacrifice qu'un - moineau. »>

Le duc La Rochefoucauld-Liancourt demande l'affranchissement des serfs dans tout le royaume, et l'adoucissement du sort des esclaves dans les colonies: il prie l'assemblée de s'occuper de cet objet avant la fin de la session.

Thibault, curé de Souppes, offrant au nom de sés confrères le denier de la veuve, demande qu'il leur soit permis de sacrifier leur casuel.

Duport s'oppose à cette motion, et demande, au contraire, que les portions congrues des curés soient accrues : il motive son opinion sur l'utilité et le patriotisme de cette classe du clergé. L'assemblée se prononce unanimement pour cette motion.

M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, dépeignant avec énergie les maux de la féodalité, insiste sur la nécessité de prévenir son retour par la prohibition de toute convention féodale que la misère pourrait dicter aux paysans. L'orateur rappelle les maux, non moins effrayants, que l'extension arbitraire des impôts, et surtout des droits de la gabelle et des aides, a produits dans le royaume. Il en demande la suppression.

Un autre genre de sacrifices succède aux précédents. Les provinces suivent l'exemple de la noblesse et du clergé, en renonçant à leurs priviléges, chartes, franchises et capitulations.

Le comte d'Agoult et M. de Blacons, députés du Dauphiné, proposent les premiers cette renonciation. Ils émettent le vœu que toutes les provinces suivent leur exemple.

Plusieurs députés de Bretagne demandent la parole; mais le président, Chapelier, les prévient. II se félicite de trouver une si belle occasion de faire connaître le vœu de sa province, vœu qui tend à renoncer à tous les priviléges, dans l'attente du bonheur que la constitution prochaine promet à la France entière.

Les députés de la Provence déclarent faire le même abandon; ils se réservent toutefois de le communiquer à leurs commettants. Ceux de Sémur imitent le même exemple.

Le baron Marguerite, au nom des députés du Languedoc, prend la parole:

« Quoique nos mandats, dit-il, ne nous autorisent pas à renoncer aux priviléges particuliers de la province, assurés néanmoins des vœux de nos commettants, et de la haute estime que leur doit inspirer l'exemple des autres provinces, nous nous empressons de déclarer à l'assemblée. que, dans tous les temps, leurs commettants aimeront à se conformer à leurs décrets, qu'ils souscriront aux établissements généraux que la sagesse leur inspirera pour l'administration des provinces, et qu'ils s'estimeront heureux de se lier, par de pareils sacrifices, à la prospérité générale de l'empire. »

L'évêque d'Uzès, élevant la voix au milieu des cris de joie qui retentissent dans la salle, reconnaît en ces termes les droits de la nation sur les biens du clergé : « Il me serait bien doux, dit-il, d'être possesseur d'une terre pour en faire le sacrifice, en la remettant entre les mains de ses habitants; mais nous avons reçu nos titres et nos droits des mains de la nation, qui seule peut les détruire. Nous ne sommes pas les représentants du clergé ; nous assistons aux états de la province à des titres particuliers, et nous n'en avons d'autres que celui de dépositaires passagers. Nous ferons ce que l'assemblée nationale statuera sur ce point, et nous nous livrons à sa sagesse.»

Les évêques de Nîmes et de Montpellier adhè rent à la déclaration de l'évêque d'Uzès. Le premier ajoute la demande expresse de l'exemption des impôts et charges en faveur des artisans et des manœuvres qui n'ont aucune propriété.

Le duc de Castries, représentant de la vicomté de Paris, donne sa démission de la baronnie du Languedoc entre les mains de la nation.

MM. Latour-Maubourg, d'Estourmel et de Lameth renoncent aux baronnies qu'ils possèdent dans l'Artois, et qui donnent entrée aux états de cette province.

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Les communes de Lyon et de Marseille renon

tablissement de la liberté civile et les généreux sacrifices que les représentants de la nation franUne foule d'autres renonciations du même çaise viennent de faire au bonheur public. Ce qui

cent à leurs priviléges.

genre se succèdent sans interruption.

Un député d'Amont rappelle à l'assemblée les vœux de son bailliage pour la suppression de la vénalité des charges de magistrature, offrant, au nom de ses commettants, de les rembourser dans quatre années successives.

Cette proposition est reçue avec transport. Plusieurs membres demandent hautement la suppression des parlements, lorsqu'un des secrétaires, Fréteau, saisit cette occasion pour offrir aux représentants de la nation l'hommage des cours de justice. « Après le sacrifice si noble, dit-il, que le roi a fait de son ancienne prérogative relativement à la législation exclusive de la France, prérogative presque consacrée par la jouissance dans Jaquelle nos monarques s'étaient maintenus à cet égard pendant huit siècles, et même les princes les plus vertueux, les Louis IX, les Louis XII et les Henri IV, il ne reste rien aux officiers de la cour du roi à offrir à la nation qui soit digne d'elle et de ses glorieux exemples. Les vaines prérogatives des charges, l'hérédité des offices, les commet tants, la noblesse transmissive, quelques exemptions pécuniaires, tous les droits qui n'intéressent que les individus, et non la nation entière, ne peuvent être d'aucun poids à mes yeux, ni à ceux de mes collègues, ni faire la matière d'un sacrifice vis-à-vis des représentants du peuple français. Tout ce qui est en leur pouvoir, ils l'offrent par mon organe, savoir un dévouement sans bornes à l'exécution des lois nationales; une étude de tous les jours, et une application infatigable pour en connaître l'esprit, pour en étendre et en assurer l'empire, et surtout pour fonder et affermir dans le cœur des justiciables qui leur seraient assignés le respect profond pour les droits de l'homme qui ont dicté en ce moment aux princes, aux illustres corporations des grandes cités, aux provinces entières, les sacrifices qu'exigent la liberté, la sûreté, l'honneur et la prospérité de tous les habitants du royaume. »

Un député du Beaujolais demande la réforme des lois relatives aux corporations d'arts et métiers; dans lesquelles les maîtrises sont établies, et leur perfectionnement dans le cas où elles ne seraient pas supprimées.

est accepté par acclamation.

Le duc de Liancourt demande encore qu'une médaille soit frappée pour consacrer cette nuit mémorable, dont le souvenir, dit-il, doit retentir dans la postérité; et l'assemblée adopte également par acclamation la proposition de M. de Liancourt.

Tous les sacrifices ne sont pas encore épuisés. Deux curés, Goulard, curé de Roanne, diocèse de Lyon; et Duvernai, curé de Villefranche, s'approchent du bureau, et demandent l'exécution des lois canoniques contre la pluralité des bénéfices. Prêchant d'exemple, ces deux respectables prélats déclarent qu'ils renoncent à deux bénéfices simples qu'ils possèdent, et ne se réservent que les fonctions pénibles de leur cure. Un troisième curé fait annoncer par un des secrétaires une pareille renonciation: joignant la modestie à la générosité, il cache son nom; et l'assemblée respecte son secret.

L'évêque de Coutances demande la suppression d'un droit perçu au profit des évêques, connu en Normandie sous le nom de départ, et, dans quelques diocèses du Midi, sous celui de voccat.

Gossuin déclare, au nom de la ville de Bar-leDuc, qu'elle renonce aux priviléges dont elle jouit depuis plusieurs siècles, relativement à l'exemption de toute imposition.

Biauzat abandonne, au nom de la ville de Clermont-Ferrand, les franchises, les abonnements et priviléges de cette ville.

Le marquis de Gouy propose l'institution d'une fête nationale destinée à célébrer l'anniversaire du 4 août, et qui commencerait à pareille heure que la délibération de cette journée à jamais célèbre.

Un député de la Lorraine demande que le roi soit immédiatement instruit des résolutions prises dans cette séance mémorable.

Enfin, pour terminer cette imposante délibération, Lally-Tolendal se lève et dit : « C'est au milieu de la nation que Louis XII fut proclamé le père du peuple; c'est au milieu de l'assemblée nationale que Louis XVI doit être proclamé le restaurateur de la liberté française. »

Cette dernière proposition est votée par accla

Un autre député propose la liberté religieuse mation. pour les non-catholiques.

Un député de Lorraine demande la suppression des droits perçus par la cour de Rome.

M. de Juigné, archevêque de Paris, saisit ce Moment d'enthousiasme pour offrir à l'assembiée un Te Deum en actions de grâces pour le ré

A une heure et demie du matin, Chapelier, qui présidait, passe en revue chacune des différentes motions présentées dans la séance, et propose de les sanctionner dans la forme ordinaire des délibérations; mais la rédaction en fut renvoyée à un comité particulier.

Ainsi se termina cette fameuse séance, dans laquelle furent consommées les plus importantes réformes de la révolution; nuit mémorable où se signalèrent à l'envi la générosité française, et cette pétulance qui fait la base de notre caractère national. Les grands sacrifices qui y furent faits au bonheur de la nation firent jeter les hauts cris aux ennemis du nouvel ordre de choses. Les uns l'appelèrent la nuit des dupes; les autres la qualifièrent de Saint-Barthélemy des propriétés ; un écrivain osa l'appeler une orgie législative; et un autre, non moins irrité, écrivit que l'assemblée n'avait cessé d'offrir, durant toute la nuit, l'aspect d'une troupe de gens ivres, placés dans un magasin de meubles précieux, qui cassent et brisent à l'envi tout ce qui se trouve sous leurs mains. Mais il eût été beaucoup plus juste de dire, comme ne cessait de le répéter le député Grégoire, que ce fut une journée où la liberté, l'égalité et l'humanité firent un grand abattis dans l'immense forêt des abus. Ajoutons que durant cette nuit mémorable, l'assemblée montra constamment autant de force que de mesure '.

'On s'est beaucoup récrié sur l'exagération de plusieurs des droits contre lesquels des membres de l'assemblée s'étaient

élevés, et l'on a méme prétendu que quelques-uns de ces droits impudiques on inhumains n'avaient jamais existé; mais l'histo

rien Dulaure a prouvé que, ni le Guen de Kérendal, ni Lapoule, n'avaient exagéré les atrocités qu'ils dénoncèrent; et que si ces droits honteux et criminels étaient tombés en désuétude, il n'est pas moins vrai qu'ils avaient existé. Voici les preuves que Dulaure nous offre.

• Le Guen de Kérendal veut certainement parler de cette prestation féodale, qui autorisait les seigneurs à ravir aux nouveaux époux les prémices du mariage; prestation qu'on nommait marcheta, jus cuni; prémice et déflorement, etc. Pendant les siècles de barbarie, que les ignorants appellent le bon vieux temps, elle était en usage dans presque toute l'Europe et dans toutes les provinces de la France. Entre mille exemples, je ne citerai que les suivants :

» La sénéchaussée de Guyenne condamna, le 13 juillet 1302, Catherine Foscarol et Guillaume de Bécaron, à obéir au seigneur de Planquefort, afin qu'il prenne son droit sur la nouvelle épouse, et à faire amende honorable, à genoux, devant ce seigneur, auquel ces deux époux indociles avaient refusé ce droit.

» Les seigneurs ecclésiastiques exerçaient aussi cette tyrannie. L'historien du Quercy dit (tome 1, page 132) que les moines de Saint-Théodard de Montauban percevaient cette prestation. Les chapitres d'Amiens, de Macon, de Lyon, etc., en usaient de même envers les jeunes épousées; mais au quatorzième siècle, ils furent obligés de convertir cette abominable servitude en une prestation pécuniaire.

> Bohérius dit avoir vu, au seizième siècle, un procès intenté à la cour du métropolitain de Bourges, par un curé, du Berry, qui réclamait impudemment le droit de coucher la première nuit des noces avec les jeunes mariées de sa paroisse.» (Voyez les Glossaires de Ducange et de Carpentier, au mot Marcheta; et les coutumes anglo-normandes, livre IV, tome II, page 249).

» Quant à l'abominable coutume dont le député Lapoule a parlé, ajoute Dulaure, les notions que j'ai recueillies m'obligent à dire qu'elle a existé, mais qu'elle n'a pas été exactement exposée à la tribune de l'assemblée nationale. Elle paraît n'avoir été en vigueur que dans quelques cantons de la FrancheComté et de la Haute-Alsace; et ce n'était point au retour de la chasse, ni pour se délasser. que les seigneurs se livraient à cet acte de cruauté. Voici les faits:

› Les comtes de Montjoie, les seigneurs de Mêches et quel

Toutefois, ces grandes et utiles réformes ne furent pas décrétées par l'assemblée nationale sans que quelques ecclésiastiques et quelques nobles de province ne montrassent des repentirs tardifs. Le marquis de Thiboutot voulut faire déclarer que le rachat pouvait seul libérer des redevances féodales; et l'abbé Gouttes demanda que les fonds provenant du rachat des dimes fussent placés en fonds de terre, au profit du clergé. Mais Mirabeau soutint que la dîme n'était point une propriété, et qu'elle ne pouvait être considérée que comme une jouissance annuelle: son discours provoqua non plus le rachat, mais l'abolition des dimes.

Le lendemain, quelques curés déclarèrent qu'ils les remettaient et en faisaient abandon dans les mains de la nation. Une foule d'autres curés se lèvent aussitôt pour adhérer à cette déclaration, et se présentent au bureau pour la signer. Alors l'archevêque de Paris demande la parole.

« Au nom de mes confrères, dit ce prélat, au nom de mes coopérateurs, et de tous les membres du clergé qui appartiennent à cette auguste assemblée, en mon nom personnel, messieurs, nous remettons toutes les dîmes ecclésiastiques entre les mains d'une nation juste et généreuse. Que l'Évangile soit annoncé, que le culte divin soit célébré avec décence et dignité, que les églises soient pourvues de pasteurs vertueux et zélés, que les pauvres du peuple soient secourus: voilà la destination de nos dîmes. Voilà la fin de notre ministère et de nos vœux. »

ques autres de ces cantons, lorsque, suivis de leurs chiens et de leurs serfs, ils chassaient pendant l'hiver, et qu'ils se sentaient les pieds froids, pouvaient, pour se les réchauffer, faire éventrer quelques-uns de ces paysans, et placer les pieds dans leurs entrailles fumantes.

M. le curé Clerget, député à l'assemblée constituante, dans un ouvrage sur les droits féodaux, intitulé Cri de la Raison, publié à Besançon, en 1789, est mon autorité. Voici ce qu'il dit (livre II. chapitre vii): Il est des seigneurs qui se sont arrogé le droit de faire, pendant l'hiver, à la chasse, éventrer leurs serfs pour se réchauffer les pieds dans leurs entrailles palpitantes.

M. le comte de....., ajoute-il, plaidait au parlement; il s'agissait de plusieurs droits féodaux qui !ui étaient contestés par ses sujets. Ceux-ci prétendaient que l'abonnement qui avait établi, en faveur du seigneur, les diverses prestations exigées par lui, n'avait plus de valeur, parce que le terme de sa durée était expiré depuis longtemps. L'acte d'abonnement fut produit et sa date vérifiée. On y vit avec horreur que les habitants de.... s'étaient soumis à des corvées à bras, et avaient promis de payer, dans le cours de soixante ans, des redevances en blé et en avoine, à condition que le seigneur, de son côté, renoncerait, pendant le cours de cet abonnement, à son droit de les conduire à la chasse, et de les faire éventrer, en hiver, pour se réchauffer les pieds dans leurs entrailles.

› Le magistrat, rapporteur de ce procès, indigné à la vue de cette pièce, dit au comte, ajoute M. Clerget: l'ignore comment vos aïeux vous ont acquis un droit si étrange; mais je sais qu'il rend suspect à mes yeux vos autres droits seigneuriaux.

C'était bien là ce que tous les paysans devaient dire à ceux dont les ancêtres s'étaient servis de la force pour établir des droits que la nature réprouvait, et que la raison devait abolir.

Ce discours, où respire la douceur évangélique, fut accueilli avec enthousiasme. Ces offres généreuses furent acceptées, et les dimes supprimées sans rachat, sauf à pourvoir dignement à l'entretien du culte et de ses ministres.

Ce nouveau sacrifice fut compris dans le décret en dix-neuf articles, rédigé, après sept jours d'une discussion vive et animée, et qui fut présenté au roi par l'assemblée entière, avec le titre de restaurateur de la liberté française, que la flatterie venait de lui décerner. Le roi, se trouvant dans l'impossibilité de s'opposer à ce qui avait été fait, accepta ce titre, et invita les députés à aller avec lui rendre grâces à Dieu des sentiments généreux qui avaient dicté tous ces sacrifices à la paix publique.

Une médaille fut frappée pour perpétuer le souvenir de la nuit du 4 août : on y lisait ces deux légendes: Louis XVI restaurateur de la liberté française. Abandon de tous les priviléges.

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sion et d'espérance succédèrent bientôt des jours d'inquiétude et de découragement.

L'assemblée nationale venait de détruire toutes les anciennes institutions; elle avait, pour ainsi dire, créé le chaos d'où elle se proposait de tirer un nouvel ordre de choses plus adapté aux progrès des lumières, et par conséquent plus favorable à tous les Français qui avaient gémi si longtemps sous le despotisme et sous les priviléges de toute espèce. Maintenant il fallait assurer à la nation entière la liberté, pour laquelle elle s'était levée en masse, et l'égalité, qui était le but de tous ses efforts. La liberté existait de fait depuis le 14 juillet; l'égalité venait d'être établie par l'abolition de tous les priviléges. Il ne restait donc qu'à régulariser le nouveau système sur lequel devait être basé le gouvernement de la France régénérée, c'est-à-dire qu'à donner à la nation la constitution qu'elle attendait de ses mandataires. Mais avant de passer à la discussion de cet acte fondamental, il fallait aussi prendre les moyens de faire cesser les désordres que commettaient partout des populations étonnées d'une liberté dont elles jouissaient pour la première fois, et à laquelle elles ne supposaient point de limites. Il fallait surtout pourvoir aux besoins du trésor; car le peuple des campagnes, se croyant affranchi de tout impôt, et la perception des contributions n'étant plus aidée par aucun moyen coërcitif, il ne rentrait pas un écu, dans un moment où la crainte d'une disette obligeait le gouvernement à faire de grands achats de blé à l'étranger.

Dans cet état de crise, de grandes mesures étaient nécessaires : les ministres se rendirent en corps à l'assemblée pour provoquer ces mesures. Le garde-des-sceaux y fit d'abord l'exposé de la situation de la France; elle n'était pas rassurante.

Necker prit ensuite la parole, et entretint l'assemblée du triste état des finances. Il déclara qu'au moment de son retour il n'avait trouvé que quatre cent mille francs au trésor; que le déficit était énorme et le crédit anéanti; que les dépenses extraordinaires et les diminutions survenues dans les recettes lui causaient le plus grand embarras. 11 parla des immenses secours en blé que le roi avait été obligé de fournir au royaume; des tra

L'accord qui avait régné dans l'assemblée nationale pendant la nuit mémorable du 4 août, accord dû à cet élan patriotique qui, dans tous les temps, fit faire de si grandes choses, ne tarda pas à être détruit. L'assemblée se composait d'éléments peu propres à se maintenir en harmonie: si l'on y comptait un grand nombre de patriotes désin-vaux extraordinaires qu'il avait fait exécuter autour téressés et n'ayant d'autre désir que le bonheur du peuple, on y voyait aussi des hommes dont les intérêts étaient en opposition avec ceux de la nation, et d'autres qui, peut-être sans s'en douter, se laissaient diriger par la faction ennemie de la révolution. On avait bien pu confondre tous ces partis naissants dans un moment d'enthousiasme; mais ce moment passé, chacun en revenait à ses idées à ses proiets. C'est ainsi qu'à un jour de fu

de Paris pour occuper les douze à quinze mille ouvriers qui manquaient de travail. Necker parla des retards qu'éprouvait le paiement des vingtièmes, de la taille, de la capitation, ainsi que de la suspension de la perception de beaucoup d'autres droits, contre lesquels le peuple s'était revolté. Enfin, ce ministre proposa, en attendant la réorganisation des administrations et le rétablissement des perceptions, un emprunt de trente millions,

tirent aussi, et pour la première fois, de l'uniforme de garde national, lequel consistait dans l'habit bleu, revers blancs, collet et parements rouges; le gilet était blanc et la culotte bleue : les couleurs que la nation avait adoptées se trouvaient ainsi réunies dans cet uniforme.

afin de satisfaire aux engagements et aux dépenses inévitables pendant l'espace de deux mois. L'intérêt de cet emprunt était fixé à cinq pour cent. A peine Necker avait-il fini de parler, que le comte de Clermont-Lodève propose de voter cet emprunt sans désemparer et par acclamation. « Je demande, s'écrie Mirabeau, la proscription de ce vil esclave. » Et au lieu de voter comme l'avait demandé Clermont-Lodève, plusieurs députés ré-présumant trop du patriotisme des prêteurs de proclament une délibération, et l'absence des ministres, qui se retirent aussitôt.

Alors le marquis de Foucault déclare que ses commettants lui ont interdit le vote de tout emprunt; mais qu'il se porte caution pour eux pour la somme de six cent mille livres, montant de sa fortune. Ce généreux désintéressement excite celui de l'assemblée; mais un membre s'élève contre le gouvernement. «Sans doute, dit-il, le gouvernement est dans la détresse ; mais il n'y est qu'après avoir multiplié les déprédations. Ces déprédations subsistant encore en grande partie, cst-il étonnant qu'il ait perdu sa force et son énergie? est-il étonnant qu'il soit tombé dans la degradation et le discrédit? De toutes parts on bâtit des écuries superbes, des palais pour le garde-meuble, des hôtels pour les chiens de chasse. Le roi est sans cesse accompagné de meutes, de troupes de chasseurs. Est-ce donc pour payer des dépenses aussi insensées que l'on demande trente millions? » Cette sortie violente contre le roi calme Mirabeau, que le plan de Necker avait irrité. Il s'empare de l'idée de Foucault, et en fait une proposition générale. Il offre de faire l'emprunt, sous l'engagement des membres de l'assemblée. Mais ce moyen n'est pas adopté.

Plus adroits que Mirabeau, le marquis de Lacoste et Alexandre Lameth proposent d'offrir en gage, aux créanciers de l'état, les biens du clergé. L'assemblée ne donna aucune suite à cette idée, qui renfermait en elle seule tous les moyens de sauver la France de la crise financiere où elle se trouvait elle fut même accueillie par quelques murmures; mais elle n'en retentit pas moins dans toute la France, et le peuple vit dans cette mesure le seul moyen d'éteindre la dette publique, et de diminuer les impôts.

D'un autre côté, l'assemblée décréta l'emprunt des trente millions demandés par Necker; mais,

fession, elle crut pouvoir réduire l'intérêt au taux de quatre pour cent; aussi l'emprunt ne se remplit-il pas; beaucoup de gens le discréditèrent à la bourse; et, au bout de vingt jours, il n'y avait encore que 2 millions 600 mille livres de soumissionnés.

Le mauvais résultat de cet emprunt obligea Necker d'en proposer un autre de 80 millions, moitié en argent, et moitié en effets publics, avec l'intérêt à cinq pour cent. Cette fois l'assemblée le vota sans examen. Mais le crédit public était trop fortement ébranlé; la France, et principalement la ville de Paris, étaient d'ailleurs bien loin de renfermer le grand nombre de riches capitalistes qu'on y trouva vingt-cinq ans après. Ce second emprunt ne fut pas plus heureux que le premier.

Ne doutant pas que le patriotisme qu'on n'avait pu trouver chez les prêteurs n'existât, avec tout le désintéressement et la générosité qu'il porte en soi, dans les autres classes de la nation, on eut alors recours au moyen des dons patriotiques. Une noble émulation s'empara de tous les Français; tous s'empressèrent d'adresser leurs offrandes à la patrie. Une espèce de lombard fut ouvert à la porte de l'assemblée, et l'on vit une multitude de femmes y apporter leurs bijoux. Les députés voulant, eux aussi, mettre quelque chose dans le panier des offrandes nationales, ôtèrent tous les boucles qu'il avaient à leurs souliers, et les mêlèrent à la vaisselle, aux diamants et autres objets de valeur qui étaient apportés à la barre. Enfin le roi et la reine jugèrent politique de suivre l'exemple général, et envoyèrent leur vaisselle à la Monnaie, malgré les représentations de l'assemblée, qui croyait que le roi devait s'en abstenir. Mirabeau dit à cette occasion qu'il pensait de même, quoiqu'il ne s'appitoyât pas aisément sur la faïence des riches et la vaisselle des rois.

Deux jours après, l'assemblée répondit à la démarche des ministres. D'un côté, elle publia une proclamation pour rétablir l'ordre; les municipalités étaient chargées de poursuivre les perturba- Sans doute que, dans le nombre des donataires, teurs, de prohiber les attroupements séditieux, et quelques personnes ne se montrèrent généreuses de dresser une liste des gens sans aveu. En même que par imitation ou par ostentation, mais il est temps, elle fit prêter le serment, à toutes les trou-juste aussi de dire que le plus grand nombre fut pes nationales et de ligne, d'être fidèles à la na- entraîné par le pur amour de la patrie; car, lorsque tion, à la loi et au roi. Ce fut le premier serment l'assemblée nationale voulut régulariser l'acceptasacrifices, et ordonner qu'ils seraient fait, en France, à la nation. Les citoyens se revêtion de ces

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