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rendus publics par la voie de l'impression, la plu- | aux partis qui divisaient l'assemblée nationale; et part des donataires gardèrent l'anonyme. Pendant ces ardentes questions furent avivées par le rapplus de trois années consécutives la tribune re- port de Lally Tollendal, fait au nom du comité de tentit de dons patriotiques, qui s'élevèrent à de constitution. grandes sommes; mais, en ce moment de pénurie et de presse, ils ne dépassèrent point quatre à cinq millions; somme tout à fait insuffisante pour parer aux besoins de état. Necker fut oblige de présenter à l'assemblée une mesure extrême : il peignit vivement la détresse du trésor; déploya le tableau des causes qui l'aggravaient à chaque instant; déclara franchement que toute tentative d'emprunt était désormais inutile, puisque ce serait harceler maladroitement la confiance publique, et demanda une contribution patriotique du quart du revenu de chaque citoyen. Il accompagna cette proposition du don de cent mille livres, qu'il déposa en billets de caisse sur le bureau, en disant que cette somme excédait le quart de ses

revenus.

Cette proposition ne parut point sourire à l'assemblée la discussion était sombre, menaçante même pour le ministre; à chaque instant elle se ́surchargeait de nouveaux incidents, qui tendaient a la ruine des finances. Mirabeau, comprenant alors tout le danger que la révolution va courir, 's'élance à la tribune : au milieu de l'exaltation de toutes les têtes et de mille propositions contradictoires, il foudroie de toute son éloquence et de la toute-puissance de son génie les tergiversations de l'assemblée dans des moments aussi précieux, ét termine un discours des plus remarquables en s'écriant : « La banqueroute, la hideuse banqueroute est là; elle menace de consumer vous, vos propriétés, votre honneur, et vous délibérez !... » Et l'assemblée entière, entraînée par l'éloquence 'de Mirabeau, vota la contribution du quart du

revenu.

Mais la perception de cet impôt ne répondit pas à l'attente de ceux qui l'avaient proposé il devait combler le déficit de l'année courante, et ce fut à peine s'il produisit quatre-vingts millions, dans l'espace de trois ans.

L'assemblée nationalé était loin de prévoir ce résultat; aussi se crut-elle débarrassée de tous soins relatifs aux finances, et s'occupa-t-elle de la constitution que l'on demandait de toutes les parties de la France. La discussion sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen fut reprise pour la troisième fois : et il en résulta cette même déclaration, qui fut placée à la tête de l'acte constitutionnel.

On commença enfin à discuter les bases de la constitution, et l'assemblée reconnut qu'avant tout elle devait déterminer l'organisation du corps législatif. Ici des questions vitales se présentaient

Lally, qui était de la même nuance aristocratique que Mounier, Clermont, Virieu, etc., eut le courage de proposer, après l'abolition des privilèges, ce que Necker avait à peine osé indiquer lors de l'ouverture des états généraux. D'après ce projet, le corps législatif devait être divisé en deux chambres un sénat et une chambre des représentants. Il ne pouvait point être permanent; le roi devait le convoquer aux époques fixées par la constitution; il pouvait le proroger, et même le dissoudre. Enfin la sanction royale était nécessaire à la formation de la loi. C'était, à peu de chose près, la constitution anglaise, avec sa mystérieuse balance des trois pouvoirs.

Le projet présenté par Lally, et dont les principales dispositions étaient déjà frappées de défaveur par l'opinion publique, éprouva aussi une grande opposition dans l'assemblée. Ni l'autorité de Montesquieu, ni celle de Delolme, ni l'éloquence de Lally, ni la dialectique de Mounier, ni l'appui de Necker et de ses collégues ne purent vaincre la répugnance des amis de la liberté pour les deux chambres et pour la périodicité du corps législatif. Le projet du comité était donc rejeté par avance.

Toutefois, l'assemblée en ordonna l'impression, par déférence pour son comité; mais quand on en vint à la discussion, il se trouva que les idées de Lally ne convenaient qu'à quelques petits ambitieux, qui n'avaient rêvé un sénat que pour y occuper une place.

Cette discussion n'en fut pas moins longue et souvent orageuse: on commençait à s'apercevoir qu'il ne régnait plus dans l'assemblée nationale cet accord de principes et de vues que la nuit du quatre août avait fait espérer : on y remarquait bien distinctement un côté droit et un côté gauche, qui se subdivisaient encore en diverses fractions, et ces divisions se manifestaient autant par la place que les membres de ces partis occupaient relativement au fauteuil du président, que par les doctrines qu'ils professaient.

Le côté droit, que le peuple qualifiait de côté aristocrate, aurait voulu que le roi de France fût plus que le premier magistrat de la nation; tandis que le côté gauche, que l'on appelait alors le Palais-Royal, trouvait que cette première magistrature était encore une assez belle part, et qu'en accordant plus de pouvoir au roi, on ne tarderait pas à se rapprocher de l'ancien régime, par les empiétements journaliers que les ministres ne manqueraient pas de faire sur le pouvoir législatif.

Parmi les membres de ce côté droit, les parti- | bres intriguèrent de tous leurs moyens pour faire sans des chimères féodales s'opposaient à l'établis- adopter leur plan; ils furent réduits au silence sement d'un sénat, parce que cette nouvelle di- par les murmures d'une grande majorité : la dignité, pouvant élever au-dessus de l'ancienne vision du corps législatif fut rejetée par 849 voix, noblesse de simples gentilshommes, et même des contre 89. roturiers, devait dégrader l'antiquité des parchemins. Suivant Toulongeon, la petite noblesse ne voulait pas non plus d'une chambre haute, dans la crainte de la voir envahie exclusivement par les anciens seigneurs, et de n'y point trouver de place pour elle.

Les amis de la liberté, dit un autre historien contemporain, ne voyaient dans l'établissement d'un sénat qu'un asile pour l'ancienne aristocrație, et le berceau d'une nouvelle plus dangereuse encore, en ce qu'elle plaçait, dans le sein de l'assemblée nationale, un germe de corruption, un appât pour les ambitieux, un aliment à ces funestes préjugés de distinctions et de prééminence si contraires à l'esprit et au but de la révolution. Rabaut-Saint-Étienne, dans un excellent discours qu'il prononça sur cette question, démontra que l'établissement de la haute chambre, en Angleterre, n'avait eu originairement pour objet ni de suspendre la marche précipitée des représentants du peuple, ni de réprimer les efforts dangereux des communes contre l'autorité royale; mais que c'était un traité d'accommodement, une espèce de capitulation entre l'orgueil des grands et l'esprit de liberté de la nation : « C'est un reste du gouvernement féodal, dit-il, et nous avons proscrit la féodalité. »

Il fut facile à cet orateur de prouver que la nature même des choses répugnait à toute division de la puissance législative : la nation représentée, disait-il, est une; donc le corps représentatif doit être un. L'assemblée nationale est instituée pour former, recueillir et proclamer la volonté générale: cette volonté est une et indivisible; il serait donc inconséquent de diviser le corps législatif en deux sections pour en faire sortir une même volonté. Un seul Dieu, avait conclu ce député, une seule ration, un seul roi, une seule chambre. »

Ainsi de toutes les fractions de cette nombreuse assemblée, il n'y eut plus que le faible parti, à la tête duquel marchaient Mounier, Necker, Lally, Clermont et Virieu, qui osât demander les deux chambres.

Déjà même on apercevait le parti démocratique, représenté par Pétion, Grégoire, Robespierre, Garat, etc.; et ce parti nouveau, dit Ferrières, laissant loin derrière lui ces petits ambitieux imprévoyants, et riant de pitié à l'idée du sénat et des sénateurs, marchait à pas de géant vers la grande révolution qu'il méditait.

La question de la permanence de ce corps fut aussi résolue affirmativement à la presque unanimité, qui décida également que l'assemblée des représentants conserverait le nom d'assemblée nationale.

Une question non moins importante acheva de diviser l'assemblée : les publicistes et tous les journalistes s'en occupèrent vivement, et la France entière s'en mêla: elle fut la cause des troubles qui éclatèrent de nouveau au sein de la capitale, et prépara les fameuses journées des 5 et 6 octobre. C'était celle du veto, c'est-à-dire du droit accordé au monarque de sanctionner ou de rejeter les lois. En général, l'assemblée admettait ce principe comme l'équilibre indispensable entre le roi et le corps législatif; mais elle était partagée sur la nature et l'étendue de ce droit. Les uns voulaient que le veto eût un effet absolu, c'est-à-dire qu'il anéantît les délibérations du corps législatif, et rendit la loi portée nulle; les autres voulaient que le veto n'eût qu'un effet suspensif, propre seulement à suspendre l'exécution de la loi pendant un temps déterminé. La discussion fut des plus vives: Mounier, l'abbé Maury, Lally et tout le côté droit soutenaient le veto absolu. Sieyes, toujours conséquent avec lui-même, toujours logique dans ses raisonnements, repoussait le velo, comme il avait repoussé les deux chambres. Thouret, Barnave, Alexandre Lameth ne voulaient pas accorder le veto, ou le voulaient seulement suspensif.Mirabeau, qui avait pourtant voté contre les deux chambres, défendit le veto absolu, en disant que, sans la sanction du roi, il aimerait mieux vivre à Constantinople qu'à Paris. Néanmoins on le vit presque aussitôt se réunir aux Lameth, à Dupont et à Barnave pour proposer aux membres du côté droit un projet d'accommodement, qui ne réussit pas à cause de l'inflexibilité de Mounier sur plusieurs points constitutionnels. Ce fut alors qu'Alexandre Lameth dit à Mounier « Puisque vous refusez les modifications que nous vous avons proposées, nous verrons qui l'emportera. Nous formerons un comité nombreux; nous éclairerons les esprits; nous dirons hautement ce que nous pensons de la sanction, et nous ferons tous nos efforts pour borner, en matière de législation, la prérogative royale à un simple velo suspensif. »

Les députés dont Lameth venait de se rendre l'organe ne tardèrent pas a mettre ce plan à exéCe fut en vain que les partisans des deux cham-cution. Ils se rendirent immédiatement à Paris,

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et y annoncèrent qu'il existait une coalition entre | part à la tête de quatre à cinq cents des clubistes la noblesse, le clergé et cent vingt députés des du Palais-Royal. Mais la députation fut obligée communes, pour donner au roi le veto absolu, de retourner au café de Foy, La Fayette ayant dont celui-ci devait se servir pour annuler les dé- fait poster aux barrières par où elle devait pascrets de l'assemblée nationale favorables à la na- ser des troupes destinées à l'empêcher d'aller tion, et principalement ceux de la nuit du 4 août. plus loin. En un instant ce bruit se répand et s'accrédite: dans tous les cafés et dans tous les clubs on crie que la liberté est menacée, que la patrie est en danger. Les esprits s'échauffent le Palais-Royal | est en mouvement; Paris tout entier s'agite et se prononce énergiquement contre le veto: on s'écrie que le veto va détruire tout ce qui a été fait d'avantageux à la nation depuis la convocation des états généraux; que c'est une invention des aristocrates, contre laquelle il faut bien se tenir en garde; et l'on finit par déclarer que si les aristocrates persistent à vouloir donner au roi un veto contraire à la souveraineté du peuple, et qui pouvait bien appartenir à 25 millions de citoyens, mais jamais à un seul, quinze mille hommes marcheraient pour aller incendier les châteaux. Dès lors ce mot de veto fut personnifié par le peuple; et dans ce moment d'irritation, tous ceux qui n'aimaient plus le roi, et qui commençaient à détester la reine, ne leur donnèrent plus d'autre nom: on les appelait, même en public, monsieur et madame Velo.

Quelques historiens ont inventé à plaisir des anecdotes par lesquelles ils ont voulu faire croire que le peuple n'entendait même pas la signification de ce fameux mot, contre lequel il se prononçait avec tant de force: il est vrai que le peuple ne comprenait probablement pas le sens littéral de ce mot, mais son gros bon sens lui faisait trèsbien comprendre la question qui divisait l'assemblée, et il la résumait assez bien quand il s'écriait que ce mot était l'équivalent de la plus intolérable tyrannie.

Quant aux patriotes du Palais-Royal, ils ne s'arrêtent pas à jouer sur les mots : ils délibèrent une adresse à l'assemblée nationale, dans laquelle ces citoyens déclarent qu'ils connaissent les complots de l'aristocratie, ainsi que les membres de cette ligue honteuse; que, s'ils ne se rétractent pas, quinze mille citoyens marcheraient pour leur montrer la puissance du peuple; que la nation serait priée de renvoyer ses représentants infidèles et de les remplacer par de bons citoyens; et enfin que le roi et le dauphin seraient suppliés de se rendre au Louvre, pour y demeurer en sûreté au milieu des fidèles Parisiens.

Aussitôt le marquis de Saint-Huruge, l'un des principaux habitués du café de Foy, patriote exalté, mais très-propre à soulever le peuple, se charge de porter cette adresse à Versailles, et

Le Palais-Royal, dont les réunions tumultueuses ont si puissamment contribué à entraîner le peuple dans la carrière des insurrections et à lui faire regarder ces soulèvements comme l'un de ses droits, était une espèce de district, formé par les 40,000 étrangers logés dans des hôtels-garnis de Paris, et qui, sans faire partie de cette commune, n'en étaient pas moins citoyens : ils ne pouvaient pas assister aux délibérations des districts; mais ces étrangers à la capitale s'étaient insensiblement formé un district représentant, en quelque sorte, la France entière, et ce district tenait ses séances dans le jardin du Palais-Royal, quand il faisait beau, et au café de Foy, quand le temps était mauvais. Souvent il arrivait que les délibérations se prolongeaient trop avant dans la nuit; alors le propriétaire du café priait l'assemblée de sortir, et la délibération était continuée dans le jardin ou sous les arcades.

Parmi ces citoyens des provinces réunis journellement au Palais-Royal, on comptait aussi beaucoup de Parisiens instruits, toujours prêts à s'alarmer des périls de la liberté; on y voyait encore des hommes exaltés et même des provocateurs soudoyés dont l'ignoble mission consistait à outrer toutes les motions que la peur suggérait aux patriotes inquiets. MM. de Saint-Huruge, de Tintot et une foule de citoyens ardents étaient en quelque sorte les chefs de ces réunions en plein air. Camille Desmoulins ne manquait jamais de s'y trouver dans toutes les occasions importantes, et la célébrité dont il commençait à jouir, jointe à sa faconde originale et à sa verve caustique, lui donnaient un grand ascendant sur cette assemblée toujours turbulente, toujours portée aux déterminations extrêmes. Ici les orateurs n'avaient pas besoin de demander la parole, ainsi que cela se pratiquait dans les clubs et dans les districts; ils n'avaient qu'à monter sur une chaise, et aussitôt la foule les entourait et les écoutait. Si la motion plaisait aux spectateurs, ils applaudissaient; mais on courait le risque d'être impitoyablement sifflé et même maltraité, si l'on se permettait la moindre parole contraire à la souveraineté du peuple. Au reste les habitués du Palais-Royal ne se piquaient point de grossièreté, comme ceux de certaines assemblées; ils étaient toujours proprement mis. On comptait parmi eux beaucoup d'hommes d'esprit qui amusaient souvent l'auditoire par leurs saillies, leurs bons

mots, ou des anecdotes piquantes. On comprend aisément que, dans une assemblée de ce genre, les propositions les plus énergiques devaient trouver d'autant plus d'approbateurs que la réunion était plus nombreuse : aussi toutes les motions du Palais-Royal produisaient-elles autant de commotions qui se faisaient sentir dans toute la ville, et souvent jusqu'à Versailles. Celle de prier le roi d'habiter Paris retentit partout, et ne fut pas oubliée, malgré la retraite forcée de la députation qui devait la présenter.

Le retour de Saint-Huruge avait beaucoup irrité les citoyens du Palais-Royal : il y fut question de prendre les armes pour aller à Versailles; mais une motion conciliatrice fit abandonner cette résolution, et l'on se borna à se rendre à la commune, à l'effet de faire délibérer les districts sur la question du veto : on voulait aussi que la France se prononçât; mais la commune accueillit fort mal la députation du Palais-Royal '.

Dans cet état de choses, on ne cessait de dire que la France entière allait se soulever, et que la guerre civile serait le fruit du veto accordé au roi. Déjà plusieurs villes avaient envoyé des adresses à l'assemblée nationale, dans lesquelles les municipalités de ces villes déclaraient traîtres à la patrie tous les députés qui voteraient en faveur de la sanction royale; et, quoique ces adresses eussent été blâmées par la généralité des députés, beaucoup craignirent que leurs femmes et leurs enfants ne fussent les victimes de leur vote en faveur du veto absolu. Effrayé sans doute de toutes ces manifestations et des suites qu'elles pourraient avoir, Louis XVI se décida à renoncer à ce veto absolu, par lequel il eût pu neutraliser à son gré tous les efforts que l'assemblée aurait faits pour le bien public. Alors la plupart des députés qui tenaient à ce veto absolu n'hésitèrent plus. L'article ayant été mis aux voix, six cent soixantetreize votants se déclarèrent pour le veto suspensif, et trois cent ving-cinq pour le veto absolu. Quelques jours après, l'assemblée décida que le veto suspensif ne pourrait avoir d'effet que jusqu'à la seconde législature.

Nous n'ignorons pas, disaient les clubistes du Pala'sRoyal à la commune de Paris; nons n'ignorons pas avec quelle défaveur vous recevez les députations des citoyens qui fréquentent le Palais-Royal, et que vous regardez leur concours comme dangereux. Cependant, Messieurs, si les citoyens du Palais-Royal eussent strictement observé les lois contre les attroupements, la Bastille subsisterait encore, et vous n'auriez pas l'honneur d'être nos représentants. Gardez-vous donc. Messieurs, de considérer ceux qui vous parlent au nom des citoyens assemblés en ce moment au Palais-Royal comme des incendiaires : il est nécessaire que des citoyens quelque peu instruits se jettent dans le tourbillon pour en diriger les mouvements. Chacun de nous porte en son cœur, avec moins de gloire et de mérite, le patriotisine d'un Bailly et d'un La Fayette.....

LÉONARD GALLOIS.

Ainsi se termina cette grande question, qu faillit à faire éclater la guerre civile tant à Paris que dans les autres villes de la France. Malgré le mezzo termine adopté, elle eut pour résultat de laisser des germes de discorde dans l'assemblée nationale, et une sourde fermentation dans tous les esprits.

Les députés s'occupèrent immédiatement après des autres articles fondamentaux de la constitution: ils votèrent l'inviolabilité du roi, l'hérédité et l'indivisibilité de la couronne.

La liberté de la presse fut aussi décrétée; mais elle existait de fait depuis la convocation des états généraux, et l'opinion avait marché avec une telle rapidité, qu'au sortir d'un long esclavage, on s'était récrié contre un règlement du comité de police, qui ordonnait que rien d'imprimé ne paraîtrait sans le nom de l'imprimeur ou du libraire. Ce règlement fut l'objet d'une critique bien vive; on le qualifia d'injuste, d'oppressif et de contraire aux premiers éléments du droit. «Injuste, disaient les critiques, parce que cette mesure dépouille les gens de lettres du droit naturel de faire circuler leurs pensées sur la foi de leurs signatures; oppressif, parce qu'il force les libraires et les imprimeurs à s'ériger en censeurs de gens de lettres; contraire aux éléments du droit, parce qu'en matière pénale le droit n'admet pas de garantie primitive. » C'est ainsi qu'on parlait de la liberté de la presse au commencement de la révolution.

Jusqu'à ce jour, l'assemblée nationale avait rendu une foule de décrets sans jamais en offrir aucun à l'acceptation royale. On voulut savoir quel usage le roi ferait du veto; et malgré la dé claration de Mirabeau, qui soutenait avec raison que ces articles n'avaient nullement besoin d'être sanctionnés, il fut résolu qu'on lui présenterait les articles votés dans la nuit du 4 août, et qu'on lui demanderait cette sanction.

Louis XVI mit plus d'un mois à s'expliquer sur ces décrets : ce ne fut que le 18 septembre qu'il adressa à l'assemblée nationale une lettre à laquelle étaient jointes des observations détaillées sur chaque article qu'il devait sanctionner.

« En approuvant l'esprit général de vos déterminations, disait le roi, il est cependant un petit nombre d'articles auxquels je ne pourrais donner en ce moment qu'une adhésion conditionnelle. »

Mais ces articles étaient les plus essentiels, puisqu'ils portaient sur une portion des droits féodaux, sur les annates, sur les prestations, et principalement sur les dîmes; et, quoique le roi se bornât, sur ces articles, à soumettre ses réflexions à l'assemblée, en disant qu'il modifierait ses opinions,

et qu'il y renoncerait même si les observations de l'assemblée l'y portaient, des marques de mécontentement éclatèrent pendant la lecture de ces protestations dissimulées. On s'éleva avec force contre cette réponse du roi : on soutint que ces arrêtés avaient été présentés à la promulgation et non au consentement royal. Mirabeau répéta ce qu'il avait déjà dit, que les décrets du 4 août n'étaient pas des lois, mais bien des principes et des bases constitutionnelles. « Lorsque vous les avez envoyés à la sanction, ajouta-t-il, c'est à la promulgation que vous avez entendu les présenter l'assemblée est convention nationale, et n'a pas besoin de la sanction du roi... Répétons ingénument au roi ce que le fou de Philippe II disait à ce prince absolu: Que ferais-tu, Philippe, si tout le monde disait oui quand tu dis non? »

Barnave exprima la même opinion que Mirabeau; il soutint que le roi ne pouvait se servir du veto, même suspensif, pour des décrets acceptés, et déjà répandus dans le royaume. « Les peuples apaisés et satisfaits, conclût-il, comptent sur leur prompte exécution : le moindre doute à cet égard ferait bientôt renaître les troubles. >>

On ne concevait pas comment des mesures reconnues si utiles, et qui avaient été votées avec enthousiasme, retrouvaient tant d'opposition un mois après. C'est que la plupart des nobles qui avaient cédé à l'entraînement de la nuit du août s'étaient bientôt aperçus qu'ils avaient sacrifié leurs intérêts personnels à la chose publique; c'est que le haut clergé ne pensait pas sans un vif sentiment de douleur qu'il allait perdre, par la suppression des dimes, la portion la plus précieuse de ses immenses propriétés. La noblesse et le clergé ravisés avaient réuni leurs efforts pour empêcher la sanction des décrets que l'assemblée avait eu l'imprudence de soumettre à l'approbation du roi.

Préfeln, tendante à faire nommer une commission de dix membres pour examiner la réponse du roi. Elle invita encore son président à retourner vers le roi, pour lui demander sa sanction. Louis XVI la donna; mais non sans avouer hautement sa répugnance pour l'abolition des dimes ecclésiastiques. Néanmoins le peuple parut satisfait.

Mais tandis que l'assemblée avançait à grands pas dans la carrière constitutionnelle, la cour, lasse des sacrifices que l'on exigeait d'elle, prenait la résolution d'arrêter des entreprises qui, selon les courtisans, ne tendaient qu'à l'entier anéantissement de la monarchie, et même à la perte du monarque. La noblesse, le clergé, les parlements, dont les intérêts se trouvaient également froissés, se réunissaient aussi contre le nouvel ordre de choses, qu'ils haïssaient autant que la cour; et, par des manœuvres sourdes, des attaques indirectes, ces trois grands corps annonçaient assez clairement qu'ils s'occupaient de renverser cet ordre

de choses.

Un plan fut dressé par les chefs des contre-révolutionnaires pour enlever le roi et le conduire à Metz, par la Champagne ou par Verdun, suivant que les circonstances exigeraient que l'on prît l'une ou l'autre de ces deux routes. Le général de Bouillé, l'un de ces chefs, devait réunir à Metz, et dans les environs, le plus grand nombre possible de troupes; on comptait les attacher au parti de la cour à force d'argent. Le comte de Merci agissait de concert avec le général Bouillé. On demandait des signatures, on accaparait l'argent, et on promettait un million et demi par mois pour faire réussir le projet. M. de Breteuil, dévoué à la reine, était regardé comme le principal moteur de ce plan, que cette princesse approuvait. On se flattait encore qu'avec le secours des troupes et des proclamations, on parviendrait à renverser l'assemblée nationale, intérieurement travaillée dans le sens contre-révolutionnaire, et que le roi pourrait régner d'après les principes de sa déclaration du 25 juin. Enfin les auteurs du plan paraissaient compter sur l'intervention des puissances étrangères, qui toutes avaient approuvé l'esprit de cette déclaration. On savait que les deux ministres dirigeant la politique d'Angleterre et celle de la Mais ce fut en vain que Lally voulut soutenir cour de Vienne s'étaient déclarés contre la marqu'au milieu des sacrifices généreux faits par les che de la révolution française, et on ne doutait prélats et les seigneurs dans la nuit du 4 août, il pas qu'aussitôt que Louis XVI serait débarrassé de y en avait eu plusieurs de précoces et même d'im- la contrainte où il vivait, tous les autres souveprudents; que la plupart des renonciations rains de l'Europe s'empresseraient de l'aider de avaient été étendues dans la rédaction des dé- leurs grands moyens, pour rentrer dans la jouiscrets, et que déjà il s'était élevé une foule de ré-sance des droits que, d'après eux, il tenait de clamations contre ces exagérations; l'assemblée

Voyant que leurs intrigues allaient être déjouées par la fermeté de l'assemblée, les nobles s'écrièrent qu'on les sacrifiait; et le clergé, les yeux fixés sur l'archevêque de Bordeaux, devenu ministre, implorait son appui, en lui disant : «Sauvez-nous de notre ruine. >>

ne voulut pas permettre de rouvrir la discussion, et rejeta même la proposition faite par Goupil de

Dieu et de ses ancêtres.

Quant au roi, il encourageait tout bas les auteurs de ce plan, qu'il n'osait approuver haute

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