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Le lendemain de cette dernière affaire, on ap

Ce même jour, Provera était arrivé sous Man- | montagnes, ou faits prisonniers. Le premier de toue, et s'était présenté devant le faubourg Saint- ces combats fut appelé bataille de Rivoli, et le seGeorges où était Miollis avec quinze cents hom-cond bataille de la Favorite. mes. Le général autrichien l'avait sommé de se rendre; mais pour toute réponse Miollis le re-prit que Joubert, poursuivant Alvinzi, lui avait poussa à coups de canon. Provera se porte alors du côté de la citadelle, espérant une sortie de Wurmser il se trouve en face de Serrurier. Ne pouvant plus espérer d'entrer de vive force, Provera s'arrête à la Favorite, entre Saint-George et la citadelle, et lance une barque sur le lac, pour avertir Wurmser de faire une sortie le lendemain matin.

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Bonaparte arrive dans la soirée, et fait ses dispositions pour séparer entièrement Provera de Wurmser. Augereau est placé de manière à tomber sur les derrières de Provera, Victor et Masséna sur ses flancs. Il oppose Serrurier à la garnison qui doit sortir de la place.

Le lendemain 27 nivôse (16 janvier), Wurmser sort de la place avec tout ce qu'il a d'hommes en état de porter les armes, et attaque la division française de blocus avec la plus grande résolution: mais Serrurier lui résiste avec sang-froid. Vainement le vieux maréchal redouble-t-il de furie pour se faire jour et tendre la main à Provera; tous ses efforts demeurent impuissants devant la bravoure de la division Serrurier; il ne peut avancer au-delà des lignes de circonvallation.

Pendant que Serrurier contenait ainsi la garnison de Mantoue, le général Victor, à la tête de la cinquante-septième, qui, ce jour-là, acquit le nom de la terrible, s'élançait sur Provera, en renversant tout ce qui se présentait devant lui. Provera et ses volontaires de Vienne, jeunes gens pleins de bravoure et d'enthousiasme, essaient en vain de se rapprocher de Wurmser; ils trouvent partout un rempart d'airain: ils se battent néanmoins avec opiniâtreté, car ils s'aperçoivent qu'il n'y a point de salut pour eux s'ils n'entrent pas dans la place. Bientôt tout le corps de Provera se trouve entouré par Victor, Augereau et Masséna; une sortie de Miollis achève de l'envelopper, et Provera met bas les armes, au moment où Wurmser était rejeté dans Mantoue. Les volontaires de Vienne se trouvent au nombre des six mille prisonniers que les troupes françaises font ce jour-là, et remettent aux vainqueurs le drapeau brodé par l'impératrice.

Tel fut le dernier acte de cette immortelle bataille qui dura trois jours, pendant lesquels les troupes françaises ne cessèrent de se battre ou de marcher jour et nuit, transportant le champ de bataille partout où il y avait des ennemis à comhattre, et ne leur donnant point de quartier qu'ils ne fussent détruits ou dispersés dans les

encore fait sept mille prisonniers. Ainsi, dans cette opération militaire, jugée la plus belle et la plus extraordinaire dont l'histoire fasse mention, quarante mille Français avaient complétement détruit une armée de soixante mille Autrichiens: on leur avait pris près de mille hommes aux environs de Vérone, et six mille le jour de la bataille de Rivoli; Augereau avait fait deux mille prisonniers sur le Bas-Adige Provera en livrait six mille devant Mantoue, et Joubert en avait ramassé sept autres mille sur la route du Tyrol, en tout plus de vingt-deux mille hommes prisonniers. Dix mille Autrichiens étaient morts ou hors de combat, et le reste, frappé d'épouvante, fuyait dans les montagnes. Wurmser, rejeté dans Mantoue, n'avait plus aucun espoir d'être secouru : l'Autriche avait fait son dernier effort, et maintenant la possession de l'Italie ne pouvait plus nous être disputée.

Bonaparte, dont le génie et l'activité faisaient l'admiration de tous les amis de la liberté, et le désespoir des ennemis de la France, proclamait avec orgueil que ses soldats avaient surpassé la rapidité tant vantée des légions de César. En effet, la division Masséna n'avait pas pris un instant de repos du 24 au 28 ventôse; marchant la nuit, se battant le jour, elle cueillit d'immortels lauriers sur deux champs de bataille distants de plus de trois journées de marche ordinaire.

Les victoires de Rivoli et de la Favorite avaient transporté de joie les patriotes italiens: on no parlait que de ces vingt-deux mille prisonnier pris en trois jours, et on citait le témoignage des autorités de Milan, qui les avaient passés en revue, et qui en avaient certifié le nombre, afin de répondre à tous les doutes des malveillants.

Il ne restait plus sur le sol italien que la garnison de Mantoue. Déjà elle avait mangé tous ses chevaux, et les maladies se joignaient à la famine pour détruire ce qui restait encore à Wurmser de soldats en état de porter les armes. Une plus longue résistance eût donc été inutile et contraire à l'humanité. Le vieux maréchal avait donné assez de preuves de courage et d'opiniâtreté, il pouvait penser à se rendre. Il envoya le général Klénau pour parlementer avec Serrurier. Bonaparte assista à la conférence incognito: enveloppé dans son manteau, il écouta l'énumération des ressources que l'officier autrichien assurait rester à la garnison, laquelle, disait-il, avait encore pour trois mois de vivres. Bonaparte le laisse disserter,

s'approche de la table, saisit le papier sur lequel la république française et pour son armée d'Ita étaient écrites les propositions de Wurmser, et se met à tracer quelques lignes en marge sans mot dire, et au grand étonnement de Klénau, qui semblait demander l'explication des actions de l'inconnu. Bonaparte le tira bientôt d'embarras. « Voilà, lui dit-il en se découvrant, les condi» tions que j'accorde à votre maréchal, S'il avait » seulement pour quinze jours de vivres, et qu'il >> parlât de se rendre, il ne mériterait aucune » capitulation honorable; mais, puisqu'il vous envoie, c'est qu'il est réduit à l'extrémité. Je » respecte son âge, sa bravoure, ses malheurs. » Portez-lui ces conditions. Qu'il sorte de la place » demain ou dans un mois ou dans six, il n'aura » des conditions ni meilleures ni pires. Il peut > rester tant qu'il conviendra à son houneur; sa » position n'en sera point aggravée. »

A ce langage, Klénau reconnut l'illustre capitaine. Il s'empressa de porter au maréchal Wurmser les conditions qui lui étaient faites. Le général en chef de l'armée française usait envers lui de la plus grande générosité : il lui accordaît la faveur de sortir librement de la place avec tout son étatmajor, deux cents cavaliers, cinq cents hommes à son choix et six pièces de canon. La garnison devait être conduite à Trieste pour y être échangée contre des prisonniers français. Plein de reconnaissance, Wurmser se hâta d'accepter ces conditions. Il fut convenu qu'il sortirait de la place le 14 pluviôse (2 février 1797); la consolation du vieux maréchal, en quittant Mantoue, eût été de remettre son épée au général en chef de l'armée française, mais il ne trouva que le brave Serrurier. Bonaparte avait calculé autrement que les vanités ordinaires; il s'était dérobé à ce triomphe déjà il courait vers Rome pour terminer les tracasseries que le pape lui avait suscitées, et pour mettre à la raison cette cour de prêtres.

La relation des batailles de Rivoli et de la Favorite avait enivré de joie tous les Français. Le directoire, éclairé par les exploits inouïs du jeune conquérant de l'Italie, donna des ordres pour lui envoyer des renforts, avec lesquels il pourrait fondre sur les états héréditaires et aller dicter, à Vienne même, une paix glorieuse pour la république.

lie, se passaient sur les bords de l'Adige et du Mincio, l'archiduc Charles commettait en Allemagne une faute des plus graves, en s'obstinant à vouloir réduire la bicoque de Kell, si vaillamment défendue, et cette misérable tête de pont de Huningue, dont la perte n'influait en rien sur la position des armées françaises du Rhin. Il aurait pu se porter en Italie, délivrer Mantoue, et balancer la fortune de Bonaparte; mais il perdit soixante-dix jours sur les bords du Rhin, pour assister à la reddition de Kell, qui ne lui fut remis qu'après quarante-huit jours de tranchée ouverte, et lorsqu'il ne restait plus que des fortifications renversées, ressemblant à un amas de décombres. Les efforts de trente-deux mille Autrichiens s'étaient brisés, pendant soixante-dix jours, contre ce poste désormais inutile pour eux : Desaix et Gouvion-Saint-Cyr avaient alternativement commandé les troupes assiégées, lesquelles s'illustrèrent par de nombreux prodiges de valeur. Lorsque Kell fut enfin livré, après que cent mille coups de canon et vingt-cinq mille bombes eurent sillonné les ouvrages des Français, il n'y restait ni un canon, ni une palissade, ni même une des fascines des remparts: seivant l'expression d'un officier autrichien, les Français avaient emporté le fort même. Belle conquête, qui coûta huit à dix mille hommes au prince Charles!

La tête de pont de Huningue tint encore vingtcinq jours de plus que Kell; il ne fut remis qu'au bout des trois mois de siége, et les Français furent libres d'emporter tous les objets de la moindre utilité.

Pour encourager le noble dévouement des armées françaises, le génie républicain inventa des récompenses dignes de nos soldats citoyens. Les conseils décrétèrent plusieurs fois que ces armées avaient bien mérité de la patrie et de l'humanité. Le directoire adressa des lettres de félicitation, témoignage honorable de bonne et glorieuse conduite, à tous les généraux et militaires qui s'étaient distingués particulièrement; enfin, il décréta que les drapeaux tricolores portés à la bataille d'Arcole contre les bataillons ennemis, par les généraux Bonaparte et Augereau, leur seront donnés à titre de récompense. En pouvait on inventer de plus glorieuses! Que sont les parchemins, les croix, les rubans, aupres des drapeaux d'Arcole, des canons décernés à Murat après la bataille d'Aboukir, et même auprès des sabres d'honneur institués sous le consulat? Pourquoi faut-il que Bonaparte, Murat, Augereau et tant d'autres guerriers illustres aient ensuite attaché plus de prix aux hochets de la royauté, à de Tandis que ces événements, si glorieux pour vains titres, qu'aux drapeaux d'Arcole, qu'aux

La reddition de Mantoue vint mettre le comble l'allégresse publique : le courrier qui apportait ces nouvelles arriva le soir dans Paris; on assembla sur-le-champ la garnison, et on les publia à la lueur des torches, au son des fanfares, et au milieu des cris de joie de tous les Français patriotes.

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» Français qui avons vu, depuis, notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés

canons d'Aboukir! Le souvenir des drapeaux.de Lodi et d'Arcole, celui du chapeau que Masséna plaçait au bout de son sabre sur un plateau de» ou infidèles à leur gloire, n'oublions jamais ces Rivoli, sur la chaussée d'Arcole, celui des canons » jours immortels de liberté, de grandeur et l'Aboukir, celui encore du manteau de Marengo, » d'espérance! » vivront eternellement, et déjà les ducs, les princes, les rois qui remplacèrent les généraux de la republique, sont oubliés.

« A quelle époque, s'écrie le chaleureux histo» rien de la révolution française, M. Thiers, à » quelle époque notre patrie fut-elle plus belle et

plus grande que dans ces jours à jamais cé> lèbres, à jamais regrettables pour nous! Les » orages de la révolution paraissaient calmés; ‣ les murmures des partis retentissaient comme les derniers bruits de la tempête: on regardait > ces restes d'agitation comme la vie même d'un » état libre. Le commerce et les finances sortaient » d'une crise épouvantable : le sol entier, resti» tué à des mains industrieuses, allait être fécondé. Un gouvernement composé de bourgeois, nos égaux, régissait la république avec >> modération; les meilleurs étaient appelés à » leur succéder. Toutes les voix étaient libres. » La France, au comble de la puissance, était ‣ maîtresse de tout le territoire qui s'étend du > Rhin aux Pyrénées, de la mer aux Alpes; la » Hollande, l'Espagne, allaient unir leurs vais»seaux aux siens, attaquer de concert le despo»tisme maritime. Elle était resplendissante d'une » gloire immortelle. D'admirables armées fai»saient flotter les trois couleurs à la face des >> rois qui avaient voulu anéantir cette France. » Vingt héros divers de caractère, de talent, pa» reils seulement par l'âge et le courage, condui»saient ses soldats à la victoire. Hoche, Kléber, » Desaix, Moreau, Joubert, Masséna, Bonaparte, » et une foule d'autres encore, s'avançaient en»semble. On pesait leurs mérites divers, mais >> aucun œil encore, si perçant qu'il pût être, ne » voyait dans cette génération de héros les mal» heureux et les coupables: aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l'âge, at» teint d'un mal inconnu; celui qui mourrait sous le poignard musulman, ou sous le feu ennemi; > celui qui opprimerait la liberté, celui qui tra‣ hirait sa patrie : tous paraissaient grands, purs, » heureux, pleins d'avenir. Ce ne fut là qu'un » moment; mais il n'y a que des moments dans » la vie des peuples, comme dans celle des indi» vidus. Nous allions retrouver l'opulence avec ▸ le repos : quant à la liberté et à la gloire, nous » les avions!...

» Il faut, a dit un ancien, que la patrie soit non-seulement heureuse, mais suffisamment » glorieuse. Ce vœu était accompli

CHAPITRE VI.

Le prince Charles se dirige en Italie.- Le directoire y envoie aussi les divisions Bernadotte et Delmas. — Bonaparte marche sur Rome pour punir le pape. 11 disperse les troupes papales. Traité fait avec le Vatican. — Bonaparte marche sur Vienne. Bataille du Tagliamento.— Combats de Tarwis. Combats livrés par Joubert dans le Tyrol. — Insurrection des patriotes vénitiens. - Progrès des armées françaises en Autriche. - Préliminaires de paix de Léoben.

Cependant le prince Charles avait enfin senti toute l'étendue de la faute qu'il avait commise en passant l'hiver sur les bords du Rhin. Il mit alors la plus grande ardeur à la réparer. Six de ses meilleures divisions du Rhin furent acheminées sur le Tyrol et la Carinthie, et il se rendit de sa personne sur les points menacés par Bonaparte. Mais il fallait beaucoup de temps pour que les renforts tirés de l'armée autrichienne du Haut-Rhin arrivassent sur la Piave et l'Izonzo. Pendant cet intervalle, les frontières de l'Allemagne restaient exposées aux coups terribles que le directoire leur préparait; et, de l'autre côté, l'armée d'Italie avait le temps de descendre des Alpes aux portes de Vienue. Le prince Charles commit encore une faute de ne pas porter son quartier-général dans le Tyrol, où il eût pu réunir, quinze à vingt jours plus tôt, les divisions attendues du Rhin, et parlà même contenir les Français loin des états héréditaires. Mais il paraît que le cabinet de Vienne insista pour que l'archiduc couvrît Trieste, le seul port de mer de l'Autriche. Ces mauvaises dispositions eurent le résultat que le général en chef de l'armée d'Italie devinait en examinant ses cartes et calculant les distances.

Bonaparte avait écrit au directoire que, si on lui envoyait un renfort de trente mille hommes, il franchirait les Alpes Juliennes, après avoir soumis les états du pape à la république, et marcherait hardiment sur Vienne. Ce projet, qui aurait paru extravagant l'année précédente, n'était plus qu'une idée hardie, mais exécutable, dans l'état actuel des choses. Le directoire décida que la division Bernadotte serait tirée de l'armée de Sambre-et-Meuse, et la division Delmas de celle du Haut-Rhin, pour être acheminées toutes les

deux à travers les Alpes, au milieu de l'hiver. Dans ce moment d'enthousiasme pour la gloire et la liberté, les soldats français ne voyaient plus d'obstacles, et les généraux ne connaissaient pas ces basses jalousies, ces petites passions, qui firent souvent manquer l'exécution des plans les mieux combinés; ils étaient tous mus par les sentiments les plus honorables. Hoche avait écrit à Bonaparte une lettre digne de chacun de ces deux jeunes héros, et avait fait tout ce qui dépendait de lui pour que la division Bernadotte représentât dignement l'armée de Sambre-et-Meuse Moreau, à qui Bonaparte avait, quelques mois auparavant, envoyé un million en espèces pour l'aider à entrer en campagne, Moreau eut pour son rival les procédés d'un bon camarade i choisit ses meilleurs troupes, et épuisa ses magasins pour les équiper.

Ces deux divisions, formant ensemble vingt à vingt et un mille hommes, passèrent les Alpes en janvier : Kellermann, qui commandait dans ces montagnes, fit toutes les dispositions que son patriotisme lui suggéra pour faciliter ce passage difficile à ces vingt mille hommes. Prêts à franchir les Alpes, une épouvantable tourmente les surprit les guides déclarent qu'il faut faire halte; mais les soldats de la république sonnent la charge, entonnent l'hymne marseillaise, et continuent leur marche, tambours battants, seignes déployées. Déjà les deux divisions étaient descendues dans le Piémont, et personne ne savait qu'elles eussent quitté le Rhin.

en

Tandis que tout se préperait dans la HauteItalie par une marche au-delà des Alpes Juliennes, Bonaparte se rendait à Bologne, afin de punir le Vatican de sa mauvaise foi. Non-seulement le pape avait rompu l'armistice en manquant aux clauses y stipulées, mais encore il avait reçu le général autrichien Colli et un grand nom bre d'officiers de l'empereur pour commander son armée. Des prédications fanatiques furent faites dans toutes les provinces romaines; on y organisa une croisade contre les troupes françaises, ou plutôt une Vendée sur les derrières de cette armée d'excommuniés. Le pontife de Rome porta sa haine jusqu'à renouveler l'appareil des armes spirituelles dont ses prédécesseurs eussent à peine fait usage dans le douzième siècle.

Mais si, d'un côté, les prêtres et les moines parvinrent à soulever les paysans fanatiques de quelques contrées et la populace de quelques villes, toutes les classes instruites se gardèrent bien de se compromettre l'esprit républicain et l'amour de la liberté avaient pénétré jusque dans la capitale du monde chrétien; un parti y attendait les Français, et se berçait de l'espoir de voir

renaître les beaux jours de Rome. En attendant, les habitants de cette ville opposèrent eux-mêmes, aux armes spirituelles employées par le pape contre les Français, les armes du ridicule; des affiches plaisantes, satiriques, étaient placées toutes les nuits près des stat es de Pasquinio et Marforio, et l'on s'exposait aux plus grands daugers pour le plaisir de mettre dans la bouche de ces deux trompettes de la satire, des dialogues mordants contre le pape et sa cour.

Ce pape et cette cour étaient cependant dans la plus cruelle anxiété depuis qu'ils avaient appris la défaite de l'armée d'Alvinzi et la reddition de Mantoue. On aurait bien voulu rompre l'alliance avec l'empereur, qui coûtait déjà au saint-siége Ferrare et Commachio remis aux Autrichiens, mais les choses avaient été poussées trop loin. Déjà l'armée papale se trouvait réunie sur le Senio. Sept à huit mille hommes de troupes régulières, et un grand nombre de paysans armés à la hâte, composaient cette armée, qui offrait un aspect plus burlesque qu'imposant, malgré les cris des moines et de la canaille qu'ils avaient ramassée.

Bonaparte s'avança rapidement pour ne pas donner le temps à l'incendie allumé par le fanatisme de se propager. Il avait avec lui la division Victor, et les nouvelles troupes levées en Lombardie et dans la Cispadane. C'était plus qu'il ne fallait de forces pour mettre en fuite l'armée papale; mais l'entreprise de Bonaparte exigeait tout ce qu'il avait de tact et de promptitude, pour ne pas nuire à ses opérations dans la HauteItalie.

Le directoire était très-satisfait de voir le pape compromis; il aurait désiré que Bonaparte détruisit enfin la puissance temporelle de ce prince de l'église; mais il ne lui en faisait pas une obligation, et le laissait maître d'agir suivant les circonstances. Le général de la république ne les crut pas encore telles qu'elles devaient être pour tenter ce renversement: il jugea qu'il agirait plus prudemment en laissant le pape régner encore, après lui avoir arraché une ou deux provinces (4).

Ce fut dans ces intentions que Bonaparte s'approcha du Senio: il ne voulait pas s'engager dans une guerre de religion qui aurait pu lui susciter des embarras et lui faire perdre un temps précieux.

Quand l'armée française parut près du Senio, un parlementaire se présenta pour déclarer à Bonaparte que, si ses troupes s'avançaient davan

Ce fut là une de ces fautes que le comité de salut public n'aurait pas commises.Quand on a médité et adopté un système révolutionnaire, il faut l'exécuter sans considération pour personne.

que des trésors considérables, provenant des dons offerts à la Vierge, étaient enfouis; mais on avait eu soin d'enlever les objets les plus précieux. Quand les Français s'emparèrent de la santa casa, ils n'y trouvèrent plus que pour un million d'or ou d'argent; mais la Madone y était encore : elle fut envoyée à Paris comme objet de curiosité. Transportée au palais du directoire, on la relégua ensuite dans les greniers de ce palais, où elle resta jusqu'à ce que Bonaparte conclût le concordat avec le pape Pie VII.

tage, on tirerait sur elles; ce qui ne les empê- | il était impatient d'arriver à Loretto, où il savait cha pas de continuer leur marche vers le pont du Senio, assez bien retranché. Lannes remonta le cours de cette rivière, et la passa à gué avec quelques centaines d'hommes, qui se portèrent aussitôt sur les derrières de l'armée papale. Le général Lahoz fit alors attaquer le pont par les troupes lombardes ces nouvelles troupes supportèrent bien le feu, qui fut très-vif pendant quelques instants, et s'emparèrent du pont. Le désordre se mit aussitôt dans les paysans, lesquels entraînèrent avec eux les troupes réglées. On leur fit quatre à cinq cents prisonniers, on sabra quelques détachements, et on poursuivit cette armée jusqu'à Faenza. Quand les Français arrivèrent devant cette ville, le tocsin sonnait et les paysans poussaient des cris affreux : il fallut enfoncer les portes pour entrer dans la place. Les soldats en demandaient le pillage; mais Bonaparte, qui voulait se faire des amis dans ces provinces, le leur refusa de plus, il rassembla les prisonniers faits depuis le Senio, leur fit donner à manger, et leur annonça qu'ils étaient libres, à condition qu'ils iraient éclairer leurs compatriotes sur les intentions des Français, et assurer tout le monde qu'ils ne venaient ni pour détruire la religion, ni pour renverser le saint-siége.

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De Faenza, Bonaparte se porta rapidement sur Forli, puis sur Césene, Rimini, Pezaro et Sinigaglia. Les troupes de Colli ne tenaient nulle part; les hussards français poursuivirent la cavalerie ennemie, pendant plusieurs lieues, sans pouvoir jamais engager un coup de sabre.

Colli avait perdu beaucoup de monde par la désertion on lui faisait aussi tous les jours des prisonniers. Il se décida enfin à s'arrêter sur une bonne position en avant d'Ancône, et s'y retrancha avec les trois mille hommes de troupes réglées et quelques bandes de paysans qui lui restaient encore. Bonaparte ne tarda pas d'arriver: il reconnut la position, la fit tourner et enveLopper, et, en moins de deux heures, elle fut enlevée; douze cents prisonniers restèrent au pouvoir des Français les débris de l'armée de Colli, ce général et les officiers autrichiens se retirèrent dans Rome. Bonaparte donna la liberté à ses nouveaux prisonniers, aux mêmes conditions qu'il l'avait rendue à tous les autres ces gens-là, qui s'attendaient à être fusillés, furent pleins de reconnaissance, et contribuèrent beaucoup à faire des partisans aux Français, même dans les campagnes.

Bonaparte ne s'arrêta que peu de temps à Ancône il reconnut toutefois qu'elle pouvait servir a lui préparer la domination de la mer Adriatique, et se le rappela plus tard. Dans ce moment

Arrivé à Tolentino, d'où il se proposait de déboucher sur Rome, si cela devenait nécessaire, Bonaparte s'y arrêta pour attendre l'effet qu'avait dû produire sa marche rapide. Tout était dans la plus grande confusion à Rome, et le pape allait quitter sa capitale, lorsqu'il fut rassuré sur les intentions des Français par le général Des Camaldules, lequel venait d'avoir une conférence avec Bonaparte le peuple de Rome commençait à l'être aussi par les rapports que faisaient les prisonniers renvoyés : le parti de la liberté attendait avec impatience ces fameux républicains, qui leur rappelaient les légions romaines.

Le pape commença par éloigner de sa personne tous les conseillers ennemis des Français; il renvoya le secrétaire d'état Busca, et dépêcha à Tolentino son neveu, le duc Braschi, et trois autres plénipotentiaires, pour y traiter de la paix avec le vainqueur. Ils étaient prêts à faire tous les sacrifices, pourvu que le général français n'en exigeât aucun de relatif à la foi. Le traité devint dès-lors facile, et fut signé le premier ventôse (19 février 1797). Le pape renonçait à ses prétentions sur Avignon et le comtat venaissin: il cédait les Légations de Bologne et de Ferrare, ainsi que la belle province de la Romagne. Ancône restait au pouvoir des Français jusqu'à la paix générale. On restituait au pape les autres pays envahis moyennant quinze millions, lesquels, ajoutés aux autres quinze millions déjà stipulés dans l'armistice de Bologne, faisaient la somme ronde de trente millions, payables deux tiers en argent, et un tiers en diamants et pierreries. Le pape devait en outre fournir seize cents chevaux et des buffles pour l'armée. Enfin, tous les objets d'arts et manuscrits stipulés dans l'armistice devaient être mis à la disposition des commissaires français pour être envoyés à Paris.

Bonaparte s'abstint de faire une entrée à Rome, comme il s'était abstenu de voir sortir Wurmser de Mantoue; mais avant de partir de Tolentino il fit un acte qui prouvait la profondeur de sa politique : il ordonna à tous les couvents du saint-siége de recevoir les prêtres français ban

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