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ment; et il était prêt à faire, comme ils le lui demandaient, une protestation solennelle contre tout ce qu'il avait approuvé ou sanctionné.

CHAPITRE IX.

pour la personne du roi, en ce que la présence des gardes-françaises à Versailles aurait pour résultat de placer la famille royale entre les mains des satellites de ses ennemis, qui imposeraient la loi jusque dans le palais du monarque.

Quoique cette velléité inspirée aux gardes-françaises ne fût pas bien sérieuse, puisqu'il suffit de

Confiance des aristocrates dans le succès de leur complot. quelques mots du général La Fayette pour les faire

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Alarmes des patriotes. — Revue de la cour pour s'entourer
de troupes. Repas militaires de Versailles.
faites à l'assemblée et à la cocarde tricolore. — Débats sur les
orgies de Versailles. Le peuple de Paris veut aller venger
les outrages faits aux couleurs nationales. Disette.
Mouvement contre la cour. — Départ des femmes pour Ver-
sailles.

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Alarmés de ces bruits, les patriotes n'étaient cupés qu'à prévenir des tentatives qui, bien qu'elles eussent échoué plusieurs fois, auraient pu enfin réussir. La masse des patriotes mettait alors une importance extrême à empêcher l'émigration du roi; tandis que d'autres, plus prévoyants, épiaient une faute et une imprudence pour la faire tourner à l'avantage de la liberté.

Le peuple, qui ne voyait pas cette faute sous le même point de vue, parlait toujours d'aller chercher le roi, et de le forcer à habiter Paris : c'était ce que la cour pouvait redouter de plus contraire

à ses vues.

Comme elle avait besoin d'un prétexte pour faire arriver à Versailles les troupes nécessaires à l'exécution du plan d'évasion du roi, la cour crut avoir trouvé ce prétexte dans les menaces du Palais-Royal d'aller chercher le roi, et dans la tentative faite par Saint-Huruge pour entraîner les masses populaires à Versailles; tentative que La Fayette avait fait échouer en plaçant un poste nombreux au pont de Sèvres.

renoncer à ce qu'on appelait leur insurrection; la cour profita habilement de ces bruits : elle feignit des alarmes, et demanda qu'un régiment renforçât la faible garnison de Versailles, qui ne se composait en effet que de quelques détachements de dragons et de chasseurs. Déjà les meneurs du plan d'évasion du roi avaient obtenu qu'on retiendrait à Versailles la compagnie des gardes-du-corps dont le service allait finir; par ce moyen, on doubla le nombre de ces gardes, et on l'accrut de surnuméraires on voulait ainsi avoir sous la main les forces nécessaires pour imposer à la garde nationale de Versailles, dont la grande majorité était révolutionnaire.

tionale qui défendait d'introduire des troupes de ligne sans une réquisition de la municipalité, le comte d'Estaing, patriote par principes, mais courtisan par habitude, se chargea d'obtenir cette réquisition : à cet effet, il se rendit au comité militaire, en fit sortir tous ceux qui n'étaient pas de l'état-major, et donna aux autres membres communication de la lettre que le général La Fayette avait écrite confidentiellement au ministre de la guerre sur les prétentions des gardes-françaises. Cet amiral effraya ainsi le comité, et lui fit sentir la nécessité d'ajouter un régiment aux dragons et aux gardes-du-corps. Se résumant ensuite, le comte d'Estaing posa au comité cette question: « Êtes-vous en état de résister à dix-huit cents ou deux mille hommes disciplinés et bien armés? » Le comité se rangea à l'avis de l'amiral, et arrêta que la municipalité serait requise de demander au

Comme il existait un décret de l'assemblée na

roi un secours de mille hommes.

Muni de cette délibération, le comte d'Estaing se rend aussitôt à la municipalité, et en obtient la réquisition nécessaire. La cour s'empressa de désigner le régiment de Flandres, comme celui sur lequel elle pouvait compter pour ses projets.

Une autre circonstance servit encore le projet des aristocrates. Les anciens gardes-françaises, devenus compagnies du centre de la garde nationale parisienne', venaient d'annoncer ouvertement Mais cette augmentation de troupes fut regarl'intention d'aller reprendre leur service auprès dée par la majorité de la garde nationale de Verdu roi à Versailles, quoiqu'ils l'eussent abandonné d'eux-mêmes : cette détermination leur avait été sailles comme cachant quelque piége contre la suggérée par les agents de l'aristocratie, qui s'em-liberté sur quarante-deux compagnies, vingtparèrent aussitôt des prétentions de ces soldats- huit refusèrent expressément leur adhésion au vœu de l'état-major, se fondant sur ce qu'une citoyens pour les présenter au peuple comme une défection, et à la cour, comme un acte dangereux

Les compagnies dites du centre étaient soldées.

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ville qui comptait plus de quatre mille hommes sous les armes n'avait rien à craindre des émeutes,

En même temps, Mirabeau dénonça à l'assem

gager les citoyens à ne point s'y attrouper; mals il compromit en vain sa popularité. On sifila les patrouilles et l'on répandit partout une caricature intitulée : Le patrouillotisme chassant le patriotisme du Palais-Royal. On y voyait des patrouilles de gardes nationales, ayant un bandeau sur les

blée les intrigues combinées de la cour, du minisire de la guerre, et de la municipalité de Versailles Mirabeau soutint qu'en permettant aux municipalités de requérir l'assistance des troupes réglées, le corps législatif ne s'était pas interdit, surtout dans le lieu où il siégeait, de se faire rendre compte d'une pareille réquisition; ilyeux, se promenant, à tâtons et la baïonnette en ajouta qu'il serait bien étrange que la municipalité de Versailles pût recevoir des confidences ministérielles, dont on ferait un mystère à l'assemblée nationale. Mais cette assemblée, n'ayant pas attaché beaucoup d'importance à la communication du ministre, déclara n'avoir point à délibérer sur la réquisition de la municipalité; et les ordres furent donnés pour que le régiment de Flandre se rendit à Versailles.

Il y arriva quelques jours après avec un attirail de guerre propré à épouvanter les habitants. Il fallut beaucoup d'intrigues pour engager les of ficiers des gardes nationales à aller au-devant de ce régiment, ainsi que l'usage le prescrivait. Quant aux gardes-du-corps, le peuple remarqua qu'ils s'étaient portés sur l'avenue de Paris, et conçut des soupçons de cette démarche.

Toutefois, les officiers et soldats du régiment de Flandre prêtèrent, entre les mains de la municipalité, le serment prescrit par la loi, et confièrent à la garde nationale l'artillerie et les munitions qui avaient si fort effrayé les habitants. La cour désirait vivement faire fraterniser les soldats de ce régiment avec cette garde nationale : la reine employa un moyen qui réussit : elle dit elle-même à l'état-major de Versailles qu'elle se chargeait des drapeaux de la garde nationale, et cette offre ayant été accueillie avec reconnaissance, on fixa le jour de la bénédiction de ces drapeaux. Les gardes nationales et le régiment de Flandre se réunirent pour cette cérémonie, qui se fit avec la plus grande pompe : la cour crut y apercevoir le spectacle de l'union la plus intime de ces deux corps dès lors elle s'abandonna à la plus aveugle confiance. Les courtisans, les gardes-du-corps, les dames mêmes s'emparèrent des officiers et les comblèrent de caresses.

Mais ce qui rassurait la cour inquiétait l'assemblée nationale et irritait les patriotes du PalaisRoyal, dont les regards étaient constamment fixés sur Versailles. Ils ne voyaient qu'un seul moyen de soustraire le roi à l'influence des aristocrates, et c'était toujours de le forcer d'aller résider à Paris. Tous les groupes ne cessaient de crier : le roi à Paris! et menaçaient d'aller le chercher à Versailles. La Fayette, à qui ces rassemblements hostiles donnaient les plus grandes inquiétudes, crut de son devoir d'envoyer de fréquentes aptrouilles dans le jardin du Palais-Royal, afin d'en

avant, dans le jardin à leur tête étaient des espèces de monstres, coiffés de mitres et chargés de cordons et de croix un de ces chefs tenait la pointe de l'épée nue sur la poitrine d'un bourgeois, qui avait dans sa main un papier sur lequel on lisait ces mots : Constitution, liberté! Le but de cette caricature était d'indiquer que la garde nationale se faisait l'instrument de l'aristocratie des nobles et des prêtres.

Dans ces moments d'exaltation, il suffisait d'un pamphlet, d'une caricature, pour produire l'impression la plus vive: aussi les journaux qui parlaient de ces patrouilles ne manquaient-ils pas de dire: Qu'il n'y avait plus de foyer patriotique, qu'il fallait un second accès de révolution, et que tout s'y préparait. Marat, qui avait déjà commencé à suivre le système populaire pour lequel il a lutté toute sa vie, y trouvait un texte à ses déclamations et à ses dénonciations.

Comme on n'ignorait pas au Palais-Royal tout ce que les aristocrates faisaient à Versailles pour mettre de leur côté le régiment de Flandre, on résolut d'y envoyer des patriotes, et même d'anciens gardes-françaises, pour prêcher aux soldats de ce régiment les droits de l'homme. Beaucoup d'entre ces soldats se laissèrent aisément influencer par ces nouveaux convertisseurs: en peu de temps le contact des gardes nationaux et celui des gardes-françaises fut tel, pour ce régiment, que les officiers n'osèrent plus répondre de l'esprit de leurs soldats.

Quant à ces officiers, présentés à la famille. royale, admis au jeu de la reine et à ces petites faveurs que prisaient tous les petits gentilshommes, ils se vouèrent entièrement à l'exécution des desseins de la cour. Pour achever de fraterniser, les gardes-du-corps voulurent donner un repas à ces officiers. Tout fut donc préparé pour ce banquet, qui ne devait être autre chose qu'une conjuration éclatante contre la révolution et contre les couleurs nationales.

Le 1er octobre, jour de la réunion des deux semestres, fut choisi pour ce repas. On eut l'idée d'y faire fraterniser les différents corps qui composaient alors la garnison de Versailles, afin d'établir entre eux un accord que les circonstances où la cour se trouvait rendaient nécessaires, et, dans ce but, on invita à ce repas les officiers des cent-suisses, ceux des gardes suisses, des chas

seurs des trois évêchés, de la prévôté et même de la garde nationale.

La salle de spectacle du château fut demandée et obtenue pour en faire le lieu du banquet : une table de plus de trois cents couverts fut dressée, en fer-à-cheval, sur le théâtre.

Tout se passa pendant le premier service d'une manière convenable. Les diverses loges étaient garnies de dames de la cour et d'une multitude de curieux attirés par la nouveauté de ce spectacle. La musique des gardes-du-corps et celle des autres régiments embellissaient cette fête. Les grenadiers de Flandre ayant paru à l'amphithéâtre, le duc de Villeroi les fit entrer dans l'intérieur du fer-à-cheval; et cette faveur, accordée aux grenadiers de Flandre, obligea le capitaine des gardes à l'accorder aussi aux gardes suisses et aux chasseurs des Trois-Évêchés. Les santés du roi, de la reine, du dauphin et de la famille royale furent portées et accueillies ; celle de la nation, en usage alors, fut omise, selon les uns, proposée par des officiers de la garde nationale, selon les autres, et expressément refusée.

Tandis que les convives se livraient à la joie, la reine proposa au roi d'aller se montrer dans la salle du festin, et d'y présenter le dauphin; et le roi, qui avait toujours l'air de se laisser conduire, ne se fit pas beaucoup prier.

carde blanche est arborée, et la cocarde nationale disparaît elle est foulée aux pieds.

Cependant on s'était porté en foule à la suite du roi ; des gardes-du-corps, différents officiers, des soldats échauffés par le vin, se répandent dans la cour et s'abandonnent à mille excès de folie. Perceval, aide-de-camp de d'Estaing, escalade le balcon de l'appartement du roi, où ils reçoivent des dames de la cour des cocardes et des rubans blancs, dont ils se parent, aux cris mille fois répétés de vive le roi! vive la reine! A ces cris se mêlent des imprécations contre l'assemblée nationale.

Le lendemain, un esprit de vertige s'empara de toutes les têtes des femmes de la cour; des jeunes gens, bâtissant d'avance des projets de fortune sur leur attachement pour le roi, vont, viennent, s'agitent partout, se répandent en vaines jactances. Deux ministres, Champion et Saint-Priest, sourient à ces sottises. La cour ne doute pas qu'elle va exécuter, avec un seul régiment, ce qu'elle n'avait pu faire, le 14 juillet, avec plus de trente mille hommes; aussi ne dissimule-t-elle plus ses projets. L'habit et la cocarde nationale sont regardés avec mépris; on refuse la porte de l'appartement de la reine à un chevalier de SaintLouis parce qu'il est revêtu de cet uniforme, et on ne lui en cache pas le motif.

A cette visite inattendue, des cris d'allégresse se font entendre. Le roi ne peut résister à ces té-à moignages d'attachement à sa personne; il descend de sa loge et entre dans l'intérieur du fer-àcheval; la reine le suit en portant le dauphin dans ses bras, et fait le tour de la table, au milieu des acclamations les plus bruyantes; l'orchestre, pendant ce temps, exécutait différents morceaux de musique propres à électriser tous les aristocrates. Après l'air du Déserteur : « Peut-on affliger ce qu'on aime? » il entonna l'air : « O Richard! ô mon roi! l'univers t'abandonne! » Alors l'enthousiasme devint général; les gardes-du-corps, les officiers, les soldats, le verre d'une main et l'épée nue de l'autre, portent de nouveau la santé du roi et de la reine, qui l'acceptent, et encouragent cet élan de royalisme.

Jusque-là la fête n'avait été animée que par une gaîté un peu libre, il est vrai, mais encore décente. Bientôt les vins, distribués avec profusion, échauffent toutes les têtes; la joie s'exhale sans retenue; les dames des galeries cessent d'être simples spectatrices, et prennent part à l'ivresse générale. Alors l'orchestre joue la marche des houLans; les trompettes sonnent la charge, et les officiers escaladent les loges avec impétuosité. Une voix s'écrie: A bas la cocarde tricolore! vive la covarde blanche ! c'est la bonne! Aussitôt la co

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Ce même jour, les gardes-du-corps donnent, leur hôtel, un grand déjeuner les convives sont en plus grand nombre, et s'y livrent avec encore plus d'emportement à toutes les extravagances que le vin et le délire peuvent inspirer. Les protestations de dévouement à la famille royale sont mêlées aux imprécations contre l'assemblée nationale et contre la cocarde. Des propos insultants pour la garde nationale y sont tenus par des gardes-du-corps. Des femmes, des demoiselles attachées à la reine et aux princesses distribuent des cocardes blanches, et recommandent au chevalier qu'elles en décorent, de bien la conserver, parce que, disent-elles, c'est la seule bonne, la seule qui doit triompher.

Pendant ces scènes imprudentes, une députation de la garde nationale se rend chez la reine, pour la remercier du don qu'elle lui avait fait de plusieurs drapeaux; et cette princesse lui répond: « Je suis fort aise d'avoir donné des drapeaux à la garde nationale de Versailles. La nation et l'armée doivent être attachées au roi, comme nous le sommes nous-mêmes. J'ai été enchantée de la journée de jeudi. » Ces derniers mots sont aussitôt regardés comme l'aveu des sentiments de la cour, et on les répète de bouche en bouche jusqu'à Paris.

Déjà le récit de ce qui s'était passé aux repas

de Versailles avait causé une indignation générale parmi les habitants de cette ville immense. Le Palais-Royal s'assemble tumultueusement. On y commente la réponse de la reine; on répète les insultes faites à la cocarde et aux gardes nationales. «La cour, s'écrie-t-on, ne cache plus ses coupables intentions; les aristocrates lèvent orgueilleusement la tête, et ourdissent publiquement leurs complots la liberté est perdue si nous ne les déjouons.»

L'irritation des Parisiens est au comble par l'ap parition de quelques jeunes gens portant des cocardes noires. La municipalité est obligée de défendre toute autre cocarde que celle aux trois couleurs; mais cette proclamation ne calme pas le peuple, et l'on s'attend à quelque événement pour le lendemain.

La raison de cette quiétude était dans la présidence de Mounier, que l'on disait vendu à la cour. Bailly rapporte même que le régiment de Flandre n'était arrivé à Versailles que pour appuyer le projet de sa présidence. Mounier amusait donc l'assemblée de théories, et lui mettait sous les yeux, au lieu de l'acceptation pure et simple du roi, ses objections sur les articles qu'il devait sanctionner, et auxquels il ne donnait qu'une accession conditionnelle. C'était là la marche qu'il avait suivie lors de la sanction des décrets du 4 août.

Cette obstination n'échappa pas aux membres du côté gauche. Robespierre dit que le roi n'avait pas à critiquer les travaux de l'assemblée. Adrien Duport ajouta qu'en rapprochant une phrase de la lettre du roi avec les circonstances, on pouvait présumer que, si l'armée se fût trouvée à Versailles, l'adhésion n'eût pas été donnée.

« La cocarde nationale, ajoute Grégoire, a été foulée aux pieds dans une orgie qu'on appelle fête militaire : je demande que cette orgie soit dénon

Au milieu de cette crise, Paris se trouvait livré à toutes les horreurs de la famine; et cette disette factice, après une récolte très-abondante, Pétion, interrompant la discussion, s'écrie: était encore attribuée aux manœuvres des ennemis « Depuis longtemps la liberté nationale est menade la révolution. L'opinion générale était qu'on n'encée; je ne parle pas des cris de vive le roi! porsortirait que par une insurrection qui pût effrayer tés jusqu'aux nues dans cette orgie; ils ont reles aristocrates, et forcer la cour à renoncer à ses tenti dans cette assemblée; ils retentissent dans projets. S'il faut en croire le marquis de Ferrières, tous les cœurs; mais quelles imprécations n'y atous les partis désiraient également cette insur-t-on pas proférées contre l'assemblée nationale! rection les patriotes, dans le but de la diriger doit-elle être insultée dans son sanctuaire? » contre la cour; les royalistes, pour la faire tourner contre l'assemblée nationale. Le peuple, convaincu que la disette ne cesserait que lorsque le roi serait à Paris, voulait aller le chercher à Ver-cée au comité des recherches. » sailles, afin d'empêcher qu'on ne l'entraînât à Metz. La cour se flattait de voir ses projets réalisés dès que l'on aurait quelques justes motifs d'alarmer le roi, et attendait la nouvelle de l'insurrection des Parisiens. Derrière ces deux partis, se cachait le duc d'Orléans, auquel un mouvement convenait aussi, parce qu'il ne doutait pas que la cour ne fit partir le roi pour Metz; et alors ses amis devaient demander pour lui la lieutenance du royaume, qu'il ambitionnait.

Lés circonstances étaient graves: Paris, et principalement le Palais-Royal, étaient dans une agitation difficile à décrire. Cependant l'assemblée nationale, qui avait siégé à côté du tumulte des repas militaires, ne paraissait pas s'inquiéter de la fermentation qui régnait partout, et jusque autour de l'enceinte de ses séances. On était étonné qu'elle s'occupât de vaines questions constitutionnelles quand elle était sur un volcan; et qu'au moment où le peuple de Paris se disposait à marcher sur Versailles, elle ne trouvât rien de mieux à faire que d'entendre la lecture d'une lettre du roi contenant ses réflexions sur la sanction qui lui avait été demandée de quelques articles de la

constitution.

Mirabeau prend alors la parole: « On vient, dit-il, d'élever, peut-être avec plus de zèle que de prévoyance, une question de circonstance sur laquelle je crois devoir dire un mot. Je n'entrerai pas dans les détails auxquels on peut croire comme homme, et non comme membre du souverain. Il s'est passé des jours tumultueux; l'on a vu des faits coupables; mais est-il de la pudeur de les révéler? Le seul moyen que l'on doive prendre sur cet objet, c'est de requérir que le pouvoir exécutif tienne les corps et les chefs de corps dans la discipline exacte qu'ils doivent surtout observer dans le lieu où résident le monarque et le souverain; qu'il défende surtout ces festins, prétendus fra ternels, qui insultent à la misère publique, et jettent des étincelles sur des matériaux rassemblés et trop combustibles. »

Cette circonspection de Mirabeau déplut infiniment à ses adversaires, qui la taxèrent de pusillanime; et un membre du côté droit (de Monspey) demanda que Pétion fût tenu de rédiger par écrit, de signer et de déposer sur le bureau la dénonciation qu'il avait faite relativement à ce qui s'était passé dans les fêtes militaires des gardes-du-corps. Alors Mirabeau remonte précipitamment à la tri

nous. Quand il y sera, nous pourrons surveiller les menées des aristocrates et déjouer leurs projets. Si le roi reste à Versailles, attendons-nous à la guerre civile; ils l'enlèveront, ils le conduiront à Metz, et ne tarderont pas à armer les Français contre les Français. »

bune. « Je commence par déclarer, dit-il, que je | le roi ; il faut qu'il fasse sa résidence au milieu de regarde comme souverainement impolitique la dénonciation qui vient d'être provoquée. Cependant, si l'on persiste à la demander, je suis prêt, moi, à fournir tous les détails et à les signer; mais auparavant, je demande que cette assemblée déclare que la personne du roi est seule inviolable, et que tous les autres individus de l'état, quels qu'ils soient, sont également sujets et responsables de

vant la loi. »

A cette proposition inattendue, l'assemblée demeure frappée d'étonnement: elle devine tout ce qu'une pareille demande renferme d'accusations contre la reine : les députés gardent un silence significatif; Grégoire et Monspey imitent cette circonspection Pétion laisse tomber sa motion, et la séance reste suspendue, comme dans l'attente d'un grand événement.

Cette motion, dont tout le monde sentait la vérité, était partout accueillie par les cris à Versailles! à Versailles! L'effervescence était portée au dernier point; car, à tous les motifs de crainte exposés par les patriotes, il s'en joignait un encore, plus puissant pour sauver le peuple. Ce jour-là, malgré toutes les mesures prises par le comité des subsistances, le pain manqua; les boutiques des boulangers n'avaient cessé d'être assiégées depuis le matin, et, le soir, une partie de la population n'avait pas encore mangé. Des rixes, des combats avaient eu lieu à la porte des boulangers, où les hommes les plus forts s'étaient portés, contre les plus faibles, à des voies de fait jusqu'alors inouïes dans ces sortes de rassemblements.

Cependant l'irritation des Parisiens était loin d'être calmée. Le lendemain du jour où l'on avait appris les insultes faites à l'assemblée et à la cocarde nationale, le journaliste Gorsas dénonça cette levée de boucliers des gardes-du-corps, et La récolte était faite depuis quelques semaines : n'omit aucune des circonstances propres à la faire on approchait du temps où on allait en jouir; regarder comme un attentat contre la nation et la mais il fallait que la confiance se rétablit pour que liberté il terminait son article par l'annonce le superflu des uns pût circuler et alimenter les d'une prochaine fête générale dans laquelle de- pays qui souffraient. En attendant, l'immense vaient se réunir quatre mille chevaliers de Saint-population de cette ville était exposée à manquer Louis, qui se proposaient de dissoudre l'assemblée nationale.

Les détails donnés par ce journal, les projets qu'il révélait, achevèrent d'exalter les esprits. On s'assemble an Palais-Royal et dans tous les lieux publics, malgré les patrouilles que l'on maltraite. Des motions violentes y sont faites contre les gardes-du-corps, et contre ceux qui se sont permis de porter d'autre cocarde que celle adoptée par la nation. Un orateur s'écrie que les cocardes d'une seule couleur vont devenir le signal de la guerre civile, si on leur laisse le temps de se multiplier il rappelle que le parti patriote a été perdu en Hollande par une femme et par une cocarde. Il conclut qu'on doit pendre au premier réverbère celui qui arborera la cocarde anti-patriotique.

Un autre orateur déclare que la cause de la liberté succombera sous les machinations des aristocrates, si on ne s'empresse de faire venir le roi et l'assemblée nationale à Paris. I peint le roi subjugué par la faction contre-révolutionnaire qui règne à Versailles, et montre l'assemblée nationale elle-même divisée par les intrigues des aristocrates. Mounier, Lally, l'abbé Maury, Cazalès, tous les orateurs du côté droit, sont désignés comme étant vendus à la cour. « Il faut en finir, s'écrie-t-on de toutes parts; il faut aller chercher

de pain. « Combien de fois, raconte le maire Bailly, nous sommes-nous couchés après avoir pris toutes les mesures que les circonstances indiquaient, sans être sûrs que nous ne manquerions pas de pain le lendemain, tant étaient peu assurés les arrivages que nous attendions et que nous avions même fait escorter! » En effet, les populations des environs de Paris, non moins affamées que celle de la capitale, détournaient à main armée la plupart des convois que le comité des subsistances attendait, et sur lesquels il comptait souvent pour fournir aux besoins du lendemain : d'autres fois, ces convois étaient pillés, à leur entrée à Paris, par des troupes de boulangers; ce qui était cause que l'abondance régnait dans quelques quartiers, tandis que la famine se faisait sentir dans les autres. Il fut un moment où tous les approvisionnements de Paris se trouvèrent réduits à du riz. Certes, si la peur de la faim n'eût pas troublé tous les esprits, on aurait pu fort bien passer quelques jours avec du riz ou des légumes secs, ou de la viande ; mais c'était du pain qu'on voulait, précisément parce qu'il était rare. Lorsqu'il manquait, le peuple s'en prenait à la municipalité, dont le zèle et les efforts constants ne méritaient que des éloges.

Il s'en prenait quelquefois aussi aux boulan-. gers; et, ce jour-là, l'un d'eux, accusé d'avoir

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