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toute l'autorité, l'ordre fut donné de faire des prières de circonstance. Plusieurs Ecclésiastiques du Diocèse de Tours (ce n'est pas ici le lieu d'examiner s'ils avoient tort ou raison; ni si aux yeux de Dieu et des hommes il eût été très-méritoire pour eux de souffrir persécution, et d'être massacrés par la populace, la soldatesque, ou le bourreau, pour semblable motif), quoi qu'il en soit, des Ecclésiastiques du Diocèse de Tours s'y étant refusés, et la surveillance étant plus active dans ce Département, sans doute à cause du voisinage de la Vendée, furent dénoncés aux Ministres, et quelques-uns étoient déjà poursuivis par les autorités locales.

L'Archevêque de Tours pouvoit seul leur porter une main secourable; ou du moins, lui seul les aimoit assez pour en avoir le courage: aussi n'hésita-t-il pas un instant. Mais pour cela il falloit être à Paris, et ne rien refuser de tout ce qui ne seroit pas évidemment contraire à la raison et à la Religion. Il le sentoit; ses amis aussi, mais leurs remontrances obligeantes. ne purent rien gagner sur lui. Quoique du caractère le plus doux, il devenoit d'une volonté indomtable, lorsqu'il croyoit avoir une vérité à défendre, ou quelque devoir à remplir.

C'est vainement que ses amis employoient tous les prestiges de la séduction pour qu'il ne risquât pas de se compromettre par un plus long séjour à Paris. Les uns lui conseillant, aux approches du Champ de Mai, de s'absenter et de feindre une maladie; les autres lui disant qu'il alloit risquer de se perdre, et cela pour défendre des Prêtres dont les opinions étoient exagérées. Ses réponses étoient constamment les mêmes. Il disoit aux premiers: Un Evéque sait mourir s'il le faut, et l'apparence même du mensonge est indigne de lui. Il disoit aux autres: Ce n'est pas le moment d'examiner s'ils ont eu tort ou raison: ce dont je suis sûr, c'est qu'ils ont tenu cette conduite par principe de vertu, et je serois indigne d'être leur Evêque si je les abandonnois aux persécutions du fanatisme politique. Je m'exposerai à tout pour les défendre, et je ferai tout ce qui ne sera pas contraire à ma conscience. J'y suis déterminé ; n'en parlons plus.

Sans doute il falloit du dévouement et de l'énergie pour tenter de sous

traire ces Ecclésiastiques à la vengeance de l'ambition et de l'orgueil irrités et soupçonneux. Aussi disoit-il avec Saint-François de Sales, déjà cité: abanQuand Notre-Seigneur nous commet une affaire, il ne la faut pas donner, mais avoir le courage de vaincre toutes les difficultés. Ce courage, il l'a eu; et les persécutions exercées contre les Prêtres de son Diocèse n'ont pas eu des suites très-funestes.

Ce que j'ai dit de l'Archevêque de Tours ne semblera peut-être, à beaucoup de ceux qui ne l'ont pas connu, qu'un exagéré panégyrique: un véritable Evêque ne sembleroit-il donc plus qu'un être fabuleux? Je crois cependant m'être tenu dans les bornes de l'exacte vérité, et le peu que j'ai cité de ses écrits qui ont toujours été en parfait accord avec sa conduite, en est une preuve incontestable. Il tenoit sans doute à l'humanité par quelques légers défauts; mais ces défauts disparoissoient sous l'éclat de ses qualités et de ses vertus.

Espérons que Dieu a pardonné ses fautes, et lui a donné la récompense des talens qu'il n'a pas enfouis, des vertus qu'il a pratiquées, et de son immense charité. Je ne parle pas seulement de cette partie essentielle de la charité, de la libéralité envers les pauvres; celle-là, il l'a pratiquée avec une grande largesse. Je parle aussi de celle qui n'est d'ordinaire exercée que par les âmes fortes et vraiment chrétiennes; de celle qui nous élève en quelque façon au dessus de l'humanité, en nous faisant sacrifier fortune, places, honneurs, quelquefois même une belle réputation, pour secourir les opprimés. Ainsi que tout homme impartial en jugera par ce qui me reste à dire, l'Archevêque de Tours a su faire tous ces sacrifices par amour pour son Clergé persécuté. Il en a reçu la récompense en ce monde : ses der-niers momens ont été calmes et doux; ils ont été sans souffrances physiques, aucun sentiment pénible n'a troublé la sérénité de son âme.

Mais que de sacrifices répugnans à sa délicatesse ne lui a-t-il pas fallu faire? Quelque vive peine qu'il en éprouvât, soit à cause de ses sentimens personnels, soit aussi parce qu'il prévoyoit les inductions qu'on ne manqueroit pas d'en tirer; ce qui lui coûta le plus ne fut cependant pas encore

l'ordre qu'il reçut, (à défaut de Cardinaux présens, ou qui avoient besoin d'une autorisation spéciale du Pape, ou par suite de l'absence de plusieurs de ses Confrères, qui répondirent ne pouvoir se rendre à Paris à cause du dérangement de leur santé) ce qui lui coûta le plus, ne fut cependant pas encore l'ordre qu'il reçut de célébrer la Messe au Champ-de-Mai : étant pénétré de cette vérité qu'une messe n'étoit pas une cérémonie profane, et qu'un Ministre de Jésus-Christ devoit prier pour tous les hommes de tous les états, de toutes les Religions, même pour les pécheurs publics; et qu'il n'étoit point de circonstance où l'on ne pût dire à Dieu : Notre Père, qui étes dans les Cieux, que votre volonté soit faite! Plein de l'esprit du Sacerdoce, il ne vit dans l'autel du Champ-de-Mai que l'autel de l'Agneau pacifique qui efface les péchés du monde : il l'implora pour répandre sur la France consternée et brûlante de discordes, la paix et les bénédictions célestes. L'insensé qui dit dans son cœur, il n'y a point de Dieu, pourra taxer ces pensées d'être puériles et ridicules; mais l'homme vertueux, qui est pénétré des principes de la Religion de Jésus-Christ, y reconnoîtra la pureté des maximes de cette loi divine.

Ce qui le pénétra d'une douleur encore plus vive, ce fut d'être nommé Pair par Buonaparte, et de se voir forcé d'accepter, pour ne pas précipiter dans le malheur une partie de son Clergé.

Sans doute il pouvoit croire devoir se soumettre à l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, si Dieu permettoit qu'il devînt une Loi de l'Etat; mais il étoit dans ses principes de ne pas lui donner son suffrage, et il ne le donna pas. Il fit plus : il alla chez le Ministre de la Police (Fouché) et chez le Ministre Directeur-Général des Cultes; il leur déclara à tous deux que, surtout à cause de l'Article 67, relatif aux Bourbons, cet Acte additionnel n'auroit pas de lui la signature d'approbation demandée.

Tout guerrier, surtout un Français, affronte de sang-froid la mort sur un champ de bataille; mais braver les persécutions, les cachots, peut-être même l'échafaud, est un genre de courage réservé aux seules âmes vraiment fortes. Tel étoit cependant le sort auquel, d'après une démarche de

ce genre, pouvoit s'attendre l'Archevêque de Tours, si Buonaparte avoit eu le temps de se livrer aux vengeances particulières (1).

par POrdonnance L'Archevêque de Tours fut rayé de la liste des Pairs du 24 Juillet 1815, et il devoit l'être d'après les Considérans de cet Arrêté, puisqu'il avoit accepté semblable place sous Buonaparte, et que les motifs de sa conduite étoient ignorés. Il n'en murmura pas ; il ne fit même aucune dans ses mœurs démarche pour être réintégré dans la Pairie : il n'étoit de faire des sollicitations qui lui fussent personnelles. La seule chose qu'il ait demandée en sa vie, a été une pension alimentaire, lorsqu'il se fut démis de l'Archevêché de Tours.

pas

Pénétré de cette vérité, qu'un Prêtre, surtout un Evêque, ne doit s'immiscer dans les affaires et dans les discussions politiques que lorsqu'il y est appelé par les lois de son pays ou par celui qui a la puissance en main, ou bien encore lorsqu'il y est entraîné par des circonstances impérieuses, s'il n'eut éprouvé que des humiliations, il auroit gardé le silence; mais sa loyauté a été soupçonnée, même attaquée: il pensa que ce silence seroit pris pour un aveu, et il fit présenter à Sa Majesté le Mémoire dont je viens de parler. (Voyez la dernière Note.) Il étoit le résumé de lettres qu'il avoit écrites à un de ses amis, que cet ami a fait imprimer, et dans lesquelles il analysoit les motifs qui lui avoient paru propres à diriger sa conduite. S'il

(1) Ce que j'avance ne doit pas être révoqué en doute. C'est constaté par une lettre, en date du 19 Août 1815, que l'Archevêque de Tours écrivit à Monseigneur le GrandAumônier de France, à laquelle était joint un Mémoire justificatif de sa conduite, qu'il le prioit de présenter au Roi, et dans lequel ce fait est énoncé. Cela est aussi prouvé par la réponse de ce Prélat, en date du 27 du même mois, dans laquelle il lui dit avoir fait remise de son Mémoire. A cette époque, il étoit facile de s'assurer de la vérité ou de la fausseté de cette allégation; et l'on ne soupçonnoit pas alors que M. Fouché, conservé Ministre de la Police par Sa Majesté, dût être renvoyé quelques mois après.

Si l'existence de ces deux lettres semble douteuse à quelques personnes, elles pourront s'en informer auprès de Monseigneur le Grand-Aumônier, ou aller la vérifier chez M. Dehérain, Notaire à Paris, rue Montmartre,

s'est trompé, du moins il étoit de bonne foi, et s'il a donné trop de latitude au précepte évangélique qui nous ordonne la soumission aux Puissances de la terre, toutes établies par Dieu mêmes qui nous ordonne aussi de leur obéir, quelque désordonnées qu'elles puissent être; on ne doit l'attribuer qu'à ses principes sévèrement religieux, et à sa tendresse les Prêtres confiés à sa sollicitude.

pour

FIN DE LA NOTICE.

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