Sayfadaki görseller
PDF
ePub

code, pas plus qu'on ne voudrait conclure à l'immoralité générale des Hindous de l'immoralité flagrante de leur mythologie. Mais le fait d'avoir devant les yeux un idéal plus élevé est une sauvegarde qui n'est pas à dédaigner. Qu'en contravention avec les prescriptions du Coran, le Musulman s'adonne à la boisson, à l'opium, au hachisch tout comme son compatriote idolâtre, il n'y a là rien qui puisse surprendre. Encore a-t-il l'avantage sur lui, d'avoir une norme de conduite. avec laquelle il ne peut s'empêcher de se voir tôt au tard en contradiction. Une telle constatation ne peut se faire qu'au détriment du vice et au profit de la morale.

Du reste, en relevant le niveau social des millions d'ilotes qui grouillaient à la base de la société hindoue, l'Islam lui a également rendu un service signalé. C'est précisément dans ce milieu avili et méprisé qu'il est allé chercher la grande majorité de ses adeptes. Il a fait au cours des siècles, ce que des observateurs lui voient faire aujourd'hui. Comme M. Logan, l'auteur du Gazetteer de Malabar le remarque (1): « La conversion à l'Islam a eu comme effet principal de délivrer la caste des esclaves de leurs fardeaux séculaires. En se convertissant, un Chéruman monte dans l'échelle sociale, et si par suite de changement il est tracassé ou battu, l'influence de toute la communauté mahométane vient à son aide. » M. Thurston, chef du bureau ethnographique de Madras, après avoir cité M. Logan, ajoute « Ceci s'applique aux Nayadis dont plusieurs ont échappé à leur situation dégradée en se conver

(1) « Conversion to Muhammedanism has had a marked effect in freeing the slave caste in Malabar from their former burthens. By conversion a Cheruman obtains a distinct rise in the social scale and if he is in consequant bullied or beaten the influence of the whole Muhammedan community comes to his aid. >>...

« The same applies to the Nayadis of whom some have escaped from their degraded position by conversion to Islam » (E. Thurston, Castes and Tribes Southern India, v. IV, p. 459, Madras).

tissant. » Ce processus semble s'être répété dans les diverses contrées de l'Inde. Ainsi « dans le Sud des castes entières ont embrassé l'Islam parce que l'accès des pagodes leur était interdit par la caste supérieure (1). » Dès les premiers jours de la conquête musulmane, la division des castes avait frappé l'esprit des envahisseurs, comme diamétralement opposée au démocratisme intense du Prophète. « Nous autres Musulmans, écrivait alors à ce propos Alberuni, nous sommes à l'autre pôle, nous considérons tous les hommes comme égaux. Malgré les compromis inévitables (2) qui devaient résulter d'un long contact avec une civilisation imprégnée de l'esprit des castes, l'Islam a contribué pour une bonne part à améliorer le sort de millions d'êtres voués à une dégradation irrémédiable. Grâce à lui, le paria dont la présence pollue à vingt pas et qui doit se couvrir la bouche, de peur que son haleine ne souille l'air respiré par la caste sainte, s'est vu restitué à la dignité d'homme. Il s'est senti entrer, pour ainsi dire, dans la famille de ses maîtres et conquérants; il a pu désormais braver les anathèmes de ceux qui jadis pouvaient le tuer impunément comme un animal immonde.

[ocr errors]

En montant ainsi à un niveau social plus élevé, la classe inférieure a vu pareillement son sort matériel s'améliorer sensiblement. Ici encore, la « Weltanschauung» de l'Islam l'y préparait mieux que l'idéal hindou. L'Imperial Gazetteer of India fait très bien. ressortir sa supériorité à cet égard : « C'est à l'action énergique, dit-il, que vise son idéal plus qu'à la contemplation; l'homme ne disposant que d'une seule vie doit en tirer tout le parti possible; à son esprit pratique

(1) Cf. Risley, o. c., p. 237.

(2) On retrouve en effet dans bien des communautés musulmanes de l'Inde la division en castes, mais pas poussée à l'excès comme chez les païens (cf. Imperial Gazetteer, II, p. 328).

la série des transmigrations est parfaitement étrangère, comme aussi le Karma et cette fatigue de vivre qui déprime tellement l'esprit hindou. Au rêve d'absorption en quelque imaginaire Weltgeist, il substitue le bonheur concret d'un paradis fait de jouissances bien dans le goût d'un Oriental (1). De là ce contraste frappant entre l'indolence du paysan hindou et l'énergie relative de son confrère musulman. Dans le delta Gangétique, le long des lagunes du Malabar ou sur la côte du Coromandel, la constatation est la même. Thurston, op. c., p. 483, dit des Moplahs, convertis hindous « qu'ils exercent le commerce et la culture avec succès et prospérité » et il ajoute : « beaucoup parmi eux sont marchands et font d'excellentes affaires, étant plus audacieux et plus forts en spéculation que les Hindous du district. La masse des petits négociants et des petits boutiquiers du Malabar est Moplah. » Dans son article sur les Lubbais de la côte orientale, eux aussi Hindous convertis à l'Islam, il les décrit comme « étant des hommes de savoir-faire, industrieux et entreprenants, marins intrépides et commerçants experts... une bonne et forte race faite pour réussir. » Et il fait le même éloge des Lubbais du North-Arcat et du Maïssour.

Je pourrais citer encore d'autres exemples: les Bohras «< ou commerçants de l'Inde Occidentale, pour la plupart adeptes venus de l'Hindouisme. » Les Khojas ou «< honorables convertis, marchands actifs sur la côte occidentale de la Péninsule et en Afrique Orientale. » Mais il n'est pas nécessaire d'insister davantage sur ce point. L'élément musulman a certainement été un fac

(1) Its idea is strenuous action rather than contemplation; it allots man a single life and bids him make the best of it; its practical spirit knows nothing of a series of transmigration, of Karma, of weariness of existence which weighs upon the Hindu mind. For the dream of absorption into an impersonal Weltgeist it substitutes a very personal Paradise made up of joys such as all Orientals understand. » V. I, p. 328.

teur économique important. Le préjugé brahmanique qui défend aux Hindous de traverser « l'eau noire » la mer, a livré le commerce maritime aux mains des Arabes, des Perses et de leurs convertis. Au moyen âge, c'est par leur entremise que les épices, les étoffes précieuses, les pierreries arrivaient soit par la voie de la Mer Rouge et l'Egypte, soit par celle du Golfe Persique et de l'Asie-Mineure, sur les navires vénitiens. L'avènement des Portugais et des puissances occidentales leur enleva ce monopole, mais n'arrêta pas cependant toute leur activité commerciale. Les exemples donnés plus haut le prouvent.

Résultant de ces relations avec l'étranger, un nouvel élément artistique très appréciable peut se discerner surtout dans le domaine de l'architecture. L'Hindouisme n'a rien produit de comparable aux monuments musulmans palais, mausolées ou mosquées, qu'on trouve dans toutes les régions de l'Inde (1). L'époque mongole est particulièrement remarquable : les palais d'Agra et de Delhi, leTaj Mahal, le plus riche joyau architectural de l'Inde, la Moti Masjid (mosquée) d'Agra, la Jàmi Masjid de Delhi, les résidences royales et les mosquées de Bijapour, d'Ahmanadab et de Gulbarga dépassent en splendeur l'art hindou le plus parfait. C'est le triomphe de l'idée monothéistique sur l'inspiration pantheistique et polytheistique. L'admiration, parfois naïve, qui vit encore dans les pages des anciens voyageurs du XVI et du xvir siècle, témoins de ces merveilles féeriques de marbre et de granit, ne semble pas exagérée aux visiteurs modernes de ces ruines grandioses. Pour toucher comme du doigt la différence entre ces deux arts, il suffit de comparer Delhi et Bénarés, ou mieux, le temple célèbre de Rameswaram à Ramnad. Du reste, les pagodes modernes n'ont pu s'empêcher d'emprun

(1) Cf. Archeological Sketch Map, no 26 de l'Atlas de l'I. G. of India.

ter. Par exemple, le temple Visweswera à Bénarès a adopté des dessins du style Saracénique. L'architecture Jaina du Nord de l'Inde a eu recours au gracieux dôme saracénique; et au Bengale, les temples Sivaïtes se distinguent par l'arche pointue du même style (1). Celuici, bien qu'il embrasse une grande variété de genres suivant les différentes contrées de l'Inde où il se trouve: Arabe, Persan, Mongol, Afghan, etc. a en plus l'avantage d'être doué d'une certaine unité provenant d'une inspiration religieuse commune. De là cette impression de cohésion, qui manque totalement à l'Hindouisme.

C'est comme élément d'union, d'ailleurs, que l'Islam a joué un rôle qu'il ne semble pas prêt d'abandonner. Lord Morley le reconnaissait publiquement, lorsqu'il disait que l'Islam avait fait de ses 70 millions d'adeptes une nation dans une nation. L'Islam étant par définition une théocratie, le Mahométisme est essentiellement << a consecration of the principle of nationalism ». Il n'a rien de ce morcellement infini qui fait que l'Hindouisme n'est pas une religion, mais un agglomérat chaotique de croyances contradictoires impossible à définir, qui fait que « l'esprit public des Hindous est confiné soit à leur caste soit à leur village (2)». Par contre, puisque les religions en Orient tiennent lieu de nationalité, Lord Morley a raison de dire qu'aux Indes les Musulmans sont un état dans l'état. Un autre écrivain récent, lui-même ancien membre du gouvernement, écrit que: «En matière administrative le gouvernement britannique doit constamment traiter ces Mulsulmans indiens comme une communauté à part (3). » Pendant longtemps celle-ci fut considérée comme une puissance

(1) Cf. Dutt, Ancient Civilisation of India, v. III, pp. 352, 353.

(2) The public spirit of Hindus is either confined to their caste or village. » Elphinstone, I, p. 373.

(3) « In administrative matters the British Government has constantly to consider the Indian Moslems as a separate community. » Holderness, Peoples and Problems of India, p. 127.

« ÖncekiDevam »