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qu'elle est comme elle, et dans le même sens, une république? on a raison encore. Mais si l'on prétend que la France est une république aristocratique, on se trompe, car nous n'avons pas même les premiers éléments d'une aristocratie.

En effet, qu'on nous montre en France ce corps de noblesse propriétaire, ou à peu près, de tout le pays, possédant en outre les premiers emplois du gouvernement, de l'Église, de l'administration, de l'armée ; ce corps de noblesse privilégiée comme ne l'étoit pas la noblesse françoise en 1789, investie d'une foule de droits lucratifs et honorifiques, que personne ne lui conteste, et qu'on lui contesteroit vainement; qu'on nous montre dans nos codes des lois semblables à celles qui assurent la perpétuité de ces grandes familles, par l'hérédité de certaines charges, les partages inégaux, les substitutions, etc., etc.

Non seulement il n'y a point de noblesse en France, car ce ne sont point les titres, mais les fonctions qui font le noble; il n'y a pas même de familles à proprement parler, puisque la loi ne fait rien pour elles, qu'elle ne connoît que des individus. Et c'est là, pour quiconque sait voir, la différence essentielle qui existe entre notre gouvernement et le gouvernement anglois.

Parmi nous, nulle hiérarchie, nulle classification sociale, nuls rangs, nuls droits reconnus que

ceux acquis à tous par la loi commune. Otez l'indélébile distinction qui résulte de l'inégalité des facultés naturelles et de leur développement, un peu d'or de plus ou de moins fait toute la différence entre les hommes; et aussi est-ce uniquement de cette différence variable, et qui le devient davantage de jour en jour, que dépend ce qu'on est convenu d'appeler les droits politiques.

Ainsi la France est un assemblage de trente millions d'individus, entre lesquels la loi ne reconnoît nulle autre distinction que celle de la fortune. Mais cette distinction, qui n'a rien de fixe, devient énorme par le fait, pendant qu'elle subsiste, puisque entre l'homme qui paie 1000 francs d'impositions et celui qui n'en paie que 999, il y a, comme on s'en convaincra bientôt, toute la distance qui sépare le souverain du sujet.

Voilà ce qu'est la nation, considérée en ellemême; voyons ce qu'est son gouvernement. Pour en avoir une idée exacte, il faut répondre à ces questions Qu'est-ce que les chambres? Qu'est-ce que le ministère? Qu'est-ce que le roi? Et ce n'est pas sans motif que nous les posons dans cet ordre. Tout à l'heure on comprendra qu'on ne pourroit, à moins de tout confondre, les poser autrement.

Nous avons vu, et c'est un fait qui n'est pas contesté, que le parlement anglois représente une aristocratie souveraine. Les aînés des premières fa

milles forment en effet la chambre des pairs; celle des communes est formée, dans sa plus grande portion, des cadets de ces mêmes familles, et de quelques autres propriétaires, membres aussi de l'aristocratie; car en Angleterre toutes les terres sont nobles ou privilégiées. Ainsi, les deux chambres, ayant au fond les mêmes intérêts à défendre, et représentant toutes deux une même classe de la société, ne sont réellement que deux parties, l'une élective, l'autre héréditaire, d'un seul corps appelé parlement, en qui réside la souveraineté.

Nos chambres offrent, dans le même sens, deux sections d'un seul et même corps, qu'on pourroit aussi appeler parlement, et qui reçoit effectivement ce nom dans le langage des chambres (1). Les pairs, à la vérité, possèdent des prérogatives personnelles que les députés ne partagent pas ; leurs titres et leurs fonctions sont héréditaires ; mais il en est de même chez les Anglois. L'unique différence est que, chez nous, les pairs ne représentent point une aristocratie qui n'existe pas, et que le temps même ne sauroit former sous l'empire des lois qui nous régissent. Ils ne peuvent, ainsi que les députés, représenter que ce qui est, c'està-dire une vaste démocratie, dans laquelle la ri

(1) Les discussions parlementaires, les usages parlementaires, etc., etc., sont des expressions consacrées.

chesse seule marque des degrés variables comme elle. Hors de là, il n'existe aucun ordre à maintenir, aucun intérêt à défendre. La chambre des pairs fait donc essentiellement partie d'un système démocratique; voulût-elle être autre chose, elle ne le pourroit pas; elle forme nécessairement, avec la chambre des députés, un seul et unique corps divisé en deux sections qui délibèrent à part; aussi retrouve-t-on dans les deux chambres la même classification identique de leurs membres, un côté droit, un côté gauche, un centre, suivant la nature des opinions adoptées par chacun, et qui partagent également la nation elle-même.

Ce grand corps, divisé par une sorte de fiction, mais réellement un, comme le parlement d'Angleterre, consent comme lui l'impôt, et comme lui fait la loi : nous disons qu'il la fait, et non qu'il y concourt, car les droits attribués sur ce point à la royauté ne sont encore qu'une autre fiction, ainsi qu'on le verra dans un moment.

Or quiconque fait la loi, exerce la souveraineté (1). Sans juger ce qui est, sans le louer ni le

(1) On pourroit ajouter, et quiconque vote l'impôt, est maître. de la souveraineté, et peut s'en emparer quand il lui plaira. Il n'est pas jusqu'à Voltaire qui ne l'ait remarqué, à propos du gouvernement anglois. « Ceux, dit-il, qui donnent ce qu'ils » veulent, et comme ils veulent, partagent l'autorité souve» raine. » Essai sur l'hist. générale, etc., chap. LXXI.

blâmer, mais en l'examinant de la même manière qu'on pourroit examiner la constitution d'une république de l'ancienne Grèce, nous sommes done conduits à cette conclusion, que la souveraineté réside dans les chambres : en soutenant le principe de l'omnipotence parlementaire, on n'a fait qu'énoncer le même fait en d'autres termes.

Aucun souverain, ni surtout un souverain collectif, ne pouvant gouverner seul, des ministres lui sont indispensables pour l'exercice de son pouvoir. Le ministère, chez les Anglois, n'est que l'action publique du parlement qui renvoie les ministres au moment même où ils commencent à gouverner d'une manière contraire aux vues de la majorité des chambres, sans que le roi puisse s'y opposer, quel que soit son attachement personnel pour eux, ou l'approbation qu'il accorde à leur administration. Il en est ainsi en France; nul ministre ne pourroit y garder ses fonctions malgré l'une des deux chambres, puisque le rejet d'une loi nécessaire suspendroit à l'instant même le gouvernement aussi est-ce une maxime admise que les ministres doivent se retirer lorsqu'ils perdent la majorité dans l'une ou l'autre chambre; et ce ne seroit pas une maxime, que ce seroit encore une nécessité.

Le ministère n'est donc, en France comme en Angleterre, que l'action publique du parlement,

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