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l'avoue, de la part de ceux qui l'avoient emporté sur moi, de m'obliger à quitter le ministère, et de me forcer encore à me perdre moi-même dans l'opinion, en adhérant ostensiblement à une démarche, absolument contraire à mes vues et à mes conseils.

Il leur restoit à dire que mon absence de l'assemblée avoit contrarié le succès de leur ouvrage ; mais aucun effort n'eût pu soutenir une entreprise aussi mal conçue. Cette vé rité me parut évidente avant la séance royale; elle le fut pour tout le monde, lorsqu'on eut connoissance de la déclaration du monarque : et M. de Montmorin, après cette malheureuse démarche, eut raison de dire au roi, que non-seulement mon absence de l'assemblée n'avoit eu aucune influence sur le mouvement inévitable des esprits, mais qu'il devoit à cette circonstance la faculté de reprendre encore par moi l'opinion; et de réparer, dans un certain degré, les effets du mauvais conseil qu'il avoit suivi. Le roi le sentit, il ne me témoigna point de mécontentement: mais, de concert avec la reine, il me demanda de renoncer à la résolution que j'avois prise de quitter le ministère; et il le fit d'une manière si pressante, que je me rendis à ses volontés.

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L'agitation violente qui régnoit à Versailles, ne permettoit pas même d'hésiter. On avoit entouré ma maison. La foule commençoit à se porter au château, et le tumulte prenoit un caractère qui m'inposoit le devoir d'appaiser à l'instant çe mouvement populaire, en annonçant publiquement que je resterois à mon poste. Mes ennemis à Versailles, ne manquèrent pas de dire que j'avois excité sourdement les marques éclatantes d'intérêt en ma faveur, dont la cour étoit offensée: et j'ai vu cette calomnie perpétuée, avec tant d'autres, dans les infâmes libelles que des méchans et leurs vils copistes n'ont cessé de répandre, et publient encore tous les jours. Que puis-je contre des insinuations qu'on n'essaie pas seulement de rendre plausibles par aucun indice? Je me borne à protester en mon honneur, à protester par serment, que jamais, ni dans cette occasion, ni dans aucune autre, je n'ai cherché à mettre le public en action; et je défierois de citer un mot de moi, même le plus intime et le plus confidentiel, auquel une telle intention pût être rapportée. Les hommes dont je suis connu seront volontiers mes garans ; ils savent l'aversion que J'ai toujours eue pour toute espèce d'intrigue, pour toute espèce de manœuvre secrète ou

dissimulée; et souvent on m'a fait un reproche de ce genre de caractère que l'on disoit nuisible au succès des affaires.

Le mouvement de Versailles, loin de me servir, m'empêcha d'obtenir le renvoi des ministres, qui m'avoient déjoué si cruellement pendant le cours des discussions relatives à la séance royale. Ce fut dans un moment où je pouvois tout exiger du roi, que je me trouvai sans force pour rien demander. Un mouvement de générosité, que l'on blâmera peut-être, mais que l'on entendra cependant, me dicta cette conduite. Je ne tardai pas à m'en repentir et j'appris alors de nouveau qu'il est tel sentiment de vertu dans un particulier, dont l'application à l'homme d'Etat, à l'homme public,devient une faute et une grande faute.

SECTION V.

Réunion des Ordres.

Les inquiétudes qui se manisfestèrent à Versailles, dans la soirée du 23 Juin, et qui parurent se concentrer un moment sur ma personne, servirent le gouvernement, en faisant diversion au mécontement qu'avoit inspiré la séance royale. Le peuple quitte toujours facilement les choses pour les hommes ; et cette disposition de sa part, souvent si funeste ou si dangereuse, eut un heureux effet dans cette occasion.

Ma résolution de rester dans le ministère une fois connue, le calme revint; et l'on considéra la séance royale comme une affaire d'intrigue dont il ne resteroit bientôt aucune trace. C'étoit, au milieu de l'effervescence générale, ce qui pouvoit arriver de plus heureux; et cependant je profitai des marques d'intérêt que le tiers- état m'avoit données, pour le porter à des mesures de sagesse et à un esprit de modération. Toute la France étoit chez moi le jour où je déclarai aux députés de cet ordre, que mon nouvel engagement ne seroit pas long, s'ils continuoient à se séparer du gou

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vernement, et s'ils refușoient de chercher avec lui les moyens de conciliation qui pouvoient assurer la paix intérieure et donner aux états-généraux une marche régulière. Ils me firent alors les plus grandes promesses; et peut-être les auroient-ils tenues, si la cour, cédant encore à de mauvais conseils, n'avoit pas adopté des mesures qui devoient nécessairement entretenir les soupçons et semer la défiance.

Le roi, cependant, en me pressant avec tant d'instance de rester près de lui, m'avoit persuadé, qu'averti par la journée du 23 Juin de la force aggressive et résistante de l'opinion publique, il vouloit de moi pour l'aider à regagner une si bonne alliée et une si dangereuse ennemie. Et, en effet, je ne pouvois l'assister dans aucune mesure violente; mon caractère et ma position n'y étoient nullement propres. J'étois allé bien loin en m'engageant de soutenir vigoureusement le plan que j'avois formé pour la séance royale; et ma décision à cet égard venoit de la persuasion où j'étois que ce plan auroit pour lui la grande majorité de la nation. Mais, pour déclarer la guerre à cette majorité, et pour narguer l'opinion publique, il falloit jetter les yeux sur un autre que moi. Je crois donc encore que, dans la soirée du 23 Juin, et au mo

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