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conclut en lui1. Il en arrive ainsi souvent dans l'histoire des arts et des lettres, par l'effet d'un génie souverain : une école trouve en lui à la fois son couronnement et sa fin, comme ces plantes qui meurent tout entières après qu'elles ont une fois fleuri. Tel fut bien le sort du Doux Style nouveau; il a inspiré à Dante ses premiers poëmes, puis la Vita Nova; mais la Vita Nova c'est déjà la Divine Comédie, par l'action toutepuissante de laquelle se répandra sur le monde et dans les siècles le trésor de poësie qui s'était formé, presque) ignoré, dans les petits cercles bien fermés de Bologne et de Florence.

Dans les poëmes de la Vita Nova on retrouvera presque tous les éléments de pensée que nous avons notés dans les poëmes du Doux Style. Dans tous, le symbo-v lisme religieux et philosophique a une part plus ou moins grande. Tous se rattachent, plus ou moins, au style de l'école de Bologne. « Plus ou moins »,

dis-je, et cette réserve s'impose d'elle-même. Peu à peu

1. Je parle ainsi de façon générale et sans ignorer que l'on peut trouver encore après D., çà et là, quelques fidèles attardés du Doux Style, lesquels n'ont pu faire que l'école qu'ils aimaient ne fût pas bien et définitivement close. Cf. notamment: FLAMINI, L'imitazione di D. e dello STIL NUOvo nelle rime di CINO RINUCCINI. (dans l'ALIGHIERI, 1890).

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seulement, comme il était naturel, les influences mys✓tiques et symboliques exercèrent sur Dante leur action. Elles s'y développèrent surtout par l'action de Cavalcanti. On aperçoit très vite le jour où la poësie, l'amitié, l'amour, si réels soient-ils, ne se représentent plus à lui que dans leur sens d'allégorie. Tout le monde se rappelle le célèbre sonnet du vaisseau (Guido vorrei) : Dante, Guido, des amis, des dames, pour vivre à tout jamais dans le même désir et la même volonté, pour toujours parler d'amour, doivent tous s'embarquer ensemble sur des ondes, qui ne sont pas, croyez-le, un banal Fleuve du Tendre, mais la mer illimitée et éternelle de la pensée.

Dans cet état d'esprit, Dante a fait des vers pour sa Dame, et puis cette Dame est morte, et l'âpre réalité de la mort a porté son amour à se transformer de plus en plus en la pensée et la science des vérités éternelles. Poëte toujours, il a chanté en vers cette nouvelle évolution de ses amours mystiques. Tous ses vers sont bien l'œuvre d'un poëte de l'Ecole du Doux Style, cela est certain. Mais il nous faut voir maintenant comment il va se distinguer de ses premiers maîtres bolonais, de Cavalcanti et de tous les autres. Je voudrais montrer quelle est la grande originalité de sa première œuvre.

Un jour est venu où il reprit en main tous les poëmes amoureux de sa jeunesse ; il mit à part ceux qui lui parurent pouvoir rentrer dans des cadres où il voulait les enchâsser. Un certain nombre figureront

plus tard dans son traité philosophique, le Convivio. Il prit les plus juvéniles pour en faire un livre qu'il appel· lerait: La Jeunesse, Vita Nova.

Réunir et coordonner des poésies n'était pas une nouveauté. Il est resté du moyen-âge un grand nombre de ces collections que l'on nomme en Italie Canzonieri. Il n'est pas rare qu'un Canzoniere soit classé suivant une certaine logique formelle, fondée par exemple sur la similitude des sujets.

Ce n'était pas non plus une nouveauté absolue que de commenter des poëmes, les gloser, comme on disait, expliquer les circonstances de fait et de pensée qui leur avaient donné naissance. Des poëmes, surtout de la langue d'oc, nous sont souvent parvenus dans les manuscrits, accompagnés de récits plus ou moins longs qui les motivent aux yeux du lecteur; c'est ce que l'on appelle la raison du poëme, en provençal razo, et ragione en italien 1.

Mais voici la véritable innovation.

1. On verra, dans la Vita Nova, l'usage que Dante fait de ce mot ragione, que l'on pourrait traduire en français : argument. Les razos qui accompagnent les poëmes des anciens troubadours n'ont pas toujours pour auteurs ces troubadours eux-mêmes, mais souvent des commentateurs ou biographes. Quoiqu'il en soit, D. connaissait certaines de ces razos. Il semble que celles qui accompagnent les œuvres de Bertran de Born ont été spécialement imitées par lui. Cf. BERTONI, loc. cit. et M. SCHERILLO, Bertram dal Bornio. Rome, 1897.

Jamais, avant Dante, on n'avait songé à relier entre elles les raisons: « la grande nouveauté, dit Francesco Flamini, c'était d'avoir ramassé en un petit livre, la fleur des rimes écrites pour la « dame de ses pensées», de les avoir expliquées au moyen de raisons qui fussent de nature à les relier et à en faire un récit suivi et ordonné, d'avoir adapté les vers et la prose à une pensée unique, qui peu à peu va se développant. Cette pensée, qui tiendra tant de place dans la Divine Comédie, c'est la transfiguration de la dame dans le plus haut des symboles. »‹、

Déjà paraît donc dans le premier petit recueil de poëmes, la main du logicien extraordinaire qui concevra et construira le plus grand poëme philosophique du monde. Que dis-je? il n'a pas trente ans, et il est déjà ce constructeur et cet architecte de pensées. Il met sur pied une œuvre solide et soutenue de philosophie morale, à l'aide des éléments figurés que lui fournit sa carrière de poëte courtois de l'école du Style nouveau. Il la construit, et, tandis qu'il le fait, déjà, dès lors, la conception du grand poëme qui suivra est plus ou moins distinctement formée dans son esprit : il l'a pensé; il en a parlé à ses amis. Il en écrit la préface.

Voici donc où dès l'abord le génie de Dante le distingue des poëtes ses prédécesseurs. Pour lui sa poësie n'est pas la fleur d'un rêve ou d'une inspiration heu

reuse. Il ne la conçoit que comme l'ornement de fortes œuvres organiques.

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La Vita Nova se partage en trois parties très clairement indiquées1: la première renferme les poëmes sur les circonstances d'amour, rencontres, sourires, saluts, souffrances, aventures diverses; la seconde, montée plus haut d'un degré, renferme les poëmes uniquement dédiés à la seule louange de la Dame, où le poëte oublie et lui-même et son bonheur et sa vie pour louer seulement les beautés de sa Dame ; enfin en la troisième partie, mort de Béatrice, douleur et vie inquiète de l'amant, ses oublis et sa faute, son retour à la vision seule de sa Dame, dont il se propose enfin, par la grâce du Dieu tout-puissant, « de dire ce qui jamais ne fut dit d'aucune. »>

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Le plan du récit est clair, mais quelque peu obscurci d'explications, de commentaires, de raisonnements d'école. Le lecteur moderne est un peu surpris de ces✅ temps d'arrêt prolongés, et surtout des longues ana

2. Il faut remarquer que par deux fois Dante se servira de l'expression « nouvelle matière » pour désigner la suite de son récit (Chap. XVII : « ...........ripigliare matera nuova e più nobile che la passata. >> - Chap. XXX: « quasi come entrata della nuova materia che appresso vene»); ainsi, clairement, il indique la seconde et la troisième partie de son œuvre. Je n'ai pas aperçu que cette observation ait été encore formulée.

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