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L'histoire recommence avec Charlemagne.— Biographie d'Éginhard. Il imite Suétone. Historiens de parti.

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Pour

Louis-le-Débonnaire, Thegan et l'Astronome.-Pour Charles

le-Chauve, Nithard.

Origine des Mémoires.

-

Chronique

du moine de Saint-Gall: partie monacale, partie historique, Origine des épopées carlovingiennes.

Pour que l'histoire existe, deux conditions sont nécessaires: quelque chose à raconter et quelqu'un qui raconte. Premièrement, les destinées de l'histoire sont liées à celles des faits qu'elle retrace. Car, de même qu'il n'y a pas d'effet sans cause, il n'y a guère de cause sans effet. Tous les grands événements ont créé leur historien: la lutte de la Grèce et de l'Italie a produit Hérodote; la lutte de Sparte et d'Athènes a produit Thucydide; la République romaine a eu Tite-Live et l'Empire a eu Tacite; l'invasion des Barbares elle-même a trouvé son historien dans Grégoire de Tours. Mais ensuite la seconde condition de l'his➡

toire lui a manqué; l'histoire est morte parce que la barbarie est devenue si grande qu'elle n'a plus laissé à personne la puissance de la décrire (1). Après Charlemagne, l'histoire est de nouveau possible, un grand homme a paru, de grandes choses se sont accomplies et des hommes se sont formés capables de les écrire. Il n'y avait plus d'historien depuis Frédegaire; mais, pendant tout le 1x siècle, les historiens vont abonder. J'énumérerai les plus importants en cherchant à les caractériser, et par eux les différents ordres de faits qu'ils représentent.

Au Ix siècle, il y a des histoires de peuples, d'abbaye, d'église; il y a des histoires qui sont l'expression d'une opinion, d'un parti politique. Car toutes ces choses vivent d'une vie énergique, et par là sont capables de se susciter des historiens.

Le plus remarquable historien d'un peuple au 1x siècle, puisque nous avons perdu l'histoire des Saxons par Éginhard, qui aurait été probablement un ouvrage fort curieux, c'est Paul Warnfried, ce Lombard fidèle à sa race, et que son patriotisme arracha, pour ainsi dire, à Charlemagne. On comprend qu'il ait écrit les gestes d'une nation pour laquelle il avait un si profond attachement. La première partie de l'histoire des Lombards par Warnfried renferme un certain nombre de récits qui tiennent de la tradition orale, de la saga, ou de la tradition épique, plus que de l'histoire; à tel point qu'ils ont été recueillis par M. Grimm dans ses sagas allemandes (Deuts

(1) Quoi que Frédegaire ait dit de l'épuisement de l'esprit, de la mort de l'intelligence et de l'histoire, l'histoire se traîna encore après lui (641), et il eut des continuateurs jusqu'à la mort de Pepin..

che sagen). De semblables récits forment la partie héroïque de la tradition des autres peuples germaniques, et ouvrent leurs annales. Jornandès, l'historien des Goths, nous apprend qu'il a écrit d'après d'anciens chants nationaux. Warnfried n'en dit pas autant; mais la nature même des événements qu'il raconte prouve qu'il a fait comme Jornandès. Par exemple, dès la première page de l'histoire des Lombards est racontée leur émigration depuis les confins de la Scandinavie jusqu'aux Alpes; et ce récit, qui offre plusieurs circonstances empreintes d'un caractère légendaire et poétique bien prononcé, se retrouve presque textuellement dans les chants populaires de divers pays fort éloignés les uns des autres, dans une ballade danoise et dans une ballade suisse (1), d'après laquelle les habitants de Schwitz seraient venus des rivages de la mer Baltique au bord du lac des Quatre-Cantons. Cette tradition, rapportée presque dans les mêmes termes par Paul Warnfried (2), doit reposer sur quelque ancien chant lombard perdu. D'autres traditions, sans être aussi évidemment empruntées à la poésie populaire, ont probablement une semblable origine, ou ont du moins été travaillées par l'imagination des masses. Telle est la tragique et invraisemblable histoire de Rosmonde, et l'aventure peu grave et peu digue de la chaste reine Theodelinde, aventure mieux placée dans un conte de Lafontaine que dans la vie d'Agilufe, aventure du reste qui, avec quelques variantes, se retrouve aux Indes et à la Chine.

(1) Müller, Geschichte der Schweitz, 1. 1, c. 15, note 4 et 6; édit. de Tubingue, 1817, t. XIX et XXV.

(2) Hist. Longob., 1. 1.

Les grandes abbayes fondées ou du moins restaurées par Charlemagne étaient assez importantes pour avoir leur historien; l'abbaye de Saint-Gall eut le sien (1), comme un petit État, comme une République. Il en fut de même des siéges épiscopaux. Le 1x siècle est l'époque de la grandeur épiscopale dans la Gaule. Les évêchés qui voyaient se succéder un certain nombre d'hommes puissants par la parole et par l'action, méritaient bien qu'on écrivit leur histoire. Aussi le même Paul Warnfried nous a laissé celle des évêques de Metz, et Flodoard, celle de l'église de Reims; et cette histoire d'église est un monument important d'histoire politique. Il suffit, pour le prouver, de dire qu'une grande partie de l'ouvrage est consacrée à retracer la vie politique au moins autant qu'épiscopale du célèbre Hincmar.

Pour apprécier l'influence du Ix siècle sur l'histoire, reprenons les annales où nous les avons laissées. J'ai dit ce qu'étaient les annales, misérables chroniques dans lesquelles on inscrivait, année par année, les événements les plus décisifs et les plus insignifiants, avec le même laconisme, la même indifférence. Ces annales continuent au IXe siècle, elles se multiplient, mais en général elles changent de caractère; quelques unes, il est vrai, continuent à n'être que des chroniques décharnées et d'une brièveté désespérante. Mais il en est d'autres qui prennent du corps et de la vie, qui, si je puis parler ainsi, tournent à l'histoire. Pour étudier cette rénovation, ce perfectionnement, il faut comparer les annales de l'abbaye de

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(1) L'histoire des hommes célèbres de l'abbaye de Saint-Gall fut écrite par Ermanric.

Laurisham avec leur refonte et leur continuation par Eginhard. Dans le recueil de M. Pertz (1), les deux monuments sont en regard, et l'oeil saisit sans peine la différence qui existe entre l'un et l'autre. D'abord Eginhard donne à l'exposition des faits plus d'ampleur. Par exemple, dans les vieilles annales qu'on a appelées plébéiennes, parce qu'elles sont d'un style rustique et barbare qui diffère grandement de la latinité beaucoup plus travaillée d'Eginhard, on lit à l'année 741, quatre mots : Carolus majordomus mortuus est; Charles, maire du Palais, est mort. C'était le style ordinaire des annales; on se souvient peut-être que l'année de la bataille de Poitiers n'avait pas fourni un plus grand nombre de mots aux chroniqueurs; en revanche, il y a onze lignes dans Eginhard sur cette mort de Charles. Le récit de chaque année dans les annales de Laurisham se termine ainsi : Et cette année changea en la suivante; cette formule monotone et fatigante est supprimée par Éginhard. Quelquefois c'est Éginhard qui est plus bref; mais cette brièveté même atteste un progrès dans la manière d'écrire l'histoire, elle annonce l'intervention de la critique; il arrive à Éginhard de supprimer des miracles (2). Le style aussi s'améliore, le latin est plus pur, les barbarismes disparaissent; de barbare la langue redevient presque classique (3). Les annales étaient en général l'œuvre de plusieurs mains, et il en résultait parfois des contrastes assez étranges entre la

(1) Pertz, Mon. Germ. hist., t. I, p. 174.

(2) Voy. les années 774 et 776.

(3) Au lieu de fugivit, Éginhard met profugit, ann. 747; au lieu de ce latin monacal tonsoratus est, il dit élégamment tonso capite in monasterium missus est.

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