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était certainement inférieure à l'Espagne et à l'Angleterre; ces deux contrées avaient aussi été conquises mais, dans des circonstances moins funestes, d'une manière plus rapide, la culture ancienne s'y était mieux maintenue; et ce qui le prouve, c'est qu'il y avait en Angleterre au viie siècle un homme comme Bède, et en Espagne, au vi siècle, un homme comme Isidore de Séville, véritables têtes encyclopédiques pour le temps, telles qu'il en a existé en France aux xn et xe siècles, et telles qu'il n'en existait certainement aucune en Gaule, au temps de Bède et d'Isidore.

C'était donc en Angleterre, en Espagne, c'était aussi, quoique à un degré moins considérable, en Italie que se conservaient beaucoup mieux qu'en Gaule la tradition des lettres et le peu de science qui restait encore. C'est à ces pays, du moins à l'Angleterre et à l'Italie, que Charlemagne ira demander des hommes, car il ne saurait en trouver autour de lui.

Il est des temps dans l'histoire, et le temps que nous venons de traverser est peut-être celui dont on peut le dire avec le plus de vérité, dans lesquels il semble que la nuit est complète, que le jour est impossible; de quelque côté qu'on se tourne, on n'aperçoit nuls rayons de lumière, ou du moins ils sont si faibles qu'ils ne servent qu'à éclairer les ténèbres; mais il en est de cette nuit de l'intelligence comme de la nuit du ciel. Il ne fait jamais nuit à la fois sur toute la terre. Quand les ténèbres sont quelque part, le jour est ailleurs. C'est l'ignorance du vulgaire et l'illusion de nos sens qui nous ont appris à dire : le soleil se lève, le soleil se couche; nous savons que le soleil ne se

T. III.

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lève, ne se couche jamais, qu'il n'y a pas de couchant qui ne soit une aurore; il en est de même de la lumière intellectuelle, dus oleil de la civilisation. Il ne se couche jamais, et quand on croit le voir disparaître, c'est qu'il éclaire un autre horizon.

CHAPITRE II.

CHARLEMAGNE RESTAURATEUR DES LETTRES.

Action indirecte de Charlemagne en faveur de la civilisation et des lettres. Réforme - Résistance armée à la barbarie.

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de l'Église. Action directe. Rétablissement des écoles. Circulaire de 787.— Capitulaire de 789. — Charlemagne a-t-il fondé l'université de Paris. Difficultés qu'il rencontre. Accusation de pédantisme repoussée. renaissances.

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Les trois

Quand nous avons voulu constater l'existence des lettres dans la Gaule avant Charlemagne, il a fallu glaner parmi des documents épars çà et là, afin de nous assurer qu'il y avait encore quelques écoles. Les écoles de l'Aquitaine, celles qui naissaient sous les pas des missionnaires chez les peuples germaniques, un faible mouvement théologique ne se manifestant que par de rares apparitions de l'esprit de controverse, un petit nombre d'hommes écrivant des vers ou des homélies comme par exception, voilà où en était réduite la littérature qui expirait ou plutôt achevait d'expirer au commencement du vin siècle.

Le Midi, un peu plus fidèle aux traditions de l'ancienne culture, est lui-même dans une situation déplorable. Entre les Arabes qui l'envahissent d'un côté et les Francs qui l'asservissent de l'autre; les uns plus civilisés, mais

ennemis par la religion; les autres chrétiens, mais barbares. On continue à copier machinalement dans les cloitres, mais on ne sait plus produire, et même on ne sait plus compiler.

Tout va changer soudainement, et un quart de siècle produira le contraste le plus complet avec ce qui a précédé. Ce ne seront plus quelques écoles disséminées de loin en loin, au nord et au midi; mais la France entière sera couverte d'écoles. Au lieu d'un mouvement théologique incertain, rare, exceptionnel, les grandes questions vont être agitées de nouveau sous d'autres noms. Au lieu d'aller chercher à grand'peine quelques écrivains, quelques vers, quelques homélies au milieu du néant universel des lettres, nous trouverons une foule d'hommes éminents qui produiront de nombreux ouvrages dans tous les genres, durant un siècle.

Or, ce changement immense a été opéré par un seul homme (1), et nul autre exemple ne saurait mieux établir combien est puissante l'influence des grands individus sur les masses. Je me propose d'étudier d'abord les principales parties de cette action; j'en étudierai ensuite les résultats.

Et d'abord, quand Charlemagne n'aurait rien fait de tout ce que je viens d'énumérer, quand il n'aurait pas fondé des écoles, quand il n'aurait pas donné une impulsion directe aux lettres, il ne faudrait pas moins le compter parmi leurs plus illustres et leurs plus utiles bienfaiteurs. Ses guerres seules sont, par leur nature, une première protection accordée aux lettres et à la civilisation, un pre

(1) Il faut tenir compte cependant de la réforme accomplie vers 777 par Benoît d'Aniane, dans les monastères d'Aquitaire.

mier service qu'il leur a rendu. En effet, non-seulement la barbarie régnait au coeur de la Gaule, mais une barbarie plus grande aspirait à y pénétrer. A cette barbarie extérieure, menaçante, imminente, qui du nord et de l'est semblait prête à se ruer sur la Gaule, Charlemagne a fait une glorieuse guerre de quarante ans. Il a passé son long règne à repousser les Saxons encore païens, à repousser d'autres populations germaniques, à repousser les nations hunniques et slaves qui s'avançaient derrière les populations germaniques. Charlemagne a été le rocher qui arrête l'avalanche et l'empêche d'écraser la vallée que le travail fertilisera.

Quelques unes de ses longues guerres, bien qu'offensives, font partie d'un système de défense contre la barbarie. Elles aussi sont utiles à la civilisation, car non-seulement elles la protégent au dedans, mais vont répandre au dehors, vont porter à la pointe du glaive les germes du christianisme et des lettres.

Ainsi, les irruptions perpétuelles de Charlemagne chez les Saxons, dans ce foyer vingt fois éteint et vingt fois rallumé du vieil esprit germanique; ces irruptions produisent la fondation de nombreux évêchés, qui furent des centres d'instruction; de là naîtront les écoles de Minden, de Paderborn, de Fulda; mais, pour que ces écoles existassent, il fallait conquérir le pays sur Witikind: quand Charlemagne n'eût été qu'un guerrier, il eût donc fait beaucoup pour les lettres.

Par les réformes qu'il introduisit dans l'église, Charlemagne exerça en faveur de la civilisation une autre influence moins indirecte que la première, et plus effective. On a vu jusqu'où 1 Église était descendue, à

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