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quel degré de grossièreté et de licence elle était réduite au vin siècle, à quel point elle avait été, surtout sous Charles Martel, envahie par les hommes de guerre, et à quel point elle se ressentait de cet envahissement dans la violence de ses mœurs et la corruption de sa discipline.

Un des premiers soins de Charlemagne fut de réformer, de régénérer l'Église; dès le commencement de son règne, on le voit, par diverses prescriptions, chercher à diminuer le désordre. Il est vrai que les premières ne sont pas les plus énergiques; on y remarque une sorte de timidité, de certains ménagements, de certaines concessions qui prouvent la grandeur du mal auquel il fallait remédier.

Ainsi, un capitulaire de 789 dégrade de la prêtrise les prêtres qui ont plusieurs femmes (1); mais le concile de Francfort en 794, prendra des mesures plus décisives et plus hardies. Ce concile, dirigé par Charlemagne, s'efforça de réformer complétement les mœurs du clergé tant séculier que régulier. Il prescrivit aux évêques d'étudier les canons qu'ils négligeaient; il interdit aux moines de sortir de leurs cloîtres pour des affaires temporelles; il interdit aux prêtres et aux diacres d'entrer dans les tavernes. Il défendit aux abbés de mutiler leurs moines. Ces divers réglements s'adressent aux divers genres de désordres introduits dans l'Église et dans la vie monastique par l'ignorance, par la corruption et par la brutalité. Voulant faire servir à la science les abus qu'il ne pouvait entièrement réprimer, Charlemagne permit aux religieux qui avaient la passion et l'habitude de la chasse, de tuer seulement ce qu'il leur fallait de cerfs

(1) Pertz, Mon. Germ. hist., t. III, p. 33, 76.

et de daims pour relier les manuscrits de leur bibliothè que. Moyen étrange, mais puissant, d'en multiplier le nombre (1). Charlemagne fit entendre dans le concile de Francfort le langage d'une raison élevée. Pour arrêter le mouvement désordonné de l'imagination légendaire, il défendit d'honorer des saints nouveaux (nulli sancti novi colentur aut invocentur); il ordonna de ne croire qu'à ceux qui étaient autorisés par la mémoire de leurs vertus ou de leur martyre. Il se prononça contre une opinion qui depuis a trop prévalu dans l'Église d'Occident : « Que personne ne croie, dit-il, qu'on ne peut prier Dieu que dans trois langues; Dieu accepte en toute langue la prière de l'homme, si l'homme demande une chose juste. >>

Le nombre croissant des conciles suffirait à prouver une grande amélioration dans la condition de l'Église. Ces assemblées étaient presque tombées en désuétude au vir et au vin siècle, et quand elles avaient lieu, elles s'occupaient beaucoup plus d'affaires temporelles que de controverses théologiques. Elles se multiplient, au contraire, dans une proportion considérable pendant le règne de Charlemagne. Depuis le commencement du vin siècle jusqu'à 768, première année de ce règne, il y avait eu en Gaule à peu près vingt conciles, et depuis cette époque jusqu'à 800, il y en eut le même nombre, c'est-à-dire autant pour les trente dernières années du siècle que pour les soixante-dix années précédentes.

Telles sont les preuves qu'entre beaucoup d'autres on peut alléguer de la régénération de l'Église accomplie par Charlemagne. Et il n'est pas nécessaire de rappeler combien

(1) Eckhart, Comment, de rebus Franciæ Orientalis, 1.1, p. 635.

par là il préparait puissamment la régénération des lettres, que tant de faits ont montrées déjà intimement liées à l'état de l'Église. Je passe à l'influence directe qu'exerça Charlemagne sur la culture littéraire de son temps,

L'année 787 marque une ère mémorable dans l'histoire de la civilisation moderne, car de cette année est datée la circulaire adressée par Charlemagne aux évêques pour la fondation des écoles. Mais, avant 787, il s'était déjà occupé de ce grand dessein; déjà il avait écrit à l'évêque de Mayence (1) une lettre dans laquelle il l'invitait à ranimer l'instruction parmi son clergé; à se servir, s'il le fallait, du bâton pastoral; à employer, outre la persuasion, les avertissements sévères (increpationes); enfin, à aider ceux qui seraient pauvres. Ce document, que l'abbé Leboeuf a eu le mérite de retrouver, est le plus ancien témoignage d'intérêt donné aux lettres par un souverain de notre pays. Jusque là aucun des rois francs n'avait eu la pensée de les protéger; Charlemagne, le premier, porte son esprit de ce côté, sans y être préparé, sans y être conduit par aucun antécédent. Son génie regarde naturellement vers la lumière comme l'aigle tourne les yeux vers le soleil.

Charlemagne avait fait venir de Rome, en 786 (2), des maîtres de chant et avec eux des maîtres de grammaire, et en 787, pour donner une impulsion générale à l'enseignement dans tout son royaume, il écrivit aux évêques la circulaire mentionnée plus haut, qui présente un curieux contraste entre la grandeur du but et la puérilité des

(1) L'abbé Lebœuf, Dissertations sur l'histoire ecclésiastique, t. 1, p. 388,

(2) Ann. Laureshenses; Pertz, Mon. Germ. hist., t. I, p. 171.

motifs. Au lieu d'alléguer les raisons qui nous persuaderaient, Charlemagne est obligé, pour être entendu, d'ap peler à son aide des arguments sophistiques, d'aller chercher bien loin des prétextes pour étayer sa grande œuvre. Voici les considérants, souvent bizarres, de ce décret, qu'on pourrait appeler la charte constituante de la pensée moderne (1):

« Nous avons considéré que les évêchés et les monastères qui, par la faveur du Christ, ont été commis à notre administration, outre l'ordre d'une vie régulière et la pratique de la sainte religion, doivent aussi appliquer leurs soins à enseigner les objets des lettres à ceux qui, par la grâce de Dieu, peuvent apprendre, selon la capacité de chacun ; de telle sorte que de même que la règle doit ordonner et orner l'honnêteté des mœurs, de même l'assiduité à enseigner et à apprendre ordonne et orne la série des paroles, afin que ceux qui aspirent à plaire à Dieu en vivant bien ne négligent pas de lui plaire en parlant bien.

» Il est écrit: Tu seras condamné ou justifié par tes paroles; car, quoiqu'il soit meilleur de bien agir que de savoir, le savoir (nosse) précède l'action. Chacun doit donc apprendre à atteindre le but qu'il se propose, de manière à ce que l'âme comprenne d'autant plus largement ce qu'elle doit faire, que la langue, sans la plus petite faute, aura couru à travers les louanges de Dieu. >

C'est dans ce langage entortillé que Charlemagne, pour être entendu, est obligé de parler en faveur du bon langage. Cette contradiction même fait mesurer l'abyme que sa pensée a franchi.

(1) Pertz, Mon. Germ. hist. HI, p. 52.

Il continue à employer, pour prouver l'utilité des lettres, avec de bonnes raisons d'assez mesquins sophismes.

«Or, si le mensonge est à éviter pour tous les hommes, combien ceux-là surtout doivent-ils le fuir de tout leur pouvoir qui ne sont choisis que pour servir spécialement la vérité ! et comme, durant ces dernières années, des écrits nous étaient adressés de différents monastères, dans lesquels était énoncé ce que les frères qui les habitent y faisaient à l'envi pour nous par leurs pieuses et saintes prières, nous avons reconnu dans la plupart de ces écrits un sens droit et un langage inculte; car, ce qu'une dévotion sincère dictait fidèlement à l'intérieur, une langue ignorante ne pouvait l'exprimer au dehors sans erreur, faute de connaissances nécessaires; d'où il est arrivé que nous avons commencé à craindre que, de même que la science manquait dans la manière d'écrire, de même aussi l'intelligence de l'Écriture ne fût beaucoup moindre qu'elle ne devait l'être. Or, nous savons tous que, bien que les erreurs de mots soient dangereuses, les erreurs de sens le sont beaucoup plus; c'est pourquoi nous vous exhortons non-seulement à ne pas négliger l'étude des lettres, mais encore, dans une intention pleine d'utilité et agréable à Dieu, à rivaliser de zèle dans cette étude, afin que vous puissiez pénétrer plus facilement et plus directemeut les mystères des saintes Écritures; car, comme on trouve dans les poésies sacrées des figures, des tropes et des choses semblables, personne ne doute que chacun en les lisant ne saisisse d'autant plus vite le sens spirituel qu'il a été auparavant plus pleinement instruit dans la discipline des lettres. Que l'on choisisse donc pour cette œuvre des hommes qui aient la volonté et la puissance d'ap

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