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CHAPITRE XV.

LITTÉRATURE POLITIQUE ET SCIENTIFIQUE AU X SIÈCLE.

Ouvrages sur les oppressions de l'Église. Querelles intérieures de l'Eglise. Rathier. Abbon.

-

Gerbert.

Sa

politique comme évêque; sa politique comme pape. Sa science. Introduction de l'élément arabe dans les connaissances. Gerbert passe pour sorcier.

Au 1x siècle, la vie politique a enfanté une littérature politique; au xe siècle, le même phénomène se présente. Les champs de bataille de la politique n'ont point changé ; l'Église se défend contre la société civile, cette société violente et brutale qui l'envahit et l'opprime, ou, parfois, y cherchant un appui, prend part aux querelles des partis. Au sein de l'Église, les évêques luttent contre les moines ou contre leur propre clergé ; ils luttent contre les papes, ou embrassent la cause des prétendants à la papauté.

Le sermon d'Abbon cité plus haut nous a déjà offert un exemple des fortes invectives que l'Église adressait

aux envahisseurs de ses biens. Abbon, l'on s'en souvient, les a placés dans la gueule de Satan, comme Dante y a placé Judas.

Un homme du même temps, Atton, évêque de Verceil, composa sur le même sujet un petit traité ad hoc, un véritable manifeste ecclésiastique contre la violence laïque pour réclamer l'indépendance et les priviléges de l'Église, C'est à la fois un plaidoyer chaleureux contre la barbarie féodale et une réclamation énergique en faveur des clercs, pour qu'ils soient jugés seulement par les évêques, et ne relèvent nullement de l'autorité séculière.

Quelques passages de ce petit ouvrage d'Atton, intitulé De pressuris ecclesiasticis, des oppressions de l'Église, sont empreints d'une vigueur remarquable. Tel est celuici, dans lequel Atton déplore les maux dont les prêtres sont victimes (1):

<< Ils sont séparés de leurs brebis, enfermés dans des prisons, bannis; leurs corps sont accablés par la misère, leur âme par le chagrin.... Tandis qu'ils souffrent les supplices présents, leurs bourreaux leur en promettent d'autres pour l'avenir; ils en redoutent de plus terribles; on leur enlève leurs consolateurs ; ceux qui les entourent sont occupés sans cesse à les accabler de reproches et d'épouvante. Ne mourraient-ils pas moins cruellement si on leur tranchait la tête?........ Mais quelqu'un dira: Ainsi il faudra supporter tout le mal que feront les prêtres. On peut répondre que pour beaucoup ce mal est à supporter, et pour quelques uns à reprendre avec une grande prudence selon l'obligation qui leur a été imposée; car ceux-là ne doivent

(1) Atto, De pressuris ecclesiasticis. D'Ach., Spic., t. I, p. 418.

pas être témérairement discutés par les hommes qui ont reçu le pouvoir de juger les âmes. »

C'est presque demander l'impunité du sacerdoce.

Non contente de repousser ainsi les intrusions et les violences féodales, l'Église cherchait à s'armer contre elles du pouvoir plus efficace des rois, en embrassant à propos le parti des dynasties nouvelles qui s'élevaient sur les débris de l'Empire carlovingien. Ce même Atton, qui vient de parler si haut pour les immunités de l'Église, dans une lettre adressée à un évêque de Come, nommé Valdon (1), proclamera non moins hautement l'autorité universelle du pouvoir royal. Valdon était en querelle avec Bérenger, roi d'Italie; et, bien que Bérenger ne fût pas très-populaire dans le clergé, Atton écrit à l'évêque de Come les paroles suivantes : « Ce n'est pas une chose légère que d'attaquer la majesté royale, quoiqu'elle semble injuste à certains égards, car elle est une ordination divine, une dispensation de Dieu, et c'est un sacrilége de violer ce que Dieu a ordonné. »

Les résistances que l'épiscopat opposa souvent à la royauté dans le cours du 1x siècle vont bientôt reparaître. Mais, à l'une comme à l'autre époque, le langage des évêques ne fut pas toujours le même. Selon sa situation politique, l'Église tour à tour contestait ou consacrait le pouvoir de la royauté.

Les querelles intérieures de l'Église se rattachaient elles-mêmes aux partis politiques; elles en épousaient la cause, elles en imitaient parfois les violences. Nous Je verrons surtout dans la grande querelle d'Arnulfe et de

(1) D'Achéry, Spicil., t. I, p. 431.

T. III.

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Gerbert au sujet du siége de Reims; mais auparavant, à l'occasion de ce même siége, avait eu lieu une autre discussion entre deux autres prétendants; et la manière dont avait été conduite cette concurrence épiscopale montre assez à quel point les intérêts politiques, les passions et les animosités des partis se mêlaient aux affaires épiscopales du xe siècle.

La possession du siége de Reims mit aux prises les deux pouvoirs qui se disputaient alors notre pays, le pouvoir féodal et le pouvoir royal. L'intérêt des grands feudataires était représenté par les plus éminents d'entre eux le comte de Vermandois, Guillaume, duc de Normandie, Hugues, comte de Paris; l'intérêt de la royauté, par le roi Raoul. Le comte de Vermandois, Heribert, avait fait nommer évêque son fils, âgé de cinq ans; il s'était trouvé un pape pour approuver ce choix étrange. Tant que le comte de Vermandois vécut en bonne intelligence avec Raoul, les choses allèrent ainsi, et pendant quinze ans le jeune fils d'Héribert fut reconnu évêque de Reims; mais Héribert s'étant brouillé avec le roi, celui-ci fit élever au siége de Reims un autre évêque, nommé Artaud.

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Louis-d'Outre-Mer fut également favorable à Artaud, et employa pour le soutenir les moyens alors en usage. Il vint assiéger Reims, et y installa son candidat par la violence.

Bientôt après, Heribert s'empara de Reims à son tour, et rétablit son fils sur le siége d'Artaud. Depuis ce moment, toujours nouvelles guerres, toujours nouveaux ravages du parti royal et du parti féodal, qui soutiennent chacun leur évêque. Mais par quelles armes? Voici ce que dit naïve

ment Flodoard, historien de l'église de Reims (1): « Les soldats du roi pillent l'évêché de Reims, et les fils d'Héribert l'abbaye de Saint-Crispin. Ragnold (un des partisans du roi) pille l'abbaye de Saint-Médard, et ainsi les deux partis se livrent avec fureur aux rapines et aux déprédations. >>

Enfin Louis-d'Outre-Mer prit Reims une seconde fois, et intronisa son évêque à la pointe du glaive. Un peu après, quelques évêques lorrains s'en vont en personne faire le siége du château de Mousson. Tels étaient les moyens par lesquels on appuyait, au xe siècle, une candidature épiscopale.

Un homme figura dans ces démêlés, remarquable d'ailleurs par l'originalité de son caractère, la singularité de ses écrits et les phases variées et bizarres de sa carrière. Rathier, né en France, et qui fut évêque de Vérone, nous présente, dans son existence orageuse, un tableau des luttes incessantes de l'épiscopat contre l'autorité royale. Ayant été porté au siége de Vérone malgré Hugues, roi d'Italie, il fut mis en prison par ce roi; et durant sa captivité, qui dura deux ans, il composa, sous le titre de Liber agonisticus (2), un traité de morale et de théologie, dans lequel il parcourt toutes les conditions de la vie, et fait de fréquents retours sur sa propre destinée. Ce livre ne se rattache à notre sujet que par les reproches vigoureux que Rathier adresse aux évèques, dont la faiblesse a laissé un des leurs à la merci du roi Hugues. Ce Rathier paraît avoir été un esprit

(1) Flodoardus, lib. iv, cap. 30.

(2) Durand et Martene, Ampl. coll., t. IX, p. 789.

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