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son oreiller des tablettes et s'exerçait à former de beaux caractères. Eh bien! je trouve cette manie de Charlemagne, même dans ce qu'elle a de minutieux et de puéril, je la trouve infiniment respectable quand je songe, d'une part, à ce qui en est sorti, et de l'autre, combien il était méritoire à Charlemagne d'apprécier à ce point la valeur des lettres, lui, le guerrier, le Germain, le Carlovingien, sorti d'une famille si franchement germanique; lui, si fidèle à la langue, aux traditions, au costume de sa race; je l'admire de n'en avoir pas moins compris et aimé jusqu'à la passion la civilisation latine.

Charlemagne, au milieu des chantres de sa chapelle ou des académiciens de son palais, est aussi grand pour moi que Pierre, le rabot à la main, dans le chantier de Saardam; tous deux descendent à des occupations mesquines, pour policer leur Empire. Plusieurs hommes illustres du xvi siècle ont aimé, même avec excès, tout ce qui se rattachait aux lettres antiques; mais une teinte de pédantisme ne les rend pas moins respectables, car nous voyons maintenant que du côté des pédants se trouvaient la civilisation et l'avenir.

Par là, je suis amené à considérer le règne de Charlemagne sous son véritable point de vue, c'est-à-dire comme une renaissance. En général, on ne connaît que la renaissance du xve et du xvi siècle, et l'on croit faire beaucoup quand on remonte, dans l'histoire de notre littérature, jusqu'à Rabelais ou jusqu'à Marot. Cependant cette renaissance n'a été que la troisième. Il y en a eu deux avant elle; et si j'avais besoin de me justifier d'avoir repris les choses d'aussi haut que je l'ai fait,

je trouverais ici mon excuse; car pour bien apprécier la reproduction d'un phénomène, il est bon d'étudier ce phénomène dans sa première manifestation. Or, je dis qu'il y a eu trois renaissances: la première date de Charlemagne; la seconde, qui tombe à la fin du xi° siècle, ouvre le moyen âge; la dernière est la grande renaissance du xve siècle et du xvi.

Ces trois époques ont les mêmes caractères, les mêmes causes et les mêmes résultats. Trois fois une période brillante naît après une période relativement obscure; la civilisation, dont l'action a été suspendue, reparaît tout à coup, avec un éclat nouveau, par une explosion subite que les âges précédents ont préparée.

Dans les trois cas, cette renaissance de l'esprit humain se manifeste par de grands faits sociaux et politiques. Dans le premier, par la création de l'Empire d'Occident; dans le second, par les croisades; dans le troisième, par les guerres de religion et l'établissement de la réforme.

Un symptôme est commun aux trois renaissances: la résurrection de l'antiquité, le retour de la civilisation moderne aux sources de la civilisation antique. Ceci eut lieu sous Charlemagne et au XIIe siècle. L'étude de l'antiquité fut alors secondée par la multiplication des manuscrits, qui s'opéra plus en grand au xvi siècle à l'aide de l'instrument nouveau et puissant que fournissait l'invention de l'imprimerie. Mais le principe était le même, c'était la diffusion croissante des monuments littéraires.

Aux trois époques dont je parle, l'esprit humain puise dans l'étude de l'antiquité une nouvelle vigueur, en redevenant capable d'apprendre, il redevient capable d'in

T. III.

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venter: il est novateur parce qu'il est érudit. Des hérésies signalent ce renouvellement de l'activité intellectuelle au Ix et au XIIe siècle. Au xvi, il produit la grande scission religieuse qui partage l'Europe, et prépare le mouvement philosophique dont héritera le xvin siècle.

A ces trois époques, la langue subit une révolution. C'est vers le temps de Charlemagne qu'apparaît, pour la première fois, l'usage de la langue vulgaire, comme l'attestent les célèbres canons du concile de Mayence. C'est vers la fin du x1° siècle que cette langue commence à produire des monuments écrits, et arrive à l'état littéraire. Enfin, c'est aux xve et xvi° siècles que le français du moyen âge fait place au français moderne, tel qu'il est encore parlé de nos jours.

La même observation s'applique à l'histoire de l'art. L'architecture carlovingienne naît en France au 1x° siècle; au xi éclot et se multiplie avec une fécondité prodigieuse l'architecture qu'on a appelée gothique; enfin la troisième renaissance crée l'architecture à laquelle elle a donné son nom.

La première renaissance est la mère des deux autres; j'espère le prouver, et c'est un résultat auquel j'attache quelque importance. Le mouvement imprimé par Charlemagne s'est prolongé, sans être jamais interrompu, jusqu'au xu siècle, bien qu'au xe il semble disparaître. Depuis le x siècle jusqu'à nos jours, le progrès a toujours été continu. Tout se tient donc dans l'histoire de notre développement littéraire; et s'il était nécessaire, pour comprendre l'époque à laquelle nous sommes maintenant parvenus, de traverser les époques précédentes, il est d'une nécessité plus évidente encore, pour comprendre

les temps qui suivent, de les rattacher à l'oeuvre de Charlemagne; car la circulaire de 787 a fondé les écoles carlovingiennes; de ces écoles est né le progrès scientifique qui s'est propagé à travers le moyen âge, et plus tard, sous l'action des influences qui l'ont renouvelé, a enfanté les prodiges des siècles derniers et du nôtre. Ainsi, on peut le dire sans exagération, nul homme n'a mieux mérité de la civilisation que Charlemagne. Quand il est venu, rien n'existait. Il a fait, autant qu'il est permis à l'homme, quelque chose de rien, et ce qu'il a fait dure depuis mille ans. Si je puis communiquer ma conviction au lecteur, il sera convaincu que s'il y a eu au moyen âge une école de Paris célèbre dans toute l'Europe, s'il y a eu des siècles glorieux pour les lettres françaises, comme le xvre, le xvii, le xvine; s'il y a aujourd'hui des musées, des bibliothèques et des chaires, nous le devons, au moins en grande partie, à Charlemagne.

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Charlemagne savait-il écrire. Son goût pour les sciences. Sa connaissance du latin, du grec, de l'hébreu.-Charlemagne fidèle à la langue et à la littérature germanique. Reproduit en lui tous les éléments de la civilisation moderne. — Écrit une grammaire franque. Recueille des chants nationaux. - Donne des noms germaniques aux mois et aux vents. Capituluires. Réveil de la théologie. Action indirecte et directe de Charlemagne. Charlemagne théologien.

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L'adoptianisme. Tolérance de Charlemagne discutée. Iconoclastes.-Livres Carolins.- Conclusion sur Charlemagne.

Pour compléter ce que, dans un ouvrage de la nature de celui-ci, il faut dire de Charlemagne, après l'avoir montré agissant sur les lettres par son gouvernement, je vais le montrer les cultivant lui-même.

Je considérerai dans Charlemagne, non plus le conquérant civilisateur, non plus le fondateur des écoles, mais le disciple d'Alcuin, l'homme savant pour son temps, le théologien, l'auteur.

Avant d'envisager Charlemagne comme écrivain, une question se présente savait-il écrire? On a souvent répété que Charlemagne ne savait pas écrire; on s'est

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