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Au x1° siècle, Claude de Turin veut simplifier le culte, et Scot Erigène ébranle le dogme.

Au x1, les dissidents connus sous le nom de Vaudois font comme le premier de ces novateurs, et Bérenger comme le second.

Au xvi Luther, Zwingle et Calvin veulent aussi réformer le culte et le dogme, et leur ressemblance avec leurs précurseurs ne se borne pas à des traits généraux.

Nous venons de le voir, en appliquant la réflexion à certains problèmes théologiques, les hommes du xvi° siècle, de ce siècle si savant et si ingénieux, rencontrèrent les mêmes bornes qu'avaient rencontrées des hommes nés dans des âges réputés barbares. Leurs idées tombèrent, pour ainsi dire, dans le même moule. De spéculations en spéculations, ces profonds docteurs arrivèrent à des conclusions qu'avaient rencontrées avant eux des moines ignorés. Luther ne se doutait pas que ses hardiesses sur l'impanation dormaient depuis cinq cents ans dans la poudre des bibliothèques. Mais si ce rapprochement rabaisse le xvie siècle, il relève le ix et le x1o. A ces deux époques de résurrection intellectuelle, l'esprit humain cesse de répéter servilement; il innove et devance l'avenir.

La lutte de Lanfranc et de Bérenger est la lutte de l'autorité et de la liberté, de la tradition et du raisonnement (1), de la foi et de l'examen; puissances indestructibles et que nous trouvons perpétuellement aux prises.

(1) On peut s'en convaincre par les propres paroles de Bérenger. << Voici, dit-il, ce dont il s'agissait dans mon voyage à Rome : c'était la sainte table, l'éminence de la raison, l'indépendance de l'autorité. (Ad satisfaciendum de eminentiâ rationis, de immunitate auctoritatis). » P. 42.

Nous allons nous arrêter au seuil du xn siècle; mais, en nous y arrêtant, nous saluerons, sans les aborder, les deux imposantes figures qui ouvrent et personnifient le moyen âge : l'homme de la théologie, saint Bernard, et l'homme de la philosophie, Abailard.

Dès à présent, une opposition pareille est formée par Lanfranc et Bérenger. Avec de notables différences, les deux antagonistes du x1° siècle peuvent, sous quelques rapports, être comparés aux deux grands lutteurs du

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Dans Bérenger, doué d'un esprit hardi, avec assez peu de tenue de caractère; dans Bérenger, qui paraît abandonner ses idées, puis les reprend et les soutient toujours; dans Bérenger, qui est téméraire, un peu brouillon, bel esprit, rhéteur, et par-dessus tout dialecticien, il y a de l'Abailard; et dans Lanfranc, homme positif, homme d'autorité, de dogme, de gouvernement, de résistance; dans Lanfranc, qui combat les novateurs, sans abandonner et sans perdre un pouce de terrain, il y a du saint Bernard.

L'autorité ne fut pas représentée par un grand homme au xvi siècle. Peut-être parce que la réforme devait triompher, au moins pour le moment, dans une grande partie de l'Europe, Dieu ne lui a point envoyé d'adversaire digne de tenir tête à Luther, à Calvin, à Mélanchton. La victoire eût été plus difficile si Bossuet eût vécu cent cinquante ans plus tôt. Bossuet eût été le saint Bernard du XVIe siècle.

Ainsi, les questions fondamentales du christianisme sont agitées de nouveau ; l'éternel antagonisme de la raison et de la foi se pose avec quelque hardiesse et quelque

grandeur; l'esprit humain recommence à tourner sur ses pôles : son mouvement devient de plus en plus sensible, et nous pouvons dire de lui ce que Galilée disait du globe terrestre E pur si muove (Il se meut pourtant )!

CHAPITRE XVIII.

SUITE DE LA THÉOLOGIE. SAINT ANSELME.

Apparition de la théologie dogmatique.-Vie de saint Anselme.

Dans une petite vallée de la Normandie, non loin de cette ville de Brione où l'on condamna les innovations de Bérenger, une tour s'élève. parmi les arbres, près d'un ruisseau. Voilà tout ce qui reste de l'abbaye du Bec. J'ai visité avec respect ce lieu solitaire et presque ignoré; car c'est là qu'a écrit saint Anselme, c'est là que ce puissant esprit a recommencé le mouvement de la pensée chrétienne.

La théologie dogmatique est pour nous un genre de littérature à peu près nouveau. Depuis le v° siècle, lorsque la théologie a offert quelque originalité, elle l'a due en général à la polémique. Même en remontant jusqu'au grand siècle de la littérature chrétienne, jusqu'au ivo, nous n'avons guère trouvé parmi les pères gaulois de théologien

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purement dogmatique. Saint Ambroise était surtout moraliste, et saint Hilaire était engagé dans une polémique ardente. Saint Augustin est parmi les pères de l'Église latine celui qui a le plus fait pour l'établissement et la démonstration du dogme. Eh bien! depuis saint Augustin pour rencontrer un docteur qui lui ressemble sous ce rapport, il faut franchir six siècles et arriver jusqu'à saint Anselme, abbé du Bec, en Normandie. Le point de vue d'Anselme est entièrement différent de celui de Scot Érigène et de Bérenger.

Ces hommes, se plaçant en dehors de l'autorité, prétendaient expliquer par la raison les dogmes et les mystères. Ils étaient philosophes ou hérétiques. Saint Anselme, au contraire, est constamment orthodoxe, il part de la foi, il accepte le dogme tel que l'enseigne l'Église. Anselme n'en est pas moins un penseur profond; car, au lieu de s'en tenir à la simple acceptation du dogme, il veut, dit-il, non pas le comprendre, mais le prouver, et, après avoir cru, il veut faire croire. Son but n'est point de mettre les mystères à la portée de l'esprit humain, mais de tenter tout ce qui est possible à l'esprit humain pour se satisfaire par la démonstration de ces mystères, après les avoir admis préalablement. On ne saurait s'élever à une plus grande hauteur philosophique, sans dépasser jamais les limites de la plus stricte orthodoxie.

Avant de parler des principaux ouvrages de saint Anselme, je veux faire connaître l'homme. Nous avons deux ouvrages sur la vie de saint Anselme, tous deux par Eadmer, moine de Cantorbéry; l'un, intitulé Historia novorum temporum, est principalement consacré à raconter ses débats avec le roi d'Angleterre; l'autre considère plus le

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