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distinguer dans celle-ci les époques secondaires qui la partagent, et, dans l'état général de notre pays, les divers degrés de barbarie auxquels ses diverses portions furent s umises.

D'abord, il est évident que cette période, qui s'étend depuis l'an 600 environ jusqu'au dernier tiers du vin siècle, ne peut avoir été, dans toute sa durée, d'une égale barbarie; car la condition de la société n'a pas été toujours identique. Autre est la société de la Gaule franque sous le gouvernement énergique de Dagobert, et autre sous les rois fainéants. Il est évident que les deux premiers tiers du viie siècle ont un caractère historique différent : rien de plus différent que le règne tout guerrier de Charles Martel, l'ennemi de l'Église, et le règne de Pepin, son plus ferme appui.

Quelque agité, quelque orageux que soit le viie siècle, bien que l'Église y soit constamment envahie par la force, ce siècle est cependant pour elle, à certains égards, un temps de prospérité. Elle acquiert beaucoup de propriétés; beaucoup de monastères sont fondés, et par suite, nous l'avons vu, beaucoup d'écoles; mais dans la première moitié du vin siècle, le spectacle change : les fondations religieuses diminuent considérablement ; l'Église est atteinte, non plus seulement dans son esprit, mais encore dans ses ressources matérielles, dans ses possessions, que Charles Martel lui arrache pour les distribuer à ses leudes. C'est le moment le plus dénué de tout développement intellectuel.

Sous Pepin, au contraire, on voit déjà la royauté franque se tourner vers l'Église, c'est-à-dire vers la civilisation. Quant à la distribution de la barbarie sur le sol de la

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Gaule, il y a aussi de grandes distinctions à faire. Aux VII et viie siècles, le Midi différait du Nord, et, dans le Nord, l'est différait de l'ouest, la Neustrie de l'Austrasie. On ne doit point confondre, comme on l'a fait trop souvent, sous une même dénomination et envisager comme un tout véritable les pays dont l'ensemble s'est appelé depuis la France, et qui alors étaient très-distincts. Cette confusion est encore moins permise depuis qu'a paru l'Histoire de la Gaule Méridionale sous les conquérants germains, par M. Fauriel. Une portion de la Gaule Méridionale, la Septimanie, passa immédiatement des Goths aux Arabes. Elle ne tomba aux mains des Francs que sous le dernier pré décesseur de Charlemagne. La Provence est restée longtemps un pays gréco-romain, s'isolant de la monarchie franque; jamais elle n'en fut plus indépendante qu'au viie et dans la première partie du vin siècle. Enfin, un grand royaume d'Aquitaine, qui s'étendait entre la Loire, le Rhône et les Pyrénées, exista un moment sous Dagobert, puis fut constitué en duché, conservant toujours, comme on le voit dans l'histoire que j'ai citée tout à l'heure, une existence propre jusqu'au jour où Waifre fut vaincu par Pepin. On doit tenir compte de toutes ces différences, et il faut s'attendre que, dans la portion de la Gaule où les effets de la conquête, si désastreux pour l'Église et, par suite, pour la littérature chrétienne, seront moins marqués, nous trouverons, durant cette époque, la plus mauvaise, la plus barbare de celles que nous avons à parcourir, quelques vestiges de l'ancienne culture latine.

Nous en trouverons à Poitiers, ville placée à l'entrée du pays d'Aquitaine, et qui, après avoir été, depuis le premier siècle de la conquête romaine, un siége constant de

culture, fut plus tard le séjour de Fortunat, le dernier lettré de la Gaule. Les choses avaient bien changé, il est vrai, à Poitiers, depuis Fortunat, et rien ne peint mieux cette métamorphose qui s'opère dans la société achevant au viie siècle de passer à la barbarie, que les événements dont le monastère de Sainte-Croix devint alors le théâtre. Là où Fortunat adressait de petits vers à Radegonde et menait près d'elle une vie oisive, littéraire et raffinée (1), se passent des scènes dans lesquelles la barbarie domine: des religieuses, filles de rois et de chefs francs, font la guerre, ont une armée à leur solde, soutiennent des siéges dans l'église de Saint-Hilaire. On se rappelle l'émeute de religieuses dirigée par la princesse Chrodilde. Cependant, malgré les changements survenus dans l'intérieur des monastères, Poitiers a encore une école où fut élevé saint Léger. Son biographe raconte qu'il ́avait été poli par les diverses études auxquelles ont coutume de s'appliquer les puissants du siècle (2). Voilà donc une école florissante au vi° siècle; et ce passage de la vie de saint Léger fait voir que les grands personnages continuaient à s'adonner à diverses études. En parcourant les vies

(1) Je saisis cette occasion, la première qui se présente, de retirer quelques chicanes que j'ai faites à M. A. Thierry sur la grossièreté gastronomique de Fortunat, laquelle pourrait bien tenir de plus près à l'ancien épicuréisme romain qu'aux appétits brutaux des barbares, et sur le personnage de Radegonde, dont une autre lettre de M. Thierry complète l'appréciation. Peut-être ai-je cédé à mon insu au désir qui entraînait les jeunes chevaliers à briser une lance courtoise contre les maîtres de la lice pour honorer et consacrer leurs armes.

(2) Cumque à diversis studiis quibus sæculi potentes studere solent, d plene in omnibus, disciplinæ limâ esset politus. Acta sanct. ord. sanct. Ben., sæcul. 11, p. 681.

des saints du vu siècle, on pourrait relever un certain nombre de faits attestant que sur plusieurs points de la Gaule Méridionale, et surtout du royaume d'Aquitaine, des écoles sont encore debout. Saint Priest avait été élevé à l'école d'Issoire (1) en Auvergne. Cette province paraît avoir été une de celles où s'était le mieux conservée la tradition des lettres romaines. De là, on s'en souvient était venu Grégoire de Tours, là avait fleuri Sidoine Apollinaire. Le biographe de saint Bonnet (2) nous a laissé de précieux détails sur ce qu'on enseignait à Clermont au viie siècle: on y enseignait la grammaire, c'està-dire, selon la vaste extension du mot à cette époque, la littérature, et aussi le code Théodosien. Le biographe ajoute que saint Bonnet était, parmi ses contemporains, le plus excellent des sophistes. Ainsi subsistaient encore les dénominations appliquées dans l'antiquité aux orateurs et aux philosophes.

Parmi les monastères du Midi qui avaient eu le plus de renom et la plus grande influence sur les lettres dans l'âge précédent, il en était de bien déchus, entre autres la célèbre abbaye de Lérins, ce foyer de la littérature au ive siècle. Rien ne montre mieux la décadence de Lérins que l'histoire de saint Aigulfe qui, voulant réformer le monastère, trouva dans cette entreprise une telle difficulté, de tels périls, que sa vie même fut exposée. Ses moines l'embarquèrent, le conduisirent dans une île déserte et lui coupèrent la langue (3). Voilà ce qui arrivait alors aux abbés qui voulaient opérer des réformes.

(1) Mab., Act. sanct. ord. sanct. Ben, sæc. 11, p. 647. (2) Ibid., sæc. 111, pars 1, p. 90.

(3) Ibid., sæc. II, P 662.

Quant au royaume de Burgundie, où les lettres latines avaient été si assidûment cultivées du temps de saint Avit, elles n'avaient pas complétement cessé d'y fleurir au vi siècle; on le voit par cet évêque de Vienne auquel saint Grégoire adressait le reproche de trop s'occuper de littérature profane et de consacrer à la récitation des poëtes païens une bouche qui n'aurait dù s'ouvrir que pour célébrer les louanges du vrai Dieu. Un autre foyer d'instruction en Burgundie était le monastère de Luxeuil; de ce monastère saint Gall devait sortir pour aller fonder en Suisse la fameuse abbaye qui porte encore son nom, un des lieux qui ont le mieux conservé, à travers la barbarie du moyen âge, les monuments de l'antiquité et quelques habitudes littéraires.

La Neustrie fut celle des deux portions septentrionales de la Gaule où l'esprit de l'administration romaine lutta avec le plus d'avantage contre l'esprit purement guerrier et déjà féodal de la Germanie. Aussi est-il naturel de penser que l'on trouvera en Neustrie beaucoup plus de monastères et par suite beaucoup plus d'écoles que dans l'Austrasie. Pour l'Austrasie, pays foncièrement germanique, elle semble devoir être complétement privée de toute culture. Mais, par une sorte de compensation, c'est aux frontières de ce pays, chez les peuples germaniques, sur lesquels s'appuyaient les Francs d'Austrasie, que se sont accomplies les grandes missions qui ont poussé si avant les progrès de la civilisation chrétienne et de la littérature latine. Il faut noter pareillement et ce qui dans le Midi reste des âges précédents, et ce qui commence dans le Nord et dans l'Est, du côté de la Germanie.

Là sont ces églises et ces abbayes nouvelles de la

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