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a presque toujours résisté au mouvement du siècle. Il a voulu être la digué qui arrête au lieu d'être le fleuve qui porte. L'avenir aura trois choses: l'égalité, la liberté et la paix; du moins nous marchons vers ce triple but. Qu'a fait Napoléon pour l'atteindre? Il a trouvé l'égalité fondée par la Révolution : il l'a conservée contre son instinct, mais en l'altérant par des tentatives aristocratiques, en la dégradant par le despotisme; la liberté, il l'a anéantie; la paix, il ne l'a pas connue. Ses immenses facultés ont donc été surtout au service de ce qui doit périr. Tan! qu'il y aura de la mémoire chez les hommes, ils se souviendront de ce mortel extraordinaire et s'inclineront à son nom; mais à mesure que l'humanité connaîtra mieux ses fins, elle s'attachera toujours davantage à ceux qui les ont servies. Elle aura des hommages pour les ambitieux de génie comme César et Napoléon, mais elle aura un culte pour les civilisateurs comme Alexandre et Charlemagne.

Alors on pensera peut-être à élever un monument au père des lettres modernes. L'Allemagne et la France se disputent Charlemagne ; j'ai parcouru l'Allemagne et la France, et je n'ai pas trouvé sa statue. Je la voudrais quelque part vers le Rhin, entre les deux pays; je voudrais que sur le piedestal fussent gravées des scènes de la vie barbare; qu'aux pieds de Charlemagne fussent entassés pêle-mêle les trophées de ses chasses et ses instruments d'astronomie, ses capitulaires et les chants nationaux qu'il avait recueillis, ses écrits théologiques et sa grammaire franque ; je voudrais qu'on plaçât la couronne impériale sur sa blonde et flottante chevelure, qu'on ap

perçût le vêtement de peau

de loutre sous son manteau de

pourpre, qu'il s'appuyât contre une croix et tînt, dans ses mains, un glaive et un livre.

CHAPITRE IV.

ALCUIN.

Étrangers appelés par Charlemagne.

Il trouve Alcuin en

Italie.

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· Premier séjour d'Alcuin auprès de Charlemagne. Sa carrière théologique. - L'adoptianisme.—Il devient abbé de Tours. École de Tours. - Système de l'enseignement Trivium, quadrivium. — Copie de manuscrits.—

d'alors.

Son importance.

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Ses

Obstacles que rencontre Alcuin. œuvres.-Vestige de la poésie anglo-saxonne.-Alcuin considéré comme prêtre et comme homme.

Charlemagne avait préparé l'avenir par des institutions; mais, dans le présent, il lui fallait ce qui s'improvise encore moins que les institutions, des hommes; il n'en trouvait pas autour de lui, et il ne pouvait en trouver. Comment se seraient-ils formés avant les écoles? Charlemagne fut donc obligé d'aller chercher des hommes là où il pouvait y en avoir. Aussi presque tous les savants qui ont illustré son règne sont des étrangers.

Pour qu'il pût naître dans notre pays de tels personnages, il fallait que les établissements fondés par Charlemagne, les écoles qu'il avait créées, l'impulsion régénératrice qu'il avait donnée à l'enseignement, eussent produit

tous leurs résultats; c'est ce qui eut lieu dans le siècle suivant, dans le Ix siècle. Jusque là ceux qui cultivèrent les lettres dans notre pays étaient venus du dehors. C'était Leidrade, évêque de Lyon, né dans la Norique, le Lombard Paul Warnfried, enfin le plus grand de tous, celui qui nous occupera d'abord l'Anglo-Saxon Alcuin.

Il en était de l'Empire franc d'alors, comme il en était de l'Empire russe dans le siècle dernier, quand des savants allemands ou français remplissaient presque entièrement les cadres de l'académie de Saint-Pétersbourg.

Charlemagne se trouvait un peu dans la situation de Pierre Ier. Avant lui, presque tous les pays de l'Europe occidentale étaient plus avancés que la France, et, on peut le dire sans vanité nationale, un tel état de choses est une véritable anomalie dans l'histoire de la civilisation. Il en fut pourtant ainsi à l'époque de la barbarie et de la décadence mérovingiennes. Alors la France fut éclipsée par l'Espagne, par l'Italie, par l'Angleterre. L'Espagne eut, au vi° siècle, Isidore de Séville. En Italie, après Boëce et Cassiodore, ces derniers représentants de l'antiquité, au moment où elle vient expirer au seuil des temps modernes, deux grands papes s'élevèrent, saint Léon et saint Grégoire. Plus tard, tandis que les ténèbres les plus épaisses couvraient la Gaule, l'Angleterre produisit Bède-le-Vénérable, célèbre par l'étendue de ses connaissances. La France n'avait rien de pareil.

Charlemagne replaça l'astre égaré de la civilisation moderne à son véritable foyer. Mais quel pays pouvait lui fournir les instruments de ses desseins? L'Espagne envahie par les Arabes, n'en était plus au temps d'Isidore

de Séville; l'Italie, occupée en partie par les Lombards, était tombée presque au niveau de la Gaule. Encore imposante par ses monuments, riche en manuscrits, elle était pauvre en écrivains. Cependant on ne doit pas oublier l'Italie, quand on parle des hommes empruntés à l'étranger par Charlemagne. Il faut joindre à Paul Warnfried, qu'on nomme aussi Paul Diacre, Pierre de Pise, dont on ne sait presque rien, sinon qu'il enseigna la grammaire à Charlemagne (1). Quand à Paul Diacre, il fut fait prisonnier dans la guerre contre Didier. Butin de la victoire, Charlemagne, qui conquérait des savants comme des royaumes, le ramena avec lui dans son Empire. Paul demeura fidèle de coeur à sa nation et à son roi, et, comme ces sentiments excitaient contre lui l'animosité de la cour de Charlemagne, le Lombard répondit noblement qu'il les conserverait toujours. Les leudes francs, irrités de l'attachement de Paul pour son pays, proposaient de lui couper les mains et de lui arracher les yeux. A quoi Charlemagne répondit: « Dieu me préserve de traiter ainsi un tel historien et un tel poëte. » Paul n'était ni un grand historien ni un grand poëte; mais il était un homme instruit, et le respect de Charlemagne pour l'instruction dans la personne de Paul, contraste énergiquement avec la barbarie de ceux qui voulaient le punir si brutalement de ses sentiments patriotiques.

La France, sous Charlemagne, rendit à l'Italie ce qu'elle en avait reçu. Paulin, évêque d'Aquilée, était né en Austrasie; un autre Franc, nommé Autpert, alla, jusqu'au fond du duché de Bénévent, cultiver les lettres

(1) Einhardi Caroli-Magni vita, c. 25.

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