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Huitièmement s'il était vrai que l'autorité civile ne dût pas se mêler des affaires religieuses, il serait juste aussi, que par réciprocité l'autorité ecclésiastique ne se mêlât point des affaires civiles. Or est-il vrai, et peut-il être vrai dans la pratique, qu'une religion demeure étrangère aux affaires humaines? Quel serait donc l'objet d'une religion, si elle n'apprenait point aux hommes leurs devoirs, et si elle ne leur donnait pas des règles de conduite pour les accomplir suivant les différentes circonstances? Toutes les deux ces autorités s'occupent donc des mêmes objets; mais l'une principalement pour l'extérieur, l'autre principalement pour l'intérieur; l'une employe, comme moyens, le commandement, la coaction, les menaces de peines temporelles, et l'infliction de ces mêmes peines; l'autre les admonitions, les prières, la privation, partielle ou totale, des droits de la société religieuse, c'est-à-dire des peines spirituelles.

§ 3.

Comment se fait-il, que la maxime " que l'autorité civile ne doit point se méler de religion," a tant prévalu dans ces derniers tems, et se voit maintenant adoptée presque généralement et avec une si aveugle confiance?

Parce qu'une religion une fois établie dans un pays a une très-grande et constante influence dans la société civile, les législateurs des tems les plus anciens ont cherché à s'emparer, autant que possible, de ce puissant ressort, et les souverains de toutes les nations connues de l'antiquité, s'attribuèrent l'intendance des choses de la religion. Pourquoi pense-t-on si différemment aujourd'hui ? Pourquoi y a-t-il une espèce de répugnance à entendre parler de lois civiles pour régler un culte? Que le clergé catholique, que la cour

de Rome aient une pareille aversion, cela s'entend très-bien; il est naturel qu'ils aiment mieux commander seuls. Mais que les gouvernemens, et que les individus laïques des tems actuels, partagent la même répugnance, la chose reste un peu plus difficile à expliquer. Bien certainement il faut en assigner d'autres raisons, que celles qui meuvent la cour de Rome et le clergé.

Il me paraît que ces raisons peuvent se réduire à trois. Je mettrai pour la première l'indifférence en matière de religion qui existe actuellement, si non dans les actes extérieurs, dans la pensée du moins d'un grand nombre d'individus des classes supérieures. Les lumières de la philosophie, qui ont mis en évidence les erreurs, dont on a enveloppé même celle des religions, que nous tenons avec raison pour la plus pure, le christianisme, la grande communication des peuples par le commerce, et par tous les progrès de la civilisation, qui ont offert le spectacle de plusieurs sectes religieuses opposées entre elles, ou dissidentes, ont diminué de beaucoup, aux yeux de plusieurs politiques, la valeur de la religion, c'est-à-dire son importance, comme élément social.-La seconde raison est d'avoir vu l'inconvenance, et les tristes conséquences de plusieurs lois rendues anciennement par des empereurs, ou autres souverains, dans des matières de religion, quelquefois sur des points de théologie, tout-à-fait étrangers au bien de la société civile.-La troisième et la plus puissante, est l'horreur des persécutions, des guerres civiles, du sang répandu pour des querelles de religion, ou pour faire triompher la cause d'une secte sur celle d'une autre secte; malheurs qu'on impute tous à l'intervention de l'autorité civile dans les matières religieuses.

Cependant aucune de ces raisons n'est valable, à mon avis, pour établir, que l'autorité civile ne doit point intervenir en matière de religion. D'abord quant à la première, c'est-à-dire à l'indifférence existante dans un grand nombre de personnes par rapport à la religion, cette indifférence

n'est pas, à beaucoup près, si générale, que l'on pense. Elle est plus dans les villes capitales, que dans les provinces; elle n'existe point du tout dans les campagnes, et même dans les grandes masses de la population des villes. Qui dira, par exemple, qu'elle existe en Irlande? Et d'ailleurs, personne ne pouvant disconvenir qu'une saine morale, et une morale religieuse, soit un des plus solides fondemens de la société, ainsi que nous avons remarqué ci-dessus, je ne crois pas que l'indifférence dont il est ici question, puisse gagner terrain dans l'esprit des gens sensés, et ce serait, à mon avis, un très-grand malheur que cela fût. Au lieu donc de la favoriser, et de demeurer spectatrice indolente de ce que les diverses sectes religieuses font, enseignent, débattent entre elles ; des troubles qu'elles se suscitent; des projets de destruction réciproque qu'elles méditent, il me paraît bien plus politique, plus humain, plus conforme au bonheur des nations, que l'autorité civile intervienne pour les concilier, les contenir, les réprimer, les protéger, les diriger même, les rapprocher, et faire de sorte en un mot, que leur action, quoique divisée, et se mouvant en sens différens, tende néanmoins au but général de la société dans laquelle elles existent.

Cependant si cette intervention est nécessaire, le but, l'extension et la manière de cette intervention même, doivent être dictés par la sagesse, c'est à dire elle ne doit avoir lieu que lorsque, et autant que le bien de la société civile l'exige. Et alors la seconde, et la troisième raison de répugnance cessent nécessairement d'exister. Ainsi l'autorité publique ne s'identifiera avec aucune secte; n'en persécutera aucune à raison ni de certaines croyances, ni de certains actes, du moins indifférens; ne décidera point des controverses spéculatives de théologie, ne se mêlera point de dogmes, et laissera faire, en tout ce qui n'est pas préjudiciable au bien public. Dans cette mesure, il ne s'ensuivra de l'intervention de l'autorité publique ni troubles, ni guerres civiles,

ni massacres; il en naîtra, au contraire, la paix, la tolérance dans les points dogmatiques, dans lesquels les sectes se divisent, la concorde et l'harmonie dans tout le reste, et la coopération cordiale de toutes les associations religieuses à l'ordre public, et au bonheur de la grande société

humaine.

Si des empereurs ou impératrices d'Orient firent des lois absurdes ou ridicules en matière de religion, qui dira que Saint Louis, Charles VII, Henri IV, et dans une mémorable circonstance Louis XVI (c'est à dire lorsqu'il confirma par un édit la déclaration du clergé de France de 1682), n'en firent pas de très-utiles, et même de très-nécessaires? Et à cet égard il faut remarquer, que le même souverain en a pu faire de bonnes et de mauvaises en matière de religion, comme en matière politique et civile. Le même Louis XVI, qui sanctionna la déclaration du clergé de 1682, révoqua l'édit de Nantes et persécuta les protestans. Toutes les lois que firent, en matière de religion, la reine Elisabeth, et les rois de la maison Stuart, ne sont pas toutes bonnes, et ne sont pas toutes mauvaises. Chacune de ces lois doit être jugée par elle-même, c'est à dire par le principe vrai ou faux sur lequel elle se fonde, par la nature de ses dispositions, par l'objet qu'elle a en vue. Et comme il serait ridicule de conclure, que toutes furent bonnes, parce qu'il y en eut de bonnes, ou que toutes furent mauvaises, parce qu'il y en eut de mauvaises ; il est de même tout aussi étrange, que l'on tire de ce fait l'autre induction, que le législateur ne doit point se mêler du tout de matières religieuses, parce que plusieurs fois on s'en est mêlé très-mal à propos, ou très-injustement.

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Continuation du méme sujet.-Opinion de l'abbé de Pradt conforme au préjugé commun d'aujourd'hui, que l'autorité civile ne doit point se méler de religion.—Savante réfutation de cette opinion par le docteur Joachim Laurent Villanueva.

Dernièrement: l'abbé de Pradt dans un livre publié avec le titre Du Concordat du Mexique avec la cour de Rome, a aussi embrassé l'opinion nouvelle, qu'il ne faut pas que les gouvernemens se mêlent de religion. Il ne va pas jusqu'à dire, qu'ils ne le puissent pas légitimement. Loin de là, il déclare que les souverains peuvent dans un certain sens être appelés, par rapport à l'église catholique, les évéques de l'extérieur. Mais peu après il soutient que ces mêmes souverains troublent et dérangent la vraie nature de la religion, et celle des choses, lorsqu'ils ont le malheur de s'immiscer dans l'ordre religieux, et qu'ils prétendent de le diriger. Il vaudrait beaucoup mieux, dit-il, que dans aucun cas ils n'intervinssent dans une chose, qui de sa nature et par sa destinée, n'opère qu'à l'intérieur, quoique, pour cela, elle ne puisse pas se passer de moyens externes.

Cette opinion de M. de Pradt est très-habilement réfutée par le docteur Joachim Laurent Villanueva, espagnol, dans son livre intitulé "Juicio de la obra del señor Arzobisbo "de Pradt, intitulada Concordato de Méjico con Roma.' 66 J'espère, dit-il, que M. de Pradt, et un autre prélat espa"gnol, qui avait soutenu la même thèse aux cortès d'Es

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pagne en 1820 (l'archevêque de Valence Fra Veremundo "Arias Tejeiro), ne prendront pas la chose en mal, si je 66 préfère à leur témoignage celui du sage évêque de Segovia, "Don Diego de Covarrubias, qui, il y a à-peu-près trois ❝ siècles, écrivit ainsi l'expérience fera voir à quiconque "voudrait ravir cette autorité aux princes chrétiens, combien

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