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sonnes faisant seulement attention à des faits historiques du premier âge, pour ainsi dire, du protestantisme, attribuent tout autant d'intolérance aux protestans qu'aux catholiques. Rien de plus commun que d'entendre dire, même actuellement, que le reproche d'intolérance et de persécution est dû également aux uns et aux autres; qu'il y a récrimination, etc. Rien cependant n'est plus faux que cette parfaite similitude, surtout pour le tems présent, et même pour les tems antérieurs un peu plus récens. "Le principe d'examen, adopté par les protestans," remarque un habile écrivain, “conduit nécessairement à la tolérance, au lieu que le principe de l'autorité, point fondamental de la croyance romaine, en écarte non moins nécessairement. L'intolérance des protestans n'était," ajoute-il, "qu'un reste de papisme que les principes mêmes sur lesquels la réforme était fondée, devaient détruire un jour." L'observation est juste; mais une autre raison non moins puissante, qui rendit les sectes protestantes successivement plus tolérantes, c'est l'abandon du principe du salut exclusif; car dès ce moment elles purent se regarder sans rancune, sans sentiment d'hostilité les unes à côté des autres, parvenir à s'estimer réciproquement, et ne plus nourrir le sentiment, l'envie, le désir ardent de se supplanter et même de s'entre-détruire.

Mais l'Angleterre, dit-on, dont la plus grande partie est protestante, et qui se vante d'avoir un gouvernement protestant, une constitution protestante, se montre cependant bien intolérante envers les catholiques soit Anglais, soit Irlandais, et figure comme telle aux yeux de toute l'Europe. Peut-on la laver de ce reproche ?

Oui, on le peut, et il est juste de le faire; et pour peu qu'un homme soit impartial dans la considération des motifs qui donnèrent lieu au commencement, au progrès, et à la durée de cette intolérance, il parviendra à se convaincre, que, malgré les incapacités des catholiques d'Irlande et d'Angleterre, nul état ne mérite moins le reproche d'intolérant que la Grande-Bretagne.

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On peut commettre des actes d'intolérance même très-rigoureux et très-sévères, tout ayant gravé profondément dans le cœur, et même chérissant à l'idolâtrie le principe de la tolérance ou liberté religieuse. Peut-on être, par exemple, tolérant envers une secte intolérante? Très-difficilement, excepté qu'on réprime constamment la secte intolérante, et qu'on la rende par force tolérante. Autrement, ainsi que j'observai au chapitre IV, pour favoriser une tolérance partielle, vous détruisez la tolérance générale. Jamais les actes qui ont eu pour cause un principe supérieur et dominant, ne doivent être interprétés comme faits en opposition à un autre principe très-bon en soi et très-vrai, mais qui, dans des circonstances données, doit céder au premier. Un magistrat fait mettre en prison un criminel; ou fait enfermer un fou dans un hôpital; il commet des actes contraires à la liberté de ces deux individus. On ne dira pas pour cela, que le magistrat soit un tyran, ou un ennemi des libertés publiques. Et pourquoi cela? Parce que bien que l'acte de la réclusion des deux individus, soit contraire à la liberté, il est néanmoins dicté par un tout autre principe, qui justement dut prévaloir dans l'esprit du magistrat, et ce principe est la sûreté de tous les autres citoyens.

Ecoutez tous ceux qui parlent contre ce qu'on appelle l'émancipation des catholiques. Il n'y en a pas un, qui ne professe hautement le principe de la liberté religieuse, et certes, si vous regardez et leur nombre, et le caractère irréprochable de plusieurs d'entr'eux, vous ne pouvez considérer de telle protestations comme hypocrites. Ensuite toutes les concessions, qu'on a fait graduellement aux catholiques depuis trente ou quarante ans-l'établissement du collége de Maynooth exclusivement en leur faveur-l'acte d'indemnité annuel accordé aux Dissenters pour une longue série d'années sans la plus petite difficulté-l'espèce d'empressement qu'on a mis dernièrement à abolir les sermens connus sous le nom de Test and Corporation Act-la foule de sectes religieuses nouvelles, qui se montrent tous les

jours sans éprouver la plus petite difficulté-tout cela n'estil pas suffisant pour prouver, que l'esprit de tolérance religieuse règne souverainement dans ce pays, et que même, sous ce rapport, nul autre pays ne lui est comparable ? Dans mon opinion il est excessif, et j'en ai dit les raisons aux chapitre VI.

Mais les catholiques d'Irlande !-Eh bien, le gouvernement, la majorité du parlement, et vraisemblablement la majorité de la nation sentent une très-grande répugnance à ôter les dernières restrictions ou incapacités, qui pèsent encore sur eux, parce qu'ils craignent sincèrement pour leur constitution protestante, pour leur église protestante, et même pour les libertés politiques du pays; ils ne voient pas clairement un système pratique de compatibilité entre le catholicisme et les libertés civiles et religieuses, de manière que leur refus ou opposition, tout étant en soi un acte d'intolérance, ils le commettent avec le plus grand regret; ils le commettent poussés par tout autre principe, que celui d'intolérance, même par celui de tolérance, mais plus généralement considérée-ils le commettent enfin avec le plus vif désir de pouvoir l'émender aussitôt qu'ils pourront se convaincre que même après avoir mis les catholiques à l'égal de tous les autres citoyens, ils auront des garanties pleines et suffisantes pour les biens inestimables qui les rendent si jaloux, si timides et si douteux.

Il faut bien que la chose soit ainsi, pour que l'Angleterre coure les grands risques, auxquels l'état de l'Irlande l'expose journellement, soit pour la tranquillité intérieure, soit pour sa force et indépendance à l'extérieur. Comment se ferait-il qu'un peuple si libre et si tolérant dans tout le reste, s'obstinerait dans un système d'intolérance à l'égard des seuls catholiques, s'il n'était pas mû par des motifs qui tiennent aussi à des considérations supérieurs de sûreté et de liberté politique et religieuse? Ces craintes seront fondées ou non ;-les raisonnemens de ceux qui craignent,

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ou de ceux qui ne craignent pas, seront bons ou mauvais ;— ce n'est pas là la question. Ce que je soutiens, c'est que l'intolérance y est matériellement, c'est-à-dire dans le faitmais elle n'existe pas en principe; au contraire le principe de la liberté religieuse est le seul triomphant, et tous d'accord, amis ou ennemis de ce qu'on appelle l'émancipation catholique, lui rendent un sincère hommage.

Mais, on répète, l'opinion universelle en Europe n'est pas que les Anglais soient tolérants envers leurs fellow subjects, les catholiques. Elle n'a pas été telle dans tous les tems, parce que dans tous les tems on n'a pas eu l'absurde prétention qu'il dût absolument y avoir égalité parmi tous les citoyens d'un pays, non seulement dans les droits civils, mais aussi dans les droits politiques. Voltaire, qui fut un des grands prédicateurs de la tolérance religieuse, et qui certainement a beaucoup contribué à là répandre, ne regardait pas l'inégalité dans les droits politiques à raison de la religion, comme une persécution de cette même religion. "Je ne dis pas," ce sont ses paroles, " que tous ceux qui ne sont point de la religion du prince doivent partager les places et les honneurs de ceux qui sont de la religion dominante. En Angleterre les catholiques ne peuvent parvenir aux emplois ; ils payent même double taxe: mais ils jouissent de tous les droits de citoyens." Ailleurs il dit: "Nous osons croire, à l'honneur du siècle où nous vivons, qu'il n'y a point dans toute l'Europe un seul homme éclairé, qui ne regarde la tolérance comme un droit de justice; un devoir prescrit par l'humanité, la conscience, la religion; une loi nécessaire à la paix et à la prospérité des états. Si dans cette classe d'hommes qui déshonorent les lettres par leur vie comme par leurs ouvrages, quelques-uns osent encore s'élever contre cette opinion, on peut leur opposer avec trop d'avantage les maximes et la conduite des Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, des deux parlemens de la Grande-Bretagne, etc." Voltaire écrivit tout ceci à peu près en 1763, toujours bien

certainement avant les principales concessions faites aux catholiques, étant lui-même mort en 1778. Plusieurs années après, c'est à dire entre 1785 et 1789, les savants éditeurs de l'édition des œuvres de Voltaire faite à Kehl, mirent dans une note ce qui suit :* "Tout a été tellement changé, qu'en Irlande même les protestans se sont côtisés pour faire bâtir des chapelles à leurs frères les catholiques que la pauvreté, où l'ancienne intolérance les avait réduits, mettait hors d'état d'en élever à leurs dépens❞t.

En 1795, le cardinal Antonelli, préfet de la congrégation de Propaganda fide, adressa, au nom de cette congrégation, par ordre de Pie VI, une lettre aux prélats catholiques romains de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, dans laquelle il leur recommande d'enseigner aux peuples confiés à leurs

* On attribue ces notes à Condorcet.

† A l'époque où Voltaire écrivait, on ne regardait pas aussi l'Irlande si pauvre et si malheureuse, qu'on la peint actuellement. Dans son Essai sur les Mœurs il en parle en ces termes: "Ce pays est toujours resté sous la, domination de l'Angleterre, mais inculte, pauvre et inutile, jusqu'à ce qu'enfin dans le dix-huitième siècle l'agriculture, les manufactures, les arts, les sciences, tout s'y est perfectionné; et l'Irlande, quoique subjuguée, est devenue une des plus florissantes provinces de l'Europe." Les concessions faites, depuis cette époque, aux catholiques n'ont pu certainement la faire empirer. Toujours nous dit-on, que depuis cette époque les catholiques ont tant gagné en propriétés, en richesses, en industrie, de manière à être devenus très-influens, et puissans. Très-bien. Je demande maintenant : a-t-on ôté quelque chose aux protestans? Je pense que non. Donc l'Irlande a dû croître en prosperité, en richesses, et en bonheur depuis ce tems. Comment concilier ceci avec les exclamations qu'on fait, et avec ce qu'on prétend toujours, que ce sont les incapacités des catholiques, qui rendent l'Irlande misérable? Est-elle donc devenue plus misérable à mesure que les incapacités ont été ou abolies ou diminuées ?

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