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« Le véritable ordre de choses qu'il s'agit de considérer en tout ceci, consiste à reconnaître :

» 1° Que tout changement un peu considérable et ensuite maintenu dans les circonstances où se trouve chaque race d'animaux opère en elle un changement réel dans leurs besoins ;

» 20 Que tout changement dans les besoins des animaux nécessite pour eux d'autres actions pour satisfaire aux nouveaux besoins et, par suite, d'autres habitudes;

» 3° Que tout nouveau besoin nécessitant de nouvelles actions pour y satisfaire, exige de l'animal qui l'éprouve, soit l'emploi plus fréquent de telle de ses parties dont auparavant il faisait moins d'usage, ce qui la développe et l'agrandit considérablement, soit l'emploi de nouvelles parties que les besoins font naitre insensiblement en lui par des efforts de son sentiment intérieur (1). »

On le voit, l'ensemble de la théorie est nettement finaliste (2). L'évolution se fait à l'occasion des facteurs externes dont les changements sont fortuits; mais la vraie cause en doit être cherchée dans des facteurs

(1) Philosophie zoologique, ch. 7.

(2) On ajoute quelquefois que Lamarck était vitaliste. Cette affirmation nous parait difficilement soutenable. Si Lamarck fut vitaliste, ce fut à la manière de Claude Bernard, plus tard, et de Reinke, de nos jours, qui ne sont pas sortis, en somme, de l'organicisme. Ils sont finalistes tous deux, comme Lamarck d'ailleurs ; mais ils admettent que l'ordre, qui est spécial aux êtres vivants, a sa raison adéquate dans l'organisation. Lamarck exclut un principe vital qui serait un être particulier. « La vie, dans les parties d'un corps qui la possède, est un ordre et un état de choses qui y permet les mouvements organiques et ces mouvements qui constituent la vie active, résultent d'une cause stimulante qui les excite. » (Philosophie zoologique, p. 395). Du moins, telle est la conclusion qui se dégage de l'étude des derniers ouvrages de Lamarck. Dans les Recherches sur l'organisation des corps vivants, on pourrait signaler des textes qui supposeraient une conception franchement vitaliste. Mais il semble que Lamarck se soit plus tard corrigé dans le sens de l'organicisme, ou de ce que Claude Bernard a appelé ensuite le vitalisme physique.

internes. Les modifications produites dans les organismes tendent toutes directement à une plus parfaite adaptation au milieu et cette adaptation active est sous la dépendance du sentiment intérieur qu'éprouve l'être vivant placé en face de besoins nouveaux.

Là est l'âme du lamarckisme et c'est mutiler ce système au point de le rendre méconnaissable, que de vouloir en éliminer les éléments finalistes. Les lamarckiens français l'ont essayé leur entreprise était condamnée d'avance. Condamnée également toute tentative d'associer, en une synthèse éclectique, le lamarckisme et un système évolutionniste antifinaliste quelconque. Autant vaudrait chercher mettre d'accord deux contradictoires. Si l'on est antifinaliste, il faut se résigner à s'inscrire parmi les adversaires de Lamarck (1).

(1) M. Marcel Landrieu vient de nous donner dans son très beau livre : Lamarck, le fondateur du transformisme, sa vie, son œuvre, la première étude française soignée sur ce sujet. Malheureusement, sur quelques points d'importance, l'interprétation des textes nous semble être d'une subjectivité assez fortement tendancieuse.

Ainsi, M. Landrieu veut absolument que les expressions finalistes constamment employées par Lamarck soient de pures fautes de langage. M. Landrieu est lui-même antifinaliste convaincu : il ne peut pas se résigner à penser que Lamarck ait été réellement finaliste. Fort bien ! Mais pourquoi faire dire aux textes ce qu'ils ne disent nullement? Il faut les violenter beaucoup pour faire de Lamarck un antifinaliste !

On sait de même que Lamarck admettait l'existence de Dieu, et, il s'en explique très nettement, de Dieu distinct de la nature, créateur de la nature. Pour M. Landrieu c'est là une concession « plutôt de forme que de fond » (p. 387). Mais pourquoi donc ?...

Lamarck termine sa philosophie zoologique par une déclaration fort nette dans laquelle il attribue à l'homme une origine autre qu'une origine animale: • Telles seraient les réflexions que l'on pourrait faire si l'homme, considéré ici comme la race prééminente en question, n'était distingué des animaux que par les caractères de son organisation et si son origine n'était pas différente de la leur. » M. Landrieu appelle cela « une précaution oratoire » (p. 363). Lamarck, dans le fond, aurait été intimement convaincu de la descendance animale de l'homme, mais, pour ne pas choquer ses contemporains, il aurait dissimulé son véritable sentiment. Ces suppositions, complètement gratuites, si l'on n'a pas pour les appuyer des textes probants, sont simplement injurieuses à la loyauté scientifique de Lamarck. On lira avec intérêt les pages courageuses de Jean Friedel sur L'Idée de Dieu chez Lamarck dans le numéro du 16 février 1909 de FOI ET VIE.

D'autre part, pour ne point caricaturer odieusement le finalisme lamarckien, il faut avoir soin de le présenter tel qu'il est.

Ainsi, l'on a bien des fois reproché à Lamarck de fonder toute sa théorie de l'évolution sur un pur nonsens, à savoir sur la possibilité pour un animal d'user d'un organe qu'il n'a pas encore.

Comment ferait le kanguroo, lui demande-t-on, pour prendre l'habitude de se tenir « comme debout » posé seulement sur ses pieds de derrière et sur sa queue et de ne se déplacer que par une suite de sauts, pour ne point gèner ses petits, s'il n'avait pas, déjà auparavant, des jambes de devant réduites, des jambes de derrière, au contraire, très fortes et une queue extrêmement développée ? Et, s'il a ses organes ainsi conformés, que vient faire la théorie des nouvelles habitudes?

Pour raisonner ainsi, il faut avoir lu Lamarck bien superficiellement. Oublie-t-on l'effort du sentiment intérieur qui peut faire naître de nouvelles dispositions ou de nouvelles parties en rapport avec les besoins?

Il y a toujours quelque légèreté à supposer qu'un grand esprit n'a pas même entrevu la difficulté la plus obvie à son système. Mais cette légèreté devient injustice, lorsqu'on omet de dire que l'auteur a parfaitement vu l'objection et qu'il y a répondu d'avance.

L'explication lamarckienne de l'adaptation est incomplète sans doute; il est faux qu'elle tourne dans un cercle vicieux.

Ce qui reste assez obscur, c'est la pensée exacte de Lamarck touchant le « sentiment intérieur » et ici encore, il y aurait injustice à trop presser le sens matériel des mots. Souvent on fait dire à Lamarck quelque chose comme ceci : « L'animal, éprouvant un besoin nouveau, se rend compte que telle ou telle modification

spéciale dans ses organes lui serait bien utile. Sur ce, il fait effort pour se la procurer, et ainsi, par la seule force de ce désir intérieur, qui se procurera des pattes palmées, qui des griffes, qui des plumes (1). » Plaisanteries trop faciles, en vérité !

Mais que dirait-on, si, au sentiment intérieur dont parle Lamarck était substitué ce que les péripatéticiens et, après eux, les scolastiques, ont désigné du nom d'appetitus naturalis, dont la fonction propre serait de tendre spontanément et sans connaissance préalable, au bien de l'individu et de l'espèce ? Pourquoi ce principe d'action de qui relèvent les adaptations individuelles, si manifestes chez tout être vivant, ne pourrait-il pas avoir à sa charge ces autres adaptations qui permettent à une espèce de survivre, lorsque les conditions de milieu se modifient ?

Ainsi entendu, le lamarckisme n'est ridicule que pour ceux qui estiment toute explication finaliste de la vie antiscientifique et absurde, à priori.

Là est, de fait, le noeud de la question et nous arrivons tout droit à Darwin.

B) La théorie antifinaliste de l'adaptation
et les idées maîtresses du darwinisme

L'originalité du système de Darwin se révèle dans la manière dont il explique l'adaptation des formes vivantes aux conditions de milieu. Un de ses plus irréductibles,

(1) On sait qu'une fraction importante des néo-lamarckistes contemporains, les partisans de la psychobiologie, tels que Pauly, Francé, Wagner, etc., entendent précisément ce sentiment intérieur, dont il est question chez Lamarck, au sens technique du mot. Pour eux, tout vivant (la plante, par conséquent, aussi bien que l'animal) est doué, par le seul fait qu'il est vivant, de facultés psychiques plus ou moins élevées. Sans cela, pensent-ils, le vivant serait incapable d'agir d'une manière téléologique. - On peut, heureusement, admettre les tendances finalistes dans le monde vivant, sans souscrire à ces nouvelles théories. Nous les retrouverons d'ailleurs plus loin, lorsqu'il sera question des adversaires actuels du darwinisme.

comme aussi de ses plus courtois adversaires, de Quatrefages, en a fait depuis longtemps la remarque.

Or, l'interprétation que Darwin propose est exactement le contrepied de celle qu'avait admise Lamarck.

L'être vivant, d'après ce dernier, se transforme pour s'adapter de manière à pouvoir survivre; d'après Darwin, l'être vivant se trouve fortuitement adapté, parce qu'il a subi fortuitement une modification qui lui permettait de survivre.

Pour Lamarck, l'adaptation est active; pour Darwin, elle est passive. Lamarck est finaliste; Darwin, dans sa théorie de l'évolution du moins, est antifinaliste. Presque toutes les divergences des deux systèmes peuvent se ramener à cette simple opposition.

C'est aussi à son antifinalisme que le darwinisme a dû, comme nous le verrons, son prodigieux succès, d'une part, et, de l'autre, ses revers, peut-être sa ruine définitive.

Essayons d'abord de reconstituer dans leur suite logique les raisonnements de Darwin: il sera plus facile ensuite de mettre en pleine lumière, l'essence même de son système.

L'histoire de la pensée de Darwin est assez facile à faire maintenant. La publication des lettres et notices diverses due aux soins de Francis Darwin permet de clarifier les questions que les ouvrages publiés du vivant de l'auteur laissaient encore indécises (1). Outre cela, les travaux d'ensemble abondent qui développent la pensée du grand biologiste avec toute l'ampleur et la critique désirables.

(1) The life and Letters of Charles Darwin, including an Autobiographical Chapter. Edited by his son, Francis Darwin, 3 vol., London, 1887. Charles Darwin: His life told in an Autobiographical Chapter, and in a selected series of his published letters. Edited by his son, Francis Darwin, London, 1902. - More Letters of Charles Darwin. A record of his work in a series of hitherto unpublished Letters. Edited by Francis Darwin and A. C. Seward, 2 vol., London, 1903.

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