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dérobe point à nos analyses, apparaît comme une unification du contenu de la conscience, par organisation puis par négation des déterminations particulières. C'est une convergence intense de tous les éléments de l'esprit vers l'Absolu, considéré non plus comme principe extrinsèque de coordination d'un éparpillement de réalités finies, mais appréhendé comme l'Unique Subsistant dans lequel reffue la réalité de toutes les subsistances contingentes. Ce travail préparatoire de coordination et d'intense unification laisse suivre assez loin ses lignes convergentes et n'échappe point, de droit, au psychologue; mais le point même de convergence se dérobe à tout examen profane. Intuition nouvelle ? Aïdéisme? Le pouvoir propre de l'intellect humain s'évanouit au point critique où le dernier support spatial vient à fléchir. Mais le mystique atteint-il ce point critique? Ne garde-t-il pas de la multiplicité spatiale au moins le minimum strictement requis pour étoffer et objectiver un concept d'être, le plus épuré qui soit? A prendre les descriptions mystiques chrétiennes à la lettre, non. Alors tout le splendide édifice, élevé durant les phases préparatoires de l'état d'union, s'effondre dans l'inconscience absolue? Oui, si l'esprit est laissé à ses propres forces (1) - et à supposer d'ailleurs qu'en

(1) Nous sommes très loin de prétendre que cette inconscience extatique, à laquelle aboutirait le suprême effort de la mystique purement naturelle (voir ce que nous avons dit plus haut de la mystique néo-platonicienne et en général des mystiques non chrétiennes) soit dénuée de toute valeur morale et religieuse. Au contraire, grâce aux eforts qui l'ont amenée et à la « pacification » dont elle s'accompagne, elle peut réaliser avec une certaine plénitude la « polarisation affective » du mécanisme psychologique : cette extase peut donc être bienfaisante par ses contre-coups, mais elle n'enrichit pas la connaissance, du moins pas directement. Ne se rencontre-t-elle point aussi chez certains mystiques chrétiens? Pourquoi pas ?

Nous avons signalé plus haut (p. 414), sans l'apprécier, une théorie de M. Recéjac. En réalité, c'est une théorie psychologique et philosophique de la mystique naturelle; et, à condition d'élargir le sens qu'y prend le mot « volonté », nous la jugerions acceptable dans ses grandes lignes. Seulement, qu'on se rende bien compte de la nature du terme ultime où elle fait aboutir le contemplatif. Conçoit-on, surnageant seule, une intuition pure de la tendance foncière du Moi vers l'Absolu ? Cette tendance, il est bien vrai que

pareille hypothèse le « splendide édifice » ait pu s'élever jusqu'aussi près du faite. Non, si Dieu, comme le veulent les mystiques, se présente alors lui-même à l'âme et, l'affranchissant des limitations de la connaissance ordinaire, éveille en elle, fût-ce obscurément, cette intuition de l'Etre, qui, tout inaccessible qu'elle soit à l'effort de la seule intelligence, en prolonge pourtant le mouvement naturel.

«

De sorte que, jusque dans l'ambiance surnaturelle du plus haut degré de contemplation, nous retrouvons, comme facteur psychologique d'une intuition supérieure, qui n'est plus guère qu'analogiquement une présence », la même activité fondamentale de l'esprit à laquelle nous avons dû faire appel précédemment pour expliquer les affirmations de réalité et de présence spatiale. L'esprit, en marche vers son unité, avait affirmé les réalités partielles dans la mesure où leur multiplicité, se laissant réduire par synthèse, le rapprochait ainsi de l'Etre un et unique vers lequel il tendait. Sera-t-il donc déraisonnable et peu « scientifique » de supposer qu'au cours de l'extase l'esprit humain touche un instant le but qui provoque et oriente toutes ses démarches? Nous jugeons l'hypothèse psychologiquement acceptable. Et c'était jadis l'avis de S. Thomas d'Aquin, dont nous n'avons guère fait que résumer la doctrine (1).

tout le travail mystique préparatoire de concentration et d'épuration tend à la dégager de plus en plus de la matière sensible où elle est immergée; mais, au terme, toute matière sensible se dérobant, par hypothèse, sans qu'une présentation supra-sensible vienne y substituer un aliment nouveau, comment la tendance - forme pure - demeurerait-elle perceptible? L'extase naturelle, ainsi produite, ne saurait être consciente ni lumineuse : c'est un état d'inconscience (M. Recéjac ne recule pas devant le mot), mais d'inconscience polarisée, si l'on peut dire.

(1) Telle qu'elle nous parait ressortir de la comparaison des « Quaestiones disputatae. De Veritate. Qu. X, art. 11 » avec la « Summa contra Gentes » Lib. III, et avec d'autres passages. Cf. ci-dessus, p. 248.

J. M., S. J.

L'ENSEIGNEMENT AU JAPON

Les événements qui se déroulent en Extrême-Orient achèvent de mettre en pleine lumière l'importance des transformations accomplies dans l'Empire du SoleilLevant. Le Japon est, à l'heure actuelle, un sujet d'étonnement pour toute l'Europe, étonnement bien naturel, d'ailleurs, car on se trouve en présence d'un phénomène extraordinaire et c'est en vain qu'on chercherait un précédent, ou même quelque chose d'approchant, dans les annales de l'histoire universelle. Le phénomène est encore plus surprenant pour le sociologue que pour l'économiste et le diplomate, tant il semble contredire les lois les plus élémentaires de l'évolution des peuples. Nous voyons, en effet, un peuple abandonner brutalement, d'un seul coup, des coutumes quatorze fois séculaires, le régime féodal le plus intense, pour leur substituer la plus raffinée des civilisations, et remplacer un régime de despotisme theocratique par une monarchie constitutionnelle.

Des écrivains éminents ont cherché à établir à maintes reprises les causes de cette transformation foudroyante. Nous-même, nous avons tenté de mettre en lumière les changements réalisés dans le domaine politique (1). Mais il nous semble qu'on a donné dans tous ces travaux, si complets sous bien des rapports, une trop petite place à l'instrument primordial de cette rénovation. La plupart des auteurs qui ont écrit sur le

(1) Th. Gollier, Essai sur les Institutions politiques du Japon (Bibliothèque de l'École des sciences politiques et sociales de l'Université de Louvain). Bruxelles, Goemare, 1904.

Japon n'ont fait qu'effleurer, comme en passant, la question de l'enseignement public. Or c'est là, selon nous, que réside, en grande partie, l'explication du phénomène.

On admet qu'au point de vue militaire le Japon peut aspirer à se voir classer parmi les grandes puissances; on admire le développement rapide qu'ont pris chez lui le commerce et l'industrie; mais on apprécie moins les progrès réalisés dans l'enseignement. On sait que son trafic s'élève à plus de deux milliards de francs, mais on ignore qu'il compte près de vingt-neuf mille écoles, avec un personnel enseignant de quatre-vingtdix mille membres et une population de quatre millions cent quatre-vingt mille élèves.

Les Japonais ont très bien compris qu'à une certaine constitution mentale, chez un peuple, correspond naturellement une certaine civilisation. Veut-on modifier, améliorer cette civilisation, la tâche ne sera possible qu'à la condition de modifier, d'améliorer cette constitution mentale. On a dit que c'est l'instituteur allemand qui a gagné la bataille de Sadowa et vaincu en 1870. L'instituteur japonais a fait plus : il a fait sa patrie telle qu'elle est aujourd'hui ; il a été l'agent modeste, mais tout-puissant, des innombrables progrès réalisés par le Japon dans le domaine économique comme dans le domaine intellectuel.

Nous nous proposons, dans les pages qui vont suivre, d'étudier l'organisation de l'enseignement au Japon. Outre les renseignements que nous avons puisés sur les lieux mêmes, les documents nécessaires à cette étude nous ont été fournis par un savant professeur de la faculté de philosophie de l'Université de Tokio, dont la modestie nous empêche de citer le nom, mais que nous nous faisons un devoir de remercier (1).

(1) În lira avec intérêt, sur le même sujet : L'évolution de l'éducation an Japon, par le C Vay de Vaya, dans la REVUE DES DEUX MONDES, 1 juin 1909. - The educational System of Japan, par M. W. Sharp, Bombay, THE GOVERN

I

Avant la révolution de 1868, l'enseignement au Japon était donné dans les écoles que les daïmios avaient fondées, de leurs propres deniers, pour leurs enfants et ceux de leurs vassaux. Outre ces hangakko (1), ou écoles des clans, il y avait, près des couvents bouddhistes, des écoles libres, ou terakoya, fréquentées exclusivement par les enfants du peuple. Cependant, en règle générale, l'enseignement était chose réservée aux nobles. On considérait l'instruction comme l'apanage des hautes classes; les auteurs du Rescrit organique de 1872 ont reconnu ce fait : Depuis nombre d'années, écrivent-ils, les écoles existent; l'ignorance a néanmoins persisté chez le peuple, qui ne se rend pas compte de l'importance et de la nécessité de s'instruire, et est faussement convaincu que l'instruction est l'apanage des classes élevées. Jusqu'ici bien peu de laboureurs, d'artisans, de marchands, envoient leurs fils à l'école, et encore moins leurs filles. »

L'enseignement donné dans les han-gakko et les terakoya était très rudimentaire. On apprenait aux enfants des daimios, comme à ceux des artisans, la lecture, l'écriture, quelques notions de morale; c'était tout. « Le ténaraï, c'est-à-dire la lecture et l'écriture

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MENT CENTRAL PRESS, 1906. Aperçu général de l'éducation au Japon par la Société impériale d'éducation, Tokio, 1905. L'OEuvre pédagogique des Marianistes français au Japon, par l'abbé Lebon, dans le BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANCO-JAPONAISE DE PARIS, no XI, 1908. Thirty-Second annual report of the Minister of state for education, Tokyo, 1906. - Voir également le chapitre consacré à l'éducation dans les deux ouvrages de MM. Dumolard, Le Japon, pp. 192-220, Paris, Colin, 1904, et Weulersee, Le Japon d'aujourd'hui, pp. 186-227, Paris, Colin, 1905.

(1) Nous avons adopté, pour tous les mots japonais, l'orthographe suivie par les Japonais dans les livres qu'ils publient en langue étrangère. L'u se prononce ou; le g, gue; le j, dji; le ch, tch. Tous les noms japonais restent invariables au pluriel.

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