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vivante mais d'une présence spirituelle.. etc.. » (1). Voici encore une observation communiquée par Flournoy à W. James. Il s'agit d'une dame qui pratique l'« écriture automatique»: « j'éprouve alors immanquablement dit-elle l'impression d'une présence étrangère, extérieure à mon propre corps. C'est quelque chose de si nettement caractérisé que j'en puis marquer la position exacte. Cette impression de présence est impossible à décrire. Elle varie en intensité et en clarté d'après le personnage dont l'écriture déclare l'arrivée. Quand c'est quelqu'un que j'aime, je le sens immédiatement, avant toute écriture. Mon cœur semble le reconnaître (2). »

Des cas de ce genre, poursuit W. James,... semblent prouver suffisamment l'existence, dans notre mécanisme mental, d'un sens de la réalité présente, plus diffus et plus général que celui qui résulte de nos sensibilités spéciales (3). » Et ce « sens » se manifesterait encore, sous un aspect négatif, dans le sentiment d'irréalité qui affecte certaines personnes malgré l'exercice correct de leurs sens externes.

Nous avouons que tous les exemples de « présence matérielle sans image» qu'on apporte à l'appui de cette assertion et dont nous avons signalé les principaux groupes - nous paraissent susceptibles d'une explication plus bourgeoise. Il y suffit des trois lois suivantes, dont nos analyses antérieures fournissent la justifica

tion:

1° Toute hallucination comprend, entre autres, ces deux éléments premièrement, l'enchâssement d'une représentation dans l'espace ambiant; deuxièmement, la prise au sérieux de cette localisation, ou si l'on veut

(1) E. Gurney, etc. Phantasms... I. 384, Quoted by W. James. Varieties, p. 62.

(2) W. James, Varieties... p. 62.

(3) Op. cit., p. 63.

HH SERIE. T. XV.

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l'absence de raison qui la fasse mettre en doute. Le premier élément suffit à constituer la pseudo-hallucination; le second doit s'y adjoindre nécessairement pour que l'hallucination soit complète.

2o L'enchâssement de la représentation susdite dans l'espace ambiant s'opère par association non contredite de cette représentation avec une image spatiale

hallucinatoire.

3o La représentation associée à l'image spatiale hallucinatoire peut être soit une image à tous les degrés de clarté, soit une idée à tous les degrés d'abstraction.

L'expression « présence sans images », prise en toute rigueur de termes, est inexacte. En effet, toute présence suppose au moins le minimum d'images indispensables à la constitution et de la représentation spatiale et de l'idée spatialisée elle-même, si abstraite qu'on la suppose. De plus, la présence spatiale, la localisation d'un objet, implique elle-même un rapport de situation de l'image de cet objet à l'image quelconque que le sujet a de lui-même : la perception de la présence d'un objet suppose toujours une perception simultanée du « moi » empirique et spatialisé. Jusqu'ici, done, les phénomènes de présence que nous avons analysés s'accompagnent nécessairement d'une certaine conscience du « moi empirique; mais remarquons que cet accompagnement nécessaire tient à une particularité de l'intuition spatiale et que sa nécessité ne saurait être étendue de ce seal chef à l'intuition comme telle.

La littérature mystique, qui nous a montré tantôt des exemples de visions imaginaires, analogues aux pseudohallucinations, offre aussi, en assez grand nombre, des cas de présence sans images ». Nous n'en citerons que deux ou trois en illustration de nos dires.

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Après la mort du P. Balthazar Alvarez, une pieuse personne, doña Anne Enriquez le « sentit plusieurs fois à ses côtés. Une nuit, par exemple, « voilà que tout à

coup, sans y penser, je me trouvai avec lui. Je ne le voyais pas des yeux corporels, mais je le sentais prés de moi, à ma droite, me faisant une compagnie qui me consolait beaucoup (1). » Le P. Balthazar Alvarez luimême relate dans son journal une apparition du même genre: « Étant ensuite entré en oraison, je sentis que Notre Seigneur était la présent, de telle sorte que je ne le voyais ni des yeux du corps ni par l'imagination; néanmoins je le sentais et je le possédais avec plus de certitude et d'évidence que tout ce qui peut être vu ou imaginé (2). » Le Vble P. Louis Du Pont, le biographe du P. B. Alvarez, rapporte ses expériences personnelles en ces termes : « J'ai expérimenté dans l'oraison et en d'autres temps diverses manières de la présence de Dieu. Quelquefois il semble que nous voyons Dieu présent, non pas avec les yeux du corps ni dans un jour bien clair, ni seulement par discours, mais d'une façon particulière, où tout à coup l'âme sent qu'elle a derant soi celui auquel elle parle, qu'elle écoute et qui l'entend... Cette connaissance est semblable à celle qu'un homme a d'un autre, lorsque, s'entretenant avec lui, la lumière vient à s'éteindre et qu'il demeure dans l'obscurité sans le voir, ni l'ouïr, ni sentir aucun de ses mouvements, et néanmoins il le sait présent et lui parle comme étant avec lui (3). » Les faits de ce genre sont nombreux, et la grande mystique Ste Thérèse n'a pas manqué d'en présenter aussi. M. H. Delacroix les a analysés dans l'appendice I de son livre récent (4). Pour ne pas prolonger outre mesure notre énumération, nous la clorons ici en citant la description qu'un auteur mystique, le P. Alvarez de Paz, fait de ces

(1) Vble Louis Du Pont. Vie du P. Balthazar Alvarez S. J., Paris 1873. (Trad. Bouix), p. 601.

(2) Ap. Du Pont, op. cit., p. 164.

(3) Ve P. Du Pont. Mémoires (d'après Poulain, op. cit., p. 99).

(4) Études d'histoire et de psychologie du mysticisme, pp. 427 et suiv.

<< visions intellectuelles » comme il les appelle : « On n'aperçoit rien de figuré pour le visage ou le corps, et l'on sait pourtant avec plus de certitude qu'avec les yeux que la personne (Jésus-Christ ou la Ste Vierge) est placée à votre droite ou dans votre cœur... C'est comme si, dans l'obscurité, vous sentiez soudain que quelqu'un est à vos côtés, sachant qu'il a pour vous de la bienveillance et non de l'inimitié; mais vous ignorez absolument si c'est un homme ou une femme, s'il est jeune ou vieux, s'il est plus ou moins beau, s'il est debout ou assis (1). »

On serait tenté de rapprocher ce genre de faits de certaines relations d'états mystiques supérieurs, dépeints comme un investissement, un enveloppement, une imbibition par la Divinité. Mais il faut éviter de prendre trop à la lettre ces expressions, qui ne sont souvent qu'une transposition metaphorique d'expériences d'un tout autre ordre (2). Cependant il est possible que l'on exprime parfois de la sorte une imagination spatiale de la présence divine: le cas alors appartiendrait réellement à la catégorie que nous venons d'examiner.

Nous n'avons aucune envie de bouleverser les étiquettes reçues: qu'on nous permette cependant de faire observer que les visions dites « intellectuelles » ne sont pas strictement telles et demeurent imprégnées d'imagination spatiale. A les considérer par l'extérieur, par

(1) De Inquisitione pacis, 1. v pars III, c. 12. (Poulain, op. cit., p. 314). (2) Ce serait le moment, si nous ne devions nous borner, de tenter une critique psychologique de la théorie des sens spirituels » voir Poulain, op. cit., ch VD) Descendus du sommet de l'extase, les mystiques, emprisonnés par l'étroitesse du langage ordinaire, se trouvent réduits, dès qu'ils veulent preciser leurs expériences transcendantes, à user d'expressions analogiques. empruntées à la psychologie courante : ils mettent eux-mêmes en garde contre une interpretation littérale, materielle, de ces formules symboliques. Celles-ci, d'ailleurs, tout madéquates qu'elles soient, ne sont point arbitraires : il serait intéressant d'étudier de plus près les raisons qui en déterminèrent le choix.

leurs seules caractéristiques expérimentales, on pourrait indifféremment les attribuer soit à une action préternaturelle, soit au simple jeu du mécanisme hallucinatoire sommairement indiqué ci-dessus. Car elles ne présentent aucun élément spécifiquement mystique, aucun élément transcendant, de soi, la psychologic ordinaire. Pour leur attribuer une valeur religieuse, force est bien, par conséquent, de chercher des indications en dehors du domaine psychologique. D'ailleurs le rôle de la psychologie expérimentale est de dégager les lois d'enchaînement des phénomènes mentaux, mais non pas de découvrir les causes ontologiques de ceux-ci.

III

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1. Sans doute, la psychologie à condition de réserver la question des causes métaphysiques peut revendiquer une certaine compétence dans l'examen des états ou des phénomènes mystiques inférieurs, dont nous avons traité jusqu'ici. En effet, ceux-ci, pour autant qu'on les peut connaitre, semblent de même. nature que les manifestations psychologiques normales et ne se dérobent pas nécessairement au déterminisme expérimental. Mais la question de compétence devient plus délicate dès qu'on aborde l'état mystique supérieur et essentiel: car ici, ce n'est plus seulement la nature des agents métaphysiques, latents sous les phénomènes, c'est le fait mystique lui-même, qui pourrait bien échapper aux prises de la science psychologique. Celleci fonde ses lois sur la généralisation de données empiriques communément observables: mais si l'état mystique essentiel comprenait des éléments hétérogènes à ces données communes, de quel droit et dans quelle mesure lui appliquer encore les lois ordinaires? A vrai

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