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LES FEMMES DANS LA SCIENCE

J'ai pour mission de vous dire la part qu'à diverses époques les femmes ont prise au mouvement scientifique.

Il ne peut être ici question de faire, même en raccourci, l'histoire de toutes les femmes de science. Un patient chercheur, de son vivant professeur de mathématiques, M. Rebière, s'est efforcé d'en réunir les éléments sous forme d'une sorte de dictionnaire biographique (2) qui m'a servi de guide pour la prépa

ration de cette conférence.

Je me bornerai, pour ma part, à évoquer quelques figures qui m'ont semblé particulièrement représentatives, et seulement — est-il besoin de le dire? parmi celles qui ont disparu de ce monde.

J'ai pensé par ailleurs que devant un auditoire dont la curiosité intellectuelle est si vive et le sens critique si aiguisé, je ne pouvais, en conscience, laisser dans l'ombre cette question si souvent débattue: les femmes sont-elles, en général, aussi douées que les hommes pour l'étude des sciences, et, dans ce cas, est-il souhaitable qu'elles s'en occupent et dans quelle mesure ? Cette question - je ne vous le cacherai pas cette question ne laisse pas de m'inspirer une certaine

(1) Conférence faite le 30 novembre 1908 à l'Université des Annales de Paris, établissement d'enseignement supérieur pour les jeunes filles.

(2) Les femmes dans la science, par A. Rebière, 2o édition, à Paris, chez Vuibert et Nony; 1897.

inquiétude! Sur un terrain depuis si longtemps livré à la controverse, une controverse souvent passionnée, on ne peut guère s'aventurer sans risque. Trouver des formules qui soient de nature à contenter tout le monde est un problème, hélas, bien difficile à résoudre, surtout pour un mathématicien que les implacables déductions de la logique géométrique ont mal instruit des subtils détours par où se peut insinuer l'expression purement littéraire de la pensée.

En une telle occurrence, le moyen de m'exposer le moins possible m'a encore paru de laisser la parole à des penseurs connus, de l'un et l'autre sexe, pour essayer de dégager ensuite quelque conclusion d'ensemble de leurs dires.

Il nous faut, avant tout, établir, parmi les gens de science, une distinction fondamentale entre ceux qui contribuent à faire la science, qui sont les savants proprement dits, et ceux qui se bornent à la posséder, à qui il conviendrait de réserver la qualification d'érudit.

Or, c'est dans cette catégorie des érudits qu'en immense majorité viennent se ranger les femmes. connues pour s'être occupées de science et à qui, pourtant, l'usage a le plus souvent concédé le titre de femme savante.

C'est, en réalité, à ces érudites que pensait Voltaire lorsqu'il a dit : « On a vu des femmes très savantes, comme il en fut de guerrières, mais il n'y en eut jamais d'inventrices. » Propos qu'il ne faudrait d'ailleurs pas prendre au pied de la lettre.

Dans tous les temps, donc, on a connu des érudites. Les écoles de philosophie de l'antiquité, qui en étaient en même temps les écoles de science, ont, parmi leurs disciples, compté nombre de femmes; les noms de quelques-unes d'entre elles sont même parvenus III SÉRIE. T. XV.

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jusqu'à nous. La galerie de M. Rebière en contient une soixantaine. Mais ce sont plutôt là des figures légendaires qui ne sauraient, faute de temps, retenir notre attention. Arrivons tout de suite aux temps modernes.

Dès le xvre siècle, le goût des choses de l'esprit s'accuse chez les femmes. C'est le temps où la fille de Louis XII, Renée de France, Duchesse de Ferrare, faisait de l'étude de la philosophie, de la géométrie et de l'astronomie son passe-temps favori, où la sœur de François Ier, Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, possédée par ailleurs de l'amour des belleslettres, suivait les leçons d'un maître de géométrie, où Catherine de Parthenay, Princesse de RohanSoubise, servait, en quelque sorte, de confidente mathématique à Viète, le créateur de l'algèbre moderne.

Au XVIIe siècle, la haute culture se répand assez parmi les femmes pour donner naissance au type classique de la femme savante si impitoyablement ridiculisé par Molière et par Boileau.

Mais nos deux grands satiriques s'attaquent avant tout à la femme qui, ayant plus ou moins mal digéré une foule de connaissances disparates, a la faiblesse d'en faire étalage à tout propos et même hors de propos. C'est, en réalité, moins la science qui se trouve atteinte par leurs sarcasmes que le pédantisme, si peu sympathique déjà chez l'homme, plus déplaisant encore chez la femme. « Une femme savante, a dit Jules Simon, n'est pas une femme qui sait mais une femme qui fait parade de sa science. »

Il convient d'ajouter que plusieurs de celles à qui la malignité publique décochait ce titre de femme savante en y mêlant, injustement peut-être, un grain d'ironie, ont su riposter, et non sans malice, aux railleries dont elles étaient l'objet. Une des plus célèbres, Mme de la

Sablière, l'amie et la protectrice de la Fontaine, s'est spirituellement vengée de Boileau en le convainquant très congrûment d'ignorance. Notre poète l'ayant, en effet, visée dans ces deux vers:

Que l'astrolabe en main, une autre aille chercher
Si le Soleil est fixe ou tourne sur son axe...

elle lui fit observer que la fixité du Soleil dans l'espace et sa rotation sur lui-même ne font point l'objet de deux opinions contraires, comme il semblait le dire dans ses vers, et qu'au reste un astrolabe n'était d'aucune utilité pour décider de leur vérité; en quoi elle avait parfaitement raison. Et, ce jour-là, une fois par hasard, les rieurs, parmi les gens instruits, ne furent pas du côté de Boileau.

Une autre défense, plus touchante, s'est trouvée sous la plume d'une Hollandaise mariée à un Français, Mme de Charrière, qui, n'ayant pas craint de faire cet aveu : « Une heure ou deux de mathématiques me rendent l'esprit libre et le coeur plus gai; il me semble que j'en dors et mange mieux... », ajoute : « On trouve mauvais que je veuille savoir plus que la plupart des femmes, et on ne sait pas que, très sujette à une noire mélancolie, je n'ai de santé, ni pour ainsi dire de vie, qu'au moyen d'une occupation d'esprit continuelle. Je suis bien éloignée de croire que beaucoup de science rende une femme plus estimable, mais je ne puis me passer d'apprendre...

Cette passion de savoir continuait d'ailleurs à être partagée par des têtes couronnées. Est-il besoin de rappeler que Descartes et Leibniz purent compter parmi leurs disciples directs de très illustres princesses Christine, reine de Suède, et Élisabeth de Bohême, princesse palatine, pour le premier; Sophie, électrice de Hanovre, et sa fille Sophie-Charlotte, reine de Prusse et mère du grand Frédéric, pour le

second? Cette reine Sophie-Charlotte était, au reste, la nièce d'Elisabeth de Bohême qui en avait fait son

élève.

Une autre princesse allemande, Caroline de Brandebourg-Anspach, fit le voyage de Londres pour porter le tribut de son admiration à Newton dont elle avait été capable de suivre les prestigieuses découvertes, et son enthousiasme pour l'illustre auteur des Principes mathématiques de la philosophie naturelle lui arrachait ce cri : « Je rends grâces au ciel d'être . née dans le siècle que votre génie immortalisera... »

Au XVIIe siècle, l'entraînement des femmes vers les études scientifiques prit les proportions d'une véritable mode. Des gravures de l'époque nous montrent d'élégantes mondaines poudrées à frimas, empressées à suivre les démonstrations que leur fait un savant à l'air grave, tout de noir habillé. C'est la Duchesse d'Aiguillon, c'est la Duchesse de Richelieu, ce sont maintes autres femmes de la Cour et de la Ville à qui Maupertuis enseigne la géométrie et Clairant les pricipes de la mécanique newtonienne. C'est pour elles que Fontenelle écrivait ses Entretiens sur la pluralité des mondes et Euler ses Lettres à une princesse d'Allemagne (la Princesse d'Anhalt-Dessau).

Il ne semble pas, au surplus, que cet attrait des femmes vers la science ait suivi la même progression que le développement de la science elle-même. Peutêtre se sont-elles lassées à la suivre? Toujours est-il qu'au XIXe siècle la curiosité intellectuelle du beau sexe a semblé se porter plus volontiers sur d'autres objets. Mais le xx siècle va peut-être apporter un renouveau à cet égard.

Jetons maintenant un regard, si vous le voulez bien, du côté des femmes dont l'effort personnel a marqué dans l'histoire de la science.

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