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les yeux, qu'il fallut protéger au moyen de grosses lunettes à verres jaunes, fabriquées à Annotook avec des fournitures photographiques. La marche ne tarda pas à être contrariée par l'apparition de nuages précurseurs d'une bourrasque venant de l'ouest. On résolut de s'arrêter. L'igloo était à peine construit et les explorateurs couchés dans leurs sacs, que la neige, balayée par le vent, s'amoncela et ensevelit chiens et traîneaux. Après un déchaînement de quelques heures, la rafale cessa le matin aussi soudainement qu'elle était venue. Mais le temps étant encore menaçant et la journée trop avancée, Cook et ses compagnons se remirent dans leurs couches; ils ne tardèrent. pas à être réveillés par un bruit épouvantable. C'était la glace qui crevassait par suite du brusque changement de température. La maison se disloqua, et Cook fut précipité avec les blocs de glace dans une crevasse énorme, où la température était de -40° C. Il fut tiré de sa fàcheuse position par ses Esquimaux, chez qui cette scène provoqua un fou rire. Le 26 mars, la petite colonne se trouvait par 84 24 lat., 96° 53′ long. ; elle se donna un jour de repos, dont elle avait d'ailleurs le plus pressant besoin. On était à la saison la plus froide de l'année; aux morsures insupportables du vent, s'ajoutait le gros ennui produit par le masque de glace, qui couvrait la figure. Cheveux, cils, sourcils, poils des narines étaient gelés. C'est pour se soustraire à ces gros inconvénients que les Esquimaux s'épilent la face. Le soir, avant de s'enfoncer dans les sacs, on soupa d'un repas chaud, et on étancha sa soif chronique avec de l'eau glacée. Dans la nuit du 26 au 27 mars, les rafales sévirent; elles se calmèrent le 27 à midi, et la température s'éleva (-41° F.), grâce à quelques bienfaisants rayons de soleil. Malgré la tempête qui vint les surprendre en cours de route, les explorateurs avancérent assez rapidement. Le soir, ils se réfugièrent dans une hutte de neige et s'encapuchonnèrent dans leurs fourrures.

Au début de l'après-midi du 29 mars, le ciel s'éclaircit du côté de l'ouest. On reprit la marche jusque minuit; les difficultés rencontrées ne permirent de parcourir que neuf milles. Jusqu'à ce moment on n'avait couvert que 140 milles anglais, soit 17 milles par jour. Le 30 mars au matin, on put enfin faire des observations précises par temps clair. On était par 84 30′ lat. et 95° 36′ long. On put distinguer de plus, à une distance qui a été estimée erronément à quinze milles, une terre parallèle à la ligne de marche, et qui fut appelée Terre Bradley. La còte s'étendait par 102 long., du 83° 20' au 84 50' lat. Peut-être

y a-t-il là deux îles faisant partie d'une terre plus étendue. Des falaises escarpées s'élèvent à environ 1200 pieds, mais l'intérieur, couvert de neige, semble avoir 1800 pieds de hauteur. Cook longea ces îles au nord, sans y aborder, car le temps pressait et les difficultés allaient s'accumulant; il fallait lutter contre les rafales et les glaces irrégulières, et surtout, par une marche plus accentuée vers l'ouest, contre la dérive vers l'est de la glace polaire. A partir de ce moment aussi, il y eut absence complète de vie organique. Dans ce mouvant désert, on ne vit plus ni les empreintes des ours, ni les trous creusés par les phoques dans la glace, où il n'y avait plus trace non plus des animalcules miscroscopiques qui y ont leur habitat.

Le 3 avril, le baromètre resta fixe, le temps devenant beau et clair. On put accomplir une longue marche, car le pack était plus ferme; il s'améliorait d'ailleurs chaque jour, et présentait des champs plus étendus, et épais de vingt à cinquante pieds. On aurait dit la terre ferme en mouvement vers l'est.

Dans la nuit du 7 avril, Cook eut le spectacle inoubliable du soleil de minuit, ce qui n'empêcha pas la gelée de continuer à sévir. Le 8 avril, le thermomètre oscillait entre -36° et -46° F., et l'on se trouvait par 86°36′ lat. et 94°2′ long. En neuf jours de marche on n'avait avancé que de 96 milles. C'est qu'on était astreint à des circuits et à des détours pour éviter les amoncellements qui bosselaient les champs de glace. Ceux-ci devinrent bientôt plus compacts et moins infranchissables, et les crevasses moins nombreuses et moins profondes. En raison de la distance qui restait à parcourir (370 kilomètres), on diminua la charge des traîneaux, car le nombre de chiens avait été réduit pour satisfaire les estomacs affamés de leurs congénères.

Vers le 10 avril, on arriva par 87°6′ lat. Du 87° au 88° lat., on voyagea sur une espèce de glacier; bien que les lignes de soudure qui caractérisent les mers de glace fissent défaut, de même que les crevasses et les hummocks, il n'y avait toutefois nié lévation perceptible, ni signe positif de terre. Le 14 avril, les observations donnèrent 88°21′ lat. et 95°52′ long.; il restait 185 kilomètres environ à parcourir jusqu'au pôle. Le 21 avril, une observation rectifiée de la position du soleil donna 89'59'46" lat. Les 14 secondes voulues, pour atteindre le point où tous les méridiens se confondent et où la boussole montre le sud, quelle que soit la direction envisagée, furent vite franchies. A 2 h. 15 m. du matin, le drapeau américain fut planté et déployé au pôle, où la dérive continue de se faire sentir, mais

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de façon moins prononcée que dans le sud de la mer polaire. La température était de -387', et la pression atmosphérique de 29,83 pouces.

Le 23 avril 1998, Cook et ses compagnons tournèrent le dos au pôle. Durant la première semaine il continua ses observations, qu'un brouillard d'une vingtaine de jours vint interrompre passagèrement. Le 30 avril, le podomètre enregistra 121 milles. Le 24 mai, on était par 84 lat. et 97° long environ; on dut réduire sérieusement les rations.

Dans l'archipel américain, on traversa, après de multiples difficultés, rencontrées vingt jours durant, la mer du Kronprinz Gustar, où la dérive vers l'ouest et le froid étaient très prononcés, et l'on regagna vers la fin d'août, après avoir atteint les rives de la mer de Baffin, le détroit de Jones (au nord de la Terre de Devon). Les explorateurs se creusèrent le 1er septembre un abri sous terre, au cap Sparbo, distant de plus de cinq cents kilomètres de tout centre plus ou moins civilisé. Après ètre restés blottis pendant quatre mois sans provisions et sans munitions même, se procurant par la chasse des peaux et leur maigre pitance, et se nourrissant au besoin d'un phoque à la chair faisandée, Cook et ses compagnons reprirent, le 18 février 1909, le chemin du Grönland, qu'ils eurent le bonheur de revoir le 15 avril. Le 11 mai, le docteur arriva à Upernavik, et s'embarqua pour Copenhague, à bord du Hans Egede. A son passage à Lerwick (iles Shetland) le 1o septembre, il télégraphia la découverte du pôle au NEW-YORK HERALD et débarqua dans la capitale danoise le 3 septembre, et à Brooklyn le 21 du mème mois.

Pour atteindre le pôle il a fallu à Cook 293 jours (4 juillet 1907-21 avril 1908), si l'on compte de New-York, 63 jours (19 février 1908-21 avril) à partir d'Annotook; enfin 35 jours en partant de l'ile Heiberg, distante de l'extrémité nord de l'axe terrestre de 950 kilomètres environ, avec les détours. Cette dernière partie du voyage représente done des étapes moyennes journalières de 27 kilomètres. Au retour, la marche fut loin d'être aussi brillante. Sans en rechercher les causes qui sont multiples, disons qu'il fallut, en partant du pôle, 32 jours pour atteindre le 84 lat. (23 avril 1908-24 mai), 132 jours pour arriver au cap Sparbo (23 avril-1 septembre), 358 jours pour toucher Etah (23 avril 1908-15 avril 1909), et 597 jours pour rentrer à Brooklyn (23 avril 1908-21 septembre 1909).

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Robert Edwin Peary est né le 6 mai 1856, à Cresson. Après avoir obtenu le diplôme d'ingénieur civil, il prit du service dans la marine des États-Unis d'Amérique. Depuis 1885 il se consacre à la solution des problèmes arctiques. Il doit être rangé parmi les explorateurs polaires les plus persévérants, et au nombre de ceux qui ont fourni sur les parties septentrionales du Grönland et de l'archipel américain les contributions les plus neuves et les plus importantes.

En mai 1886, il quitta, à bord du baleinier à vapeur Eagle, Sydney (près du cap Breton), pour aller reconnaître la calotte de glace qui recouvre l'intérieur du Grönland à la latitude de la baie de Disko, et pour établir l'insularité de sa partie septentrionale. De Godhavn il se rendit à Ritenbenk, d'où il parcourut l'inlandsis en traîneau, sur 229 kilomètres; il rencontra des glaciers hauts de 2500 mètres qu'il escalada, et rentra le 6 septembre, avec une riche collection de fossiles, à Godhavn, où il se rembarqua. Dès ce moment Peary songea à la conquête du pôle. Il mit cinq ans à organiser et à équiper son exploration et quitta Brooklyn le 6 juin 1891, sur le Kite, accompagné de sa femme et du docteur Cook. Bien qu'il se fût cassé une jambe, il arriva, en 1892, dans le voisinage du 82o lat. N., près du fjord SherardOsborn, marcha encore vers le nord, mais dépourvu de vivres il dut interrompre son raid de 76 jours. Après avoir rejoint Madame Peary, qui l'attendait à la baie de Mac Cornick, il visita avec elle le cap Cleveland, le glacier Bowdin, découvrit le glacier Melville, et mit le pied sur celui de Hurlbut, où il arrêta sa marche; en treize mois il avait parcouru 1200 milles en traîneau.

De retour en Amérique, Peary entreprit, grâce à l'appui financier de l'Arctic Peary Club, qui ne lui fit plus défaut : a) de 1893 à 1895, à bord du Falcon, une exploration au Grönland, où sa femme s'accoucha d'une fille le 12 septembre 1893, par 77° 4' lat. N.; il hiverna au Whole Sound; b) en 1896, une reconnaissance dans la même région, où il s'avança jusqu'au cap York, et arriva neuf cents kilomètres plus loin; il fit 1200 milles sur la calotte glaciaire du Grönland septentrional; — c) de 1896 à 1897, l'explorateur compléta ses renseignements, au cours d'une nouvelle croisière, à bord du Hope, et transporta en Amérique le fameux météorite du cap York (70 tonnes); d) de 1898 à 1902, nous trouvons Peary à bord du Windward; le long hivernage dans les mers polaires, au cours duquel il explora la côte ouest de la Terre de Grinnell, permit de préciser le

caractère insulaire du Grönland, de découvrir l'archipel flanquant jusqu'à 83° 40' lat., l'extrême pointe nord de cette immense ile, et de s'avancer jusqu'à 84° 17′ lat.; Peary acquit la preuve que la route la plus directe vers le pôle ne part pas du Spitzberg, mais du Smith Sund; e) enfin, en 1905, une nouvelle exploration sur le Roosevelt conduisit le commodore, le 21 avril 1906, jusque 87° 6' lat., à 320 kilomètres du pôle, dont nul humain ne s'était encore approché de si près.

Comme noblesse oblige, le commodore Peary, sans tenir compte des fatigues et des dangers, se remit à l'œuvre, avec les subsides (un million, dit-on) de l'Arctic Peary Club; il quitta New-York le 6 juillet 1908, à bord du Roosevelt, commandé par le capitaine Barlett. Le personnel scientifique était formé des professeurs Mac Millan, Winthrop Marvin, astronome-il avait déjà accompagné le commodore en 1905- et des docteurs Wood et Goodsell. Ils avaient comme adjoints Borup et le nègre Hansen. Conformément au programme tracé, le navire, que montaient quinze Terre-Neuviens, s'arrêta à Sydney le 17 juillet. Il doubla le cap York le 1er août, et après avoir fait escale à Etah le 7 et le 8 de ce mois, pour embarquer quarante-neuf Esquimaux (22 hommes, 17 femmes, 10 enfants) et deux cent trente-six chiens, il reprit sa marche vers le Nord. On atteignit le 1 ou le 5 septembre le cap Sheridan (pointe Nord de la Terre de Grant), où le Roosevelt fut mis à l'abri à l'embouchure du fleuve Sheridan, et où Peary et son monde hivernèrent; on se procura par la chasse, de la viande d'ours, de renne et de bœuf musqué, et l'on établit des dépôts de vivres au cours de diverses pointes qui furent poussées à l'ouest et au nord.

Le 15 février 1909, les premiers traineaux quittèrent le navire pour le cap Columbia, où l'on réunit la majeure partie des provisions, et qui devint en quelque sorte le campement central, et la base d'opérations et de ravitaillement. Peary, qui s'était mis en route avec l'arrière-garde le 22 février, donc à la fin de la nuit arctique, arriva en ce point le 27. On prit la direction du pôle le 1 mars. A l'avant-garde marchaient le capitaine Barlett, et une équipe chargée de tailler un chemin à travers la glace. La colonne comptait alors sept blancs, dix-sept esquimaux, cent trente-trois chiens, dix-neuf traineaux. Elle rencontra de grosses difficultés. Par suite du vent, la glace présentait des solutions de continuité et imposait de grands détours pour suivre la piste tracée par l'avant-garde. Plusieurs traineaux furent mis hors de service. Du 4 au 11 mars, les explorateurs furent arrêtés par un

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