Sayfadaki görseller
PDF
ePub

pas encore. Nous ne pouvons donc pas dire non plus que cette année elle-même soit présente tout entière; et puisqu'elle ne l'est pas tout entière, ce n'est plus une année présente telle que nous la cherchions. Une année se compose de douze mois, et à mesure que le tour de ces mois arrive, un d'eux est présent, et tous les autres sont, ou passés, ou futurs. Ce mois même qui court n'est pas tout entier présent en même temps: il n'y a qu'un seul de ses jours qui le soit; si c'est le premier, tous les autres sont dans l'avenir; si c'est le dernier, tous les autres sont passés; si c'est quelqu'un des intermédiaires, il est placé entre le passé et l'avenir.

Voilà donc le temps présent qui, seul, selon nous, pouvait recevoir les qualifications de long, le voilà, dis-je, réduit à peine à un seul jour. Mais ce jour lui-même, examinons-le. Il se compose de vingt-quatre henres: douze pour le jour et douze pour la nuit. Par rapport à la première, toutes les autres sont à venir; par rapport à la dernière, toutes les autres sont passées : et si l'on prend une des intermédiaires, toutes celles qui l'ont précédée, ne sont plus; toutes celles qui doivent la suivre, ne sont pas encore.

Mais après tout, cette heure elle-même n'est composée que d'instants fugitifs. Tout ce qui s'en est déjà envolé est passé; tout ce qui reste est dans l'avenir. Si, après cela, on peut concevoir quelque temps qui ne puisse plus se partager en parties de moments, quelque petites que soient ces parties, c'est celui-là seul que nous pouvons appeler présent; et toutefois il s'envole avec tant de rapidité de l'avenir dans le passé, qu'il ne reçoit pas la moindre extension, pas le moindre retard. Car s'il en recevait, il se diviserait aussi en présent et en futur.

Le présent n'a donc aucune étendue : et où trouveronsnous un temps que nous puissions appeler long? Est-ce l'avenir? Nous ne pouvons dire qu'il est long, puisqu'il n'est point encore, et qu'il ne peut être long que quand il est. Nous disons: il sera long. Quand donc le sera-t-il? ce ne sera pas tant qu'il sera dans l'avenir, puisque n'étant pas encore, il ne saurait être long. Si l'on se retranche à dire qu'il sera long, lorsque de futur qu'il est, il commencera à deve

nir présent, et que devenant un être en devenant présent, il sera aussi susceptible de devenir long, souvenons-nous que nous venons, pour ainsi parler, d'entendre le présent nous crier à haute voix : « Ni moi non plus, je ne saurais >> être long. »

Chap. XVI.

Quel temps peut ou ne peut pas se mesurer.

Pourtant, ô mon Dieu, nous apprécions les intervalles de temps, nous les comparons entre eux, et nous disons des uns qu'ils sont plus longs, et des autres qu'ils sont plus courts. Nous savons aussi estimer de combien un temps est plus long ou plus court qu'un autre, et nous disons: Ce temps est le double, le triple de tel autre; ou bien Celuici égale celui-là. Mais nous ne mesurons les temps que pendant qu'ils passent, et à mesure que nous les sentons s'écouler. Eh! qui pourrait mesurer ou les temps passés, qui ne sont plus, ou les temps à venir, qui ne sont pas encore? qui se hasarderait à dire que l'on peut mesurer ce qui n'est pas? C'est donc seulement lorsqu'il passe que le temps peut se sentir et se mesurer. Est-il passé; on ne peut plus le mesurer, puisqu'il n'est plus.

Chap. XVII.

- Où est le passé, où est l'avenir?

:

O mon père et mon Dieu, je cherche; mais je n'affirme rien. Secondez-moi et soyez mon guide dans mes recherches. Où est l'homme qui oserait me dire qu'il n'y a pas trois temps, comme nous l'avons appris dès notre plus tendre enfance, et comme nous l'avons nous-mêmes enseigné depuis à d'autres enfants savoir, le passé, le présent et le futur; mais qu'il n'y en a réellement qu'un seul qui est le présent, puisque les deux autres ne sont pas? Faut-il dire que ceux-ci existent aussi, et que le futur, au moment où il devient présent, sort de quelque lieu où il était caché; et que le présent, quand il devient passé, va s'enfuir dans quelque abîme secret? Où, et comment en effet ceux qui ont prophétisé l'avenir ont-ils vu ce qui n'était pas? Car ce qui n'est pas ne peut se voir; de même ceux qui racontent les choses pas

sées, ne pourraient les raconter avec vérité, s'ils ne les voyaient des yeux de l'esprit et pourraient-elles être vues si elles n'étaient absolument rien? Le passé et l'avenir ont donc une sorte d'existence.

Chap. XVIII.

Comment le passé et l'avenir sont présents.

Seigneur, permettez-moi de pousser encore plus loin mes recherches; ô vous qui êtes mon espérance, faites, je vous prie, que rien ne trouble l'attention que j'y apporte.

Si l'avenir et le passé sont quelque chose, je désire savoir où ils sont. Si je ne puis encore le savoir, je sais du moins une chose c'est qu'en quelque lieu qu'ils soient, ils ne peuvent y être, ni comme passé ni comme avenir, mais comme présent. Car si l'on dit qu'ils y sont comme futurs, ils n'y sont pas encore; et si l'on dit comme passés, ils n'y sont plus. Ainsi donc en quelque lieu que soient les choses passées et les choses futures, et quelle que soit leur nature, elles ne peuvent y être que comme présentes. Ainsi lorsqu'on nous raconte des événements véritables, mais passés, ce ne sont pas ces événements eux-mêmes qui sortent de la mémoire de celui qui parle, mais seulement une suite de pensées exprimées par la parole, qui lui sont fournies par les images des choses qui, en passant par les sens, y ont laissé ces images comme des traces de leur passage. Mon enfauce, par exemple, qui n'est plus, appartient à un temps passé et qui n'est plus. Mais quand je veux raconter quelque chose qui s'y rattache, je vois l'image de cette chose, et je la vois dans le temps présent, parce qu'elle est actuellement dans mon souvenir.

Est-ce de la même manière que l'on prédit l'avenir, et faut-il que les images des choses qui ne sont pas encore, se présentent pourtant à notre esprit? C'est sur quoi je confesse, ô mon Dieu, toute mon ignorance. Ce que je sais seulement, c'est qu'il nous arrive souvent de préméditer nos actions à venir; et que cette préméditation est quelque chose d'actuellement présent dans notre âme, quoique l'action que nous préméditons ne soit pas, puisqu'elle est encore à venir.

Dès que nous entreprendrons de réaliser le projet que nous avons conçu, et que nous aurons mis la main à ce que nous voulons faire, c'est alors que cette action sera, parce qu'alors elle ne sera plus future, mais présente.

Certainement donc, de quelque manière qu'ait lieu cette inspiration secrète, qui révèle à l'homme les choses à venir, il ne peut voir que ce qui est. Or, ce qui est, n'est plus à venir, mais présent. Si l'on dit des choses à venir qu'elles sont vues, cela ne peut s'entendre des choses elles-mêmes, qui, étant futures, ne sont pas encore; mais peut-être des causes et des signes qui annoncent et préparent leur arrivée, et qui sont déjà. Ainsi, ce qui donne moyen à l'homme de connaître les choses à venir n'est réellement pas avenir, mais présent pour celui qui le voit, et qui s'en sert pour connaître l'avenir; de même encore, l'idée qu'il s'en forme est déjà dans son esprit, quoique les choses qu'il conçoit et qu'il prédit ne soient pas encore.

Entre un nombre infini d'objets qui pourraient ici me servir d'exemples, je veux en rapporter un. Je vois l'aurore, et d'avance j'annonce que le soleil va se lever; ce que je vois est présent, et ce que je prédis est futur, non pas le soleil qui existe déjà, mais son lever qui n'est pas encore. Cependant si mon esprit ne se figurait pas ce lever du soleil, comme il se le figure maintenant que j'en parle, je ne pourrais pas le prédire. Mais cette aurore que je vois dans les cieux n'est pas le lever du soleil, puisqu'elle le précède; ce que je me figure en moi-même ne l'est pas non plus : ce sont deux choses actuellement présentes à mon esprit qui m'induisent à prédire le lever du soleil qui est encore à venir. Ainsi donc les choses à venir ne sont pas encore; si elles ne sont pas encore, elles ne sont rien; et si elles ne sont rien, elles ne peuvent être vues; mais d'après les choses présentes qui sont déjà, et que l'on voit, elles peuvent être prédites.

Chap. XIX.

Il prie Dieu de lui apprendre comment les hommes peuvent voir les choses à venir.

O mon Dieu! ô vous qui êtes le roi souverain de toute la création, apprenez-moi, je vous en conjure, comment vous faites connaître à une intelligence les choses à venir; car enfin vous les avez fait connaître à vos prophètes. De quelle manière enseignez-vous l'avenir aux hommes, vous, pour qui il n'est point d'avenir? Ou plutôt de quelle manière leur faitesvous connaître ce qu'il y a de présent dans les choses à venir? car ce qui n'est pas ne peut être montré. Je sens combien cette manière doit être au-dessus de la portée de mon esprit, « et je ne puis y atteindre 1; » mais par vous, ô mon Dieu, je le pourrai quand vous daignerez éclairer les yeux invisibles de mon âme des doux rayons de votre divine lumière.

[merged small][ocr errors]

Quel nom il faut donner aux différences du temps.

Voilà donc enfin une chose qui me paraît claire et démontrée c'est que le futur et le passé ne sont point, et qu'à parler proprement on ne saurait dire qu'il y a trois temps, le passé, le présent et le futur. Peut-être parlerait-on plus exactement si l'on disait : Il y a trois temps, le présent des choses passées, le présent des choses présentes et le présent des choses futures. Car dans l'âme je trouve ces trois choses, et je ne les vois que là. Le présent des choses passées, c'est la mémoire; le présent des choses présentes, c'est leur vue actuelle; le présent des choses à venir, c'est leur attente. Si l'on me permet de l'entendre ainsi, je vois alors trois temps, et je conviens qu'il y en a trois. Que l'on dise même, si l'on veut, qu'il y a trois temps, le présent, le passé, le futur, comme on s'est fait une coutume abusive de le dire, je m'en inquiète peu je ne m'y oppose point. Je ne blâmerai personne, pourvu néanmoins que l'on comprenne ce que l'on

Ps. CXXXVIII, 6.

« ÖncekiDevam »