Sayfadaki görseller
PDF
ePub

dit, et que l'on convienne de deux choses: l'une, que l'avenir n'est pas encore; l'autre, que le passé n'est plus. Il est en effet bien peu de choses sur lesquelles nous parlions exactement; il en est beaucoup dont nous ne parlons qu'avec inexactitude; et nous ne laissons pas cependant que de nous entendre.

Chap. XXI.

Comment on peut mesurer le temps.

J'ai déjà dit un peu plus haut, que nous pouvons mesurer le temps qui passe, de manière à pouvoir dire: Tel temps est le double de tel autre; ou que celui-ci est égal à celui-là, et autres comparaisons que nous pouvons faire entre les différentes parties du temps qui passe: ce qui prouve, comme je l'ai dit, que nous mesurons le temps lorsqu'il passe. Et si quelqu'un me demande: Comment le sais-tu? je répondrai : Je sais que nous le mesurons; je sais que nous ne saurions mesurer ce qui n'est pas, et je sais que le passé et l'avenir ne sont rien. Mais comment pouvons-nous mesurer le temps présent, puisqu'il n'a point d'étendue? Nous le mesurons donc lorsqu'il passe. Nous ne pouvons le mesurer lorsqu'il est passé, puisque, dès qu'il est passé, il n'est plus rien, et que l'on ne peut mesurer ce qui n'est pas.

Mais quand nous le mesurons, d'où vient-il, où va-t-il, par où passe-t-il? D'ou vient-il, si ce n'est de l'avenir? par où passe-t-il, si ce n'est par le présent? où va-t-il, si ce n'est dans le passé? Sorti de ce qui n'est pas encore, il passe par ce qui n'a point d'étendue, pour arriver dans ce qui n'est plus. Que mesurons-nous donc, si ce n'est le temps dans quelques-uns de ces espaces? Quand nous disons un temps double, triple, quadruple d'un autre; quand nous disons deux temps égaux, cela ne peut s'entendre que des espaces de temps. Dans quel espace le mesurons-nous done? Est-ce dans l'avenir, d'où il vient? mais nous ne pouvons mesurer ce qui n'est pas encore. Est-ce dans le présent, par où il passe? mais nous ne pouvons mesurer ce qui n'a point d'étendue? Est-ce dans le passé, où il va s'engloutir? mais nous ne saurions mesurer ce qui n'est plus.

[merged small][ocr errors][merged small]

Mon âme s'enflamme de plus en plus du désir de comprendre une énigme si compliquée. O mon Seigneur et mon Dieu! ô mon bon Père! je vous en conjure par Jésus-Christ, ne me refusez point l'intelligence de ces choses; accordez au vif désir que j'en ai la grâce de comprendre une question tout à la fois si familière et si cachée; que votre miséricorde, semblable à une vive lumière, m'éclaircisse toutes les difficultés qu'elle renferme. Qui puis-je interroger à ce sujet? et à qui puis-je plus utilement confesser mon ignorance qu'à vous, ồ mon Dieu! à vous qui voulez bien ne pas désapprouver l'ardeur si violente avec laquelle je me livre à l'étude de vos saintes Écritures? Donnez-moi ce que j'aime car j'aime, ô mon Dieu! et c'est vous qui m'avez inspiré cet amour; donnez-le-moi, Seigneur, vous qui êtes par excellence ce bon Père, « qui ne sait donner que de bonnes choses à ses >> enfants '; » donnez-le-moi, puisque j'ai entrepris de le connaître, et que je suis résigné à tous les travaux, à toutes les recherches, jusqu'à ce que vous le montriez à mes yeux. Je vous en conjure par Jésus-Christ, par ce nom du Saint des saints, faites que rien ne me trouble dans cette recherEt moi aussi je crois, « et c'est parce que je crois que >> je parle 2. >>> Mon unique espérance, l'espérance qui me fait supporter le fardeau de la vie, c'est que je contemplerai les délices de mon Sauveur et de mon maître. « Voilà que

che.

» vous avez fait mes jours périssables: ils passent, ils m'é>>chappent 3; » et comment? je l'ignore. Nous avons sans cesse à la bouche les mots de siècle et d'année, de moment et de temps; nous disons: Combien a-t-il parlé de temps? combien a-t-il mis de temps à faire telle chose? qu'il y a longtemps que j'ai vu cela! Et encore: Cette syllabe, qui est longue, est double pour le temps et la durée de cette autre qui est brève. Nous disons et nous entendons dire tout cela; l'on nous comprend, nous comprenons, rien n'est plus clair, Matt., VII, 11. 2 Ps. CXV, 1. 3 Ps. XXXVIII, 6.

rien n'est plus usité; et d'un autre côté, rien n'est plus obscur ni plus impénétrable, et l'on n'a pas encore su découvrir ce que ce pouvait être.

Chap. XXIII. Ce que c'est que le temps.

J'ai entendu soutenir à un savant que le temps, c'est le mouvement de la lune, du soleil et des astres. Je ne partage point cette opinion car pourquoi le mouvement de tous les autres corps ne serait-il pas aussi bien le temps? Est-ce que, si les flambeaux qui éclairent le ciel cessaient de l'éclairer, et que la roue d'un potier fût seule en mouvement, il n'y aurait pas de temps pour mesurer les tours de cette roue? Ne pourrions-nous pas dire, ou que ces tours se font régulièrement dans le même intervalle de temps, ou au contraire que les uns durent plus, les autres moins de temps, s'ils étaient les uns plus lents, les autres plus rapides? Et lorsque nous dirions ces choses, ne serait-ce pas aussi dans le temps que nous les dirions? N'y aurait-il pas dans nos paroles tantôt des syllabes longues, tantôt des brèves? et d'où viendrait cette distinction, si ce n'est de ce que les unes retentiraient plus et les autres moins longtemps? O Dieu! faites-nous la grâce de saisir dans une aussi petite chose les notions nécessaires pour bien comprendre la nature des plus grandes.

Il y a, je le sais, dans les cieux des astres et des flambeaux qui nous marquent les saisons, les temps, les années, les jours. Je ne conteste point cette vérité, je la reconnais. Je ne prétends pas non plus que le mouvement de cette petite roue de potier suffirait pour marquer les jours; mais il ne s'ensuit pas que ce ne serait point un temps. Que ce savant dont je parle le croie s'il veut pour moi, ce que je désire connaître, c'est la force et la nature du temps avec lequel nous mesurons les mouvements des corps, et à l'aide duquel nous disons, par exemple, tel mouvement dure une fois plus que tel autre. Ainsi, puisque nous appelons un jour, nonseulement le petit espace de temps que le soleil demeure sur notre horizon, et au moyen duqnel on distingue le jour de la nuit, mais encore le tour entier du soleil de l'orient à l'o

rient, en sorte que, quand nous disons : Tant de jours se sont passés, nous renfermons dans ce nombre les nuits même que nous ne comptons point séparément; et qu'enfin le jour se compose du mouvement et du tour que fait le soleil depuis l'orient jusqu'à l'orient, je demande si le mouvement lui-même est le jour, ou si c'est le temps que dure le mouvement, ou si ce sont ces deux choses réunies. Si la première de ces choses était le jour, il y aurait donc un jour, quand même le soleil aurait parcouru cette carrière en un aussi petit espace que l'est celui d'une heure; si la seconde, il n'y aurait donc pas de jour, si, depuis un lever du soleil jusqu'à l'autre, cet astre ne mettait que l'intervalle d'une heure; mais il faudrait que le soleil, dans ce cas, fit vingt-quatre fois son tour dans l'espace d'une de nos heures; et s'il faut les deux à la fois, il s'ensuit qu'un tour entier du soleil, qui ne durerait qu'une de nos heures, ne se pourrait pas appeler un jour, et que si le soleil demeurait immobile autant de temps qu'il emploie à faire son tour, cet espace de temps ne pourrait pas non plus s'appeler un jour.

Je ne cherche plus maintenant ce que c'est que l'on appelle jour, mais ce que c'est que le temps à l'aide duquel, mesurant le cours du soleil, nous dirions qu'il aurait fourni sa carrière en moitié moins de temps que de coutume, si, au lieu de la fournir en vingt-quatre heures, il lui arrivait de la fournir en douze. En comparant ces deux temps, nous dirions que l'un est double de l'autre, et celui-ci la moitié du premier, quand même il arriverait au soleil de mettre tantôt douze, tantôt vingt-quatre heures à fournir sa carrière depuis l'orient jusqu'à l'orient. Que personne donc ne vienne me dire le temps, c'est le mouvement des corps célestes; car, lorsque, par l'ordre d'un serviteur de Dieu, « le soleil » s'arrêta 1» pour donner le temps au peuple fidèle de terminer un combat dans lequel il avait remporté la victoire, le soleil était arrêté, mais le temps ne l'était pas. Ce combat se continua et finit dans l'espace de temps qui était nécessaire pour le terminer. Je conclus de tout cela que le temps

:

4 Jos., X, 13.

n'est qu'une certaine durée mais le conçois-je effectivement, ou si je m'imagine seulement le concevoir? C'est à vous à me l'apprendre, vous qui êtes la lumière et la vérité.

Chap. XXIV.

Est-ce avec le temps que nous mesurons les mouvements des corps.

M'ordonnez-vous, ô mon Dieu! de croire à celui qui me dit: Le temps, c'est le mouvement des corps? non, vous ne me l'ordonnez pas. J'entends très-bien qu'aucun corps ne peut se mouvoir que dans un temps donné, vous-même me le dites; mais je n'entends pas que le temps soit le mouvement lui-même : ce n'est pas vous qui me le dites. Quand

un corps se meut, c'est par le temps que je mesure la durée de son mouvement depuis le commencement jusqu'à la fin. Si je ne l'ai point vu commencer, et qu'il continue à être en mouvement sans que je le voie s'arrêter, je ne puis le mesurer; seulement je puis apprécier le temps qui s'est écoulé depuis que j'ai commencé à le voir, jusqu'au moment où je ne l'ai plus vu. Si je l'ai vu longtemps, j'affirme seulement que ce temps a été long; je ne l'évalue pas, parce que, pour l'évaluer, il faudrait le comparer, comme nous faisons, en disant Tel temps a été le double ou la moitié de tel autre, ou bien celui-ci a été égal à celui-là. Si nous pouvions remarquer, dans l'espace, le point d'où le corps (ou du moins ses parties, s'il tourne sur lui-même) commence et cesse de se mouvoir, nous pourrions dire en combien de temps ce corps, ou du moins telle partie de ce corps, aurait effectué sa révolution, depuis le lieu où son mouvement aurait commencé, jusqu'à celui où il aurait fini.

Ainsi, puisque le mouvement des corps est autre chose que ce que nous mesurons quand nous cherchons la durée de ce mouvement, qui ne voit maintenant laquelle de ces deux choses mérite de préférence le nom de temps? Car, quoique le mouvement du corps soit plus ou moins rapide, le temps est toujours le même; et quand ce corps demeure en repos, le temps nous sert aussi bien à mesurer son repos que son mouvement, et nous disons: Il a été en repos aussi long

« ÖncekiDevam »