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au clergé, à deux battants, les portes de leurs colléges. Il n'importe on en fit des ennemis de la foi. Ce n'était pas assez; on voulut que leur enseignement fût immoral, et l'on publia, pour le démontrer, d'ignobles pamphlets, tous remplis des calomnies les plus dégoûtantes. Tel homme qui avait passé sa vie à défendre la cause du spiritualisme et à soutenir la personnalité divine, fut traité de matérialiste et de panthéiste; grand mot que le vulgaire ne comprenait pas, et qui n'en a que plus sûrement fait fortune. De la philosophie à la liberté et à la raison, il n'y avait qu'un pas, vous le sentez; ou plutôt, philosophie, raison et liberté, ce sont trois mots et une seule chose. Voilà comment, en très-peu de temps, la question d'école s'est transformée, et est devenue une lutte directe contre la liberté et la raison. Quelle est-elle, cette raison? Que nous veut-elle ? Elle a fait la révolution française ! C'est précisément ce qui la condamne. Elle a inspiré Voltaire et Rousseau, deux impies! Elle ne sait qu'élever système sur système; autant en emporte le vent. N'avons-nous pas le catéchisme? Les philosophes sont bien bons, en vérité, de se donner tant de peine! Mes amis, il n'y a rien à découvrir. Le premier petit pâtre qui a causé huit jours avec son curé en sait autant que vous sur toutes choses. Vous invoquez la liberté de conscience, et le droit qu'a tout homme de chercher librement la vérité? Mais il n'y a pas de liberté de conscience; il n'y a qu'un symbole et des confesseurs; on n'a pas le droit de chercher la vérité, puisqu'elle est toute trouvée, et que s'il y a quelque chose au delà, les moyens nous manquent pour le découvrir. Tout est juste dans cette argumentation, tout est logique, excepté le point de départ; et il est parfaitement vrai que si la raison ne peut tenir, elle emporte avec elle en s'écroulant la religion naturelle, la loi naturelle, la liberté, toutes les libertés.

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C'est de l'histoire, messieurs, que je vous raconte; c'est notre propre histoire. Vous avez entendu toute cette polémique, et vous savez avec quelle rapidité on a glissé sur cette pente, et comme on en est venu promptement à railler, à blasphémer, à nier la liberté et la raison. Une fois là, il fallait bien, pour être conséquents, abandonner les effets en même temps que les causes, maudire la civilisation et les lumières. On n'y a pas manqué. On a fait la guerre à la chimie et à la physique. On a fait une campagne contre les lettres. Est-ce vrai, messieurs? Est-ce que j'exagère ? N'a-t-on pas déclaré dans des feuilles dévotes, qu'il ne fallait plus mettre dans les mains de la jeunesse, Homère, Virgile, Cicéron ? N'a-t-on pas décidé que Molière était un malhonnête homme, sans génie? Bossuet lui-même, le grand évêque, n'est-il pas devenu suspect? Voilà ce que l'Église de France n'aurait pas deviné en 1682; ni Bossuet, ni Le Tellier, ni le cardinal de Noailles n'auraient imaginé qu'en si peu de temps le gallicanisme deviendrait presque une hérésie 1. Mais ce qui a été plus douloureux dans cette lutte, c'est quand, par bravade, on en est venu à glorifier l'inquisition, à justifier la Saint-Barthélemy, à chercher tout ce qui pou

1. Déjà, sous la Restauration, il y avait eu une levée de boucliers contre les libertés de l'Eglise gallicane. Le haut clergé presque tout entier combattit cette tendance funeste. La déclaration suivante, signée par soixante-neuf évêques, fut publiée le 3 avril 1826: « Des maximes reçues dans l'Eglise de France sont dénoncées hautement comme un attentat contre la divine constitution de l'Église catholique, comme une œuvre de schisme et d'hérésie, comme une profession d'athéisme politique. Combien ces censures, proférées sans mission, sans autorité, ne paraissent-elles pas étranges, quand on se rappelle les sentiments d'estime, d'affection et de confiance que les successeurs de Pierre, chargés comme lui de confirmer leurs frères dans la foi, n'ont cessé de manifester pour une Église qui leur a toujours été si fidèle! Mais ce qui étonne le plus, c'est la témérité avec laquelle on cherche à faire renaître une opinion née autrefois du sein de l'anarchie et de la confusion où se trouvait l'Europe, con

vait offenser la raison publique, à raconter des miracles absurdes, sur la foi du premier venu, au risque de blesser la conscience des catholiques et de fournir des armesaux incrédules, à faire revivre des superstitions qu'on croyait abolies, à nous remettre sous les yeux, avec une persistance insensée, cette théorie de l'abêtissement dont Pascal avait livré le secret dans un jour de désespoir. Quoi! la liberté de conscience n'est entière qu'en France et en Belgique, et c'est en France qu'on écrit ces paroles : « L'Espagne a commencé à déchoir depuis qu'elle a perdu l'inquisition, et c'est en Belgique qu'on s'écrie, du haut de la chaire sacrée : « Loin de nous cette maxime fausse, extravagante qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience: erreur des plus dangereuse! » Voilà pourtant où nous en sommes !

Eh bien, messieurs, que dites-vous maintenant de la liberté ? Nous pensions, en commençant cette pénible revue, qu'elle avait été souvent étouffée par le fanatisme, mais qu'elle dominait cependant, qu'elle était la reine de l'histoire; que Descartes l'avait ramenée après les égarements du moyen âge; que la république française l'avait consacrée, portée dans toute l'Europe; qu'il ne nous stamment repoussée par le clergé de France et tombée dans un oubli presque universel, opinion qui rendrait les souverains dépendants de la puissance spirituelle, même dans l'ordre politique, au point qu'elle pourrait, dans certains cas, délier leurs sujets du serment de fidélité... En conséquence, nous, cardinaux, archevêques et évêques soussignés, croyons devoir au roi, à la France, au ministère divin qui nous est confié, aux véritables intérêts de la religion dans les divers États de la chrétienté, de déclarer que nous réprouvons les injurieuses qualifications par lesquelles on a essayé de flétrir les maximes et la mémoire de nos prédécesseurs dans l'épiscopat, que nous demeurons invariablement attachés à la doctrine telle qu'ils nous l'ont transmise, sur les droits des souverains, et sur leur indépendance pleine et absolue, dans l'ordre temporel, de l'autorité soit directe soit indirecte de toute puissance ecclésiastique. »

restait plus qu'à jouir des travaux de nos pères, à organiser la liberté, à la féconder vous voyez si nous sommes loin de compte. Elle apparaît, en France, au dernier moment, quand la Révolution est déjà consommée. Là même, on la discute, on l'attaque, on fait contre elle des émeutes. En Russie, en Angleterre, en Pologne, en Suède, on persécute les catholiques; on persécute les protestants, ou tout au moins on les maltraite, en Italie, en Espagne. Pour les juifs, émancipés en 91, retombés sous la tutelle de l'État en 1802, redevenus libres en 1808, où peuvent-ils respirer si ce n'est ici, messieurs, et en France? L'Angleterre les exclut du parlement, l'Allemagne des emplois publics, la Bohême et la Bavière leur refusent le droit de posséder la terre, les droits les plus sacrés de la famille. L'Espagne, la Russie les expulsent de leur territoire. Et nous nous étonnons, en lisant l'histoire de l'Inde, de la persistance du préjugé des castes? Et nous prenons en pitié le moyen âge parce qu'il distribuait le pouvoir et la servitude selon les hasards de la naissance? Et nous nous croyons sensés, éclairés, civilisés, en possession de nous-mêmes, libres enfin, et par conséquent équitables? A l'œuvre, ouvriers de la pensée ! La tâche n'est qu'à moitié remplie. Il nous reste beaucoup à conquérir, après les conquêtes de nos pères. Ne portons pas avec nous le fer et le feu dans cette nouvelle croisade. Soyons des hommes de paix, pour apporter au monde la paix. Laissons la haine à nos ennemis. Rendons-leur justice; défendons-les au besoin. Que leur liberté nous soit aussi chère que la nôtre. Montrons, par nos paroles et par nos exemples, que la cause de la liberté est aussi celle de la justice.

روق

QUATRIÈME LEÇON

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