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opprimer ceux qui ne peuvent humilier leur pensée devant l'infaillibilité du pape. Cet autre s'est établi sur la doctrine de Luther? il oblige tous les esprits, par sa constitution, à subir l'autorité de Luther. Les villes d'Allemagne se partagent entre des milliers de sectes, et chacune, dès qu'elle est installée sur une surface de quelque centaine de lieues, se met à proscrire les autres. En Suisse, les cantons catholiques, Schwytz, Ury, Underwald, le Valais, refusent aux protestants le droit de propriété immobilière. Il n'est pas permis d'être protestant à Naples, ou en Espagne; il en coûte d'être catholique en Suède et en Pologne; un juif, à Rome, en Bohême, en Bavière, est traité comme un esclave. Voilà la liberté du XIXe siècle.

Mais non, messieurs, ne calomnions pas notre siècle et l'humanité. Toutes ces constitutions croulantes, que quelques fanatiques s'efforcent d'étayer, affligent encore la vue du philosophe; mais ce sont des débris subsistants d'un monde qui n'est plus ; l'esprit moderne s'agite de toutes parts pour les faire disparaître du sol. L'exclusion des israélites du parlement britannique ne tient qu'à une imperceptible minorité réfugiée dans la Chambre des lords, et contre laquelle proteste le reste de la nation. En Prusse, la motion de M. Wagener est dédaigneusement repoussée par l'ordre du jour. En Suède, c'est le roi luimême qui veut effacer la loi de 1687. En Russie, le nouvel empereur abolit le Ghetto de Moscou, et permet aux catholiques d'espérer. En Belgique.... vous voilà tous, messieurs, réunis autour de cette tribune, pour protester que l'intolérance ne prendra pas racine sur la terre de la liberté. L'intolérance est si loin de nos idées et de nos mœurs que, quand elle a commencé à renaître au milieu de nous, elle n'a excité que de l'étonnement et pas de

colère. Elle a fait des progrès rapides, parce qu'elle a profité de notre indifférence même. Ses succès lui seront funestes; dans un avenir rapproché, ce qui reste en Europe de lois restrictives de la liberté de conscience sera pour jamais anéanti. Souhaitons, messieurs, que tous les gouvernements et tous les peuples s'entendent pour l'achèvement de cette grande œuvre, et que les principes si glorieusement conquis par nos pères reçoivent de nous leur dernière sanction pratique. La liberté n'est pas seulement l'instrument des améliorations sociales : elle est la condition nécessaire de la paix. Autrefois, on demandait la paix à l'oppression; aujourd'hui, c'est la liberté seule qui peut la donner, et voilà la vraie grandeur de notre temps.

Je vous quitte, messieurs, mais avant de nous séparer, permettez-moi de vous féliciter du zèle que vous avez déployé pour la sainte cause de la liberté de conscience. Vous venez d'honorer à jamais votre ville en combattant au premier rang pour cette cause, qui est celle du progrès et de l'avenir, comme vos ancêtres se sont illustrés en combattant pour les libertés communales, qui font la force et qui assurent la durée de votre nationalité. Je vous remercie du fond du cœur de m'avoir appelé au milieu de vous, de m'avoir associé à votre œuvre. Le spectacle que vous m'avez donné a été pour moi-même un enseignement. Souvenez-vous à jamais que nous sommes liés à la cause de la libre pensée, à la cause de la tolérance, et que nous devons la défendre en tout temps, à tous risques, contre nos ennemis, et même contre nos amis, si quelque jour, par une inconséquence dont il y a des exemples, les défenseurs de la liberté devaient se tourner contre elle. J'espère qu'aucune de mes paroles ne s'est écartée de la ligne que je m'étais volontairement tracée, et

qu'en attaquant l'intolérance, je ne l'ai attachée à aucune doctrine particulière. Le rôle d'un philosophe n'est pas d'apporter la guerre. Il ne doit pas venger la philosophie : il doit l'enseigner; c'est assez pour elle. Nos principes, messieurs, sont des principes de paix et de liberté. Nous ne craignons pas l'examen, la discussion, la publicité, la lumière. Loin de là, nous sommes toujours prêts pour les pacifiques luttes, prêts à professer nos doctrines et à les défendre, prêts à répondre dans les académies et sur les places, devant les savants et le peuple. A coup sûr, il m'est bien doux de me trouver ici au milieu d'une société d'élite avec laquelle je suis en communion de sentiments et de pensées; mais que ne donnerais-je pas pour pouvoir faire entendre ma parole aux ouvriers, aux ignorants, aux pauvres, pour leur répéter combien la liberté est sainte, pour leur dire les imprescriptibles droits de la conscience et de la raison, pour apporter jusqu'à eux ces vérités qui transforment l'esprit et qui enflamment le cœur, et qui sont pour les âmes ce qu'est pour les yeux du corps la vivante lumière du soleil! O mon Dieu, Dieu de paix et de liberté, bénissez nos efforts dans votre propre cause. Que tous ceux qui m'entendent et qui m'inspirent deviennent comme des apôtres de la liberté de conscience; qu'ils lui restent fidèles à jamais; qu'ils l'honorent par une modération invincible; et qu'ils se rappellent toujours que, pour être dignes de la liberté, il faut savoir la respecter, même dans ceux qui la maudissent!

APPENDICE

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