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III

Lettre encyclique de Grégoire XVI à tous les patriarches, primats, archevêques et évéques.

Grégoire, pape XVI⚫ du nom,

Vénérables frères, salut et bénédiction apostolique.

Vous vous étonnez peut-être que, depuis que la charge de toute l'Église a été imposée à notre faiblesse, nous ne vous ayons pas encore adressé de lettres, comme le demandaient, et un usage qui remonte aux premiers temps, et notre bienveillance pour vous. Il était certainement dans nos vœux de vous ouvrir sur-le-champ notre cœur, et dans la communication du même esprit, de vous entretenir de cette voix dont nous avons reçu l'ordre, dans la personne du bienheureux Pierre, de confirmer nos frères. Mais vous savez assez par quelle tempête de désastres et de douleurs nous nous trouvâmes, dès les premiers moments de notre pontificat, jeté tout à coup dans la haute mer dans laquelle, si la droite de Dieu ne s'était signalée, vous nous eussiez vu submergé par l'effet d'une noire conspiration des méchants. Nous répugnons à renouveler nos justes douleurs par un triste retour sur tant de périls, et nous bénissons plutôt le père de toute consolation, qui, dispersant les coupables, nous arracha à un danger imminent, et, en apaisant une effroyable tourmente, nous permit de respirer. Nous nous proposâmes surle-champ de vous communiquer nos vues pour guérir les maux d'Israël; mais l'immense fardeau d'affaires dont nous fûmes accablé pour ménager le rétablissement de l'ordre public, apporta quelque retard à notre dessein.

Une nouvelle cause de notre silence vint de l'insolence des factieux, qui s'efforcèrent d'élever une seconde fois les dra

peaux de la révolte. Nous dûmes enfin, quoique avec une profonde tristesse, user de l'autorité qui nous est confiée d'en haut, et réprimer sévèrement l'extrême opiniâtreté de ceux dont la fureur effrénée paraissait, non pas adoucie, mais plutôt fomentée par une longue impunité et par un excès d'indulgence et de bonté de notre part. De là, comme vous avez pu le conjecturer, notre tâche et notre sollicitude journalière sont devenues de plus en plus pénibles.

Mais comme nous avons, suivant l'ancienne coutume, pris possession du pontificat dans la basilique de Saint-Jean de Latran, ce que nous avions différé pour les mêmes causes, nous venons à vous, vénérables frères, et nous vous adressons cette lettre en signe de nos dispositions pour vous, dans ce jour heureux où nous solennisons le triomphe de l'Assomption de la très-sainte Vierge dans le ciel, afin que celle qu'au milieu des plus grandes calamités nous avons reconnue comme patronne et comme libératrice, nous soit aussi favorable au moment où nous écrivons, et que, par son souffle céleste, elle nous inspire les conseils qui peuvent être les plus salutaires au troupeau chrétien.

C'est avec le cœur percé d'une profonde tristesse que nous venons à vous, dont nous connaissons le zèle pour la religion, et que nous savons fort inquiets des dangers du temps où nous vivons. Nous pouvons dire avec vérité que c'est maintenant l'heure de la puissance des ténèbres pour cribler, comme le blé, les fils d'élection. Oui, la terre est dans le deuil et périt; elle est infectée par la corruption de ses habitants, parce qu'ils ont violé les lois, changé les ordonnances du Seigneur, rompu son alliance éternelle.

Nous vous parlons, vénérables frères, de ce que vous voyez de vos yeux, et de ce dont nous pleurons et nous gémissons ensemble. C'est le triomphe d'une méchanceté sans retenue, d'une science sans pudeur, d'une licence sans bornes. Les choses saintes sont méprisées, et la majesté du culte divin, qui est aussi puissante que nécessaire, est blâmée, profanée, tournée en dérision par des hommes pervers. De là la saine doctrine se corrompt, et les erreurs de tout genre se propagent audacieusement. Ni les lois saintes, ni la justice, ni les maximes, ni les règles les plus respectables ne sont à l'abri des atteintes des langues de l'iniquité. Cette chaire du bien

heureux Pierre, où nous sommes assis et où Jésus-Christ a posé le fondement de son Église, est violemment agitée, et les liens de l'unité s'affaiblissent et se rompent de jour en jour. La divine autorité de l'Église est attaquée, ses droits sont anéantis, elle est soumise à des considérations terrestres et réduite à une honteuse servitude; elle est livrée, par une profonde injustice, à la haine des peuples. L'obéissance due aux évêques est enfreinte et leurs droits sont foulés aux pieds. Les académies et les gymnases retentissent horriblement d'opinions nouvelles et monstrueuses, qui ne sapent plus la foi catholique en secret et par des détours, mais qui lui font ouvertement une guerre publique et criminelle : car quand la jeunesse est corrompue par les maximes et les exemples de ses maîtres, le désastre de la religion est bien plus grand et la perversité des mœurs devient plus profonde. Ainsi, lorsqu'on a secoué le frein de la religion, par laquelle seule les croyances subsistent et l'autorité se fortifie, nous voyons les progrès de la ruine de l'ordre public, de la chute des princes, du renversement de toute puissance légitime. Cet amas de calamités vient surtout de la conspiration de ces sociétés dans lesquelles tout ce qu'il y a eu, dans les hérésies et dans les sectes les plus criminelles, de sacrilége, de honteux et de blasphématoire, s'est écoulé, comme dans un cloaque, avec le mélange de toutes les souillures.

Ces maux, vénérables frères, et beaucoup d'autres, et de plus fâcheux encore peut-être, qu'il serait trop long d'énumérer aujourd'hui, et que vous connaissez très-bien, nous jettent dans une douleur longue et amère, nous que le zèle de toute la maison de Dieu doit particulièrement dévorer, placé que nous sommes sur la chaire du prince des apôtres. Mais comme nous reconnaissons que dans cette situation il ne suffit pas de déplorer des maux si nombreux, mais que nous devons nous efforcer de les arracher autant qu'il est en nous, nous recourons à votre foi comme à une aide salutaire, et nous en appelons à votre sollicitude pour le salut du troupeau catholique, vénérables frères, dont la vertu et la religion éprouvées, la prudence singulière et la vigilance assidue nous donnent un nouveau courage et nous soutiennent, nous consolent et nous récréent au milieu de circonstances si dures et si affligeantes; car il est de notre devoir d'élever

la voix et de tout tenter pour que le sanglier sorti de la forêt ne ravage pas la vigne, et pour que les loups n'immolent pas le troupeau. C'est à nous à ne conduire les brebis que dans des pâturages qui leur soient salutaires et qui soient à l'abri de tout soupçon de danger. A Dieu ne plaise, nos très-chers frères, qu'accablés de tant de maux et menacés de tant de périls, les pasteurs manquent à leur charge, et que, frappés de crainte, ils abandonnent le soin des brebis ou s'endorment dans un lâche repos. Défendons donc dans l'unité du même esprit notre cause commune, ou plutôt la cause de Dieu, et réunissons notre vigilance et nos efforts contre l'ennemi commun, pour le salut de tout le peuple.

Vous remplirez ce devoir, si, comme le demande votre office, vous veillez sur vous et sur la doctrine, vous rappelant sans cesse que l'Église universelle est ébranlée par quelque nouveauté que ce soit, et que, suivant l'avis du pontife saint Agathon, rien de ce qui a été défini ne doit étre ou retranché, ou changé, ou ajouté, mais qu'il faut le conserver pur et pour le sens et l'expression. Qu'elle soit donc ferme et inébranlable, cette unité qui réside dans la chaire du bienheureux Pierre comme sur son fondement, afin que là même d'où découlent pour toutes les Églises les avantages d'une communion précieuse, se trouvent pour tous un rempart, un refuge assuré, un port à l'abri des orages, et un trésor de biens sans nombre. Ainsi, pour réprimer l'audace de ceux qui s'efforcent d'enfreindre les droits du saint-siége, ou de rompre l'union des Églises avec ce siége, union qui seule les soutient et leur donne la vie, inculquez un grand zèle, une confiance et une vénération sincères pour cette chaire éminente, vous écriant, avec saint Cyprien, que celui-là se flatte faussement d'être dans l'Église, qui abandonne la chaire de Pierre sur laquelle l'Église est fondée.

Vous devez donc travailler et veiller sans cesse à conserver le dépôt de la foi au milieu de cette conspiration d'impies que nous voyons avec douleur avoir pour objet de le ravager et de le perdre. Que tous se souviennent que le jugement sur la saine doctrine dont les peuples doivent être instruits et le gouvernement de toute l'Église appartiennent au pontife romain, à qui la pleine puissance de paître, de régir et de gouverner l'Église universelle a été donnée par Jésus

Christ, comme l'ont expressément déclaré les Pères du concile de Florence. C'est le devoir de chaque évêque de s'attacher fidèlement à la chaire de Pierre, de conserver religieusement le dépôt et de gouverner le troupeau qui lui est confié. Que les prêtres soient soumis, il le faut, aux évêques que saint Jérôme les avertit de considérer comme les pères de l'âme; qu'ils n'oublient jamais que les anciens canons leur défendent de faire rien dans le ministère et de s'attribuer le pouvoir d'enseigner et de prêcher sans la permission de l'évéque à la foi duquel le peuple est confié et auquel on demandera compte des âmes. Qu'il soit donc constant que tous ceux qui trament quelque chose contre cet ordre établi troublent autant qu'il est en eux l'état de l'Église.

Ce serait sans doute une chose coupable et tout à fait contraire au respect avec lequel on doit recevoir les lois de l'Eglise, que d'improuver par un déréglement insensé d'opinions la discipline établie par elle et qui renferme l'administration des choses saintes, la règle des mœurs et les droits de l'Église et de ses ministres, ou bien de signaler cette discipline comme opposée aux principes certains du droit de la nature, ou de la présenter comme défectueuse, imparfaite et soumise à l'autorité civile.

Comme il est constant, pour nous servir des paroles des Pères de Trente, que l'Église a été instruite par Jésus-Christ et ses apôtres, et qu'elle est enseignée par l'Esprit saint qui lui suggère incessamment toute vérité, il est tout à fait absurde et souverainement injurieux pour elle qu'on mette en avant une certaine restauration et régénération comme nécessaire pour pourvoir à sa conservation et à son accroissement; comme si elle pouvait être censée exposée à la défaillance, à l'obscurcissement ou à d'autres inconvénients de cette nature. Le but des novateurs en cela est de jeter les fondements d'une institution humaine récente, et de faire ce que saint Cyprien avait en horreur, que l'Église, qui est divine, devienne tout humaine. Que ceux qui forment de tels desseins considèrent bien que c'est au seul pontife romain, suivant le témoignage de saint Léon, que la dispensation des canons a été confiée, et qu'il lui appartient à lui seul et non à un particulier de prononcer sur les règles anciennes, et ainsi, comme l'écrit saint Gélase, de peser les décrets des canons et

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