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celui qui, par la philosophie et par l'histoire, s'est mis en communication avec l'humanité, il n'y a plus ni castes, ni tribus, ni esprit de secte qui fassent obstacle à la sérénité de ses jugements; et même dans les détails de la vie, il accueille les aspérités de caractère avec un sourire. Il devient comme un médecin qui ne songe au mal que pour le consoler et pour le guérir, non pour s'en irriter. Chaque fois qu'on ouvre une nouvelle université, ou qu'à l'autre extrémité du monde intellectuel, on fonde une école de petits enfants, on fait faire un pas à la paix, à la tolérance. Voulez-vous savoir quels sont dans le monde les amis de la liberté? Regardez quels sont les défenseurs de la science et des lettres, les ardents propagateurs de toute découverte nouvelle, les amis dévoués, infatigables, opiniâtres, de l'enseignement populaire. S'il y a au contraire un parti qui parcourt le monde en violant les beaux-arts, en raillant le génie, en renversant d'un pied dédaigneux les monuments de l'histoire, en supprimant les écoles, reconnaissez-le à ce signe : c'est le parti de la haine, c'est la guerre, la discorde ellemême; c'est l'intolérance!

Si donc nous voulons hâter les progrès de l'humanité, insistons surtout, dans la philosophie et dans l'histoire, sur ce que j'appellerai les principes pacificateurs. N'attendons pas que la liberté résulte lentement et infailliblement des progrès généraux de la pensée. Prenons-la elle-même pour sujet de nos démonstrations, j'allais dire de nos prédications. Rappelons ses titres à ceux qui comme nous l'adorent. Ne nous lassons pas de leur redire qu'elle n'est pas seulement un droit, mais la condition du droit; que sans la liberté il n'y a pas de droit, que sans la liberté de penser il n'y a pas de liberté; qu'avant d'ètre un citoyen, avant d'avoir une patrie, avant de réclamer sa part légitime d'action et d'autorité parmi les

hommes, il faut être une personne, c'est-à-dire une volonté libre, indépendante, maîtresse de ses passions, éclairée sur le devoir et capable de l'accomplir. A ceux qui nient la raison et qui maudissent la liberté, présentons la nécessité inflexible qui naît de la situation des âmes et de la constitution des sociétés modernes. Cette liberté maudite peut être momentanément opprimée, mais désormais elle ne peut périr. Toutes ces chaînes dont vous la liez vont lui être une arme! Elle en a brisé d'autrement puissantes, et dans un temps où elle avait une armée moins nombreuse et moins aguerrie, une concience moins nette de son droit. Apprenez à la subir, sinon à l'aimer. Mais aimez-là! Il n'y a qu'elle qui donne la dignité et la force. Voyez dans l'histoire le beau résultat de tant de persécutions et de guerres civiles! Est-ce que cent mille hommes égorgés pour une cause la servent autant qu'un bon livre? Vainqueurs aujourd'hui et vaincus demain, le sabre ne peut donner qu'une trêve entre deux égorgements. C'est la philosophie, c'est la raison, c'est la liberté qui fait le progrès. S'il y a un peu de bonheur en ce monde (hélas! il y en a si peu!), le monde le leur doit. Aucune jacquerie n'aurait triomphé de la féodalité sans deux ou trois philosophes. Qu'êtesvous, sinon des créatures raisonnables? N'étouffez donc pas en vous la flamme ardente de la liberté et de la raison; mais honorez le Dieu qui vous a faits, et sachez être hommes.

Il ne manque à la liberté, pour être invincible, que d'être connue. Elle a été revendiquée si souvent, et conquise pour si peu de temps, qu'on ne la voit jamais sans le cortége des révolutions et des vengeances. Beaucoup de ses défenseurs ne la comprennent pas, puisque, en la réclamant pour eux, ils la contestent aux autres. Que les philosophes n'oublient pas que la grandeur de la philo

sophie est attachée à son universalité. Nous sommes divisés dans nos écoles; mais le principe de la philosophie, c'est-à-dire l'autorité de la raison et la liberté de conscience, nous est commun; ou plutôt il est commun à toute l'humanité, et notre devoir est d'en étendre les bienfaits à ceux mêmes qui le nient et à ceux qui le proscrivent. Le droit, la philosophie, la liberté, ce sont trois mots et une seule chose. Les philosophes ne sont pas dans le monde pour défendre leur propre droit et leur propre liberté, mais pour défendre le droit et la liberté même au profit de leurs ennemis. Ils doivent s'efforcer sans relâche d'inspirer à tous les partis le goût et l'habitude de la tolérance. Je m'associe à cette parole de d'Alembert: « Il n'y a que la liberté d'agir et de penser qui soit capable de produire de grandes choses, et elle n'a besoin que de lumières pour se préserver des excès. » C'est parce que je suis pénétré de ce sentiment que je ne me crois pas trop indigne de la cause dont je serai toute ma vie l'obscur mais infatigable soldat.

PREMIÈRE LEÇON

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