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et dont le fond descend à de telles profondeurs ! L'effondrement, si rapide, par rapport à la durée d'une période géologique, que nous sommes tentés de l'appeler brusque, et si ample qu'il arrive à produire, sur une certaine verticale, une dénivellation de plusieurs milliers de mètres, l'effondrement est, dans l'histoire de la Terre, un phénomène fréquent, presque habituel. Idée à laquelle nous nous habituons difficilement, tant est grande notre confiance dans la stabilité du sol et dans l'immobilité du niveau marin !

La puissance de destruction d'un effondrement ne s'exerce pas seulement sur la région abîmée; les terres voisines, continents ou îles, peuvent être dévastées par les raz de marée, si l'effondrement est brusque, ou s'il procède par de brusques épisodes. Il n'y a pas de limites à cette puissance destructive des raz de marée; elle peut aller jusqu'à supprimer toute vie animale terrestre sur une immense étendue de terres ; et cependant, il est de l'essence même d'un semblable cataclysme de ne pas laisser de traces durables sur la région dévastée. Si, par une exacte compensation des mouvements verticaux, le niveau moyen de la mer est rapidement rétabli, quelques années suffiront pour effacer tout vestige de l'irruption des eaux. C'est évidemment ce qui s'est produit le plus souvent; et c'est sans doute pourquoi les documents géologiques continentaux ou insulaires, les seuls, malheureusement, que nous ayons à notre disposition, sont muets sur les grands raz de marée, sur les grands déluges, sur les grandes catastrophes qui ont, à diverses reprises, anéanti localement et momentanément une multitude d'êtres. Sujet de méditation pour le savant, occasion de rêverie pour le poète demain, peut-être, provoqués par la descente aux abîmes d'un morceau de continent vaste comme l'Australie, les flots de l'Océan se rueront à l'assaut des côtes, sur tous les rivages du monde, et englouti

ront, sous les ruines des villes et sous la boue des campagnes, le dixième de l'humanité. Quelques années passeront ; et l'on se demandera, comme pour l'Atlantide, si c'est de l'histoire ou de la légende.

L'énigme du Métamorphisme, moins émouvante, parce qu'elle ne touche pas au sort de la race humaine, mérite cependant de vous être présentée. Vous savez de quels faits elle surgit. Les séries sédimentaires, épaisses alternances de schistes, de calcaires et de grès, plus ou moins riches en organismes fossiles, les séries sédimentaires changent parfois, dans certaines contrées, d'aspect et de nature: elles deviennent cristallines; la cristallisation y supprime toute trace d'organismes; elles se transforment en ces roches zonées et feuilletées que les géologues appellent cristallophylliennes et dont les principaux types sont les gneiss et les micaschistes. On a cru pendant longtemps que les terrains cristallophylliens étaient, comme on disait, des terrains primitifs; qu'il y fallait voir la pellicule de première consolidation du globe terrestre idée erronée qui n'a pas survécu aux derniers et récents progrès de la connaissance. Il est certain qu'il y a des séries cristallophylliennes de divers àges; il est certain que chacune d'elles est le résultat de la transformation, sous l'empire d'un ensemble de causes très mal connues qu'on appelle le métamorphisme, d'une série sédimentaire ou d'un système de séries sédimentaires superposées. Le métamorphisme n'a jamais cessé d'agir. Pendant que je vous parle, il élabore silencieusement, je ne sais où et j'ignore à quelles profondeurs dans la lithosphère, les gneiss et les micaschistes de demain, que les plissements, les soulèvements verticaux et enfin l'érosion futurs mettront peut-être à découvert, dans un temps très éloigné. Et le processus de ce métamorphisme paraît être constant: il emploie toujours les

mêmes moyens, de la même façon, et ses produits demeurent à peu près identiques, à toutes les époques de la géologie. Sur tout cela on est d'accord. Mais dès que l'on veut savoir quel est le processus, et ce que c'est que le métamorphisme, on est prodigieusement embarrassé et l'on voit naître et se heurter des opinions fort diverses.

Les uns font appel à l'influence des magmas fluides montant de la pyrosphère et se logeant, qui pourrait dire comment? dans des vides de la lithosphère; ils assimilent le métamorphisme régional, qui, sur d'immenses étendues, transforme en gneiss et en micaschistes une série sédimentaire, au métamorphisme chimique que le granite et les autres roches massives semblent avoir développé autour d'eux et qui leur forme une auréole; ils croient voir, dans nombre de gneiss, le résultat de l'injection du granite dans les lits de l'ancien sédiment; pour ces géologues, le granite, la syénite, la diorite, le gabbro, arrivent à l'état fondu, tout formés, des profondeurs, comme arrive une lave dans le cratère d'un volcan.

D'autres, frappés de l'importance des phénomènes d'écrasement et de laminage que l'on observe dans les roches des pays de montagnes, attribuent la fabrication des séries cristallophylliennes à l'exagération des efforts dynamiques d'où ces phénomènes sont nés; ils ont inventé le mot de dynamo-métamorphisme pour la cause présumée de recristallisation qui, d'une assise sédimentaire comprimée et laminée, ou d'une roche massive soumise à la même compression et au même laminage, fera un gneiss ou un micaschiste.

Je me suis, depuis bientôt vingt ans, beaucoup appliqué à montrer l'insuffisance de ces deux théories. C'était chose facile. Je me suis aussi efforcé, ce qui est beaucoup moins simple, de leur substituer une autre doctrine. Mais je dois avouer que je n'ai pas réussi, jusqu'à ce jour, à faire l'accord entre les lithologistes.

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Pour moi, le métamorphisme régional résulte d'abord de la condition géosynclinale: cela veut dire qu'il présuppose la descente profonde des sédiments et des roches à transformer, leur enfouissement, jusqu'à une zone de la lithosphère où règne une température assez haute. Il résulte ensuite de la traversée, des roches ainsi enfouies, par des colonnes filtrantes de vapeurs montant de la pyrosphère, relevant sur leur parcours les isogéothermes et apportant des éléments divers, parmi lesquels des métaux alcalins. Partout où atteignent ces vapeurs filtrantes, des échanges chimiques s'opèrent ici se réalise, par ces échanges, un mélange à point de fusion minimum, c'est-à-dire un eutectique, et il se fait un amas fondu, un amas liquide; ailleurs, les échanges n'aboutissent qu'à une semi-liquidité; plus loin encore de l'axe de la colonne chaude, tout reste solide et il y a seulement, dans le terrain surchauffé, des cristallisations nouvelles, produisant un métamorphisme incomplet. Bientôt l'afflux des vapeurs cesse ; les isogéothermes redescendent; le refroidissement gagne toute la zone où les échanges chimiques se sont opérés ; les eutectiques fondus cristallisent et deviennent des amas de roches massives, granite, par exemple, ou tonalite, ou gabbro, ou péridotite, sans aucune structure zonée, parfaitement homogènes, parce que, dans un liquide, la pression n'a pas de direction; les régions semi-fondues, où la pression conserve une direction puisque tout n'y est pas liquide, cristallisent, par contre, en des roches zonées, où chaque minéral, suivant la loi de Bravais, ordonne perpendiculairement à la pression son plan réticulaire de densité maxima. De telles roches zonées sont précisément les gneiss et les micaschistes. On explique ainsi du même coup la naissance du granite et celle du gneiss; les rapports de ces roches et leur indépendance relative; la liaison indéniable des séries cristallophylliennes aux géosynclinaux ; la pro

pagation latérale, en tache d'huile, du métamorphisme dans les terrains sédimentaires; inégale suivant la perméabilité des assises et s'éteignant graduellement tout autour d'une région centrale où la recristallisation est à son comble.

Mais, d'expliquer la mise en train et l'arrêt des colonnes filtrantes, il ne saurait être question. De même, la réalisation des eutectiques, au sein d'une masse solide que des gaz traversent, leur réalisation, dis-je, par le départ de certains éléments et par l'arrivée de certains autres, est un problème de géochimie qui dépasse encore de beaucoup nos moyens d'expéri

mentation.

Que sont cependant ces mystères du métamorphisme, du volcanisme, des mouvements verticaux et des déplacements tangentiels de la lithosphère, que sont ces mystères, à côté de ceux de la Vie, à côté de ceux de la Durée ? En abordant l'énigme de la Durée et l'énigme de la Vie, le géologue sent s'épaissir autour de lui les ténèbres, se dilater la solitude, se concréter le silence. Il n'y a, dans aucun désert, de sphinx comparables à

ceux-ci.

A partir d'une certaine heure que les hommes ne sauront jamais, la Vie a pris possession des eaux marines et des eaux douces, et s'est étendue à la surface de la lithosphère et dans les régions basses de l'atmosphère. Elle a constitué bientôt, tout autour de la planète, une zone organisée, la biosphère, comme on dit quelquefois. Cela n'a été possible qu'après un suffisant refroidissement de la surface; car nous ne concevons pas l'existence de la Vie dans des milieux dont la température serait voisine de cent degrés.

Cette heure, dont j'ai dit qu'elle est solennelle entre toutes, a marqué le commencement des temps géologiques. Nous ne savons d'elle qu'une chose, c'est qu'elle

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