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d'un minéral radioactif, pour avoir l'âge de ce minéral. En opérant sur des uraninites du Carbonifère américain, Barrell a trouvé 320 millions d'années; des uraninites du Précambrien de Norwège seraient, d'après le même auteur, vieilles de près d'un milliard d'années; on arriverait même à un milliard et demi d'années pour l'âge des minéraux de certains granites de Finlande, granites logés dans de très vieux gneiss archéens; mais peut-être ces dernières roches sont-elles antérieures à l'apparition de la Vie.

Il y a, entre les résultats fournis par les trois procédés de la méthode radioactive, un accord qui, sans être parfait, ne laisse pas d'être impressionnant. Barrell en a tiré, en 1917, un tableau de durées probables que je résumerai en ces trois lignes :

l'ensemble du Quaternaire et du Tertiaire aurait duré de 55 à 65 millions d'années;

le Mésozoïque, de 135 à 180 millions d'années; le Paléozoïque (sans remonter au delà du Cambrien), de 360 à 540 millions d'années.

Tout cela est vraisemblable, et cependant très incertain. Retenons simplement que les évaluations auxquelles on se tenait il y a vingt ans doivent être fortement majorées. Les temps géologiques comprennent probablement quelques centaines de millions d'années, et non pas seulement quelques dizaines de millions.

Quant aux temps qui ont précédé la Vie et que j'appelle les temps cosmiques, rien, absolument, ne nous donne la moindre idée de leur durée formidable.

Je m'arrête sur ce nouvel et dernier aveu d'ignorance. Lentement, comme les six autres, notre septième énigme, l'énigme de la Durée, s'enfonce dans la brume et se dérobe à nos regards. Il serait vain, nfiniment vain, de l'interroger davantage.

De cette promenade dans mon jardin étrange, et de ce colloque avec les sphinx qui le peuplent, je voudrais que quelque chose d'important restât à chacun de vous:

Tout d'abord, une estime plus grande, une estime extraordinaire pour la Géologie, qui est le berger de ces monstres et qui s'efforce de les apprivoiser, et d'arracher quelques secrets à leur effrayant mutisme; pour la Géologie, qui conduit l'homme si près de l'Inconnaissable, et donc si près de Dieu;

Ensuite, un goût plus vif pour tout ce qui est mystère, pour tout ce qui est science, pour tout ce qui est compréhension; pour tout ce qui est marche en avant, même au travers des ténèbres, vers la Lumière et la Vérité;

Enfin, une conception plus haute de l'immense dignité de l'âme humaine; de l'âme capable de s'intéresser à de pareils problèmes, qui semblent, de prime abord, la dépasser infiniment; de l'âme, plus grande assurément que tous les mondes de l'Univers visible, puisqu'elle les embrasse d'un coup d'œil, qu'elle a conscience de leur caducité et de leur brièveté, et qu'elle les plaint de n'être point éternels.

Si j'ai réussi à vous laisser, ce soir, quelques pensées de cet ordre et quelque durable impression bienfaisante, je n'aurai point été trop indigne de la confiance que m'a témoignée la Société scientifique de Bruxelles et de l'attention merveilleuse que vous avez bien voulu prêter à ma parole. De cette confiance et de cette attention, j'emporterai, quant à moi, un souvenir reconnaissant et ineffaçable.

PIERRE TERMIER Membre de l'Institut de France, Professeur à l'École des Mines de Paris.

LE CONFLIT

SUR LA VALEUR DES THÉORIES PHYSIQUES

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« Qu'est-ce qu'un courant électrique ? » se demandait Joseph Bertrand, en 1887. - Nul ne le sait, et bien peu croient le savoir. » (1)

La fine ironie qui perce entre chacun des mots de cette phrase lapidaire a encore réduit le petit nombre de ceux qui croyaient savoir ». Si Joseph Bertrand, l'illustre Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, qui professait depuis vingt-cinq ans un cours d'électricité au Collège de France et achevait de rédiger ses brillantes leçons sur la Théorie Mathématique de l'Électricité, publiées en 1889, ignorait même ce qu'est un courant, qui osera garder encore l'illusion de rien. connaître de l'induction et des rayons X?

Le scepticisme de Bertrand ne se limitait point à ces branches de la physique, de plus récente venue, il s'étendait à toute cette science: écoutons-le, en effet, continuer son monologue. - Savons-nous mieux ce qui se passe dans tout autre phénomène physique? Qu'est-ce que la chaleur ? Quel est le mécanisme de la pression des gaz? Notre ignorance est-elle moins complète ? » (2)

(1) J. Bertrand, Thermodynamique (Paris, Gauthier-Villars, 1887), p. 274. (2) J. Bertrand, Leçons sur la Théorie Mathématique de l'Électricité (Paris, Gauthier-Villars, 1889), p. 144.

Le mathématicien Bertrand n'était, du reste, pas le seul sceptique de son espèce: voici ce que pensait de ces questions un autre maître, plus physicien et plus profond penseur que lui, dont la postérité placera le nom à côté, si ce n'est au-dessus du sien : « Quand une théorie scientifique, écrivait Henri Poincaré, en 1905 (1), prétend nous apprendre ce qu'est la Chaleur, ou l'Électricité, ou la Vie, elle est condamnée d'avance; tout ce qu'elle peut nous donner n'est qu'une image grossière ». Et, dans la Préface-Introduction d'un de ses plus profonds Traités, il déclarait encore à son lecteur (à son disciple), que les théories « n'ont pas pour objet de nous révéler la véritable nature des choses ce serait, ajoute-t-il, une prétention déraisonnable » (2). Elles peuvent conduire à des représentations approchées des choses; mais, semblables à des miroirs déformants, elles sont impuissantes à nous les faire connaître telles qu'elles sont ; elles présentent, dit un autre, certaines explications; toutefois celles-ci ne constituent « guère qu'une sorte de parodie de la vérité » (3). Les éléments des corps, auxquels elles attribuent une figure, doivent être considérés comme « de pures inventions de notre esprit, des noms que nous faisons substance, des mots auxquels nous prêtons une réalité » (4); pour le coup, c'est un chimiste-physicien qui parle, non moins illustre que les précédents, Henri Sainte-Claire Deville.

Ces citations mettent en lumière une doctrine qui est très répandue et très à la mode aujourd'hui ; elle a même été énoncée un jour à la Chambre, par un

(1) Henri Poincaré, La Valeur de la Science (Paris, Flammarion, 1905), p. 267.

(2) Henri Poincaré, Théorie mathématique de la lumière (Paris, Carré et Naud, 2e édition, 1892).

(3) Lodge, Modern Views of Electricity.

(4) Henri Sainte Claire Deville, Leçons sur l'affinité; BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS, 1867).

député qui avait enseigné la philosophie dans une Faculté avant d'être le leader du parti socialiste en France « L'admirable savant qui a écrit un jour le Monde n'a plus de mystère, me paraît avoir dit une naïveté aussi grandiose que son génie » (1).

Mais restons sur le terrain de la science avec les hommes de science et ne parlons que leur langage. Les théories physiques ne peuvent rien nous apprendre sur la raison d'être des lois et sur la nature des phénomènes qu'elles régissent: voilà la thèse. « L'ignorance qui se connaît de Pascal est érigée en système : ce n'est plus celle dont on n'a pas conscience ou qui se dissimule avec candeur; nullement on l'avoue, on la professe, on la proclame bien haut et l'on s'en fait honneur.

Elle porte sur des mystères que nous sommes, diton, incapables de pénétrer, parce qu'ils sont transcendants à l'expérience et dépassent la portée de nos intelligences. Cette conviction d'impuissance entraîne le sacrifice d'illusions complaisamment caressées par des esprits qui avaient la foi trop facile par défaut de critique et formulaient, au jugé, des conclusions mal justifiées et quelquefois ridiculement prétentieuses.

Que restera-t-il dès lors de ces glorieuses théories, signées des noms les plus grands et les plus illustres, de ces ingénieuses et suggestives hypothèses, dont la description a bercé notre enfance, chanson d'autant plus chère à nos souvenirs qu'elle était plus endor

mante?

Au dire des uns, il n'en resterait donc rien que des artifices de langage et des formules commodes, d'une utilité passagère; et l'on remise dédaigneusement ces défroques démodées dans le coin perdu du vestiaire

(1) Jean Jaurès, Discours prononcé à la Chambre des Députés, le 21 janvier 1910.

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