Sayfadaki görseller
PDF
ePub
[ocr errors]

CHAPITRE II.

DES DRAMES POUR LA MUSIQUE.

,...

*

S736. Les drames que souvent on est obligé de faire pour la musique, étant assujétis à la rigueur des mêmes lois et des mêmes règles établies pour ces poëmes en général, exigent encore d'autres égards qui sont nécessaires pour que les phrases et les paroles qui les composent puissent s'associer facilement avec le chant. Le poëte lyrique a donc besoin d'un art de plus, et cet art est difficile. Corneille, Racine et Voltaire ont pu exceller dans l'art dramatique, et composer des tragédies qui honorent le Théâtre-Français : et ils pouvaient en même tems être de mauvais compositeurs d'opéras. Plusieurs, entre les poëtes italiens, donnent souvent de beaux vers pour le chant; mais ils sont en même tems de mauvais auteurs dramatiques. Il était réservé à un grand génie de cette nation de pouvoir réunir dans ses drames, la dignité et la perfection qui les caractérisent, avec ce choix heureux de mots, de phrases et d'expressions qui, par leur flexibilité, s'accordent parfaitement avec la musique; ou, si j'ose le dire, sont de la musique eux-mêmes.

,་

En exposant, dans la première et dans la seconde partie de cet Ouvrage, les vrais principes de la versification, et en établissant ces principes sur la base de l'harmonie musicale, j'ai eu soin de faire remarquer à chaque pas les devoirs des poëtes lyriques. Les règles et les observations que j'ai eu occasion de donner soit directement, soit indirectement à ce sujet, seraient suffisantes pour éclairer les poëtes dans le genre de compositions qu'ils doivent des

tiner à la musique. Mais j'ai voulu, même au risque de pa raître prolixe, et de répéter les mêmes choses, réunir dans ce second chapitre tout ce qui peut avoir un rapport immédiat avec cette matière interessante, afin qu'on puisse voir en un coup-d'œil et dans un plan uni, les principales règles qui doivent guider le poëte engagé à composer des vers commodes pour le musicien, et propres à être associés à la musique

[ocr errors]

$737. On dit communément que dans chaque genre de poésie, tous les vers, tous les mots, toutes les phrases et les expressions, la prose même, sont bons pour la musique, lorsqu'ils tombent dans la main d'un musicien habile. On vante la musique d'église composée sur des psaumes', et l'on exagère sa beauté. Donnez-moi de l'art et du géniè, disait un musicién et j'aurai par là toutes les ressources pour mettre en musique, et mot à mot, les gazettes et toutes les proses. M. Chabanon, homme de beaucoup d'esprit, à ce que l'on dit, bon musicien, compositeur, et qui cultivaït la poésie avec quelque succès, a fait imprimer que la prose convenait à la musique beaucoup mieux que les vers. Une pareille assertion m'étonne: elle prouve que la mélodie pure et naturelle n'avait aucun pouvoir sur son ame, et qu'il n'avait aucun sentiment de la musique régulière.

Le système entier de mon Ouvrage sur tout ce qui appartient aux vers qu'on doit associer à la musique, est fondé sur le principe, qu'on ne peut pas obtenir un beau chant dans la musique, sans préparer d'avance un beau chant dans les vers. Ce principe est un axiome qu'on devrait établir sans qu'on ait besoin de le prouver, quoiqu'il soit facile de le démontrer par plusieurs raisons, où par simple inspection du bon sens. Celui qui en exige les preuves, est incapable de les entendre: et celui qui est ca

[ocr errors]

pable

pable de les entendre, n'en exige pas de preuves. J'écris pour ce dernier. Ce serait en effet une folie que de s'engager à réfuter la sotte opinion de quelques prétendus savans qui, égarés dans la maxime de M. Chabanon, osent soutenir qu'on peut admettre un chant qui ne soit pas assujéti à la prosodie de la langue; et qu'il est permis, dans le chant français, de prononcer amabile et amabile, cànto et cantò, tàble et tableaù, aìme et aimé, troubadoùr, et troùbadour.

Je sais qu'on a fait souvent de la musique sur la prose : et j'accorde qu'on peut en composer, si l'on fait distinction entre deux espèces de musique, celle de l'église et celle des théâtres; entre celle qui résulte des vers musicaux, et celle dont le chant n'a d'autre rhythme que celui du discours, c'est-à-dire un rhythme morcelé ou imparfait, traîné servilement sur le modèle d'un langage prosaïque; entre une musique symétrique, arrondie, coulante, simple et naturelle, et une musique forcée, irrégulière et insipide, qui souvent n'a d'autre mérite que la difficulté vaincue ; en un mot, entre la musique en prose et la musique en vers, entre la bonne et la mauvaise musique. Si la prose était suffisante pour la bonne musique, pourquoi donc les musiciens de tous les tems ont-ils cherché de bons vers pour les élever au chant? et pourquoi ne se contentent-ils pas de la bonne prose ?

§ 737 bis. S'il est vrai que le langage de la musique n'est qu'une versification chantée, et que c'est sur son modèle que la poésie a formé tous les rhythmes, toutes les mesures des vers (§ 137, 138, tom, 1); il doit être vrai aussi, que les vers de la musique ne peuvent s'accorder qu'avec les vers de la langue qui symétrisent avec elle; et que l'harmonie de la musique fait, avec les paroles en prose, un contraste aussi frappant, que ces mêmes paroles en prose en font

avec les paroles en vers. Le langage de la musique est en vers: il est donc de toute nécessité que la parole qui doit s'accorder avec la musique, soit en vers qui en imitent absolument les phrases, le rhythme et la mesure (1). (Voy. la note au § 746.)

Si l'on fait attention à la conduite du musicien qui se propose de mettre des notes sur les paroles en prose, l'on verra qu'il s'efforce de donner, autant qu'il peut, à ces mots une forme de vers qui réponde à ceux de sa musique: tantôt il profite du hasard qui lui donne une suite de mots qui forment un petit vers égal à peu près à la mesure du chant; tantôt il ajoute ou il retranche les mots, ou il en change la, place pour les accommoder à son dessein; tantôt il précipite les syllabes pour en abréger la durée, ou il les alonge et les multiplie pour remplir l'étendue de son chant; tantôt il fait peser deux accens sur le même mot; tantôt il l'en prive tout à fait; et quelquefois, au besoin, il le fait passer d'une syllabe à l'autre et souvent, pár ces altérations de la langue, la construction, la prosodie, le sens des phrases, tout, en un mot, est sacrifié impitoyablement. Enfin, quelle que soit l'habileté du compositeur, on découvre

(1) Il est utile de donner ici un extrait de toutes les idées que M. Choron a exposées dans son excellent ouvrage intitulé : Principes de composition des Ecoles d'Italie, en expliquant la nature du langage de la musique.

La musique, dit-il, en ce qui concerne la composition, est un langage qui a pour élémens les sons de la voix chantante; au lieu que les langues ordinaires ont pour élémens les sons de la voix parlante. Elle offre à l'esprit des idées plus ou moins étendues, plus ou moins simples, des phrases et des périodes composant le discours musical. Elle a à elle-même une méthode qu'on peut appeler Rhétorique musicale, par laquelle, en imitant les effets naturels, en faisant la peinture des sentimens par les différentes modifications dont le son est susceptible, et en variant ces phrases par des sons tantôt aigres, tantôt doux, tantôt sourds, tantôt éclatans, tantôt secs, tantôt moelleux, tantôt déliés, tantôt détachés, elle flatte les sens, fixe l'imagination, parle à l'esprit de ceux qui prêtent l'oreille à son langage. Chaque son perceptible dans la musique est une syllabe : les syllabes font le rhythme d'où résulte la phrase, la période et le discours.

son extrême embarras, en voulant associer des choses entre lesquelles la nature a mis tant d'incohérence; une oreille bien organisée sent je ne sais quoi de violent, ou de gêné: et, quelle que soit la mélodie qui s'efforce à couvrir les défauts de vraisemblance, l'esprit les démêle, les rejette, et en témoigne son mécontentement.

S738. Puisque la musique ne consiste que dans la distribution de plusieurs phrases d'une mesure uniforme et constante, dont chacune est composée d'un nombre déterminé de notes qui passent harmoniquement d'un tems fort à un tems faible, il sera toujours de toute nécessité que les paroles d'une langue quelconque qui doivent s'accorder à la musique, aient la même distribution de mesure, le même nombre de syllabes ou notes, et la même quantité de tons forts et faibles. Telle était en effet chez les Grecs la combinaison des mots dans la versification. Le rhythme et la cadence dans les vers étaient les mêmes que ceux de la musique, Or cette distribution harmonique ne peut pas se trouver dans la prose privée de cette symétrie d'accens et de mesure qui constitue essentiellement le chant dans les vers. Ainsi, vouloir prétendre que la prose peut s'élever à la bonne musique, c'est dire que la prose et les vers ne sont que la même chose.

S 739. Cependant, dira-t-on, on admire partout de très-beaux morceaux de musique d'église sur les psaumes, qui ne sont que de la prose. Je réponds qu'on y admire en effet de la mélodie, mais toujours décousue, et sans l'avantage de cette symétrie musicale qui fait la perfection du chant. Les psaumes d'ailleurs semblent avoir dans leur marche un certain accord qui paraît être différent de la prose: leurs phrases courtes et presque régulières, se prêtent en quelque manière au chant; ou plutôt, il semble que le chant peut s'abaisser aux paroles des

« ÖncekiDevam »