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l'énergie le sentiment naturel de l'ame qui, en voulant donner aux qualités d'un objet le degré de superlatif, c'est à ce degré qu'elle attache sa première attention: au lieu que cet issimo des Italiens, jeté à la fin des mots comme un dernier rebut des sons inutiles après l'accent, ne parle ni à l'ame ni à l'imagination; il n'est que faible et coulant avec fadeur. Il est certain qu'il est mieux de dire avec Virgile, o terque quaterque beati, que dire o beatissimi!

Cependant quelle que soit la faiblesse de ces mots qui, pour exprimer le superlatif absolu, ont emprunté la forme latine par la terminaison en ssime, ils ne sont pas étrangers à la langue française, et on les emploie quelquefois sans reproche de barbarisme. Il y en a en a plusieurs qui sont très-français et très-autorisés ; il y en a d'autres qui semblent bas et triviaux. L'abbé de Lévisac, dans sa Grammaire française, cite les mots généralissime, révérendissime, illustrissime, excellentissime, éminentissime, sérénissime. M. Lemarre (Cours théorique, pag. 68) en ajoute plusieurs autres. Voltaire a dit la petitissime, parvulissimė, amour véhémentissime. Le Dictionnaire de l'Académie autorise les mots bellissime, grandissime, habilissime. Le cardinal Retza fait usage d'intimissime, confidentissime: on dit partout un négociant richissime. Piron a dit : sorciérissime. Les Français pourraient en faire de même sur tous les adjectifs; mais la langue se refuse à de pareilles richesses.

$ 972. En examinant de près, et en comparant dans cette quatrième Partie toutes les propriétés essentielles et accidentelles des langues française et italienne, j'en ai fait voir leur parfaite ressemblance quant au fond, et j'ai relevé leurs prérogatives particulières, et précisément celles de la langue française, que des fanatiques insensés dédaignent d'associer à l'italienne sa sœur. J'ai tâché, autant que mes talens ont pu me le permettre, de défendre cette langue

langue contre les injustes imputations de ses antagonistes. En éclairant au flambeau des faits et de l'expérience, mes raisons et les objets que j'ai analysés, j'ai fait voir à peu près en quoi cette langue approche de l'italienne, en quoi elle l'égale, et en quoi principalement elle est différente: j'ai fait voir que le goût de l'abréviation, la vivacité de l'accent placé à la fin des mots, et les voyelles muettes et nasales, ainsi que u et eu, sont trois choses par lesquelles ces deux langues ne sont pas indentiquement les mêmes. Et en examinant les qualités de chacune d'elles, il m'a fallu en relever quelques-unes par lesquelles la langue française l'emporte sur l'italienne.

Par ces dernières découvertes, les Français, très-jaloux de leur langue, qu'ils appellent une des plus belles propriétés de leur nation, semblables aux anciens Romains qui, étant les plus puissans de tous les peuples, `se croyaient aussi les plus sages et les plus civilisés ; les Français, dis-je, qui se sont tenus sur la défensive, passent à prendre l'offensive, à disputer le prix à la langue italienne, et à prétendre que la leur est la plus belle entre toutes les langues vivantes.

Leurs prétentions me sont un titre pour justifier l'objet de mon entreprise en faveur de cette charmante langue. Nous aurons occasion d'examiner, dans le chapitre suivant, jusqu'à quel point elles sont justes ou sexagérées.

CHAPITRE III.

DE LA SUPÉRIORITÉ QUE LES FRANÇAIS VEULENT DONNER A LEUR LANGUE SUR L'ITALIENNE.

S 973. QUELS que soient le mérite et l'efficacité des raisons spéculatives pour prouver la beauté et la bonté d'une langue, et la préférer aux autres, elles ne porteront jamais une conviction complète, si ce n'est dans le cas où toutes les théories seraient exactement confirmées par les faits, suivant lesquels le public apprécie ordinairement le mérite. Il faut se défier des raisons qui peuvent se présenter avec des apparences trompeuses, et en appeler toujours aux faits qui sont de tous les tems, et immuables comme la nature dont ils expriment le langage. Dans la présente question on ne peut juger des effets de la langue française que par l'approbation, l'admiration et la préférence qu'elle a méritées de toutes les nations, dans tous les tems. Car on ne peut pas admirer la beauté d'une langue ni la préférer aux autres, sans que l'oreille, l'imagination, et l'ame de ceux qui la parlent et de ceux qui l'écoutent, ne soient vivement frappées de la douceur, de la sonorité, de l'harmonie, de l'énergie, et du coloris de cette langue.

§ 974. Pour donner une idée de cette réputation et de cette admiration générale dont la langue française a toujours joui de préférence sur toutes les autres, les Français vont l'examiner dans toutes les époques de son existence :ils remontent jusqu'au moment où elle commençait à peine à exister, dans cette enfance où toujours incertaine, presque sans règles, sans préceptes et sans auteurs de grande considération, elle ne put sortir de son berceau

qu'au tems de François Ier, appelé le père des Lettres, et au tems de Ronsard, vers la moitié du XVIème siècle. Cet auteur si studiò (ce sont les mots d'Algarotti, Saggio sulla lingua Francese) di far sì che negli ardiri, nell' energia, nella copia, ed in ciascun altro preggio si potesse uguagliare alla stessa greca (1). Ils remontent, en un mot, jusqu'à cette époque où la langue française devait encore se former, pour ainsi dire; pendant que la langue italienne était déjà formée et accomplie (ferma é compiuta, selon l'expression du même Algarotti) par le génie de Brunetto Latini, et par celui du Dante son écolier, ainsi que par le génie de Boccaccio, de Petrarca, de Villani, de Passavanti, et de plusieurs autres excellens auteurs, qui rendirent communes à l'Italie toutes les beautés et les richesses qu'ils purent créer et réunir en un corps dé langue.

Ce chapitre sera divisé en quatre articles. On examinéra dans le premier ce qu'elle fut; dans le second, ce qu'elle a été, et ce qu'elle est à présent (on parle dans ce second article de la beauté et de l'universalité de la langue française); dans le troisième, ce qu'elle sera; et dans le quatrième, on parlera de l'idée qu'on pourrait se former sur l'unité des langues vulgaires ou modernes.

(1) Le roi de France, Charles IX, ne dédaigna pas de composer les vers suivans, pour louer Ronsard :

L'art de faire des vers, dût-on s'en indigner,
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons des couronnes;
Mais roi, je les reçois, poëte, tu les donnes.

ARTICLE PREMIER.

DE L'ÉTAT DE LA LANGUE FRANÇAISE VERS LE XIIme ET LE XIIIem SIÈCLE.

soro,

$975. Pour prouver la supériorité de la langue française sur l'italienne, les Français s'appuient de l'autorité de Brunetto Latini, né à Florence en 1230, et qui enseigna les lettres à Guido Cavalcanti, et à Dante Allighieri, né dans la même ville à l'an 1265 (1). Cet auteur composa, en langue française, son fameux ouvrage, appelé il Teet fit en vers italiens son Tesoretto. Par la lecture de ce dernier, on voit qu'au tems de Brunetto Latini ? la langue italienne était déjà formée, ou que lui-même avait donné à cet idiome naissant un degré de perfection : on voit en effet que la langue de Brunetto est à peu près celle qu'on parle aujourd'hui en Italie; il paraît mêine, selon Salviati, que in Firenze si parla oggi manco bene che non si parlava nel tempo di Boccaccio. On peut dire à bon droit, que Brunetto a été le père de la langue italienne, aussi bien que le Dante, quoique ce dernier, par la grandeur de son génie, ait donné une étendue plus vaste aux expressions des choses et des idées; et aussi bien que Boccace qui, selon le même Salviati, accrebbe molto la massa delle parole, e per se stesso formò molti parlari.

(1) Le nom et l'autorité de Brunetto Latini étaient si respectables dans le treizième siècle, que lorsque Dante feint d'avoir rencontré l'ombre de ce grand homme dans les Enfers, il se trouva saisi du respect le plus profond :

Io non osava, dit-il, scender della strada
Per andar par di lui; ma il capo chino
Tenea, com' uom che riverente vada.}

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