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rens dialectes, en commençant par la Sicile jusqu'à Paris, il sentirait, sous un même langage, les différentes nuances, et une certaine gradation entre ceux qui s'approchent des dialectes italiens et ceux qui s'approchent des dialectes français. Mais en arrivant à ces pays intermédiaires (voy. les notes au § 961) entre l'Italie et la France, tels que tous les pays compris sous le nom de subalpini orientali, ed occidentali, le Piémont, la Provence, le Languedoc, il verrait dans ce milieu un dialecte que je veux personnifier pour lui donner les mains étendues vers l'Italie, l'Espagne et la France, pour rapprocher et réunir en un seul groupe tous les différens dialectes des trois langues-sœurs, qui sont foncièrement les mêmes, quoiqu'un peu différenciées par leur physionomie :

...

Facies non omnibus una,
Nec diversa tamen, qualem decet esse sororum.

Ovid.

'Il linguaggio de' Subalpini (sub Alpibus), c'est-à-dire, celui des peuples du Piémont et ceux du rivage de la Durance et du Rhône, è come un linguaggio intermedio tra la lingua francese e l'italiana. Ce sont les paroles de l'abbé Denina (Opusc. sull' uso della lingua francese).

Une chose singulière à observer, c'est la langue des Provençaux, des Languedociens, des Auvergnats, etc., qui forment à présent presque trente départemens de l'Empire français : j'ai constamment remarqué que le langage de tous ces pays tient plus de l'italien que du francais, tandis que celui des Piémontais et de quelqu'autre peuple d'Italie est plus français qu'italien : ensorte que je peux bien avancer, même par expérience, qu'un Italien qui n'entend pas la langue française, comprendrait mieux le discours d'un Languedocien que celui d'un Piémontais. Cette anomalie semble détruire en quelque sorte

la gradation que je viens d'établir. Je n'entreprends pas la recherche de la cause de cette interruption: une telle entreprise vaste et nouvelle serait digne des littérateurs du premier rang, et leur procurerait, avec les avantages pour les lettres, toute la gloire qui leur serait due à juste titre. Il me suffit d'avoir prouvé avec évidence, qu'en général la langue française est italienne en plusieurs endroits de l'Italie, et que la langue italienne est française en plusieurs endroits de la France. De là on peut conclure que les langues italienne et française ne sont que des dialectes, c'est-à-dire des langages particuliers de plusieurs pays, lesquels langages sont dérivés d'une langue générale qui est la vulgaire, formée de la corruption de la latine.

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CHAPITRE IV.

ON EXAMINE SI LA LANGUE FRANÇAISE PEUT SE
PRÊTER A LA MUSIQUE AUSSI BIEN, OU PRESQU'AUSSI
BIEN QUE L'ITALIENNE.

S 1024. D'après tout ce qu'on a démontré et établi jusqu'ici sur les qualités de la langue française, mise en comparaison avec l'italienne, on sera à portée de décider par principes, si eette langue peut se prêter à la musique, aussi bien ou presqu'aussi bien que la langue italienne. Je crois avoir préparé toutes les idées nécessaires pour raisonner sur cette question intéressante avec connaissance de cause. C'est faute de cette connaissance, que d'injustes détracteurs, en raisonnant toujours sans s'entendre, ont pu réussir à déprécier auprès d'une partie de la nation française ellemême, cette langue qui fait aujourd'hui les délices de l'Europe entière.

S 1025. Ce n'est pas assez que de décider par principes et philosophiquement la question proposée : la malveillance, ou l'ignorance peut-être, réunies à des préjugés stupides que la philosophie a souvent bien de la peine à détruire, s'éleveraient sans doute contre des raisonnemens qu'ils appelleraient spéculatifs et sophistiques qui s'évanouissent dans l'application. Il faut que les raisons soient suivies et confirmées par l'expérience, par des faits même qui parlent aux oreilles les plus rebelles. C'est la méthode que j'ai suivie dès le commencement de mon travail, et que je m'engage à continuer, autant qu'il me sera possible, dans ce chapitre et dans les suivans.

§ 1026. Si, pour examiner cette question sur l'autorité des écrivains qui jouissent d'une haute réputation, on consulte l'opinion de J.-J. Rousseau dans sa Lettre

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sur la Musique française, on verra que « les Français » n'ont pas de musique; qu'elle est à naître (ce sont ses >> propres mots); que leur langue est peu propre à la » poésie, et point du tout à la musique; et que la langue » composée de sons mixtes, de syllabes muettes et sourdes, » de voyelles peu sonores et de beaucoup de consonnes et » articulations, ne peut pas absolument se prêter au » chant, à l'harmonie, à la mesure. »

Au commencement de så lettre, il compare la musique française à la dent d'or de cet enfant de Silésie, dont parle M. de Fontenelle. On a fait tant de bruit pour expliquer comme cela a pu arriver, et on s'est apperçu à la fin que la dent n'était point d'or. « Pour éviter, dit-il, » un tel inconvénient, il faut voir d'abord, non pas si la » musique française est d'or, mais si nous en avons une. »

Toujours dans l'idée que la langue française fourmille de défauts essentiellement opposés à la vraie musique, il poursuit, en disant que « nous n'avons pas de musique, » et ne pouvons pas en avoir.

» Les Français, continue-t-il, n'auront jamais de mu» sique; et s'ils en ont une, ce sera tant pis pour eux. » Jamais les Français n'auront une musique à eux; il » faut tout emprunter de nos voisins.

» Je n'appelle pas avoir une musique, quand j'emprunte » celle d'une autre langue pour tâcher de l'appliquer à la » mienne; et j'aimerais mieux que nous gardassions notre » maussade et ridicule chant, etc. etc. »

Tel est le langage atrabilaire de cet auteur. On voit combien le fanatisme d'une opinion peut aveugler les hommes même de beaucoup d'esprit : et cela en supposant que l'auteur ait été porté de bonne foi à défendre des, opinions si monstrueuses.

S 1027. Peut-on écouter sans indignation de pareilles insultes, démenties par lui-même et par l'expérience, qui

frappait souvent les yeux de ce philosophe? « Il était de » la destinée de J.-J. Rousseau, ou d'exagérer le vrai, ou » de mettre le faux à côté, » dit M. de la Harpe (Cours de Littérat., tom. 12, pag. 163). « Ses inconséquences » avaient leur source dans la prévention ou l'humeur, et » non dans la nature de son esprit, » dit M. Suard (Encyclop. méth. music., au mot Allemand). Il est vrai qu'il démentit ces paradoxes lorsque le calme de la réflexion succéda, dans sa vieillesse, à la chaleur de la dispute et à l'esprit de parti: mais la palinodie qu'il chanta du fond de son cœur en présence de M. Grétry, qui en rend à présent un témoignage public, peut-elle dédommager assez la langue française, cette langue descendue de celle des anciens Troubadours; cette langue née au milieu de la poésie et du chant; cette langue qui, dès son origine, avait fait les délices de l'Europe; sa rétractation peut-elle, disje, la dédommager d'un affront non mérité, et consigné dans sa lettre publiée et applaudie par quelques demisavans trop crédules?

§ 1028. Une foule de singes formés à l'école de ce philosophe, souvent exalté, mais toujours aimable par les charmes séduisans d'une langue dont il a abusé, et qu'il a si mal gratifiée, a mis le comble à ces impostures. La fausse théorie est passée en maxime, devenue la base de tous les raisonnemens en ce genre: et, ce qui n'est pas facile à concevoir, cette maxime semble triompher à mesure que les progrès rapides de la musique en France devraient l'anéantir. Les partisans de Rousseau sortent du théâtre tout enchantés de la musique de Grétry, de Monsigny, et de quelques morceaux des autres compositeurs, mais ils n'en crient pas moins contre la langue.

L'imbécillité et l'ignorance jouissent d'une erreur qui

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