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çaise est peu propre à la poésie (V. §§ 991, 1026 . ) Par ce mot, il peut désigner la poésie proprement dite, et aussi la versification. Mais, quant à la poésie, nous avons démontré qu'elle est, pour les égards essentiels, la même que l'italienne. Nous avons fait voir dles mots de la langue française la vivacité de l'accent, gie, l'expression et l'imitation des sons, la variétés la vocalisation, etc., qui soutiennent avec avantage la comparaison avec la langue italienne. Nous pourrions prouver aussi que la langue française, par ce mélange d'articulations mixtes et simples, de sons doux et âpres, éclatans et muets, purs et sourds et dérivés du nez, offre sur l'italienne des avantages réels, pour la peinture des images poétiques; parce qu'elle contient tous les moyens nécessaires pour exprimer des idées douces et riantes, et des idées fortes, âpres et sombres : pendant que l'italienne remplie de sons doux ne pourroit peindre que des images analogues à ces sons. Donc si cette dernière est très-propre à la poésie, à plus forte raison la langue française doit l'être aussi.

Quant à la versification, nous voyons en effet que les vers français sont très-harmonieux et très-mélodieux. Or ces deux qualités ne sont que le résultat de la musique en général. Puisque donc la langue française a pu imiter la bonne musique dans la versification parlée, pourquoi ne pourrait-elle pas l'imiter dans la versification chantée ?

1088. J.-J. Rousseau dit que toute musique nationale tire son principal caractère de la langue; et il ajoute que c'est principalement la prosodie qui constitue ce caractère. Par prosodie, il ne peut entendre que celle qui est propre à la langue italienne, c'est-à-dire les longues et les brèves dérivées de l'accent tonique. (§ 1068.) Nous avons démontré qu'il aurait tort d'entendre parler de

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la prosodie des Grecs et des Latins, ou de la prosodie de l'accent national. Mais on a prouvé que la langue française jouit du même accent tonique italien. Donc, suivant les principes de Rousseau, la langue française peut avoir une mya he nationale, égale à celle de la langue italienne.

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utres

89. Le même adversaire condamne dans la langue française les voyelles peu sonores, la complication des consonnes, les articulations mixtes et rudes. Il s'appesantit sur le petit nombre d'élisions dans cette langue, pendant que la fréquence des élisions rend, dit-il, la langue italienne douce, coulante et flexible. Mais nous avons prouvé dans cette quatrième partie (chap. 1, art. 1, 2 et 3, S 884 jusqu'au § 902, et S 947), que la langue française est composée des mêmes lettres, des mêmes syllabes, et souvent des mêmes mots qui forment la langue italienne; que la prononciation de ces lettres, quant aux sons et aux articulations, en est aussi la même (sans parler ici de quelques petits avantages que nous avons relevés en faveur de la langue française): nous avons prouvé d'une manière victorieuse (§ 947, n° 4), que le nombre des élisions dans cette dernière surpasse de beaucoup celui qui se trouve dans la langue italienne. Il paraît donc évident que l'auteur de la lettre contre la musique française n'a pas assez bien examiné la nature des deux langues en question, pour mériter la confiance des littérateurs éclairés.

Dans le chapitre suivant nous examinerons avec détail tous les autres sons exclusivement propres à la langue française.

S1090. La musique, dit J.-J. Rousseau, tire son principal caractère des langues. Une langue rude par les sons mixtes et compliqués dans les articulations, doit absolument donner une musique et une mélodie rudes. —Si l'on

consulte

consulté les faits, cette assertion n'est pas trop sûre. Le fameux Mozart était allemand, et ce fut sur des paroles allemandes qu'il composa la Flûte enchantée, qu'on regarde partout comme un chef-d'œuvre de musique. Quoi de plus mélodieux que le petit duo

Bey Männern welche Liebe fühlen
Felht auch ein gutes Herz wohl nicht;
Die süssen Triebe mit zu fühlen

Ist dann der Weiber erste Pflicht.

Mais quoi de plus rude, selon quelqu'un, que ces assemblages de consonnes? Ce seul exemple (et je pourrais en citer cent) fait voir que la langue allemande qu'on croit très-rude, ne communique aucune rudesse à la belle mélodie du chant.

Cette comparaison du français à l'allemand est inutile dans la présente question : ce sont deux langues d'une ná→ ture différente: l'allemande parle mal, mais chante bien; la française parle bien, mais chante mal: c'est ainsi que dans son délire m'a répondu un prétendu savant. On sent bien que cette réponse, que je transcris ici seulement pour faire rire, ne mérite aucune réplique.

La musique est l'art de peindre et d'émouvoir par le moyen des sons et des tons. Le vrai chant doit consister dans les sons. et dans les tons qui font image et qui excitent le sentiment. Si l'image est naturelle et vive, si le sentiment a de la force et de la vérité, la musique sera excellente. Or les images et les sentimens ont de la force et de la vérité lorsqu'ils sont rendus par des sons et par des tons analogues. Supposons que, comme le dit Rousseau, une langue rude donne une mélodie rude; il est évident qu'une langue entièrement douce (s'il y en a une) doit donner une mélodie entièrement douce; et, par conséquent, une langue, telle que la française, mêlée de sons doux et de sons rudes, doit donner une még

lodie mixte. C'est justement ce mélange de mélodie qui fait tout le charme de la musique. Le génie du compositeur sait le faire valoir au besoin, tantôt en séparant, tantôt en associant les différens sons. En général c'est le Génie, et le Génie seul qui, en imprimant partout son caractère, enfante ce que la musique a de plus aimable et de plus touchant: ses tendres douceurs, ses vivacités légères, ses langueurs tristes et sombres, ses duretés, ses fureurs, ses rapidités, ses désordres, sont le fruit, non d'une langue qui se prête plus ou moins facilement aux charmes de la mélodie, mais d'un esprit qui se livre aux inventions pleines de feu, et qui assujétit l'harmonie à ses idées.

§ 1091. J.-J. Rousseau dit que la langue française n’a point de musique, point de mesure, point de mélodie; et qu'elle ne peut pas en avoir. Mais si l'on consulte l'expérience, si l'on interroge les hommes de l'art et les amateurs étrangers, on sera convaincu que sur les théâtres, dans les sociétés, dans les rues même de Paris, on chante souvent une fort belle musique. « Les opéra de Grétry, » Lucile, Silvain, l'Ami de la Maison, Zémire et Azor, » pièces qui honorent également le musicien et le poëte, >> prouvent enfin, malgré Rousseau (dit M. de La Harpe), » que notre langue n'était pas si peu musicale qu'elle ne pût produire de beaux effets dans les mains d'un homme >> habile. » J.-J. Rousseau en a donc imposé sur un fait qu'il ne pouvait cacher au public, et qu'il ne pouvait pas se cacher à lui-même. Ce ne sont pas seulement les Français et les étrangers qui, en sortant de l'Opéra-comique où l'on joue Zémire et Azor, le Tableau parlant du célèbre Grétry, s'écrient qu'ils n'ont rien entendu de plus beau en Italie; c'est Rousseau lui-même qui, vivement touché de la force de l'évidence, s'approcha un jour de ce même Grétry, et lui dit: Vous m'avez fait connaitre, Monsieur,

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que la langue française peut bien se préter à la bonne musique.

J.-J. Rousseau, fasciné de toutes les idées paradoxales où il se trouvait engagé par l'esprit de parti, a pu s'efforcer, j'en conviens, de voir tout en noir dans sa Lettre sur la Musique française; et d'après cela il a pu dire qu'il n'y avait point de musique en France, et qu'elle était à y naître. Mais qu'en raisonnant à non esse, ad non posse, sur des motifs peu évidens, et en grande partie évidemment faux, on veuille soutenir, comme il l'a fait, l'impossibilité de la musique en France; cet abus de logique devrait toujours passer pour le comble de la folie, et faire la honte d'un philosophe.

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S1092. L'auteur de la fameuse Lettre contre la musique française dit, que les Français n'ont point de musique à eux; que leur musique n'est qu'un aboiement continuel, qu'un chant maussade, qu'une harmonie brute, sans mesure et sans mélodie; et qu'il faut tout emprunter de leurs voisins, etc., etc. Mais puisque les Français empruntent le chant de leurs voisins, vous m'accordez donc que la langue est capable d'imiter le chant des autres. Donc elle est capable de se prêter à un bon chant; et, suivant l'expérience, nous voyons, et notre adversaire le voit lui-même, qu'elle s'y prête en effet. Quant au reste, nous avons déjà dit (au § 1077, appendice 11) de quelle manière on doit interpréter l'idée de ce philosophe sur l'inconvénient que les Français n'ont pas de musique à eux.

Accordons-lui maintenant que la musique des Français est un aboiement continuel, qu'elle est maussade et ridicule, sans mesure et sans mélodie, etc.; il nous accorde à son tour, qu'elle peut ne pas être telle, et que la langue ne s'y oppose pas; puisqu'il nous accorde qu'elle ne s'oppose pas à la musique de ses voisins.

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