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comprendre, et ce qui leur rend possible un progrès vers

nous.

Avant de généraliser, analysons et classons. J'ai peur que le prélogique ne soit un peu comme l'horreur du vide ou la vis à tergo -un de ces mots tyranniques et béants, qu'Auguste Comte pourchassait avec tant de vigueur.

Franz Boas, l'anthropologiste et l'ethnographe bien connu, publiait en 1919 à New-York un livre, dont M. LévyBruhl ne parle pas, et qui porte à peu près le même titre que le sien: The Mind of Primitive Man. Nous y lisons cette conclusion, établie non seulement sur des documents littéraires mais sur des observations immédiates : « Les différences entre le civilisé et le primitif sont, la plupart du temps, plus apparentes que réelles. Les conditions sociales singulières, où les primitifs se trouvent, font croire d'abord que leur esprit travaille d'une manière toute différente du nôtre, alors que, en réalité, les traits fondamentaux de cet esprit sont identiquement les mêmes » (1). C'est tout juste l'opposé de la thèse de M. LévyBruhl. Et cette divergence donne à réfléchir.

PIERRE CHARLES, S. J.

(1) Op. cit., p. 114.

VARIÉTÉS

CLAIRAUT ET CARNOT

On a loué plus d'une fois ici même la précieuse collection fondée il y a deux ou trois ans par M. Maurice Solovine: Les Maîtres de la Pensée scientifique. M. Solovine a eu la main on ne peut plus heureuse en inaugurant cette série d'ouvrages et de mémoires par le Traité de la Lumière de Huygens, suivi bientôt des Observations et expériences faites sur les Animalcules des infusions de Spallanzani, puis des Mémoires sur la Respiration et la Transpiration des animaux de Lavoisier. Plusieurs se sont étonnés de voir paraître, aussitôt après ces chefs-d'œuvre du physicien hollandais, du naturaliste italien et du chimiste français, les Éléments de Géométrie de Clairaut et les Réflexions sur la Métaphysique du Calcul infinitésimal de Carnot (1). Certes, ces deux géomètres, l'un du milieu, l'autre de la fin du XVIIIe siècle, sont deux des plus admirables Maîtres de la pensée mathématique, mais la Géométrie du premier et même les Réflexions du second paraissent

Deux

(1) Éléments de Géométrie, par Alexis-Claude Clairaut. vol. in-16 de XIV-95 et 105 pages. Paris, Gauthier-Villars et Cie, 1920. Collection « Les Maîtres de la Pensée scientifique ».

Réflexions sur la Métaphysique du Calcul infinitésimal, par Lazare Carnot. Deux vol. in-16 de VIII-117 et 105 pages. Paris, GauthierVillars et Cie, 1921. Collection « Les Maîtres de la Fensée scien

tifique ».

les moins excellents de leurs célèbres écrits. Quoi qu'il en soit de la portée de ces deux livres, qui nous occuperont tantôt, nous sommes bien aise de prendre occasion de leur présente réédition pour consacrer quelques pages à ces deux illustres mathématiciens.

Du reste, nous aimons d'unir leurs deux noms dans le titre d'un même article et de rapprocher en une même étude ces deux savants, à la fois si apparentés et, par de singuliers contrastes, si dissemblables. Apparentés, Clairaut et Carnot le sont par les deux qualités qui caractérisent leurs œuvres, la pénétration de la pensée et la solidité de la doctrine, et c'est par ces deux qualités maîtresses qu'ils se montrent les héritiers directs de Newton et de Leibniz. Il est vrai, tous les grands géomètres de cette époque ne furent que des héritiers de ces deux incomparables génies, que ce XVIIIe siècle naissant avait vus descendre dans la tombe, - Leibniz en 1716, Newton en 1723, - ensevelis dans la gloire de leurs immortelles découvertes. Dissemblables, Alexis Clairaut et Lazare Carnot le sont, à tel point que nul spectacle ne nous paraît aussi frappant et aussi instructif que le tableau des contrastes entre ces deux savants, tous les deux cultivant d'ailleurs la même science, la Mathématique, et avec la même passion, et tous les deux traçant dans le champ de cette science, mais en des régions diverses, des sillons profonds et féconds. Clairaut consacrera presque uniquement à un seul objet, la Mécanique newtonienne, tout le labeur de sa carrière et toutes les ressources d'un talent doué d'une pénétration puissante et patiente. Newton venait de léguer à la Science la découverte de la loi de l'attraction universelle Clairaut prendra pour tâche d'assurer la solidité de la récente découverte, d'en confirmer la formule, si majestueusement simple, puis de construire pierre par pierre sur les fondements établis par Newton les premières assises de la Mécanique céleste. Il ouvrira la lignée des travailleurs qui construiront à travers les siècles l'édifice majestueux, toujours à parfaire : le nom de Clairaut restera inoublié des astronomes théoriciens, même lorsque auront paru les noms de Laplace et de Le Verrier. Non moins grand dans la Science, Carnot ne sera point, lui, l'ouvrier d'une œuvre unique : géomètre profond et ingénieur hors ligne, tantôt il ouvre

dans les domaines des Sciences exactes pures des voies inattendues, que les géomètres du XIXe siècle poursuivront, -par exemple, il plante les premiers jalons d'une Géométrie nouvelle, tantôt il énonce des théorèmes qui seront à la base de la Mécanique industrielle et que ce même XIXe siècle, le siècle de l'industrie, saura mettre en lumière; disons déjà que son propre fils aîné, Sadi Carnot, sera l'un des fondateurs de la Thermodynamique. Notons aussi, entre les deux savants, cette autre divergence: Clairaut est avant tout un newtonien, Carnot est davantage leibnitzien et, en certains points de la Philosophie naturelle, abandonne Newton pour revenir à Descartes. Mais si différentes que soient l'œuvre scientifique de Clairaut et celle de Carnot, si opposées que soient les tendances de ces deux savants esprits, il y eut entre ces deux mathématiciens un contraste bien plus étrange encore, le contraste de leurs deux vies. Nourri des Mathématiques dès l'enfance, membre dès sa jeunesse de l'Académie des Sciences, assuré de bonne heure contre les soucis de la vie matérielle par des largesses du Roi de France, qu'il avait du reste méritées dès ses premiers travaux, Clairaut, à Paris, passe, à peu de journées près, les trente-cinq ans de sa vie d'académicien assis à sa table de travail, en une modeste demeure, voisine de la maison où il est né ; sa plume, qu'il ne tailla jamais que pour les x, ne se lassera point de traduire en équations différentielles les problèmes newtoniens, auxquels il fournira des solutions toujours plus approchées; comme Euler, mais après une carrière, hélas ! bien moins longue, il ne cessera de calculer qu'en cessant de vivre. Tout autre fut la destinée de Carnot. Ce fut au travers de la vie la plus agitée, 1. plus dramatique et à certains jours la plus tragique et au travers des événements les plus tumultueux de l'histoire de son pays, que Lazare Carnot, le grand Carnot, l'Organisateur de la Victoire, ces titres, la postérité les a ratifiés, trouva le moyen de se montrer le géomètre et l'ingénieur de premier ordre, et de composer des ouvrages scientifiques qui, après plus d'un siècle, restent dignes d'être médités. Clairaut et Carnot appartiennent à cette catégorie de savants dont il est toujours utile de se rappeler la vie, fût-elle peu exempte de taches, et de feuilleter les écrits.

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Alexis-Claude Clairaut, né à Paris le 13 mai 1713, était fils d'un excellent Maître de Mathématiques, Jean-Baptiste Clairaut, qui fut même Associé de l'Académie des Sciences de Berlin (1). Chargé d'une nombreuse famille, car Alexis était le second de vingt et un enfants, le premier étant mort en nourrice, ce Jean-Baptiste Clairaut avait à se préoccuper de l'économie les vingt fils et la fille, qu'il eut à élev、r, n'eurent d'autre maître que lui, soit pour les lettres, soit pour les sciences. A plusieurs de ses aînés, il enseigna avec un soin particulier ce qu'il connaissait le mieux, dans le désir qu'un jour les Mathématiques leur ouvrissent, comme elles avaient fait pour lui, une carrière honorable. Alexis apprit les lettres de l'alphabet sur les figures d'une traduction des Éléments d'Euclide; par surcroît, les lignes austères des figures euclidiennes s'incrustèrent dans son imagination naissante. A quatre ans, il savait lire et assez bien écrire. Nourri aux Mathématiques, l'enfant manifesta pour ces sciences un talent d'une précocité merveilleuse et rappelant celle de Blaise Pascal, mais moins inexplicable, car si la langue mathématique est, selon l'expression de Joseph Bertrand, la plus parfaite et la plus simple que l'on connaisse, Clairaut l'entendit parler autour de lui dès son enfance, tandis que Pascal dut à son propre génie naissant de la découvrir par lui-même et de la parler dès le premier jour avec perfection. La précocité de ce fils de Jean-Baptiste Clairaut nous est garantie par des témoignages d'une extrême précision et d'une authenticité irrécusable. A neuf ans, Alexis Clairaut a lu l'Application de l'Algèbre à la Géométrie de Guisnée ; à dix ans, il lit et comprend les Sections coniques du marquis de l'Hospital et ses Infiniment petits, deux des plus savants livres à ce moment. A douze ans et huit mois, il défend devant l'Académie des Sciences de Paris un Mémoire, Sur quatre nouvelles Courbes géométriques (2), remarquable surtout par l'âge de l'auteur et que publièrent aussi

(1) Les amis et contemporains d'Alexis Clairaut écrivaient souvent son nom sous les formes Clairault et Clairaux; mais luimême adopta, pour ses Mémoires à l'Académie et pour signature de ses livres, la forme qui a survécu, Clairaut. Au XVIIIe siècle, chacun modifiait fort aisément, à son gré, l'orthographe de son nom. (2) ACAD. DES SC., Hist., ann. 1726, p. 45.

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