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La malade se raidissait à la douleur des tentatives, contractait ses muscles et par suite empêchait la remise de l'os en place.

A un moment donné, Dupuytren dit à sa noble cliente, très froidement : « Madame, je m'explique fort bien que votre luxation ne se réduise pas cela tient de toute évidence à vos habitudes alcooliques... car vous buvez, Madame ». La dame, outrée de colère, de honte et de douleur morale à cette insulte, s'écrie: « Monsieur, vous m'outragez... » Mais cette vive émotion distrait fortement la marquise, la douleur n'est plus perçue, les muscles se relâchent, et Dupuytren profite de ce répit pour réduire la luxation !

L'histoire ne dit pas ce que fit la dame, mais je suppose bien que sa reconnaissance envers le chirurgien fut gâtée tout de même par ce peu galant subterfuge; une goutte d'encre dans du lait !

Quand je raconte l'anecdote à mes élèves, je leur conseille toujours de ne pas abuser de ce procédé que remplacent admirablement quelques gouttes de solution de cocaïne dans la jointure ou de chloroforme à faire respirer.

Dans ces moyens psychiques à employer contre la douleur, rentrent toutes les méthodes d'éducation qui développent l'énergic morale.

L'histoire nous dit comment les Spartiates, par exemple, développaient cette, force morale et chacun connaît l'histoire du petit bonhomme de ce pays qui, ayant volé un renardeau et l'ayant caché sous son manteau pendant qu'on l'interrogeait, fut mordu par la bête, mais ne trahit par aucun signe la douleur qu'il éprouvait. Nous n'en sommes plus là certes, mais il est certain qu'on peut habituer les enfants à ne pas se plaindre pour le moindre bobo. Guetter la douleur, songer à son mal, c'est l'augmenter et la sollicitude des mamans a souvent, sinon créé des douleurs, du moins donné de l'importance à des peines qu'un peu d'énergie n'eût pas laissé percevoir.

Et j'allais oublier le meilleur moyen de lutter contre la douleur, à savoir la suppression de la cause. Cela peut paraître enfantin et un peu La Palice! Il est si naturel et si simple ce raisonnement : « J'ai là quelque chose qui me fait mal, je vais l'enlever ! » Eh bien, c'est une constatation combien de gens l'oublient! Celui-là souffre de névralgies. Ici, comme chez nous, sans doute, il va chez l'apothicaire, il absorbe force pilules et cachets antinévralgiques et, au bout d'un temps donné, il se trouve que la cause est tout simplement une dent malade! On la traite et la douleur est supprimée en quelques instants. Cet homme a mal à l'estomac. Il se laisse hypnotiser par la quatrième page des journaux, et le voilà se gavant de cachets, poudres, pilules, élixirs.... Or, cet homme est un alcoolique qui s'ignore ou veut s'ignorer tel : l'alcoolisme des classes aisées. Il souffre d'une gastrite alcoolique. Supprimons l'alcool et, si le mal n'est pas invétéré, c'est la guérison rapide !

Je pourrais multiplier les exemples: tous démontreront la vérité du vieil adage : Ablata causa, tollitur effectus, trop souvent oublié.

Il me resterait maintenant à parler de la douleur morale, mais ce serait évidemment sortir de mon rayon d'action médicale. Plus que la douleur physique peut-être, elle est la compagne de l'homme sur cette terre. Les causes en sont différentes sans s'exclure et son traitement s'inspire d'autres méthodes.

La lutte contre la douleur physique continue, puisque la lutte contre la maladie, cause de douleurs, continue. C'est l'honneur de la Médecine de poursuivre sans relâche ce long et dur combat ; c'est sa gloire d'y apporter chaque jour de magnifiques succès, fruit de délicates recherches.

Docteur DELASSUS,

Doyen de la Faculté libre de Médecine de Lille.

LE

"Philotechnes,, de Jordan de Nemore

d'après

Pierre Duhem et le manuscrit de cet ouvrage possédé par la Bibliothèque de la ville de Bruges

Nos lecteurs se rappellent, sans doute, les pages brillantes que Duhem consacra ici même à Jordan de Nemore dans ses Origines de la Statique (1).

Quand vécut Jordan? On ne le sait au juste; peut-être au XIe siècle, mais plus vraisemblablement au xio. Où est-il né? Quelle fut sa vie ? On l'ignore, du moins à peu près; mais Duhem a glané patiemment tout ce qu'on en connaît et nous en a donné le meilleur précis. En réalité, Jordan n'est plus guère connu que par ses travaux mathématiques. Mais ses ouvrages resplendirent d'un

(1) Le présent article eût assez naturellement formé un chapitre de ma Notice sur les travaux de Pierre Duhem, relatifs à l'Histoire des Sciences, qui parut l'an dernier dans la REVUE (t. LXXX, pp. 3067 et 427-447); mais je ne connaissais pas alors le Ms. 530 de la Bibliothèque de la Ville de Bruges, qui me fournit aujourd'hui ma plus importante source d'information.

J'ai analysé dans ma notice Les Origines de la Statique. J'y renvoie le lecteur. Qu'il me suffise de rappeler qu'elles parurent dans la REVUE, du t. LIV (1903) au t. LX (1906), et qu'elles furent ensuite réunies dans un ouvrage séparé, en deux volumes (Paris, Hermann, 1905 et 1906).

Les chapitres auxquels je fais allusion sont le Chap. V, Les sources Alexandrines de la Statique du Moyen Age, et le Chap. VI, La Statique du Moyen Age. Jordan de Nemore (REVUE, t. LV, pp. 560-596, et t. LVI, pp. 9-66. Ouvrage séparé, t. I, pp. 61-155).

éclat extraordinaire pendant tout le xe siècle et même longtemps après. Seuls les écrits de Léonard de Pise (1), sur des sujets analogues, purent à cette époque leur être comparés.

Sans s'arrêter à tous les travaux de Jordan de Nemore, notre regretté collègue s'est surtout occupé du Livre des Poids (Liber de Ponderibus). Dans des discussions pleines d'une fine critique, il fit passer sous nos yeux plusieurs manuscrits qui nous ont conservé cet ouvrage. En outre, il signala à notre attention deux volumes attribués à Jordan, l'un d'eux à tort il est vrai qui furent imprimés au XVIe siècle, sous le titre plus ou moins modifié de Liber De Ponderibus (2). Tout cela ne doit plus nous retenir aujourd'hui. Je n'ai rien à ajouter à ce que Duhem nous en a dit dans ses Origines de la Statique.

Mais, au cours du dépouillement des manuscrits qu'il fit à cette occasion, un problème se présenta à son esprit, qui aussitôt l'intéressa vivement, et continua plus tard à le préoccuper, car il y revint encore deux fois.

Jordan de Nemore a-t-il écrit un ouvrage intitulé Philotechnes, « L'Ami de l'Art » ? Dans l'affirmative, le Philotechnes est-il perdu, et de quoi traitait-il ? (3)

(1) Les œuvres de Léonard de Pise ont été éditées, par le prince Boncompagni, en deux volumes in-4o, sous le titre de Scritti di Leonardo Pisano, matematico del secolo decimoterzo... Roma, tipografia delle scienze matematiche e fisiche ; t. I, 1857, t. II, 1862.

(2) Liber Jordani Nemorarii viri clarissimi, De Ponderibus Propositiones XIII. & earumdem demonstrationes, multarumque rerum rationes sane pulcherrimas complectens, nunc in lucem editus. Cum gratia & privilegio Imperiali, Petro Apiano Mathematico Ingolstadiano ad XXX annos concesso, M. D. XXXIII.

En colophon Excussum Norimbergae per Io. Petreium, Anno Domini, M. D. XXXIII

Jordani opusculum de Ponderositate, Nicolai Tartaleae studio correctum novisque figuris auctum... Venetiis, apud Curtium Trojanum, M. D. LXV.

Ce dernier ouvrage diffère tellement du précédent et des bons manuscrits qu'on ne peut guère l'attribuer à Jordan de Nemore. Duhem en a fait la remarque à diverses reprises.

(3) Dans le § 3 du Chapitre VI, intitulé : « Les Elementa Jordani

Si Duhem finit par résoudre à peu près le problème, ce ne fut cependant jamais à son entière satisfaction. Je crois être aujourd'hui plus heureux, et je n'hésite pas à répondre de la manière la plus catégorique : le Philotechnes n'est autre chose que le traité De Triangulis de Jordan de Nemore publié, en 1887, à Thorn, par Maximilien Curtze, d'après un manuscrit de Dresde (1). Un autre manuscrit que j'ai eu entre les mains à la Bibliothèque de la Ville de Bruges lève les derniers doutes qu'on pouvait encore concevoir sur ce sujet.

On devait le prévoir par le précieux Catalogue des Manuscrits mathématiques et astronomiques de la Bibliothèque de Bruges, publié récemment par MM. De Poorter et Alliaume (2). Le manuscrit de Bruges renferme, en effet, un traité de Jordan de Nemore commençant par ces mots : « Philotegni Jordani de Triangulis incipit liber primus ». (Commencement du premier livre du Philotechnes ou des Triangles par Jordan). D'autre part, l'ouvrage se termine par cette phrase: « Explicit liber Phylotegni Jordani LXIIIIor propositiones continens ». (Fin du Livre du Philotechnes de Jordan, contenant 64 propositions). (3)

super demonstrationem ponderis ». REVUE, t. LVI, 1904, pp. 2334. Ouvrage séparé, t. I, pp. 112-123.

(1) Jordani Nemorarii Geometria vel De Triangulis Libri IV. Zum ersten Male nach der Lesart der Handschrift Db. 86, der kænigl. öffentlichen Bibliothek zu Dresden herausgegeben von Maximilian Curtze. Thorn. Ernst, Lambeck, 1887. Ce volume forme le 6e fascicule des MITTEILUNGEN DES COPERNICUS-VEREINS FÜR WISSENSCHAFT UND KUNST ZU THORN.

(2) Extrait des ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE BRUGES. Janvier 1915-1922. Tome 68 de la collection, pp. 13-50. Je saisis cette occasion pour remercier M. l'abbé De Poorter, bibliothécaire de la Bibliothèque de la Ville de Bruges, qui m'a donné, avec obligeance, plusieurs renseignements que j'ai utilisés dans ce travail.

(3) Le manuscrit est coté No 530. Le Philotechnes s'y trouve du fo lv au fo 8v. L'écriture est de la fin du XIVe siècle. Le manuscrit est écrit sur vélin. Il appartint d'abord à l'abbaye de ter Doest, située entre Bruges et Blankenberghe; puis à la célèbre abbaye des

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