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l'exemple de leurs devanciers, rêvaient une fortune presque royale! Nul ne l'ignorait, ni à Rome, ni à Paris, ni à Bruxelles. Un seul homme, le pape, fut assez aveugle pour s'y tromper. Il ne devina point ces redoutables appétits de sa famille. Il commit cette incroyable erreur de confier une mission pacifique et conciliatrice à l'homme qui souhaitait le plus ardemment la guerre. Le Cardinal se garda bien de désabuser son oncle. Il le laissa caresser sa chimère d'une pacification générale. Pour lui inspirer plus de confiance, il affecta même de partager toutes ses espérances, d'entrer avec ardeur dans tous ses projets. Dès le lendemain du jour où il avait été officiellement créé légat, il écrivait de tous côtés pour annoncer son prochain départ et faire bien connaître son intention de travailler avec zèle au rétablissement de la paix '. Le nonce de France, le prince de Salerne, Henri II, le nonce d'Allemagne étaient ainsi prévenus que le neveu de Paul IV, l'agent le plus actif de la ligue entre la France et le Saint-Siège, allait désormais travailler de toutes. ses forces « à une œuvre si sainte » (questa santissima opra). Mensonge et fourberie, car l'œuvre sainte, c'était la rupture de la trêve de Vaucelles!

Investi dès le 11 avril 1556 du titre et des pouvoirs de légat, le Cardinal aurait pu quitter immédiatement l'Italie. Mais il sut contenir son impatience, résister même aux instances de son oncle, afin de pouvoir terminer en personne une importante affaire. On se rappelle que, quelques mois auparavant, le pape avait frappé de confiscation les biens des Colonna. Il restait cependant encore un certain nombre de formalités à accomplir pour que les Carafa pussent entrer officiellement en possession de cette riche dépouille. Paul IV avait voulu qu'on observât soigneusement certains délais juridiques 3, comme s'il espérait cou

1. Cf. Documents inédits, publiés à la fin du volume, nos 23, 24, 25, lettres du 11 avril 1556: 1o Al Rè christianissimo; 2° Al Signor Americo Sanseverino, Vescovo d'Ardes; 3o Al Principe di Salerno; 4° A Monsignor Delfino, Nuntio in Germania, al Rè di Romani. La dernière de ces lettres est la plus curieuse : « Notre Seigneur a conçu tellement d'espoir, grâce à la trêve qui s'est faite entre ces princes, qu'il compte avec l'aide de la bonté divine pouvoir leur faire même signer la paix. Il n'en avait pu concevoir qu'une bien faible espérance par le passé, voyant que les inimitiés et la haine qui s'étaient élevées entre eux fermaient leurs oreilles aux paternelles admonitions de Sa Béatitude Je crois que lundi nous prendrons la croix et recevrons la sainte bénédiction de Sa Béatitude, avant de partir pour l'accomplissement de cette œuvre si sainte. Nous avons pour instruction de ne point épargner notre fatigue, de prodiguer notre zèle, d'interposer toute l'autorité et toute la puissance de Notre Seigneur pour établir ladite paix... 2. Cf. Nores, Arch. Stor. Ital., t. XII, p. 60.

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Sebbene lo stato di Palliano con gl' altri tolti a Marc' Antonio

vrir sous une ombre de légalité la brutale injustice de cette dépossession. Le 4 mai seulement, il fulmina, dans la forme ordinaire, la bulle qui excommuniait Ascanio et Marc'Antonio, en même temps qu'elle les dépouillait de tous leurs biens 1. Six jours après, une seconde bulle investit définitivement l'aîné des neveux du pontife, Giovanni, comte de Montorio, du principal fief des Colonna, le duché de Paliano. Son fils reçut le marquisat de Cavi (10 mai 1556). C'était là ce qu'attendait le Cardinal. Il ne voulait point partir sans pouvoir rappeler à ses deux frères qu'il avait été fidèle au pacte d'union, qu'il avait commencé leur fortune avant même de songer à la sienne, puisqu'Antonio allait être marquis de Montebello et que Giovanni devenait duc de Paliano. A eux maintenant de veiller loyalement sur ses intérêts pendant son absence. Il tenait tellement à se concilier les bonnes grâces et à s'assurer le dévouement du nouveau duc, qu'il ne voulut même point partir sans avoir jugé de ses yeux l'importance de l'acquisition faite par son frère. Il quitta Rome pendant quelques jours pour aller visiter avec lui Paliano. Comme il était urgent de mettre le duché à l'abri d'un coup de main et qu'on avait tout à redouter de l'audace et du ressentiment de Marc'Antonio, les deux frères eurent soin de se faire accompaColonna si divisero fra i Nepoti del Papa qualche mese prima, non era però stato Marc' Antonio spogliato con le debite solennità; onde per servare i termini giuridici e citar legitimamente lui e'l padre fu necessario portar il negozio avanti per qualche tempo. » (Cf. Pietro Nores, p. 67.)

1. Cf. Documents inédits n° 27 à la fin du volume. Le texte de cette bulle importante, qu'on emprunte à l'histoire manuscrite de Paul IV par le Père Théatin Antonio Caracciolo, n'est donné par aucun Bullaire, pas même par le plus récent et le plus complet, publié à Turin en 1860 sous ce titre : Bullarum, Diplomatum et Privilegiorum sanctorum Romanorum Pontificum Taurinensis editio, Augustæ Taurinorum M. D. CCCLX. On lira avec le plus grand intérêt le texte de cette bulle, en dépit des répétitions, des longueurs, des lourdeurs de style dont la Chancellerie du Vatican aime en général à charger ces documents. Il y règne un ton d'acharnement incroyable contre les Colonna. C'est un procès en règle, fait à la vieille race gibeline, ennemie acharnée des papes depuis les temps lointains de Boniface VIII. Aucun des méfaits commis par ses membres n'est oublié. Le rédacteur s'élève jusqu'à l'éloquence quand il invective le cardinal Pompeo pour sa participation sacrilège au sac de Rome par les hordes de Bourbon en 1527. Les vassaux des Colonna sont déliés du serment de fidélité. Ascanio et Marc' Antonio sont déclarés déchus jusque dans leur postérité la plus reculée. Le pape les frappe de l'excommunication majeure, de l'anathème. Il déchaîne sur eux tous les châtiments spirituels et temporels dont il dispose, comme s'il voulait anéantir l'odieuse famille. On sent que Paul IV est tout enivré par le sentiment de sa force, par l'orgueil de briser ainsi un des plus puissants vassaux du Saint-Siège. On dirait qu'il pousse un cri de triomphe quand il s'attribue les paroles célèbres du Psalmiste: « Tu marcheras sur l'aspic et le basilic, tu fouleras aux pieds le lion et le dragon. »

gner par le maréchal Strozzi. Ils se proposaient de confier à sa vieille expérience le soin de rendre la place imprenable. Le Florentin se mit aussitôt à l'œuvre avec un zèle que stimulait son dévouement aux Carafa et sa haine contre les Impériaux. Il fit le plan de fortifications nouvelles qui devaient enlever aux Colonna tout espoir de rentrer jamais dans leur château héréditaire. Plusieurs jours se passèrent ainsi. Le Cardinal, qui voulait emmener Strozzi en France pour s'en servir comme d'introducteur et de guide au milieu de cette cour qu'il ne connaissait pas encore, attendit patiemment qu'il eût pourvu à la sécurité de Paliauo. A la veille de quitter Rome, il n'était pas prudent d'indisposer son frère en le privant des services du maréchal. Il fallait au contraire que Carlo pùt pendant toute la durée de son absence compter sur le dévouement absolu de son aîné. Sinon, qui empêcherait ses ennemis de capter la confiance du pape et de miner peu à peu son crédit? Le désintéressement du Cardinal n'excluait donc pas l'habileté. Enfin, vers la fin du mois de mai, la dépossession des Colonna au profit de sa famille 3 étant désormais un fait accompli, officiellement consacré, le duché de Paliano mis en état de défense, ses châteaux bien pourvus d'hommes, de vivres et de munitions, le Cardinal jugea que rien ne le retenait plus à Rome. Il pouvait maintenant aborder résolument, sans préocupations importunes, la grande entreprise qu'il méditait et que de longues réflexions avaient encore mûrie depuis un mois et demi dans le secret de sa pensée. Il prit donc congé de son oncle et de ses frères, se rendit à Civita-Vecchia, où les galères de Henri II l'attendaient déjà, et s'embarqua pour Marseille. Cette traversée lui épargnait les longueurs et peut-être les périls du voyage par terre. Malgré son titre de légat, il n'eût sans doute pas été bon pour un ennemi aussi notoire des Espagnols, de s'aventurer sur les domaines du duc de Florence ou de pénétrer dans le Milanais. Le trajet par mer était à la fois plus rapide et plus sûr. Le neveu de Paul IV n'hésita pas à le choisir.

1. « Dopo queste dichiarazioni trasferitosi il Cardinale ed il nuovo Duca insieme con Pietro Strozzi ed altri uomini periti in questa professione, a Paliano, stabilirono il disegno della fortezza e le provisioni che era necessario introdurvi; si discorse del capo che dovea custodirla ed altre cose simili che pareano più importanti.... » (Cf. Pietro Nores, Archiv. Stor. Ital., tome XII, p. 67.)

2. Id., loc. ant. cit.

3. Navagero nous donne un curieux témoignage de l'impression produite sur le Sacré-Collège par la lecture de la bulle lancée contre les Colonna :

Ognuno rimase confuso e sebbene si vedeva chiaramente che di qui erano per nascere molti disordini non fu però cardinale alcuno che ardisse dir altro... tutti stavano con gli occhi fissi in terra, come presaghi di quello che poteva intervenire.... » (Cf. Relazioni Venete, série II, vol. III, p. 390, 391.)

CHAPITRE XIV

HISTOIRE INTÉRIEURE DE ROME ET DU SAINT-SIÈGE PENDANT LA LÉGATION DU CARDINAL CARAFA EN FRANCE.

Préparatifs de guerre à Rome et à Naples. Mission d'Antonio Carafa à Venise. Arrestation d'un courrier du duc d'Albe. Le pape et le vice-roi cherchent à gagner du temps en se trompant l'un l'autre. Protestation du procureur fiscal contre Charles-Quint et Philippe II. Lettre menaçante du duc d'Albe qui se décide à passer la frontière.

Avant d'entamer le récit de la légation du cardinal Carafa auprès de Henri II, il est indispensable d'exposer rapidement les événements dont Rome fut le théâtre pendant son absence, du mois de mai au mois de septembre 1556. On comprend en effet que cette histoire intérieure du Saint-Siège est le commentaire naturel des négociations poursuivies à la cour de France par le légat. En ne s'occupant que de lui seul, on risquerait fort de n'acquérir qu'une connaissance superficielle du plus important épisode de sa vie politique. Il existe un lien intime entre tel acte, telle parole du Cardinal en France et certains faits qui s'accomplissent de l'autre côté des Alpes dans le même temps. Si l'on ne s'applique pas à saisir ce lien, il faut se résigner à ignorer le vrai caractère du rôle rempli par le neveu de Paul IV pendant ces trois mois.

Le départ de Carafa pour la France inspira les plus vives inquiétudes aux Impériaux, en dépit du soin qu'on avait eu de proclamer que sa mission était toute pacifique. Il était bien difficile de croire qu'un pareil négociateur dût tenter un effort sérieux en faveur de la conciliation '.

1. « Diede non picciol travaglio questa legatione agl' Imperiali ed al Duca d'Alva, perche non essendo loro nascosto l'animo del cardinale, temevano, non senza ragione, che egli potesse esser piuttosto instromento

Le duc d'Albe, lieutenant général de Philippe II en Italie et vice-roi de Naples, ne se laissa point tromper par les déclarations intéressées de la cour du Vatican. Il se hâta de fortifier les places du royaume, de rassembler des troupes et de l'argent. Prévoyant bien que le neveu de Paul IV allait travailler de toutes ses forces à la rupture de la trêve, il voulut se tenir prêt à prendre vigoureusement l'offensive, dès que les hostilités auraient recommencé. L'habile et prudent général comptait prévenir le Saint-Siège par une attaque subite et réduire le pape à sa merci avant l'arrivée des secours de la France, de Ferrare ou même de Parme. Tout le plan de la coalition serait ainsi déjoué 1.

A Rome, on se préparait également à la lutte. Les premières nouvelles reçues du cardinal-légat après son arrivée à la cour de France, dans la première quinzaine de juin, avaient annoncé que le roi ne témoignait aucune inclination à la paix. Il fallait donc tâcher de le rallier au projet d'alliance offensive et défensive avec le Saint-Siège. Ainsi l'Etat ecclésiastique devait être mis promptement en mesure de prendre une part active à la guerre. Sur les instances du duc de Paliano, le pape prit à sa solde deux célèbres condottieri, les frères Camillo et Giulio Orsino, de Lamentana. On convint que le premier resterait à la garde de la cité et présiderait aux travaux de fortifications, dont la terrible expérience de 1527 démontrait la nécessité. Giulio tiendrait la campagne avec la cavalerie. Ce commandement était d'abord destiné au duc de Paliano. Mais il tomba malade au moment de partir 2. En dépit de toutes ces dispositions belliqueuses, il régnait plus d'inquiétude que d'enthousiasme dans les conseils du Vatican. Une à une, les difficultés de la situation apparaissaient. proporzionato ad indurre il Rè a romper la tregua che a disponer alla pace.... » (Cf. Pietro Nores, Archivio Stor. Ital., t. XII, p. 67.)

1. Le duc d'Albe se trouva en présence de difficultés inouïes: «< La carestia del danaro era grande; l'oro che somministravano l'Indie appena bastava per l'usure e per gli assegnamenti de mercanti in Italia; nè di Napoli, nè di Milano se ne poteva trar più quantità considerabile : impegnate dappertutto l'entrate regie per quattr' anni; mal pagati i soldati, ed i popoli aggravati dalle continue contribuzioni; gli eserciti veterani divis e distratti in parti lontane; le milizie del Regno per lo più inesperte, nè di tutti i capi si poteva il Vicerè promettere intieramente.... » (Cf. Pietro Nores, loc. cit., p. 68.)

2. Cf. Pietro Nores, p. 69.

3. «Il faut que je confesse que les choses sont icy un peu confuses, y adjoutant que Camille [Camillo Orsino] ne réussit pas au gros jeu comme je pensois, sur l'oppinion commune, et trouve trop de différent des conseils de guerre que j'ay veu tenir en France à ceux-cy; j'y désire à tout le moins la présence du cardinal Caraffe.... Je voy un mal, c'est qu'en ce conseil où l'on me fait trouver pour la résolution des principaux points, Camille prit au point d'honneur que je misse sur le tapis les doutes de

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