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CHAPITRE XV

France.

LÉGATION DU CARDINAL CARAFA EN FRANCE
(JUIN-AOUT 1556)

Pre

Itinéraire du Cardinal de Rome à Paris. Etat des esprits à la cour de
Inquiétudes de Simon Renard. Première entrevue avec
le roi. Duplicité du pape. Entrevue avec Simon Renard.
mière atteinte à la stabilité de la trêve. Le Cardinal à Paris.
Monluc envoyé à Rome. Réception des ambassadeurs par le Car-
La rupture de la Trêve est retardée par la défection des Far-
Adhésion définitive du duc de Ferrare à la Ligue contre les
Le roi s'engage à envoyer une armée en Italie avec le
Triomphe du Cardinal. Retour à Rome.

dinal.

nèse. Espagnols. duc de Guise.

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Il était parti de Rome le 11 mai 1556. Des galères du roi qui l'attendaient à Civita-Vecchia le transportèrent à Marseille. Il emmenait avec lui, outre ses secrétaires et les gentilshommes de sa suite, le maréchal Pietro Strozzi et Paolo Giordano, l'aîné des trois frères Orsini. Le reste de sa maison, la troupe de musiciens dont il se faisait accompagner, les équipages de toute sorte, chevaux, voitures, domestiques, prirent la voie de terre, car la place eût manqué sur les huit bâtiments pour ce train fastueux par lequel le neveu de Paul IV voulait relever la splendeur de sa légation. Parvenu à Marseille, il écrivit aussitôt au duc de Paliano. Le dernier jour de mai, il arriva à Avignon. Il y passa la journée du 1er juin, tant pour attendre ses équipages que pour jouir de la réception presque royale qu'on lui fit dans cette ville. Le 4, vers le soir, il était à un demi-mille de Lyon. Diverses députations de la cité, un concours immense de peuple vinrent au-devant de lui. Le maréchal de Saint-André le conduisit d'abord à l'église cathédrale, puis au logis qu'on lui avait réservé. La vieille ville archiepiscopale lui prodigua de tels témoignages d'allégresse et de respect qu'il jugea convenable

d'en instruire le pape. L'habile homme ne manqua pas d'attribuer au pontife tout l'honneur de ces pieuses démonstrations : « J'ai vu une affluence énorme de peuple, et j'ai remarqué dans toute cette foule l'extrême dévotion qui est ordinaire aux habitants de ce royaume. Néanmoins je constate que depuis le pontificat de Notre-Seigneur cette dévotion va s'accroissant d'une manière toute spéciale, à cause de la bonne opinion que les âmes ont conçue de Sa Sainteté........... » C'est le 6 juin qu'il écrivait cette lettre au duc de Paliano pour l'informer des principaux incidents de son voyage de Marseille à Lyon. Il lui faisait ensuite connaître son futur itinéraire jusqu'à Paris. Il avait encore été obligé de s'attarder à Lyon pour réunir ses équipages et les mettre au complet. Mais il comptait partir dès le lendemain 7 juin, et prendre la poste jusqu'à Roanne. De là il descendrait la Loire, malgré les basses eaux, jusqu'à Briare, où il reprendrait la poste jusqu'à Paris 1.

Depuis un mois, l'annonce de la prochaine arrivée du légat à la cour de France excitait à la fois bien des espérances et bien des appréhensions. Les Guises attendaient avec impatience le favori de Paul IV. Ils n'ignoraient point ses secrets desseins. Ils savaient que sa mission, toute pacifique en apparence, avait au fond pour objet de ramener Henri II à l'alliance du Saint-Siège et de faire prévaloir dans ses conseils la politique belliqueuse dont ils étaient eux-mêmes les partisans déclarés 2.

Le connétable de Montmorency, au contraire, ne prévoyait pas sans inquiétude l'issue de la légation du cardinal Carafa. Pas plus que les Guises ses rivaux, il ne se faisait illusion sur les dispositions conciliantes du turbulent personnage qui avait été l'âme de la ligue conclue entre le roi, le pape et le duc de Ferrare. En dépit de toutes les protestations du Vatican, le connétable sentait bien que la trêve de Vaucelles était menacée. Et

1. Pour tous les renseignements qui précèdent sur le voyage du cardinal Carafa, Cf. Docum. inédits publiés à la fin du volume. Lettre au duc de Paliano, de Lyon, le 6 juin 1556, no 30..

2. Voici ce que disait Simon Renard à propos de la mésintelligence des Guises et du connétable : « Le connestable ne convient nullement avec ceulx de Guyse..... tâchans lesdits de Guyse de renverser la tresve que ledit connestable a fait traiter sans eulx, en l'absence du cardinal de Lorenne, ayant de plus traversé sa commission d'Italie, emploié l'admiral de Chastillon son nepveur et induict ledict sieur Roy à ladite tresve; et présentement lesdits de Guyse ne vouldroient que avecque ladite tresve l'on tumbast en accord et paix, pour ne laisser audit connestable tant d'auctorité et réputation et cette contrariété est si notoire que n'en fault doubter.» (Papiers de Granvelle, tome IV, page 594, lettre de Renard à Philippe II, du 8 juin 1556.)

cependant il était directement intéressé à son maintien, par amour-propre d'abord, puisqu'elle avait été son œuvre et la preuve éclatante de son influence. De plus, son fils François était depuis trois années entre les mains des Espagnols. Prisonnier de M. de Bugnicourt, commandant des Impériaux lors de la chute de Térouanne (20 juin 1553), il ne devait recouvrer sa liberté qu'au prix d'une énorme rançon. Montmorency n'avait pu se décider jusqu'alors à la payer. Et sa parcimonie s'épouvantait à l'idée que ce chiffre formidable s'élèverait sans doute encore, le jour où les hostilités éclateraient de nouveau. Il pouvait même craindre qu'une rupture de la trêve ne décidât Philippe II à conserver comme otage son illustre prisonnier 1.

Bien plus vives encore étaient les appréhensions de l'ambassadeur de Philippe II au sujet de la mission du légat. Depuis son arrivée à la cour de France, vers la fin du mois d'avril de la même année, l'habile diplomate que le roi d'Espagne venait d'accréditer auprès de Henri II, Simon Renard, avait pu se convaincre que les résolutions conciliantes du roi étaient déjà fort ébranlées, et que le parti de la guerre, représenté par les Guises, ouvertement soutenu par la duchesse de Valentinois, paralysait peu à peu l'influence pacifique de Montmorency. Dès ses premières lettres, il exprimait des doutes sur la stabilité de la trêve et déclarait que l'épuisement des finances françaises avait seul pu décider le roi à interrompre les hostilités. « Le roy de France a condescendu à la tresve et cessation d'armes par nécessité, ne trouvant plus moien de tirer de son peuple argent ou finance pour plus longtemps souldoier la guerre 2. » Quelques jours après, le 18 mai, il écrivait au roi des Romains, Ferdinand Ier : L'estat où les affaires se retreuvent qu'est calamiteux, et sera désolation de la république chrestienne, si Dieu, par sa misericorde, ne inspire les Françoys et change la volunté qu'ilz demonstrent évidemment de renouveler la guerre quant ilz en auront le moien... » Le même jour, il disait encore dans un billet au duc d'Albe : « ... L'estat où les affaires se retreuvent que me faict conjecturer que mon service ne sera long par deça, n'aians les Françoys volunté quelconque à concorde et amitié

...

1. Cette crainte n'était pas chimérique. Voir la lettre du duc de Savoie à Simon Renard, du 25 juillet 1556. Il y déclare nettement que Philippe II ne veut pas entendre parler du rachat de François de Montmorency, «< en cas qu'il y eust roupture ou apparence d'icelle pour ceste année..... >> (Cf. Papiers de Granvelle, tome IV, page 642.)

2. Cf. Papiers d'Etat de Granvelle, tome IV, page 556 lettre de Simon Renard à Philippe II, du 8 mai 1556.

ains à ambition 1... » Bien des symptômes semblaient, en effet, prouver que les Français saisiraient la première occasion favorable de recommencer la guerre. Henri II ne témoignait, par exemple, aucun empressement à faire droit aux réclamations qui lui étaient transmises par l'ambassadeur espagnol contre certains actes de violence commis en Corse par ses soldats au mépris de la trêve 2. Simon Renard, fort bien renseigné par les nombreux espions qu'il avait à ses gages, soupçonnait le roi de fomenter des troubles en Angleterre contre Marie Tudor, femme de Philippe II, et d'entretenir par l'intermédiaire de M. de Noailles, son ambassadeur à Londres, de secrètes intelligences avec le parti d'Elisabeth 3. On commentait fort la précaution prise par le roi de France de retenir à son service les capitaines des bandes allemandes qu'il venait de licencier, les efforts qu'il tentait pour mettre de l'ordre et de l'économie dans ses finances. Enfin un fait beaucoup plus grave encore que tous ces indices justifiait tous les soupçons des Espagnols. Le 25 mai, Henri II s'engageait officiellement, en présence du nonce apostolique, à prendre sous sa protection l'Etat de Paliano, donné par Paul IV à l'aîné de ses neveux, et à fournir annuellement la solde de 3000 hommes pour la défense du duché enlevé aux Colonna. Simon Renard en informa immédiatement son maître. Il insista avec soin sur la gravité d'un acte qui confirmait toutes ses prévisions « Si c'est contre la tresve, Vostre Majesté le peult arbitrer; si c'est préparatoire pour renouveller la guerre, l'on le peult veoir; si c'est occasion de pourveoir au réaulme de Naples auquel ledict Paleano confine, Vostre Majesté le peult mieulx entendre que moy... . » On comprend dès lors que l'ambassadeur espagnol n'était guère disposé à regarder la

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1. Cf. Papiers de Granvelle, tome IV, page 560.

2. Cf. Papiers de Granvelle, tome IV, lettres de Philippe II à Simon Renard, du 2 mai 1556, p. 547 et 549. Voir aussi pour la réponse du roi de France à ces réclamations la lettre de Renard à Philippe, du 28 mai, p. 576. 3. Papiers de Granvelle, tome IV, pag. 563 : « Jentend que les Francoys pratiquent en Angleterre une rébellion estrange contre la serenissime reine.... » Et plus loin : « Et m'a dit le bancquier (pseudonyme d'un des espions de Simon Renard), que si ledit sieur roy de France s'apperceoit Vostre Majesté tendre et aspirer à ladite coronation (le couronnement de Philippe II comme roi d'Angleterre), il rompra tresve et amytié pour l'empescher, et que pour certain il y a grande practique en Angleterre du coustel de deça et plusieurs pensionnaires de France et que asseurement Elisabetz s'entend avec ledict sieur roy de France, et que s'est de sa meute que la coronation ne se peult gouster...» (Id., page 566: lettre de Renard à Philippe II, du 21 mai 1556.)

4. Cf. Papiers de Granvelle, tome IV, page 570 lettre de Simon Renard à Philippe II, du 27 mai.

...

venue du neveu de Paul IV comme un gage d'harmonie et de concorde. Il n'en attendait au contraire que des complications nouvelles. Sa perspicacité ne se laissa point mettre en défaut par les déclarations du Vatican. Il ne crut pas un instant au pieux prétexte dont on colorait le voyage du cardinal Carafa. Le concile général, la paix universelle ne lui semblèrent dès le premier jour que de grands mots pompeux sous lesquels on cherchait à dissimuler l'objet véritable de sa mission 1. Le Cardinal venait à peine de se mettre en route, que Simon Renard jetait déjà un premier cri d'alarme. Le 25 mai, il écrivait à Philippe « L'on attend en ceste cour le cardinal Carafe, et se délibère le roy luy faire tout l'accueil possible aiant grande confidence en luy... Et ung amy (espion) m'a dit que..... ledict Cardinal venait par deça pour dresser entreprinse de grande conséquence contre Vostre Majesté et ses Estatz, soubz couleur de parler de paix 2. » Deux jours après, il exprime ses craintes avec plus de vivacité encore : «< Vostre Majesté peult estre asseurée que le véaige dudict cardinal Carafe se fait pour conclure l'exécution de ladicte lighe, et troubler la chrestienté plutost que l'appaiser. » Et un peu plus loin il ajoute : « Ledict Carafe vient par deça pour roupture de la tresve plustôt que pour l'entretenement de paix 3. » Il semble que ses appréhensions deviennent plus vives à mesure que le neveu de Paul IV se rapproche de Paris. Le 31 mai, il mande à Philippe II que la situation s'est encore aggravée : « Et quasi sont venues les choses si avant de ce coustel-là... que ledict S roy ne peut resilier de ladicte lighe et roupture; meins vouldra-il perdre l'occasion de s'aider d'icelle ou negliger la volunté que le pape et duc de Ferrare monstre estre incliné au parti dudict Sr roy : le pape pour le ressentement qu'il a de ceulx de sa maison qu'ilz sont baniz de Naples, qu'il est governé par ledict cardinal Carafe, appasionné pour France, pour l'ambition, pour aggrandir sa maison pour la cupidité de vengeance dont il donne tesmoingnaige de jour à aultre ............. »

.....

de

Ainsi la légation du Cardinal inspirait à la cour de France des sentiments bien divers. Sujet d'inquiétude pour les uns, d'espé

1. Simon Renard n'en fait du reste pas retomber la responsabilité sur Paul IV lui-même. Mais il déclare que le pape est mal servi par les siens, en particulier par le nonce de France et par le cardinal-légat, et que l'on conspire autour de lui contre la paix. (Voir Papiers de Granvelle, tome IV, page 579.)

2. Cf. Pap. de Granvelle, pages 567 et 568.

3. Cf. Pap. de Granvelle, page 570.

4. Cf. Papiers de Granvelle, page 587.

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