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le droit de prendre part à ces consistoires où de vénérables prélats discutaient les plus grandes affaires de l'Europe, les traités, les alliances, la lutte contre la Réforme; c'était le droit d'exprimer un avis sur les plus graves questions du dogme, d'entrer au prochain conclave et d'y concourir à l'élection du nouveau pontife! Paul IV eut un mouvement de révolte indignée. Il revit tout d'un coup ce passé plein d'orgies et de sang que la conversion de Carlo n'avait pu lui faire oublier complètement. Et c'est alors qu'il jeta à la face de ceux qui l'imploraient cette parole sévère dont on a vu plus haut la terrible signification: «< Comment voulez-vous que je fasse cardinal un homme dont le bras est souillé de sang jusqu'au coude 1? »

Le coup était rude, mais une âme trempée comme celle de Carlo Carafa pouvait le supporter sans en être ébranlée. On ne sait trop à quelles pratiques secrètes il se livra pour réparer sans retard l'échec que son impatiente ambition venait de subir. Mais, si l'acteur principal reste dans l'ombre, nous voyons agir, nous entendons parler les personnages secondaires de cette intrigue. En quelques jours, Carlo organise une universelle conspiration dont le but est de lui faire obtenir le chapeau qu'il demande. Paul IV est circonvenu de telle façon que ministres, ambassadeurs, cardinaux, tout le monde l'implore en faveur de son neveu. Chose presque incroyable, les ministres du roi de France et ceux de l'Empereur, toujours si profondément divisés d'intérêts que chaque promotion de cardinal est pour eux l'occasion d'une lutte d'influence, sont cette fois d'accord et sollicitent avec une égale ferveur. Don Carlo en effet a pris soin de rappeler aux premiers ses vieux griefs contre les Espagnols. II leur a juré que le roi ne pourrait jamais trouver un serviteur plus fidèle que lui. Aux seconds, il a promis de mettre toute son influence au service d'une politique de conciliation et de paix. Sur cette belle assurance, les Impérialistes travaillent avec ardeur à l'élévation de leur mortel ennemi. Don Juan Manriquez, ambassadeur de Charles-Quint, supplie humblement le SaintPère d'accorder la pourpre à ce neveu digne de toute sa ten

1. Cette fameuse réponse fut, s'il faut en croire Bromato (lib. IX, cap. 3) adressée à M. d'Avanson, ambassadeur de France. On n'en trouve cependant pas trace dans les lettres de ce personnage à Henri II, publiées par Ribier, Lettres et Mémoires d'Estat, tome II, année 1555. Du reste, le récit de Bromato est conforme à celui de Caracciolo, avec cette légère différence que Caracciolo ne nomme pas expressément M. d'Avanson et dit seulement les ambassadeurs de France et plusieurs cardinaux français. (Cf. Doc. inéd., à la fin du volume, no 3.)

2. Pour tout ce qui suit, voir le récit inédit de Caracciolo, publié à la fin du volume, dans les Documents, no 3).

dresse. Et, pour donner plus de poids à sa requête, il invoque l'exemple offert par d'autres pontifes. Il se trouve des cardinaux pour faire remarquer au pape que les princes étrangers auront plus de confiance en un de ses parents qu'en toute autre personne. Comme les arguments tirés de la politique ne suffisent pas, d'autres cardinaux démontrent doucement au saint-père que le meilleur moyen de sauver l'âme de son neveu, en le maintenant dans la piété et dans la contrition, c'est de lui ouvrir la porte du Sacré-Collège.

1

Au bout de quinze jours, Paul IV était vaincu. Comment aurait-il résisté à cette savante obsession? On avait si bien pris soin d'alléger sa conscience de tous les scrupules! Tant de saints personnages avaient spontanément rendu hommage aux mérites de son «< Enfant prodigue >> en intercédant pour lui! Le 7 juin 1555 2, il se décida à céder enfin à l'impulsion de son cœur. Don Carlo Carafa fut créé cardinal-diacre. En même temps paraissait une bulle solennelle d'absolution pour toutes les fautes, tous les délits, tous les crimes qu'avait pu commettre le nouveau membre du Sacré-Collège dans le cours de sa vie passée. On lira avec intérêt cette pièce importante, où se trouve, comme on l'a vu, la preuve que Paul IV savait ou tout au moins soupçonnait que son neveu n'avait pas versé le sang seulement sur les champs de bataille. La liste longue et détaillée des méfaits de toute espèce auxquels s'étend le bénéfice de l'absolution pontificale accordée à Carlo Carafa en dit long sur sa jeunesse. La bulle, ou, pour parler le langage de la Chancellerie romaine, le Motus Proprius, n'en débute pas moins par un éloge magnifique des vertus de don Carlo :

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«< De Notre propre autorité, voulant élever à la dignité de cardinal de la Sainte Eglise Romaine Notre fils tendrement chéri, Charles Carafa, prieur de Naples, chevalier de l'hôpital de Saint

1. « Chiamato sempre col titolo di figlio, come il suo Prodigo convertito....» (Bromato, Storia di Paolo IV, lib. IX, cap. 30).

2. On donne ici la date fournie par Bromato. Mais on doit faire remarquer que la bulle d'absolution, qui devrait, à ce qu'il semble, avoir précédé la nomination, est datée des nones de juin, c'est-à-dire du 13. Antonio Petramellaria, continuateur de Onofrio Panvinio, donne également pour date de l'élévation de don Carlo au cardinalat le vendredi 7 du mois de juin 1555 (édit. de Bologne, 1599, page 22). On trouve à la page suivante les armoiries du nouveau cardinal. Paul IV créa en même temps son neveu légat de Bologne.

Pallavicino donne la même date que Bromato et Petramellaria pour l'entrée de don Carlo Carafa dans le Sacré-Collège. (Cf. Storia del Concilio, lib. XIII, cap. 12.)

3. Cf. Documents inédits, publiés à la fin du volume, no 4.

Jean de Jérusalem, Notre neveu selon la chair, à cause de sa prudence, de son intégrité, de sa magnanimité dans les circonstances. difficiles, de sa sagesse dans le conseil, de son activité dans l'exécution, enfin de son discernement en toutes choses; désireux d'éviter en temps opportun que cette élévation puisse être attaquée de quelque façon que ce soit, sous le prétexte que ledit Charles, peut-être même après avoir été honoré du caractère ecclésiastique et avoir expressément prononcé les vœux dans la forme ordinaire parmi les frères chevaliers du dit Hôpital, prit part à plusieurs guerres et à d'autres actes sanguinaires, comme simple particulier, ou étant à la solde soit de Nos très chers fils en Jésus-Christ, Charles, Empereur Romain, toujours Auguste, et Henri, roi des Francs, très chrétien, soit même d'autres princes ou chefs temporels; en vertu de Notre autorité apostolique, par la teneur des présentes, nous l'absolvons et le libérons sans réserve, devant Dieu et devant les hommes (in utroque foro), pour tout excès de quelque nature qu'il soit, rapines, sacrilèges, vols, déprédations, blessures, coups, mutilations de membres, homicides, pour tous autres crimes et délits, même si l'on en oublie de plus grands, commis de quelque manière que ce soit jusqu'à ce jour par lui tout seul ou accompagné d'autres complices, tant dans Notre ville sacrée que dans toutes autres cités, terres, châteaux, lieux soumis médiatement ou immédiatement à la Sainte Eglise Romaine, et cela. même si, pour ces crimes ou à leur occasion, il a été diffamé, accusé, traduit en justice, emprisonné, condamné,.. même s'il a été excommunié ou soumis aux censures et peines [de l'Eglise], même si pendant plusieurs années il a croupi (insorduerit) sous le coup de ces condamnations...

"......

« Nous effaçons complètement toute tache, toute note d'incapacité (inhabilitatis) ou d'infamie, contractée par lui de ce chef; Nous le rendons, le ramenons et le restituons à ce primitif état d'innocence où l'avait placé la sainte ablution du baptême.

«< Donné à Rome, dans le palais de Saint-Marc. Nones de juin. Première année. »

Tel fut, suppression faite de quelques longueurs de chancellerie 1 sans intérêt, l'acte solennel par lequel Paul IV se mettait en règle avec sa conscience de chrétien avant d'élever son neveu à la haute dignité de cardinal.

1. On trouvera le texte complet du document dans le volumineux dossier relatif au procès des Carafa. (Archives d'Etat, à Rome, section de l'Archivio criminale, année 1560, Ms. 55, page 242, recto et verso.)

CHAPITRE IV

FAVEUR, PROJETS ET PREMIÈRES INTRIGUES
DU CARDINAL CARAFA

Faveur du cardinal Carafa.

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Les exilés de Florence et de Naples à Rome. Projets du Cardinal. Inquiétudes des Espagnols. Son but. Conférences secrètes avec les ministres de Henri II. Premiers symptômes de rupture entre le Saint-Siège et l'empereur.

Ce grand événement ouvre la période triomphante de la vie de celui qu'on appellera désormais le cardinal Carafa. Au lieu de s'agiter confusément dans l'ombre où le reléguait le hasard malheureux de sa naissance, il va maintenant entrer en scène d'un pas ferme et hardi, en homme qui sait qu'un rôle important est dû à ses talents. Pendant près de quatre ans, il remplira la cour pontificale de son activité, de son orgueil, de son ambition et de ses intrigues, jusqu'au jour où une catastrophe imprévue le plongera dans une disgrâce, qui servira de prélude à de nouvelles et tragiques infortunes.

Du jour où Paul IV eut accordé à son neveu le chapeau de cardinal, une faveur inouïe succéda sans transition à la tendresse mélangée de défiance qu'il lui témoignait auparavant 1. Ame à la fois violente et faible, il ne savait mesurer ni l'affection ni la haine. Il ignorait cet art de n'accorder sa confiance que dans la mesure où cet abandon n'est point de l'aveuglement et ne risque point d'aliéner la volonté du prince, qui doit toujours rester souveraine 2. Et comment aurait-il pu résister à ce

1. Seppe tanto entrare in gratia di suo zio, che l'amò sopra tutti gl'altri suoi fratelli, chiamandolo sempre non con altro nome che di figlio, e gli pose in mano tutti i negotii temporali del Papato. » (Caracciolo, Ms. LIV, 48, p. 490.)

2. « Il Papa era di natura tale..... che non credeva facilmente contro coloro de' quali egli havesse concepita buona opinione. » (Loc. sup. cit.)

jeune homme, en qui brillaient toutes les séductions de l'esprit et de l'éloquence1? Il n'y songea même pas. Navagero nous a laissé un intéressant témoignage de cette faveur incroyable, dont il fut le témoin. Cette partie de sa relation, heureusement pour nous, complète les écrivains ecclésiastiques, qui, par respect pour la mémoire du pontife, aimeraient assez à dissimuler sa faiblesse. « Toutes les fois que l'occasion s'en présente, il parle de son neveu avec tant d'affection qu'il le dépeint sous les traits du plus grand homme que le Siège apostolique ait jamais eu. De là vient que chacun, pour toute chose, petite ou grande, s'adresse. à lui......................... On ne peut faire à Sa Sainteté un plus vif plaisir que de recourir en toutes choses au Cardinal, auquel il abandonne toutes les affaires importantes de l'Etat..

Il a un jugement admirable pour connaître ce qui plaît au pape, et il connaît admirablement l'art de conduire ses desseins à leur fin. Il ne peut supporter quiconque ne reconnaît pas que toute chose vient de lui, et il veut être reconnu pour chef. Il met en avant ses amis et ses serviteurs, il trouve l'occasion de se venger de ses émules ou de ses adversaires 2..... » Certaines affaires ecclésiastiques furent les seules que Paul IV n'abandonnât pas complètement à son favori 3.

On allait done avoir encore une fois le spectacle d'un de ces neveux de pape qui, forts de la faveur de leur oncle, ne reculaient devant rien pour assouvir leur turbulente ambition. Ces hommes étaient depuis plus d'un demi-siècle le fléau de l'Italie . Il leur

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1. Bromato parle de son « alto ingegno » (tome II, p. 240), et ailleurs de son << acutezza d'ingegno (p. 203). Pallavicino, comme on l'a vu, signale son«< avvenentezza di lingua ». On trouve encore ce mot dans une lettre de François de Noailles, ambassadeur à Venise en 1557 et 1558, (manuscrit appartenant à M. le marquis de Noailles): « Je prins garde que son visage recevait quelque altération, et que la voix et la parolle ne luy servoient pas avec sa promptitude accoustumée..... » (Cf. Docum. inéd., no 85.)

2. «Sempre che gli vienne occasione, parla di questo suo Nipote con tanto affetto, che lo dipinge per lo maggior uomo che abbia mai avuto la Sede Apostolica. Di qui è che ognuno, in tutte le cose picciole e grandi, fa capo a lui,..... ne a sua Santità si puo fare maggior servizio e piacere, che in tutte le cose riconoscere il cardinale, al quale anco sempre rimette tutti i negozii importanti di Stato..... Ha giudizio mirabile nel conoscere quello che piace al Papa, e conosce mirabilmente le opportunità di condurre i suoi disegni a fine; non puo sopportare alcuno che non riconosca ogni cosa da lui, e vuol essere riconosciuto per capo. Mette inanzi i suoi amici e servitori; trova occasione di vendicarsi dei suoi emuli e dei suoi nemici.... » (Relazioni Venete, édit. Alberi, série II, vol. III, pag. 384.)

3. Navagero, loc. sup. cit.

4. Voici en quels termes Navagero s'exprime sur ce sujet : « Ales

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