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attiré tant de maux en quatre ans sur la population de Rome. La proposition était lâche et stupide: elle plut. Paul IV eut le sort de Séjan. Sa statue fut jetée à terre, insultée, brisée. On réserva la tête pour les plus ingénieux outrages. Un juif souleva d'unanimes applaudissements en la coiffant du bonnet jaune, distinction infamante qu'un édit de Paul IV venait d'imposer à tous les israélites 1. Vint ensuite le tour de la famille du pontife. On afficha un décret qui menaçait des peines les plus sévères, même de la mort, quiconque ne ferait pas disparaître dans le délai d'un jour les armoiries des Carafa 2. On vit alors nombre de gens affolés par la peur meurtrir la façade des palais et le portail des églises. Tout cela dura jusqu'au 1er septembre. Le Sacré Collège, qui commençait seulement à se réunir pour le conclave, n'osait pas réprimer ces excès, car il y avait lieu de craindre que les barons romains ne s'unissent au peuple. On savait que plusieurs d'entre eux approuvaient ces représailles, qui donnaient satisfaction à leur rancune contre les Carafa. Les cardinaux étaient réduits à recevoir et à examiner des suppliques où le peuple demandait la permission d'aller tuer à Gallese le duc de Paliano. Il fallut faire en secret, au milieu de la nuit, les funérailles du pontife, et l'enterrer profondément pour préserver son cadavre des insultes de la foule 3. La ville présentait le spectacle de la plus effroyable confusion. Il y eut en quelques jours plusieurs centaines de meurtres. Les « bravi » offraient leurs services pour quatre écus : la concurrence des assassins à gages ayant fait baisser le prix ordinaire de la vie d'un homme. On tuait pour se venger d'une injure, pour en finir avec un procès trop long, surtout pour hériter. Les grands personnages ne sortaient que sous la protection de nombreux serviteurs armés. On montait la garde aux portes des palais de cardinaux et d'ambassadeurs. C'est sous ces auspices que s'ouvrit, le 5 septembre 1559, le conclave qui devait donner un successeur à Paul IV.

1. Cf. Pietro Nores, p. 277. Voir aussi Documents inédits, no 95, un pamphlet du temps en mauvais latin contre Paul IV.

2. Cf. Id., p. 278. Pallavicino ajoute ce détail grotesque que des marchands ambulants de carafes (en italien caraffe) n'osaient plus crier leur marchandise dans les rues sous son nom ordinaire, pour ne pas irriter le peuple, et qu'ils employaient le terme d'ampolle.

3. « Le corps du pape ne fust porté à Saint-Pierre, comme de coustume, mais en la chapelle de Sixte avec gardes, de peur qu'on ne luy fist outrage, et puis la nuit enterré à Saint-Pierre avec deux cents Harquebuziers. » (Cf. Ribier, II, p. 829, lettre de l'évêque d'Angoulême au cardinal de Lorraine, de Rome, le 15 septembre 1559.)

4. Cf. pour les détails qui suivent la relation de l'ambassadeur vénitien Luigi Mocenigo, Relazioni Venete, série II, t. 4, p. 37-39. Il avait été témoin oculaire des scènes qu'il raconte, n'ayant quitté Rome qu'en 1560.

CHAPITRE XXII

CARAFA SE RELEVE

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Le Cardinal exilé sollicite la protection du roi d'Espagne. - Il rentre dans Rome à la mort de Paul IV. · Réunion du conclave. - Plans et intrigues du cardinal Carafa. Son influence. Il fait proclamer le 25 décembre 1559 le cardinal Medici pape sous le nom de Pie IV. Bienveillance du nouveau pontife pour les Carafa.

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Avant que les neveux de Paul IV quittassent Rome, il avait été convenu entre les trois frères que le marquis de Montebello se rendrait à la cour du roi d'Espagne pour y plaider la cause commune et décider Philippe II à intervenir auprès du pape en faveur des Carafa. Mais, quelque temps après, le marquis refusa de se charger de cette négociation, sous prétexte qu'il craignait d'irriter encore le pontife et de compromettre le crédit du jeune cardinal de Naples, son fils. Le cardinal Carafa se décida alors à mander un de ses plus fidèles serviteurs, Mgr Paolo Filonardo, à Bruxelles.

L'instruction qu'il lui remit le 28 février 1559 est un appel désespéré à la bienveillance du Roi. Il s'excuse humblement de n'avoir pas pu lui donner comme il l'aurait voulu des preuves éclatantes de son dévouement. Ainsi que ses frères, il avait été retenu par la crainte d'irriter le pape en manifestant trop ouvertement son zèle pour les intérêts du roi d'Espagne. « Jurez à Sa Majesté que nous sommes prêts et disposés à la servir, dans le cas où elle voudrait nous employer. Si nous ne l'avons pas fait plus tôt, ce n'est point la bonne volonté qui nous a manqué; mais la nature du pape nous imposait beaucoup de retenue. Aujourd'hui que nous sommes libres et que nous ne sommes plus engagés au service de Notre Seigneur, Sa Majesté pourra s'assurer que nous ne céderons à personne l'honneur de la servir avec fidélité et amour 2. » Tout cela ne

1. Cf. Documents inédits, n° 98, instruction du cardinal Carafa à Mgr Paolo Filonardo pour la cour du Roi Catholique (28 février 1559). Ce document im

manquait pas d'adresse. L'impudence ordinaire du personnage s'unissait cependant à l'habileté, quand il dirigeait discrètement contre son oncle l'accusation d'avoir combattu ses sympathies pour l'Espagne. Philippe n'accepta pas l'excuse, tout ingénieuse qu'elle fût. S'il avait jusqu'alors ménagé le Cardinal, c'était, on l'a vu, pour tourner au profit de ses propres intérêts le crédit du favori de Paul IV. En perdant le pouvoir, Carafa avait donc perdu le seul titre qu'il possédât à la bienveillance du roi. On n'avait que faire à Bruxelles des protestations intéressées d'un dévouement condamné à l'impuissance. Qui pouvait se laisser tenter par les offres de services d'un exilé? Toutefois Philippe, qui poussait la prudence jusqu'aux extrêmes limites de la circonspection, ne jugea pas à propos d'abandonner complètement encore le Cardinal. Sachant à quels brusques revirements était sujet l'esprit mobile de Paul IV, il pensa que la disgrâce du favori pourrait bien avoir moins de durée qu'elle n'avait eu d'éclat. En conséquence, il se contenta de répondre à l'envoyé des Carafa qu'il n'osait pas intercéder en leur faveur auprès du pape dans la crainte de le mécontenter. Qu'ils obtinssent d'abord leur pardon, et il s'empresserait de leur donner alors des preuves de sa bienveillance 1.

Après cette démarche infructueuse, le Cardinal parut se résigner à son exil. Il ne semble pas qu'il ait tenté aucun effort direct pour fléchir le pape et obtenir la révocation de la sentence qui l'avait frappé 2. Soigneusement instruit de tout ce qui se passait à Rome par quelques amis fidèles qu'il avait conservés dans sa disgrâce, il jugea sans doute que le silence seul convenait à sa situation. Les impétueuses saillies du pontife contre ses neveux longtemps après leur départ prouvaient assez

portant, qu'on a trouvé à la Borghesiana, Ms. I, 29, avait passé sous les yeux de Pallavicino, qui déclare dans une note du liv. XIV, chap. 9, l'avoir vu« tra le scritture de' signori Borghesi ».

1. Cf. Pallavicino, Storia del concilio, lib. XIV, cap 9 : « ... La risposta del re fu che attendessero a ricuperar la grazia del pontefice perche in tal caso non sarebbe rimasto di consolarli ma che avendo egli tanto operato a fine di reconciliarsi con Sua Santità non voleva ora venir con esso a novelli dispiaceri.... »

2. Le duc de Paliano n'imita pas la réserve de son frère. Non content de s'associer à la démarche que le Cardinal avait tentée auprès du roi d'Espagne par l'intermédiaire de Paolo Filonardo, il fit encore agir auprès de Henri II pour le déterminer à écrire en sa faveur à Paul IV. Il invoquait son titre de chevalier de l'ordre de Saint-Michel. (Cf. Ribier, t. II, p. 790, Mémoire envoyé de la cour de France au cardinal de Tournon.) Voir aussi aux Documents inédits, no 96, la lettre désespérée que le duc de Paliano écrivait au Cardinal de Gallese le 24 février 1559 et où il l'accusait d'être l'auteur de leur commune disgrâce.

que leur éloignement n'avait pas apaisé son courroux. Le Cardinal craignait qu'une tentative prématurée ne donnât de nouveaux aliments à cette fureur au lieu de la calmer. Il attendait prudemment que l'orage se dissipât de lui-même. Six mois se passèrent ainsi pour lui dans l'inaction et la solitude: dure épreuve pour cet homme qui pendant près de quatre ans avait rempli la cour du Vatican de son faste, de son orgueil et de ses intrigues. Il ne confia à personne le secret de ses réflexions pendant ces longues heures de l'exil. On peut croire cependant, avec vraisemblance, que sa résignation était tout apparente et que cette âme fougueuse était dévorée par l'impatience et le dépit.

Au premier bruit de la mort prochaine de Paul IV, il accourut à Rome, avec une bonne escorte. Ses amis avaient déjà décidé le Sacré-Collège à le rappeler, avant même que le pape eût expiré 1. Il trouva la ville pleine de trouble et de confusion, les cardinaux éperdus, le peuple soulevé. On put craindre un moment que la foule ne marchât sur le Vatican, où il s'était réfugié, pour l'en arracher et le massacrer. Au milieu de ces scènes de violence, Carafa ne perdit rien de sa fermeté. Il déclara qu'il était prêt à repartir pour l'exil, si ses collègues jugeaient que l'intérêt du Saint-Siège l'exigeât 2. Cet habile désintéressement eut pour effet immédiat de prévenir le SacréCollège en sa faveur. Il y conservait du reste beaucoup de créatures, et toutes les sympathies qui s'étaient prudemment cachées pendant sa disgrâce s'empressaient autour de lui, maintenant que l'épreuve était terminée. Quelques jours s'étaient à peine écoulés, que déjà il avait retrouvé sa cour ordinaire de gentilshommes, de prélats, de cardinaux. Ceux qui avaient été les plus prompts à l'abandonner cherchaient à faire oublier leur défection par la ferveur bruyante de leur zèle. Lui, sans perdre de temps, s'occupait activement de la grosse affaire du conclave et de l'élection du nouveau pape.

Les séances du conclave commencèrent le 5 septembre 1559. Comme d'ordinaire, deux factions, la française et l'espagnole, se trouvèrent aussitôt en présence avec des candidats opposés. La première, dirigée par les cardinaux Louis de Guise et Hippo

1. Cf. Pallavicino, lib. XIV, cap. 10: « Mentre ancora il papa spirava il collegio richiamò dall' esilio il cardinal Carafa... » Voir aussi Ribier, t. II, p. 818, lettre de l'évêque d'Angoulême au cardinal de Lorraine, de Rome, le 18 août : « Le cardinal Caraffe s'est montré publiquement plus de trois heures avant la mort du pape et est venu descendre chez Carpy avec certains harquebusiers à cheval.... »

2. Pallavicino, loc. cit.

lyte de Ferrare 1, mettait en avant le cardinal de Tournon et Hercule de Gonzague, cardinal de Mantoue. Les principaux candidats espagnols étaient Carpi, Santa-Fiora et Pacheco. Dès le début, on vit qu'il fallait compter avec une troisième faction. Le cardinal Carafa et le cardinal Farnèse s'étaient étroitement alliés pour diriger l'élection. L'un disposait des voix des cardinaux promus par son oncle; l'autre trouvait de dociles instruments dans les membres du Sacré-Collège qui devaient le chapeau à Paul III Farnèse. Au lieu de se combattre, ils avaient résolu d'unir leurs forces, afin de former entre les deux grandes factions française et espagnole, à peu près égales en nombre et en influence, un troisième groupe bien discipliné, qui ne pouvait manquer de devenir tôt ou tard maître de la situation. Non pas toutefois que Farnèse ou Carafa songeassent à se faire nommer eux-mêmes. Le premier n'avait pas assez d'influence personnelle dans le conclave et se savait en butte à l'hostilité des Français, depuis que son frère Ottavio avait passé à la cause espagnole. Quant au cardinal Carafa, s'il avait rêvé jadis de succéder à son oncle, il était bien désabusé maintenant de cette flatteuse chimère. L'expérience des derniers conclaves avait démontré avec évidence que les cardinaux divisés par tant d'intérêts et de passions, dévoués à la France ou à l'Espagne, étaient au moins d'accord sur la nécessité de ne choisir pour pape qu'un candidat dont le grand âge ne fit pas redouter aux ambitions impatientes l'épreuve d'un trop long pontificat. Or le cardinal Carafa avait quarante ans et ne pouvait pas même présenter en faveur de sa jeunesse l'excuse d'une mauvaise santé. D'autres causes, telles que le ressentiment des Français et la défiance des Espagnols, lui interdisaient tout espoir. Mais s'il ne pouvait, non plus que Farnèse, se concilier les suffrages du Sacré-Collège, il pouvait du moins, avec son allié, manœuvrer de telle sorte que le pape futur lui dût manifestement son élévation au trône de saint Pierre. Or c'était une opération très lucrative que de créer un pape. Quels droits n'acquérait-on pas ainsi à la reconnaissance de l'élu!

Il ne restait plus qu'à choisir un candidat. L'affaire était d'importance et méritait réflexion. Carafa et Farnèse feraient-ils

1. Voir dans Ribier, t. II, p. 832 et suivantes, les lettres écrites à la cour de France par ces deux personnages du sein même du conclave. C'est une des sources les plus importantes pour l'histoire de l'élection de Pie IV. Pietro Nores (Cf. p. 278) et Pallavicino (lib. XIV, cap. 10) sont insuffisants. Bromato (Cf. lib. XII, cap. 4) est plus complet sans être tout à fait satisfaisant. Nulle part le rôle du cardinal Carafa n'apparaît avec autant de netteté que dans les lettres recueillies par Ribier.

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