Sayfadaki görseller
PDF
ePub

l'expérience avait démontré que pour se tailler une principauté dans la Péninsule il ne suffisait pas de l'indulgente complicité du pape. La protection de l'Espagne ou de la France était plus efficace encore. Les Médicis auraient-ils fait souche ducale si l'Empereur ne s'était en maintes circonstances ouvertement déclaré pour eux? Ce que Charles-Quint avait fait pour les Médicis, le Cardinal entendait bien que Henri II le ferait pour les Carafa. C'était une espérance assez flatteuse, pour que seule elle eût suffi à le séduire. Comment donc aurait-il résisté à la tentation, puisque cette alliance, que lui conseillait déjà l'intérêt de son ambition, avait en outre cet avantage de satisfaire et son ressentiment et son goût inné pour l'intrigue? Poussé par ce triple stimulant, le Cardinal se jeta dans cette aventure avec d'autant plus d'ardeur.

Il fallait d'abord s'assurer des dispositions du pape. On a vu déjà combien elles étaient favorables à l'exécution du plan qu'avait formé son neveu. La haine profonde de Paul IV contre les Espagnols et contre l'Empereur facilitait singulièrement la tâche de l'ambitieux jeune homme. Cependant, comme un prudent général étudie la force d'une position avant de commencer un mouvement où il doit s'appuyer sur elle, le Cardinal ne voulut point démasquer ouvertement ses projets sans être bien certain que la douceur du souverain pouvoir n'avait pas apaisé le ressentiment dans l'âme du vieillard. Car c'était précisément sur cette inimitié du pontife contre les Impériaux que reposait toute sa politique. Il comprenait bien que, sans cette base, tout l'édifice s'écroulait.

Il mit donc sous les yeux du pontife une pièce qu'on venait de saisir entre les mains d'un certain Gianfrancesco Lottino; c'était une longue lettre que le cardinal de Santa-Fiora, l'un des chefs de la faction impérialiste dans le conclave, expédiait à Bruxelles pour atténuer la fâcheuse impression produite sur l'esprit de Charles V par l'élection de Paul IV 1. Santa-Fiora lui

Guerra, o per ragion di vittoria, o per accomodamenti di pace, alla Casa Carafa qualche grande fortuna.... » (Tome II, page 241, édition de Ravenne, 1753.)

Et ailleurs : «Voleva proccurar a tutta forza qualche straordinaria grandezza, quasi cosa solita e dovuta ai Parenti dei Papi, secondoche erasi veduto in quel secolo....» (Bromato, loc. sup. cit., page 240.)

1. « E certamente, la sua assunzione al Pontificato giunse a Cesare cosi discara, che al cardinal di Santa Fiora convenne mandare a Brusselles Gianfrancesco Lottini suo segretario per iscolparsi; recando prove che'l cardinale dopo ogn' industria adoperata per distornarne la riuscita, in ultima a mera forza v'era concorso.» (Pallavicino, Storia del Concilio, lib. XIII, cap. 14, Milan, 1745.)

rendait compte de tous les efforts qu'il avait faits, en fidèle serviteur de l'Empereur, pour écarter la candidature d'un ennemi de l'Espagne. Il rejetait sur les circonstances, plus fortes que sa volonté, toute la responsabilité de ce malheureux événement. L'épreuve que tentait Carafa réussit au gré de ses vœux. Le pape témoigna une violente colère, en présence de cette nouvelle preuve de l'hostilité des Impériaux. Le Cardinal, sûr désormais de n'avoir pas à redouter un désaveu qui aurait tout perdu, commença aussitôt ses menées.

Déjà, pendant les quelques jours qui s'écoulèrent avant que son oncle devenu pape se décidât à l'élever au cardinalat (23 mai - 7 juin), il avait pris soin de prodiguer à Henri II les offres de service et les protestations du plus ardent dévouement: « Je supplie Votre Majesté de tenir pour chose certaine que mon plus vif désir est de donner ma vie et tout ce qui est en mon pouvoir pour son service.......... Je ne manquerai point d'avoir toujours à cœur toutes les choses qui concerneront son service............ et un jour Votre Majesté pourra s'en assurer par les effets 2. » Mais il n'y avait là que des termes vagues et généraux, sous lesquels la pensée du neveu de Paul IV se dissimulait encore, comme effrayée de sa propre audace. Assuré maintenant de l'adhésion de son oncle, il n'hésita plus.

En effet, on le voit dès lors entrer en relations suivies avec les ministres ou les représentants de la France à Rome, M. d'Avanson, ambassadeur de Henri II, et le cardinal d'Armagnac. Il avait fréquemment avec eux des conciliabules nocturnes *. Quel

1. « Quest' animo avverso dell' Imperatore, ch'era noto al Papa eziandio per la medesima instruzione del cardinal di Santa Fiora al Lottino capitatagli in mano, ulcerava naturalmente quello del Papa contra l'Imperatore. » (Pallavicino, loc. sup. citat.)

2. Lettre de Fra Carlo Carafa au Roi Très-Chrétien. Rome, 1er juin 1555. « ..... La supplico a tener per cosa certa, che io non ho pensiero che più mi stimuli di quello che tengo di spendere la vita e cio ch' è in potere mio per suo servizio..... io non mancarò d'aver sempre a cuore tutte le cose che concerneranno il servizio d'essa..... et alla giornata per gli effetti, se ne potrà chiarire.... » (Archivio Storico Italiano, tome XII, page 376.) 3. On trouve fréquemment, dans l'édition de Nores publiée par l'Archivio Storico, d'Alençon écrit au lieu de d'Avanson. C'est une erreur, comme on peut s'en convaincre par la lecture de Ribier, Lettres et Mémoires d'Estat (1666). C'est bien M. d'Avanson qui était ambassadeur à Rome en 1555. Il eut pour successeur M. de Selve.

4.« Erano osservati dai più curiosi alcuni spessi e notturni congress del Cardinal Caraffa con Monsignor d'Avanzon, ambasciatore del Rè christianissimo e col cardinale Armagnac.... » (Nores, Archivio Storico, t. XII, p. 12.) De même, dans Bromato : « Teneva frequenti e notturni congressi col signor d'Avanzon.... » (Storia di Paolo IV, lib. IX, cap. 4, page 241 du tome II, édit. de Ravenne, 1748.)

était le sujet de ces mystérieux entretiens? M. d'Avanson n'a malheureusement pas jugé à propos de le faire savoir au Roi, ou plutôt Ribier n'a pas retrouvé les dépêches, quand il a rassemblé un siècle plus tard les matériaux de son précieux recueil. Cependant on peut affirmer sans témérité qu'il était question dans ces entrevues de l'alliance entre la France et le Saint-Siège, de la formation d'une ligue pour chasser les Impériaux de l'Italie. A défaut de document original, Nores témoigne que déjà le Cardinal faisait briller aux yeux des ministres de Henri la flatteuse espérance de conquérir le royaume de Naples 1. En même temps, « il pratiquait sous main les princes italiens, il rassemblait de l'argent et des hommes et s'efforçait de se concilier le peuple de Rome..... » 2. Tout cela se faisait avec le plus grand secret. Mais il était difficile d'échapper à la surveillance soupçonneuse des ministres de l'Empereur et des nombreux partisans qu'il comptait, tant au Vatican que dans la ville. Paul IV d'ailleurs n'avait pas comme son neveu cette puissance de dissimulation qui donne à la haine un visage souriant. Cette âme fougueuse était incapable de contenir les élans de la passion. Il éclatait à tous moments en invectives menaçantes ou en récriminations 3. Le duc d'Albe, vice-roi de Naples, et don Bernardino de Mendozza, son lieutenant, attentifs à tout ce qui se passait à Rome, ne se faisaient plus aucune illusion sur les desseins de la cour pontificale. C'était bien un ennemi que l'élection du 23 mai venait de faire monter sur le trône de Saint-Pierre.

1. « Sapendo esso l'impazientissima sete che ardea ne Francesi del regno Napoletano.... volgeva tutti i pensieri a una lega con loro.... » (Pallavicino, lib. XII, cap. 14.) · · Et dans Nores : « Mostrando la facilità e utilità dell' impresa, e le certe speranze di racquistare per queste vie il Regno di Napoli.» (Archivio Storico, tome XII, p. 11.)

2. Nores, loc. sup. cit. : « Si cominciarono a tentar gli animi de' principi italiani, a far provisione di danari e d'uomini, a procurare d'acquistarsi il popolo di Roma.....

>>

3. « E'l Papa stesso, con querele et con minaccie alle quali prorompeva con inconsiderata facilità,.. eccitava i sospetti..... » (Nores, loc. sup. cit., p. 12.)

[ocr errors]

CHAPITRE V

SYMPTÔMES DE RUPTURE ENTRE LE SAINT-SIÈGE ET L'ESPAGNE

[ocr errors]

[ocr errors]

Incident des galères. — Imprudences des impériaux. Colère de Paul IV. - Intrigues du Cardinal pour empêcher un accommodement. Disgrâce des Sforza. Arrestation du cardinal Santa-Fiora. Confiscation des biens de la famille Colonna. Le triumvirat des frères Carafa. Nouvelles mesures de rigueur ou de défense dans Rome.

On était à Rome et à Naples dans cet état de malaise et d'inquiétude qui n'est plus la paix sans être encore la guerre, quand se produisit un événement dont on eût considéré l'importance comme secondaire en des temps moins troublés, mais auquel les circonstances donnèrent bien vite un caractère d'exceptionnelle gravité.

Carlo Sforza, prieur de Lombardie et frère du cardinal SantaFiora, camerlingue 1, avait été pendant longtemps au service de Henri II, avec trois galères qui lui appartenaient. Après la prise de Sienne, il passa aux Impériaux, pour suivre l'exemple de ses frères. Le roi de France fit aussitôt mettre les galères du traître sous séquestre. Vers le commencement du pontificat de Paul IV, deux de ces galères se trouvant dans le port de Civita-Vecchia, Carlo Sforza jugea l'occasion favorable pour les recouvrer 2. Il s'ouvrit de son projet à deux de ses frères, Alessandro et Mario Sforza, qui promirent de l'aider. En effet, vers le 6 août, ils se rendirent à Civita-Vecchia avec une troupe d'hommes armés. Le commandant des galères, Nicolo Alamanni commit l'imprudence

1. On appelle camerlingue le cardinal qui, après la mort d'un pontife, exerce en quelque sorte l'intérim de la papauté, en attendant l'élection d'un nouveau Pape.

2. Tous les détails qui suivent sur cette affaire des galères sont empruntés à Nores, Guerra degli Spagnuoli contro Papa Paolo IV (Archivio Storico Italiano, tome XII, p. 12 et sq.).

de les recevoir à son bord. Les Sforza en profitèrent pour s'emparer des deux bâtiments. Le coup fait, ils voulurent gagner le large. Mais un certain Pietro Capuano, qui commandait la place de Civita-Vecchia, conçut quelque soupçon et refusa de les laisser sortir du port'. Ils envoyèrent alors un courrier à leur frère, le cardinal Santa-Fiora, pour le mettre au courant de la situation et implorer son aide. Celui-ci, par l'intermédiaire de son secrétaire Lottino, obtint du comte de Montorio, frère du cardinal Carafa, une lettre ordonnant au commandant de Civita-Vecchia de laisser partir librement les galères, qui firent voile aussitôt vers Gaëte, puis vers Naples.

Tout allait bien jusque-là. C'était un de ces coups d'audace coutumiers aux membres de cette turbulente famille des Sforza. Ces parents de Paul III se croyaient tout permis, parce que l'indulgente faiblesse des deux derniers pontifes leur avait tout pardonné. Un d'eux n'avait-il pas, un an auparavant, tué dans Rome, en plein jour, des agents du fisc 2? Le crime était resté impuni. Mais c'était bien mal connaître Paul IV que le supposer capable de tolérer encore de pareilles offenses. Fort du sentiment des droits absolus du pape, comme prince temporel auss bien que comme chef spirituel de la chrétienté, tier et inflexible comme l'avait été Jules II, il avait apporté au pouvoir la ferme résolution de réagir contre la politique funeste de Jules III. II voulait plier à l'obéissance tous ces seigneurs indociles et remuants, dont les violences étaient un fléau pour l'Etat ecclésiastique en même temps qu'elles étaient une insulte pour l'autorité pontificale. Entre tous, les Sforza lui étaient odieux, à cause de l'attitude hostile du cardinal Santa-Fiora, chef de la famille, soit dans le conclave, soit après l'élection 3.

Aussi sa colère fut-elle sans bornes en apprenant le nouvel attentat dont ils venaient de se rendre coupables, l'enlèvement de galères portant le pavillon du roi de France. Le comte de Montorio, qui avait donné la lettre pour le commandant de

1. Cela était d'autant plus facile que, à Civita-Vecchia, l'entrée et la sortie du port sont commandées par une citadelle qui certainement devait exister déjà du temps de Paul IV.

3. ....

2. « Les grandes offenses que ceux de Sainte-Fleur avaient faites contre Sa Sainteté, tant d'avoir depuis un an en ça assassiné au milieu de Rome les thrésoriers..... » (Ribier, tome II, p. 617: Mémoire de M. de Lansac au roi.) Paolo IV avea prese le redine del governo con proponimento di frenare e la licenza detestata de baroni in universale, e di questi in particolare; contra i quali rendevalo insensibilmente più avverso la notizia delle opposizioni a se fatte dal camerlingo.... » (Pallavicino, Storia del concilio, lib. XIII, cap. 14., Milan, 1745.)

4. Cette lettre devait plus tard fournir au procureur fiscal un des chefs

« ÖncekiDevam »