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Il est difficile de s'arrêter sur la voie de la répression. Le plus souvent, une première rigueur en entraîne d'autres à sa suite. Il est bien rare qu'on puisse mesurer sagement l'emploi de la force et le resteindre aux nécessités qui le rendent parfois légitime. L'arrestation du cardinal Santa-Fiora devait être le signal de nouvelles violences contre les chefs de la faction impérialiste. Le pape, en effet, n'avait plus, pour ajourner l'explosion de son ressentiment, les mêmes motifs qu'au lendemain du conciliabule séditieux tenu la nuit chez les Sforza. Il pouvait maintenant châtier sans crainte tous ces rebelles qui avaient osé le braver. Dès le 15 août, en effet, le Cardinal, saisissant avec joie l'occasion que lui fournissaient les imprudentes provocations des partisans de l'Empereur, avait expédié en diligence un de ses agents, le capitaine Lorenzo Guasconi, au duc d'Urbin, général des milices de l'Eglise, pour lui faire connaître la situation et lui commander de lever immédiatement cinq ou six mille hommes d'infanterie, ainsi qu'un corps de cavalerie aussi nombreux que possible. Le duc devait se tenir prêt à accourir à Rome dès le premier signal '. Sûr désormais de pouvoir appuyer sur une force militaire imposante la répression sévère qu'il méditait, Paul IV n'hésita plus à frapper impitoyablement tous ces seigneurs dévoués à l'Espagne, dont les rébellions et l'orgueil intraitable étaient à la fois un danger et un outrage pour le Saint-Siège. Il est probable qu'en cette occasion le pontife croyait très sincèrement agir dans l'intérêt de la papauté, en réprimant la turbulence de ces grands vassaux rendus plus audacieux que jamais par l'appui déclaré de l'Empereur et la faiblesse de Jules III. Quant au cardinal Carafa, l'intérêt du Siège apostolique le touchait peu. Il avait une bien autre ambition que de raffermir l'autorité pontificale ébranlée. Mais il exploitait avec son habileté ordinaire le désir de réformes 2 dont était possédé son oncle afin de l'entraîner plus facilement dans les voies où il voulait l'engager.

C'est sur les Colonna que s'abattit cette fois la colère du pape.

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1. « Nostro Signore mi ha commesso che io spedisca in diligenza a V. E. acciochè ella stia apparecchiata di poter venire in persona, e spingere in qua cinque o sei mila fanti, e più cavalli che ella potrà, al primo avviso....» (Lettre du Cardinal au duc d'Urbin, Rome, 15 août 1555.) Si manda V. S. a far intendere a sua Ecc., che stia in punto per poter venire con sei mila fanti e trecento cavalli subito che se gli manderanno i danari.... » (Instruction du Cardinal au capitaine Lorenzo Guasconi, Rome, même date. Cf. Della Casa, tome II, p. 19, 20.)

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2. « Paolo IV, risoluto d'abbassare la superbia e il soverchio ardire dei Baroni Romani, e di quelli principalmente che seguitavano le parti imperiali.... » (Nores, Archiv. Stor. Ital., t. XII, p. 21.)

Cette riche et puissante famille avait eu, comme celle des Sforza, maints démêlés avec les prédécesseurs de Paul IV. L'indomptable orgueil de la vieille race gibeline s'obstinait depuis plus de deux siècles et demi à ne pas vouloir s'incliner devant la majesté du successeur de saint Pierre. Le soufflet donné par un des leurs à Boniface VIII était encore pour eux eux un titre de noblesse. Ascanio Colonna avait fait une guerre ouverte à Paul III. Vaincu par Pier Luigi Farnese dans plusieurs rencontres, il avait perdu tous ses biens. Mais, à la mort du pontife, il les recouvra par la force des armes, en dépit de la confiscation dont ils étaient frappés. Jules III n'osa pas l'inquiéter. Il profita de cette faiblesse pour accomplir un exploit analogue à celui par lequel les Sforza s'étaient déjà signalés quelque temps auparavant. Deux citoyens de Rome, auxquels il devait une forte somme d'argent, lui avaient intenté un procès en restitution devant le tribunal de la Chambre apostolique. Ascanio commença par maltraiter l'huissier envoyé pour lui signifier les poursuites dont il était l'objet. Puis il fit brûler des maisons que ses créanciers possédaient à Nettuno, et enfin il expédia à Rome des émissaires pour les assassiner 1. Cette fois, la patience craintive de Jules III fut poussée à bout. Il renouvela contre Ascanio le décret de confiscation déjà porté par Paul III. Ascanio avait un fils, avec lequel il vivait en fort mauvaise intelligence, Marc' Antonio. Pendant que les troupes pontificales s'apprêtent à exécuter la sentence lancée par le pape, ce jeune homme les devance, lève à la hâte quelques bandes d'aventuriers, s'empare de gré ou de force des châteaux de son père, le dépouille de son Etat, le chasse et s'y installe en maître. Jules III est trop heureux de saisir le prétexte de cette révolution subite pour abandonner cette belliqueuse entreprise, qu'il n'avait abordée qu'à contre-cœur. Marcel II, son successeur, n'eut pas le temps de régler l'affaire, toujours pendante, de la confiscation des biens des Colonna. Paul IV n'hésita pas à la reprendre 2.

Dans la nuit même qui suivit l'arrestation du cardinal SantaFiora, on fit prisonnier à Cavi Camillo Colonna, sur un ordre venu du Vatican. Il fut aussitôt amené à Rome et enfermé au château Saint-Ange, pour y expier les paroles séditieuses pro

1. Cf. Nores, Archiv. Stor. Ital., t. XII, p. 21. On insiste à dessein sur ces détails, parce qu'ils donnent bien le caractère des mœurs du temps. 2. Bromato reproche encore d'autres méfaits aux Colonna. Sous Jules II, le cardinal Pompeo avait provoqué un soulèvement du peuple de Rome et cherché à s'emparer du château Saint-Ange. Sous Clément VII, Ascanio avait pris part au sac de Rome. (Cf. Storia di Paolo IV, lib. IX, cap. VII.)

noncées lors du conciliabule des Sforza. Ascanio fut sommé de comparaître par-devant la Chambre apostolique pour y rendre compte de sa conduite. Il ne vint pas. Quant à Marc Antonio qui se trouvait alors à Rome, on lui intima défense expresse, sous les peines les plus graves, de quitter la ville. Il réussit à s'enfuir et à se retirer dans un de ses châteaux, Paliano, où il se prépara aussitôt à soutenir un siège. Le pape en profita pour renouveler les condamnations déjà prononcées contre les Colonna, comme sujets rebelles. Un des frères du cardinal Carafa, le comte de Montorio, fut envoyé avec une troupe d'hommes armés pour chasser Marc' Antonio. Il parvint à s'emparer de Paliano, qu'il démantela. Enfin, pour rendre plus complète la disgrâce des Colonna, la mère de Marc' Antonio, Jeanne, de la maison d'Aragon, et sa femme, sœur du duc de Bracciano, reçurent l'ordre de ne point sortir de leur palais et de fournir à titre de caution une grosse somme d'argent '.

C'était donc la ruine totale de cette famille que l'on voulait au Vatican. On ne comprendrait pas cet acharnement de la part de Paul IV, si l'on ne savait qu'il fut en cette occasion l'instrument de l'ambition de son neveu. On se rappelle que le Cardinal était le cadet des trois fils du comte Alfonso di Montorio. A la mort de leur père, don Giovanni, le premier-né de la famille, avait hérité du titre de comte de Montorio, en vertu du droit d'aînesse, ce qui lui avait permis de faire un brillant mariage. Sa femme, réservée aux tragiques aventures que l'on verra plus tard, était donna Violante, de la maison d'Aliffe. Il eut d'elle deux enfants, un fils et une fille. Le comte de Montorio avait des biens dans le royaume de Naples. Dans les premiers temps de son pontificat, son oncle l'avait tenu à l'écart, comme suspect de quelque sympathie pour les Espagnols. Sa conduite dans l'affaire des galères avait paru louche. Ce n'était point sans peine qu'il était parvenu à effacer la fâcheuse impression produite par la lettre où, cédant aux instances de Lottino, le secrétaire de Santa-Fiora, il avait ordonné au commandant de CivitaVecchia de laisser sortir du port les bâtiments capturés par les Sforza. Mais il s'était disculpé, en affirmant que Lottino l'avait trompé. Depuis, un rapprochement avait eu lieu. Le comte avait bientôt compris que l'intérêt de sa fortune exigeait qu'il s'efforçât de mériter la faveur du pontife. Il était donc ou affectait d'être devenu violent ennemi des Impériaux. Il avait immédiatement recueilli le prix de son habileté : le pape lui témoignait beaucoup d'affection. Le second des Carafa, Antonio était

1. Cf. Nores, Archiv. Stor. Ital., t. XII, p. 22.

connu pour son caractère violent et querelleur. Il avait deux fils de sa première femme, Alfonso, né en 1541, et Giovan Pietro. Don Giovanni et don Antonio n'avaient pas vu sans jalousie la faveur éclatante accordée par Paul IV à leur cadet, Carlo. Mais il avait bien fallu se résoudre à cette élévation et chercher, tout en maugréant, à en tirer le meilleur parti possible. Bien qu'au fond il n'y eût pas de sympathie réelle entre les trois frères, l'intérêt les unissait trop étroitement pour qu'ils ne se fussent pas d'un commun accord interdit toute discussion. Des querelles, des divisions pouvaient leur faire perdre cette indulgente tendresse de leur oncle, sur laquelle les deux aînés, aussi bien que le Cardinal, fondaient les plus ambitieuses espérances. D'ailleurs, à défaut d'affection mutuelle, ils avaient l'esprit de famille qui resserrait encore le lien de l'intérêt. Tous trois, ils voulaient élever leur maison à quelque haut degré de richesse et de puissance. De sorte que leurs ambitions particulières n'étaient point rivales. Elles se confondaient, s'appuyaient l'une l'autre; chacun d'eux croyait avec raison servir ses propres intérêts en travaillant à la fortune commune. Si les deux aînés avaient besoin de la faveur du Cardinal, de sa haute intelligence et de son habileté, à laquelle ils ne pouvaient s'empêcher de rendre hommage, celui-ci de son côté était heureux de pouvoir trouver aide et appui dans ses frères, comprenant bien qu'il ne rencontrerait jamais confidents plus discrets et plus sûrs. Ainsi se forma ce redoutable triumvirat fraternel qui pendant plus de trois ans allait tout faire plier devant lui et diriger la politique du Saint-Siège.

L'affaire des Colonna fut l'occasion choisie par le Cardinal pour donner à ses frères un gage de son dévouement. Peut-être aussi pensait-il à se faire pardonner cette élévation rapide, qui les offusquait, et cimenter par là le pacte d'union. Il fut donc décidé qu'on devait cette fois travailler au profit du comte de Montorio et que le Cardinal allait mettre en jeu toute son influence pour enrichir son aîné des dépouilles des Colonna. Le tour d'Antonio viendrait ensuite. On confisquerait bien encore à son profit les biens de quelque riche seigneur, partisan de l'Espagne. Le Cardinal était bon prince et cadet respectueux. Il voulait faire la part de ses aînés, avant la sienne. Sans doute il se disait qu'il fallait jeter quelque hochet à ces ambitions vulgaires et impatientes.

Lui, se réservait l'avenir. Déjà, l'idée qu'il pourrait peut-être un jour recueillir la succession de son oncle commençait à s'agiter vaguement dans les profondeurs de sa pensée. Il rêvait, à ce qu'il semble, d'assurer son élection lors du prochain conclave, en remplissant le Sacré-Collège de cardinaux à sa dévotion:

Flatteuse chimère, dont bien des neveux de pape ont connu, comme lui, l'irrésistible et décevante séduction!

Aussi n'hésita-t-il pas à tenir la promesse qu'il avait faite à ses frères. La ruine des Colonna fut complète. Ils ne possédaient plus un château, plus un pouce de terre. Les Carafa poussèrent l'avidité jusqu'à réclamer à l'ambassadeur impérial trois fiefs que Marc' Antonio lui avait confiés en dépôt 1. Il ne restait plus qu'à faire recueillir au comte de Montorio les bénéfices de cette immense spoliation. Le Cardinal jeta aussitôt dans l'esprit du pape l'idée de conférer à l'aîné de ses neveux l'investiture de l'Etat mis sous séquestre. Il eut soin de faire valoir que le SaintSiège trouverait ainsi un vaillant défenseur contre ses dangereux voisins de Naples, et d'insinuer discrètement que le pontife se prémunirait en même temps contre le péril d'un retour du comte de Montorio, aux sympathies qui lui étaient autrefois attribuées. On verra dans peu le succès de cette tactique.

Cependant les représailles de Paul IV, inaugurées avec éclat par l'emprisonnement du Cardinal Santa-Fiora et la confiscation des biens des Colonna, continuaient à s'exercer contre les principaux membres du parti impérialiste à Rome. Giuliano Cesarini et Ascanio della Cornia reçurent l'ordre de ne pas quitter la ville sous les peines les plus graves. Le comte de Popoli, gouverneur général de l'Eglise, était privé de sa charge, bien qu'il fût le fils d'une sœur de Paul IV, parce qu'on le savait dévoué à l'Espagne. Le lieutenant de la garde pontificale, Muzio Tutavilla, et huit camériers appartenant aux plus illustres familles, étaient congédiés, pour ce seul motif qu'ils possédaient des biens dans le royaume de Naples 2. Le cardinal Santa-Fiora détenait, comme tuteur de Paolo Giordano Orsino, la forteresse de Bracciano, non loin de Rome. Les Carafa jugèrent prudent de s'assurer de cette place. Un jour done, le Cardinal et le comte de Montorio allèrent trouver Santa-Fiora dans sa prison du château Saint-Ange et lui extorquèrent l'ordre de livrer la forteresse. Enfin, pour s'affranchir de la crainte d'un soulèvement dans Rome, ils firent rendre par le pape un décret ordonnant à tous les citoyens d'apporter leurs armes au château Saint-Ange. Il n'y eut pas même d'exception à cette mesure pour les gens de la suite des ambassadeurs 3. Le terrain étant déblayé de tout obstacle, le Cardinal pouvait de nouveau consacrer ses soins aux négociations avec la France.

1. Nores, Archiv. Stor. Ital., t. XII, p. 22.

2. « Non per altro che per essere per lo più del Regno di Napoli, e possedervi alcuni beni.... » (Nores, op. cit., p. 23.)

3. «Ordinarono che ognuno posasse l'armi e le portasse in Castello; non permettendole neppure agli stessi ambasciatori.... » (Nores, op. cit., p. 22.)

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