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du Saint-Siège. Depuis trente ans en effet, la puissance espagnole n'avait cessé de grandir en Italie. Naples et Milan étaient entre les mains du maître de l'Espagne, des Pays-Bas et de l'Allemagne. Avec beaucoup plus de forces réelles, Charles-Quint avait autant d'ambition et de talents que Frédéric II. Le temps n'était-il pas venu d'arrêter ce flot redoutable qui, battant déjà l'Etat ecclésiastique au nord et au sud, menaçait de tout submerger? Le nouveau pontife ne pouvait hésiter. L'intérêt du Saint-Siège s'ajoutait aux sollicitations de sa nature vindicative; la politique était d'accord avec le ressentiment.

Ses biographes, entraînés par le zèle aveugle des panégyristes, commettent donc une erreur en affirmant qu'il ne prenait possession de la tiare qu'avec les intentions les plus pacifiques. Cette erreur se double d'une injustice, quand ils dénoncent le Cardinal comme étant seul responsable de la rupture avec les Impériaux. Certes l'intérêt de son ambition la lui faisait désirer ardemment, certes il travailla de toutes ses forces et par tous les moyens à la rendre inévitable. Mais il est évident aussi que l'oncle et le neveu, unis par une commune haine, étaient d'accord, sinon sur le but de la guerre, puisque l'un songeait surtout à sauvegarder le Saint-Siège et l'autre à fonder sa fortune, du moins sur la nécessité d'une alliance avec la France, qui seule donnait des chances de succès à cette audacieuse entreprise d'une lutte contre le puissant Empereur 2.

En effet, dès ce mois d'août 1555, rempli, comme on l'a vu, par l'incident des galères, Paul IV se décida à intervenir per

1. Dans la mesure que nous avons essayé d'indiquer, c'est-à-dire en subordonnant toujours la question de l'indépendance italienne à celle de la prépondérance pontificale, Paul IV fut certainement un pape patriote, comme Jules II, et d'un patriotisme peut-être plus pur et plus élevé que ce dernier, dont on sait la conduite à l'égard de Venise. Il aimait l'Italie telle qu'il l'avait vue avant la rivalité des Français et des Espagnols. « Il parlait de l'Italie d'autrefois, harmonieux instrument composé de quatre cordes, le Saint-Siège, Venise, le royaume de Naples et l'État de Milan. »> (Navagero, Relaz. Venet., série II, t. III, page 389.)

2. Un texte important de Navagero confirme encore cette opinion et montre en même temps que, si le Pape était disposé à s'appuyer sur les Français, il n'entendait pas le moins du monde leur livrer la Péninsule : << Dimostrò il Papa inclinazione alla guerra.... sollicitando come ha fatto, la serenità vostra, offerendole la Sicilia..... mostrando che i figliuoli del Rè (che si disegnavano fare, l'uno Duca di Milano, l'altro Rè di Napoli) sarebbero in poco tempo italiani, e che quando si volesse, sarebbe facil cosa il cacciarli e liberarsene; perche dalla esperienza delle cose passate, si aveva conosciuto che i Francesi non sapevano ne potevano lungamente fermarsi in Italia; il che non fa la nazione Spagnuola, che è come la gramigna, che dove si attaca, sta ferma..... » (Navagero, Relaz. Venet., série II, tome II, pag. 392.)

sonnellement dans les négociations que le Cardinal avait entamées sous main avec les ministres de Henri II. C'était là une grave résolution. Tant que son neveu s'était mis seul en avant, le pape pouvait sans peine, si les circonstances l'exigeaient, désavouer ces menées et, en donnant cette facile satisfaction aux Impériaux, éviter ou ajourner un conflit. Tout changeait, du jour où il s'engageait lui-même; car dès lors il devenait impossible de reculer, sous peine de compromettre la majesté du Saint-Siège. Il est certain que le Cardinal ne fut pas étranger à cette détermination . Il y trouvait ce double avantage de donner au roi de France un gage de sa sincérité et une preuve éclatante de l'empire qu'il exerçait sur l'esprit de son oncle. Du même coup, il pourvoyait à sa sécurité personnelle. Car il était trop habile pour ne pas comprendre que, si quelque rapprochement imprévu avait lieu entre Paul IV et les Impériaux, il serait la victime expiatoire réclamée par ces derniers. Son intérêt exigeait donc qu'il cherchât à compromettre le pape. Il y parvint sans peine.

C'est dans un Mémoire de notre ambassadeur, adressé de Rome à Henri II, le 28 août 1555, qu'on voit pour la première fois Paul IV aborder ouvertement le projet d'alliance entre le Saint-Siège et la France 2. M. de Lansac raconte au roi un entretien qu'il vient d'avoir avec le pape. Celui-ci s'est plaint amèrement « de la mauvaise volonté que lui portent l'Empereur et ses ministres ». Il a déclaré qu'il avait été contraint de s'armer, mais que « néantmoins il connoissoit ses forces trop foibles pour y résister, si ce n'estoit la confiance qu'il a en Dieu, et après en sa dite Majesté, de laquelle il a toute assurance tant pour sa bonté que pour l'exemple de ses prédécesseurs, qui toujours ont été fauteurs et conservateurs de ce Saint-Siège... » Le pontife souhaite « que l'on recherche par quelque bonne voye la Seigneurie de Venise d'entrer en ligue avec le Roy». Et, pour mieux s'assurer le concours de la République, il propose de lui offrir « bonne part des conquêtes qui se pourroient faire en la commune guerre, comme le royaume de Sicile, qui est grandement désiré d'elle. »>

C'en était donc fait: Paul IV affirmait avec éclat sa résolution d'entamer la lutte et plaçait le Saint-Siège sous la protection de Henri II. On remarquera que le langage tenu par le pontife

1. Cf. Ribier, tome II, p. 617, lettre de M. de Lansac à Henri II (28 août 1555): « J'ai trouvé ledit cardinal en bonne volonté, et m'a dit que tout ce qu'il a fait jusques icy n'a esté que pour réduire le pape en ces termes et le mettre du tout entre les bras et dévotion de Sa Majesté... 2. Cf. Ribier, tome II, page 615.

dans cette entrevue décisive avec l'ambassadeur de France indique non pas une de ces déterminations subites auxquelles la colère a plus de part que la réflexion, mais un projet lentement mûri. Le plan de l'alliance, ses conditions, son but, les moyens de mener à bien cette grande entreprise, tout cela est exposé d'une manière nette et logique. On en peut conclure que cette pensée était déjà familière à l'esprit de Paul IV. Non seu lement le pape, moins de trois mois après son avènement, était manifestement résolu à faire la guerre, mais encore il avait déjà à cette époque élaboré tout le plan de la coalition destinée à chasser les Impériaux de l'Italie. On reconnaîtra que le témoignage si précis de M. de Lansac enlève toute valeur aux affirmations du Père Caracciolo.

Il faut dire du reste que tout le monde travaillait, autour de Paul IV, à l'engager irrévocablement dans cette voie. Les ministres de Henri II, comprenant l'utilité que leur maître pourrait tirer de l'appui moral et même de l'assistance matérielle du Saint-Siège, ne négligeaient aucune occasion de faire valoir aux yeux du pape tout le prix d'une alliance avec la France. « Ils s'efforçaient, dit Nores 1, de le décider à la guerre..... ils lui promettaient protection et assistance, ils l'encourageaient par la promesse d'une union fidèle et indissoluble... » Ils obtenaient du roi une somme de cinquante mille écus, destinée à subvenir aux charges du trésor pontifical. Ils offraient de mettre à la disposition du Vatican douze enseignes d'infanterie tirées de la Corse, la cavalerie qui se trouvait à Parme et à la Mirandole, ainsi que les troupes qui séjournaient à Avignon sous le commandement de M. de Termes 2. Enfin une pension adroitement accordée vers la même époque au cardinal Carafa, sur la proposition du connétable de Montmorency 3, stimulait encore le zèle du plus ardent promoteur de l'alliance française. Il était bien difficile que le pape ne se décidât pas enfin à intervenir.

1. Archiv. Stor. Ital., t. XII, pag. 23.

2. Cf. Loc. ant. cit.

3. Cf. Docum. inéd., à la fin du volume, n° 11. On lira avec intérêt la lettre de remerciement adressée par le Cardinal au connétable, ainsi que ses protestations de dévouement. S'il faut en croire Navagero, toujours si bien informé, la pension du Cardinal s'élevait à peu près à cinq mille ducats. L'abbaye de Mozzo, dans le Frioul, lui en rapportait 1200 par an. Le pape lui avait assigné sur les revenus de l'Église une pension mensuelle de 500 ducats. Enfin la légation de Bologne, que Paul IV lui avait accordée dès les premiers temps de son pontificat, lui assurait une rente annuelle de 8000 ducats. L'ambassadeur vénitien estime qu'il recevait beaucoup plus encore en présents. (Navagero, Relaz. Venete, série II, vol. III, p. 384, 385.)

CHAPITRE VII

PROJET DE LIGUE OFFENSIVE ET DÉFENSIVE ENTRE
LE SAINT-SIÈGE, LA FRANCE ET FERRARE

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Ce fut une grande joie pour le Cardinal de voir son oncle engager enfin ouvertement les négociations avec la France et s'interdire par une démarche décisive tout retour aux idées de paix et de concorde. Il en profita aussitôt pour travailler avec son activité ordinaire à la conclusion de la ligue.

M. de Lansac venait de quitter Rome dans les premiers jours de septembre 1. On ne sait de quelles commissions Carafa l'avait chargé pour la cour de Henri II. Il n'est pas probable cependant qu'il l'ait laissé partir sans instructions 2. M. de Lansac était

1. Il partit entre le 4 et le 7 septembre, comme le prouvent deux lettres du Cardinal publiées au tome XII de l'Archivio Storico Italiano, parmi les documents qui servent de commentaires au texte de Nores. Dans la première, datée du 4 septembre, le Cardinal dit au connétable de Montmo. rency qu'il profite pour lui écrire de l'occasion du départ de M. de Lansac (l'occasione del ritorno di Monsignor Lansach). Dans la seconde, adressée à Henri II et datée du 7 septembre, il commence par ces mots, indiquant bien qu'au moment où il écrit l'ambassadeur a quitté Rome : « Sire, Mgr de Lansac doit avoir dit à Votre Majesté..... >>

2. Cette conjecture est confirmée par une pièce qui se trouve au nombre des documents dont on vient de parler. C'est une lettre du Cardinal au roi, datée du 4 septembre, comme la lettre à Montmorency, et qui fut évidemment portée aussi à Paris par Lansac. Il est assez naturel de penser que, en remettant ces dépêches à un homme aussi important que l'ambassadeur de Henri II, le Cardinal lui confiait aussi le soin de les commenter.

depuis longtemps dejà acquis au projet d'alliance entre son maître et le Saint-Père. Le Cardinal s'en remit sans doute à ce fidèle confident du soin de sonder l'esprit du roi et de ses principaux conseillers.

Quoi qu'il en soit, il ne crut pas devoir s'en rapporter au seul zèle de M. de Lansac, car, une semaine s'était à peine écoulée depuis son départ, qu'il jugeait à propos d'agir directement auprès de Henri II. Telle était l'impatience de son ambition qu'il ne pouvait attendre le résultat de la première démarche pour en entamer une seconde; mais il savait que cette grande hâte ne pouvait nuire au succès de la négociation, car on avait à Paris, aussi bien qu'à Rome, trop d'intérêt à la voir aboutir, pour qu'on ne lui pardonnât pas aisément de s'affranchir des lenteurs ordinaires de la diplomatie.

Au nombre de ces bannis, ennemis acharnés des Impériaux, qu'on a vus accourir de tous les points de l'Italie auprès du neveu de Paul IV, il y avait un jeune homme intelligent et actif, nommé Annibale Rucellai, qui s'était rapidement acquis la confidence du Cardinal. Il était Florentin, d'une très noble famille 1, et neveu de ce Giovanni della Casa, prêtre mondain de l'école de Bembo, qui eût été digne par son esprit et ses talents littéraires de figurer à la cour élégante de Léon X 2. Le Cardinal résolut de confier à ce serviteur dévoué une importante mission auprès de Henri II.

Rucellai partit de Rome le 14 septembre 1555. Il était porteur de trois documents 3, rédigés sous l'inspiration directe de Carafa par della Casa et dont le texte a été heureusement consigné dans la partie des œuvres de cet écrivain intitulée Instructions et lettres au nom du cardinal Carafa. » La première pièce porte pour titre : Instruction donnée au seigneur Annibale Rucellai pour la France; la seconde : Mémorial donné au seigneur Annibale Rucellai pour la France. La troisième est une copie

1. On voit encore à Santa Maria Novella, près de l'admirable chœur peint à fresque par Ghirlandajo, une chapelle dite des Rucellai.

2. Il aurait obtenu le chapeau, grâce à la faveur du Cardinal, si quelquesuns de ses ennemis ne l'avaient dénoncé à Paul IV comme auteur de certains vers licencieux qui avaient couru dans Rome. Les principales éditions de Giovanni della Casa sont celles de Naples, 1733, de Venise, 1752, et de Milan, 1806.

3. On ne parle pas ici bien entendu des lettres de recommandation qui lui étaient données en même temps. On trouvera le texte de quelquesunes à la fin du volume, parmi les Docum. inédits no 11, 12, 13, 14. On remarquera que, dans la lettre au nonce de France, le Cardinal cache soigneusement l'objet de la mission de son agent. Rucellai, dit-il, ne vient en France que pour ses affaires particulières, « negotj privati.

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