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ment, qu'ils en faisoient leur Dieu : C'est | remarque fort bien S. Bernard, faisant un mot d'avertissement au pape Eugene : Nostre-Seigneur souverain pontife, et chef du college apostolique, luy dit-il, ne se mesloit jamais des choses requises pour son entretien temporel, n'y pour celuy de ses apostres, et partant il falloit qu'il eust quelqu'un qui prist ce soin; c'est pourquoy il choisit Judas, mais ce miserable ne s'y comporta pas en œconome fidelle, ains en

une façon de parler de l'Escriture saincte. L'avaricieux fait son Dieu de son or et de son argent, et le voluptueux de son ventre: Quorum Deus venter est (1), dit S. Paul. Certes, il y a bien de la difference entre boire du vin et s'enyvrer, et entre user des richesses ou les adorer. Celuy qui boit du vin ce qu'il faut seulement pour sa necessité, ne fait point de mal; mais celui qui en prend avec tel excez, qu'il vient à s'eny-larron et avaricieux; ce qui fut cause que vrer, offense Dieu mortellement: de mesme il y a aussi bien de la difference entre user des richesses, ou en faire son idole; car en user comme il faut selon son estat et condition, c'est une chose permise: mais d'y engager par trop son cœur et son affection, en sorte qu'on vienne à en abuser, c'est une chose digne de condamnation. En un mot, il y a bien de la difference entre voir et regarder les choses de ce monde, ou en vouloir jouyr comme si en icelles consistoit nostre félicité: le premier est licite, mais le dernier est deffendu.

d'apostre qu'il estoit, il devint apostat, vendant son divin Maistre pour amasser de l'argent.

Tous les SS. Peres condamnent grandement cette faute, quoy qu'il y en ait quelques-uns qui disent, que Judas ne pensoit point, en vendant Nostre-Seigneur, le livrer à la mort; car bien que les Juifs l'achetassent pour le faire mourir, si est-ce (disent-ils) que ce miserable croyoit qu'il feroit un miracle pour se delivrer de leurs mains, et qu'il ne mouroit point. Mais il est néantmoins veritable que Judas est Le traistre Judas (pour ne parler que convaincu de la plus grande perfidie et trade luy, et laisser le mauvais riche) estoit hison qui se puisse jamais imaginer, et il grandement cupide d'amasser de l'argent; n'est nullement excusable, comme Nostrenon seulement pour ce qui estoit requis à Seigneur mesme le fit voir, parlant de luy l'entretenement de Nostre-Seigneur et de en la cene, quoy que courtement : Amen, ses a postres; car pour cela il falloit peu amen dico vobis, quia unus ex vobis de choses, d'autant que Nostre-Seigneur tradet me: En verité, je vous dit qu'un establissoit son apostolat sur la pauvreté, d'entre vous me trahira. Mais qui sera ceet devcit envoyer ses apostres prescher luy d'entre les apostres qui trahira son Seison Evangile, avec deffense de ne porter gneur; c'est celui qui garde la bourse, et ny bourse, ny besace, ny baston, et qu'ils qui pour la remplir d'argent par avarice le ne fissent aucune provision pour le lende- livrera à la mort. Or estre avaricieux en la main; mais qu'ils se confiassent à leur Pere vie religieuse et apostolique, c'est vendre celeste, qui les nourriroit parsa providence, Nostre-Seigneur, comme Judas; et l'avaparce que le noviciat des apostres, et tout rice est la plus grande tare et le plus le reste de leur vie, devoit estre fondé sur grand vice qui puisse estre en un ecclesiascelte beatitude: Beati pauperes spi-tique, ou religieux, mais specialement en ritu (2), Bienheureux sont les pauvres d'es-un religieux, d'autant qu'elle est entiereprit. Mais comme les apostres ne devoient ment contraire à sa profession. Passons au estre envoyez qu'après qu'ils auroient re-troisiesme point ceu le Saint-Esprit, et qu'ils vivoient tous Il y en a plusieurs qui demandent quelle ensemble avec Nostre-Seigneur, il leur a esté la cause de la cheute de Judas: cerpermettoit bien d'avoir quelque petite chose tes, c'est une chose tres-difficile a dire que en commun, pour subvenir à la necessité le commencement de la cheute des pesjournalière, non point en particulier, et cheurs; il est quasi impossible de sçavoir vouloit que l'un d'eux portast la bourse, et comment ils ont commencé à deschoir de eust soin de la depence; car luy qui estoit la grace; mais c'est pourtant chose tresle parfait modelle de toute saincteté, ne se asseurée, comme disent les theologiens, vouloit point mesler de cela. C'est ce que que ce n'est pas que la grace suffisante leur (i) Philipp 11. (2) Matth. ▼ ayt jamais manqué, mais que c'est eux qui

ont manqué à la grace; mais de scavoir comme ils ont commencé de manquer à la grace, c'est une chose bien difficile. Quelques-uns des anciens peres disent, que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement ou une inspiration, et quoy que ce rejet ne soit souvent qu'un peché veniel, qui ne nous oste pas la grace, neantmoins par ce peché veniel, nous amoindrissons la ferveur de la charité, et empeschons le cours et progrez de la grace, en sorte que l'ame s'affoiblit contre les vices, et aujourd'hui que nous avons manqué à la grace luy refusant nostre consentement, en commettant ce peché veniel, nous nous disposons pour en commettre bien-tost un autre, et ainsi par la multitude des pechez veniels, nous venons peu à peu à commettre les mortels.

O Dieu que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il soit : c'estoit ce qui faisoit dire au grand S. Bernard Marchez tousjours, et gardez bien de vous arrester en vostre chemin, mais allez tousjours plus avant; car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie, et celuy qui n'avance, il faut de necessité qu'il recule. Et le Sainct-Esprit par l'apostre nous donne cet advertissement Qui se existimat stare, videat ne cadat (1). Que celuy qui pense estre debout, prenne garde de ne point tomber. Tene quod habes; ut nemo accipiat coronam tuam (2), Tenez bien ce que vous avez, de peur qu'un autre n'emporte vostre couronne; ayez un grand soin, et travaillez incessamment, afin d'asseurer par bonnes œuvres vostre vocation: Sat agite, ut per bona opera certam vestram vocationem et electionem faciatis (3), dit le chef des apostres. Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quelque lieu et estat que nous soyons, et elever souvent nos cœurs vers la divine bonté, pour invoquer sa grace et son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant après luy par frequentes prieres et oraisons.

D'autres disent que nous tombons dans le precipice du peché, à cause des mauvaises inclinations qui sont en nous. Certes, il est vray que nous avons tous des inclinations au mal, les uns sont subjects à (1) I. Cor. x. - (2) Apoc. 1. (3) I, Petr. x.

la colere, les autres à la tristesse, d'autres à l'envie, d'autres à l'ambition et vaine gloire, d'autres à l'avarice; et si nous vivons selon ces mauvaises inclinations, il n'y a point de doute que nous nous per drons. Il y en a quelquefois qui s'excusent sur leur mauvais naturel, et qui disent qu'ils ne pourront jamais arriver à la perfection. O certes! cette excuse n'est pas bonne car la grace, pourveu que vous luy soyez fidelles, est plus forte que la nature: S. Paul avoit un naturel aspre, rude et revesche; mais la grace de Dieu se saisissant de ce naturel, le rendit après d'autant plus ferme au bien, et si constant à endurer toutes sortes de peines et de travaux, que rien ne pouvoit ebranler son courage, et d'un grand persecuteur des chrestiens qu'il estoit, il devint un grand apostre, tel que nous le voyons par après se prevaloir de la grace disant qu'il est co qu'il est par la grace de Dieu : Gratia autem Dei sum id quod sum. En somme, jamais le mauvais naturel ny les mauvaises inclinations, quand on veut les mortifier et assujettir à la raison, ne nous peuvent empescher d'arriver à la perfection de la vie chrestienne : mais quand nous vivons selon nos mauvaises inclinations, et que nous les suivons, nous nous perdons, ainsi qu'il arriva à Judas; lequel suivant l'inclination qu'il avoit à l'avarice, il se perdit.

Plusieurs recherchent la cause de la cheute de Salomon, et il y a diverses opinions sur ce subjet; mais entre toutes les raisons qu'on en rapporte, je me contenteray d'en marquer une qu'il dit à luymesme: Et omnia quæ desideraverunt oculi mei, non negavi eis : Je ne refusois jamais, dit-il, à mes yeux, de regarder tout ce qu'ils avoient desir de voir; comme s'il vouloit dire : J'estois un grand roy, tres-riche et puissant; de sorte que j'avois plusieurs choses propres à recreer ma veuë et prenois grand plaisir à regarder les magnifiques et somptueux palais qui m'appartenoient, les belles et riches tapisseries, et la varieté des vestemens precieux; bref, je ne refusois point à mes yeux de voir tout ce qu'ils desiroient. Et de là nous pouvons conclure que la mort entra par ses yeux, et que cela fut la cause de sa cheute: d'autant que par les veux entre

la convoitise, et avec icelle toute sorte de pechez.

Or quant à Judas, il est certain qu'il descheut de la grace par son avarice, ainsi que nous avons dit, et ayant finy malheureusement sa vie, les apostres par inspiration divine, après l'ascension de NostreSeigneur, s'assemblerent pour en elire un autre en sa place. Et comme ils furent tous assemblez avec les disciples, S. Pierre qui estoit le chef de l'Eglise prenant la parole leur dit: Fratres, oportet impleri scripturam, quam prædixit Spiritus sanctus per os David de Juda, qui fuit dux eorum, qui comprehenderunt Jesum, qui connumeratus erat in nobis (1): Mes freres, il nous faut choisir un d'entre nous (parlant des disciples de Nostre-Seigneur) pour le mettre en la place de Judas, qui s'est fait apostat; il en faut nommer un autre pour le mettre en son apostolat, afin que la prophetie de David soit accomplie : Ut episcopatum ejus accipiat alter (2). Ce qui nous enseigne qu'encore que Judas quittast l'apostolat, neantmoins son apostolat ne perit pas pour cela, ains demeura tousjours en estre; et non seulement le college des apostres dura pendant la vie de NostreSeigneur, qui les appella et receut à cette vocation, mais après sa mort les apostres en mirent un autre en la place de Judas. C'est ce qui confond les heretiques; qui disent que l'apostolat a manqué quand les apostres sont morts, ce qui est tres-faux; car bien que les apostres soient morts, l'apostolat toutesfois ne l'est pas d'autant que comme S. Pierre et les apostres se furent assemblez, ils en mirent un autre en la place de Judas; et les mesmes apostres et leurs successeurs ont estably des hommes apostoliques pour gouverner l'Eglise les uns apres les autres : et ainsi consecutivement l'apostolat a passé jusques à nous, et durera jusques à la fin du monde. D'où nous devons tirer cet avertissement, de travailler soigneusement à bien garder nostre vocation, de peur que venant à descheoir, un autre ne soit mis en nostre place : car si vous quittez la religion, la religion ne manquera pas pour cela, d'autant que la Providence divine y en envoyera d'autres; mais il y a grand danger que quittant la place que vous y aviez, vous ne perdiez 11) Act. 1.- - (2) Psal. cvili.

par consequent celle qui vous estoit preparée dans le ciel, et qu'après comme Judas vous n'ayez vostre place dans les enfers. C'est pourquoy tenez bien ce que vous avez, et gardez qu'un autre ne vous oste vostre couronne: Tene quod habes, ut nemo accipiat coronam tuam : Veillez continuellement sur vos exercices; observez soigneusement tout ce qui depend de vostre maniere de vie; en somme, servez fidellement Dieu en vostre vocation crainte qu'elle ne vous echappe; car si vous la perdez, elle ne se perdra pas pour cela, mais un autre y succedera.

Or les apostres choisirent deux des disciples de Nostre-Seigneur, qui estoient d'une grande saincteté et pureté de vie, à sçavoir Joseph surnommé Juste, et S. Mathias, pour en mettre un en la place de Judas; ce qui fut cause qu'il y eut un peu de difficulté, pour sçavoir lequel des deux seroit apostre; tellement que pour cognoistre plus asseurement la volonté de Dieu, l'Escriture saincte dit qu'ils les mirent au sort: Et dederunt sortes eis, et cecidit sors super Mathiam, et annumeratus est cum undecim apostolis: Et le sort estant jetté, il tomba sur S. Mathias, et par ce moyen il fut fait apostre. Et quoy que Joseph fust un homme de grande saincteté, neantmoins il ne feut pas esleu à l'apostolat; pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saincts et les plus justes pour gouverner et avoir des charges en son Eglise, non plus que dans la religion; et partant, ceux qui y sont appelez ne s'en doivent pas glorifier ny presumer d'eux-mesmes, pensant estre meilleurs ou plus saincts que les autres. Et ceux qui ne sont point receus à tels offices et charges ne se doivent point troubler, puisque cela ne les empeschera pas d'estre justes et agreables à Dieu. Voilà donc comme S. Mathias succeda à Judas, et a esté un grand apostre; mais quelle fin fit Judas? il se desespera, puis se pendit miserablement.

Doncques, pour conclurre ce discours, je dis derechef que c'est une chose tresdangereuse de se laisser emporter à la suite de ses mauvaises inclinations, et ne pas vivre selon le devoir de sa vocation; car il est certain que c'est ce qui a esté la cause de la perte du mauvais riche of

|

de Judas! Dieu! que c'est une chose
redoutable, mes cheres ames, que de des-
cheoir de sa vocation, et que nous devons
avoir un grand soin d'y correspondre fidel-
lement, et de mortifier nos mauvaises in-
clinations, nous appliquant soigneusement
aux choses de nostre devoir sans rien ne-
gliger, nous defiant tousjours de nous-
mesmes pour nous confier en la bonté de
Dieu, lequel sans doute ne manquera ja-
mais de nous donner les graces qui nous
seront necessaires pour perseverer à son
sainct service. Marchons donc courageu-le Sainct-Esprit. Amen.

sement en la voye de nostre perfection,
avec humilité et fidelité. Correspondons
promptement aux divines inspirations : et
par ce moyen nous eviterons de faire une
mal-heureuse fin, comme le mauvais riche
et Judas, qui furent ensevelis aux enfers;
et parviendrons après cette vie à la jouys-
sance de l'eternité bien-heureuse, avec le
Lazare, qui fut porté dans le sein d'Abra-
ham, et de là dans le ciel, pour y jouyr avec
le grand S. Mathias de la claire vision de
Dieu, où nous conduise le Pere, le Fils, et

SERMON

POUR LE TROISIESME DIMANCHE DE CARESME.

Omne regnum in se ipsum divisum desolabitur. S. Luc. II.

Tout royaume qui sera divisé et qui ne sera pas uni en soi-mesme sera desolé.

Tout royaume qui sera divisé, et qui ne sera pas uny en soy-mesme, sera desolé, dit Nostre-Seigneur en l'Evangile de ce jour comme au contraire, tout royaume qui sera bien uny en soy-mesme par la concorde, ne donnant point d'entrée à la division, sera indubitablement remply de consolation; car les propositions estant contraires, les consequences doivent estre de mesme.

Ces paroles de l'Evangile sont des plus remarquables et considerables que Nostre Seigneur ayt dites; c'est pourquoy les saincts peres se sont beaucoup arrestez à en tirer l'interpretation, et la plus part disent qu'il y a trois sortes d'unions, desquelles Nostre Sauveur et Maistre entendoit parler, et desquelles les divisions doivent enfin estre suivies de desolations. La premiere est l'union et concorde que doi vent avoir les subjects avec leur roy, demeurant soubmis et obeïssans à ses lois; la seconde est l'union, que nous devons avoir en nous-mesmes, au royaume de nos tre interieur, où la raison doit estre la reine, et à laquelle toutes les facultez de nostre esprit, et puissances de nostre ame,

tous nos sens, et nostre corps mesme, doivent demeurer absolument soubmis et obeïssans, et sans cette obeïssance et soubmission, nous ne pouvons nous empescher d'avoir de la desolation et du trouble; non plus que le royaume, où les subjets ne sont pas obeissans aux lois du prince. Et la troisiesme est l'union que nous devons avoir avec nostre prochain.

Mais d'autant qu'il faudroit trop de temps pour parler de toutes ces unions, je m'arresteray seulement à la troisiesme, qui est celle que nous devons avoir, les uns avec les autres; union et concorde que NostreSeigneur nous a tant recommandée, et enseignée par ses exemples et par ses paroles, mais avec des termes si admirables, qu'il semble qu'il oubliast de nous recommander l'amour que nous luy devons porter et à son Pere celeste, pour mieux inculquer dans nos esprits l'amour, la concorde et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres, appelant le commandement de l'amour du prochain, son commandement, Hoc est præceptum meum, ul diligatis invicem sicut dilexi vos, comme estant le sien pius chery, voulant dire,

qu'il estoit venu en ce monde pour nous l'enseigner comme un Maistre divin. C'est pourquoy il n'inculque rien tant ny avec des paroles si preignantes, comme l'observation de ce commandement, non sans grand subjet, puisque son bien-aymé disciple S. Jean asseure, que quiconque dit qu'il ayme Dieu, et n'ayme pas son prochain, il est menteur; car on ne peut aymer Dieu sans aymer le prochain, qui est creé à son image et semblance: Si quis dixerit, quoniam diligo Deum, et fratrem suum odit, mendax est: qui enim non diligit fratrem suum quem videt, Deum quem non videt quomodo potest diligere (1)?

Or quelle est cette union et concorde que nons devons avoir par ensemble? O certes! elle doit estre telle, que si nostre divin Sauveur ne nous l'eust expliquée, nul n'eust jamais eu la hardiesse de le faire aux mesmes termes qu'il a faict. Voicy ces paroles: Mon Pere, dit-il, en sa derniere cene lors qu'il eut rendu ce tesmoignage incomparable de son amour envers les hommes, en instituant le tres-sainct Sacrement de l'Eucharistie, je vous supplie que tous ceux que vous m'avez donnez soient unis ensemble comme vous, mon Pere, estes uny avec moy, et moy avec vous, et qu'ainsi eux soient un en nous : Ut omnes unum sint, sicut tu Pater in me, et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint. Mais pour nous montrer qu'il ne parloit pas seulement pour les apostres, ains aussi pour tous les chrestiens, il adjouste: Je ne vous prie pas seulement pour ceuxcy, mais encore pour tous ceux qui croiront en moy par leur parole: Non pro eis autem rogo tantum, sed et pro eis qui credidituri sunt per verbum eorum in me. Nul, dis-je, mes cheres ames, n'eust jamais osé faire cette comparaison, ny demander que nous fussions unis avec Dieu, et les uns avec les autres, ainsi que le Pere, le Fils et le Sainct-Esprit, sont unis par ensemble.

Cette comparaison certes semble estre du tout extresme, que nous soyons unis ensemble de cette union incomprehensible que nulle creature ne sçauroit imaginer, estant une chose du tout admirable, que rette unité si incomprehensiblement sim

(1) I. Joan. iv.

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ple des trois personnes divines, qui ne peut estre comprise de nos petits esprits, nous soit donnée pour modelle de l'union que nous devons avoir les uns avec les autres aussi ne devons-nous pas pretendre de pouvoir parvenir à l'esgalité de cette union, car il ne se peut, ains il nous faut contenter d'en approcher le plus pres qu'il nous sera possible, selon nostre capacité; car Nostre-Seigneur ne nous oblige pas à l'esgalité de cette union, ains seulement à la qualité et ressemblance, c'est à dire, que nous devons aymer et estre unis par ensemble le plus parfaictement, et le plus purement qu'il se pourra.

Or j'ai pris d'autant plus de plaisir à traitter de ce subjet aujourd'huy, que je treuve q S. Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables, dans l'Epistre que nous avons leuë en la saincte Messe, en laquelle il dit, escrivant aux Ephesiens: Estote imitatores Dei sicut filii charissimi, et ambulate in dilectione, sicut et Christus dilexit nos, et tradidit semetipsum pro nobis oblationem et hostiam Deo in odorem servitutis: Soyez imitateurs de Dieu, comme enfans tres-chers, et marchez en la voye de dilection, et vous aymez les uns les autres, ainsi que le Christ nous a aymez, et s'est livré soy-mesme pour nous en oblation, et sacrifice à Dieu en odeur de suavité. O que ces paroles sont aymables et dignes d'estre considerées et pesées! Certes ce grand apostre nous faict bien entendre, quelle doit estre nostre concorde et dilection des uns envers les autres: concorde et dilection qui ne sont qu'une mesme chose, car le mot concorde veut dire union des cœurs, et dilection veut dire, election des affections, ou union des affections.

O Dieu, mes cheres ames ! que la dilection que nous debvons avoir pour le prochain, doit estre parfaicte : mon Pere, dit Nostre-Seigneur, je vous prie qu'ils soient un avec nous, comme vous et moy sommes un: Ut omnes unum sint, sicut tu Pater in me, et ego in te: ut et ipsi in nobis unum sint. Paroles par lesquelles il nous vouloit faire entendre comme quoy il desiroit que nous fussions tous unis ensemble, d'une saincte et tres-estroitte union, par le moyen d'une veritable dilection; c'est pourquoy son glorieux apostre nous l'a re

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