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tout ce qui le peut offenser, et par ce moyen |
vous obtiendrez la paix; car il dit: Pax
multa diligentibus legem Dei, et non est
illis scandalum, Ceux qui ayment la loy
de Dieu jouyssent d'une grande paix, et ja-
mais aucune chose ne leur peut nuire. Or
puisqu'il n'y a personne si sainct qui ne
contrevienne quelquefois à la loy de Dieu,
au moins tesmoignons que nous aymons
cette loy en demandant pardon à Dieu, et
venant briser nos pechez par la confession
et penitence aux pieds du prestre, comme
à une pierre fondée sur la pierre de la foy:
Beatus vir qui allidet parvulos suos ad
petram.

Enfin je desirerois que nous fussions tous crucifiez à l'exemple de S. Pierre : la guerre, la pauvreté et les autres miseres nous crucifient, il est vray, mais elles nous crucifient comme le mauvais larron, et non comme S. Pierre, c'est à dire qu'au lieu de profiter de ces maux, nous en empirons. Hal S. Pierre est crucifié de la croix de Jesus-Christ. Il ne suffit pas de prendre sa croix, mais il faut encore suivre NostreSeigneur; car après qu'il a dit : Tollat crucem suam, il adjouste, Et sequatur me: alors la croix nous seroit douce, alors nous treuverions la vie en la mort, et les consolations ès adversitez.

crucifié à Rome, il retourna tout incontinent dedans cette ville, à cause du grand | desir qu'il avoit d'estre à l'ombre de ce sainct arbre de la croix; il ne dit rien à son divin Maistre, et ne s'arresta point à s'entretenir davantage avec luy, ains s'en retourna au mesme instant. Mais ne pensez-vous pas qu'il dit alors comme l'Espouse du Cantique : Sub umbra illius quem desideraveram, sedi, et fructus ejus dulcis; Je me suis assis à l'ombre de celle que j'ay desirée, ô que son fruict est doux ! et quel est ce fruict? c'est la vie eternelle : donc assouvy de tous ses desirs, je crois qu'il repeta encore, comme Helie: Il me suffit, Seigneur, tirez mon ame; Sufficit mihi, Domine, tolle animam meam. On treuve que S. André son frere vescut deux jours sur la croix, enseignant le peuple, monstrant bien que cet arbre estoit l'arbre de vie, et que sur cet arbre la mort avoit esté vaincuë; de maniere que je pense qu'à l'exemple d'Helie, S. Pierre demanda à Nostre-Seigneur qu'il retirast son ame Petivit animæ suæ ut moreretur. Ainsi puissions-nous tous mourir (mes chers auditeurs) crucifiez en la croix de NostreSeigneur, afin de suivre en la vie eternelle celuy que nous suivrons en la mort: Quis dabit nobis pennas velut columbæ? Qui nous donnera des aisles pour le suivre comme une colombe? O glorieux apostre! impetrez-nous la grace d'appuyer tousjours nostre foy sur l'Eglise, laquelle estant fondée sur vous après Nostre-Seigneur, comme sur une pierre ferme, est la vraye colomne et le firmament de verité. Je soumels tousjours à vos pieds ce que jamais

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Quand Helie, fuyant la persecution de Jesabel, eut fait une journée de chemin, se treuvant sous un genevrier, il dit qu'il demanda à Dieu de mourir, luy disant: Seigneur, retirez mon ame, il me suffit, Petivit animæ suæ ut moreretur, et ait: Sufficit mihi, Domine, tolle animam meam. Ainsi j'estime que S. Pierre se treuvant sous la croix, ô qu'il fust content lors-je diray en la chaire, et hors d'icelle; car qu'il vid le commandement que NostreSeigneur luy avoit fait de le suivre, accomply lors il vid ses desirs satisfaits : aussi si-tost que Nostre-Seigneur le rencontrant, luy eust dit qu'il seroit derechef

vous estes cette pierre sur laquelle a esté fondée l'Eglise de Jésus-Christ, auquel soit honneur et gloire par tous les siecies des siecles. Amen.

SERMON

POUR LE JOUR DE LA VISITATION DE NOSTRE-DAME.

Exurgens Maria abiil in montana cum festinatione in civitatem Juda. LUC. I. Marie se levant s'en alla hastivement par les montagnes en une ville de Juda.

Nostre tres-aymable et non jamais assez aymée Dame et Maistresse la glorieuse Vierge, n'eut pas plutost donné consente ment aux parolles de l'archange S. Gabriel, que le mystere de l'incarnation fut accomply en elle; et ayant appris par le mesme archange que sa cousine Elisabeth avoit conceu un fils en sa vieillesse, elle la voulut aller visiter, à dessein de la servir et soulager en sa grossesse et sçachant que c'estoit le vouloir divin qu'elle fist cette visite, elle se leva promptement, dit l'Evangeliste S. Luc, et sortit de Nazareth, qui estoit une petite ville de Galilée, où elle demeuroit, pour s'en aller en la maison de Zacharie; et chemina hastivement par les montagnes de Juda, et entreprit ce voyage, quoy que long et difficile, d'autant que (comme disent plusieurs autheurs), la ville en laquelle demeuroit Elisabeth estoit esloignée de Nazareth d'environ vingtsept lieuës; d'autres disent un peu moins: mais c'estoit tousjours un chemin assez long et difficile, parce que c'estoit par des montagnes, pour cette tendre et delicate Vierge, laquelle se sentit poussée par une secrete inspiration de faire cette visite. O certes il se faut bien garder de penser qu'elle y allast poussée de quelque curiosité de voir s'il estoit bien vray ce que l'ange luy avoit dit de la grossesse de sa cousine; car elle n'en doutoit nullement, ains estoit toute asseurée que la chose estoit telle qu'il luy avoit declaré. Ce que je dy d'autant qu'il y en a eu quelques-uns de si temeraires, qu'ils ont voulu soustenir qu'il s'estoit treuvé en son dessein quelque sorte de curiosité, parce que c'estoit une merveille inouye, que Ste Elisabeth laquelle n'avoit jamais eu d'enfans, estant sterile, eust conceu en sa vieillesse;

ou bien, disent-ils, il se peut faire que Nostre-Dame eut quelque doute de ce que l'ange luy avoit dit. Certes, cela ne peut estre, S. Luc les condamne, et refute absolument leur opinion, quand il dit que Ste Elisabeth voyant entrer la Vierge, s'escria: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu, Beata quæ credidisti.

Ce ne fut donc point la curiosité, ny aucun doute de la grossesse de Ste Elisabeth, qui luy fit entreprendre ce voyage, mais bien plusieurs belles, utiles et tresagreables considerations, lesquelles je déclareray briefvement en cette exhortation.

Premierement, elle fut poussée à entreprendre ce voyage par un motif de charité, afin d'aller servir, secourir et soulager Ste Elisabeth sa cousine en sa grossesse, et pour voir cette grande merveille, et se resjouyr avec elle de la grace que Dieu luy avoit faite de luy donner un fils en sa sterilité, et la faire concevoir en sa vieillesse; d'autant qu'elle sçavoit bien que c'estoit pour lors une chose blasmable d'estre infeconde.

Secondement elle la visita, afin de luy reveler ce tres-haut et incomparable mystere de l'Incarnation qui s'estoit fait en elle par l'operation du Sainct-Esprit, parce qu'elle sçavoit bien que se cousine Elisabeth estoit une personne juste, fort bonne, craignant Dieu, et qui desiroit grandement la venue du Messie promis en la loy pour rachepter le monde, et que ce luy seroit une grande consolation de sçavoir que les promesses de Dieu estoient accomplies, et que le temps desiré par les patriarches, et predict par les prophetes, estoit venu.

Troisiesmement, elle y alla pour redonner, par l'entremise de son Fils, la parolle

à Zacharie, qui l'avoit perdue par son incredulité, n'ayant pas voulu croire ce que l'ange luy avoit dit, lorsqu'il luy annonça que sa femme concevroit un fils qui se nommeroit Jean.

En quatriesme lieu, elle sçavoit que cette visite apporteroit un comble de benedictions à cette maison de Zacharie, lesquelles redonderoient jusques à l'enfant qui estoit dans le ventre de Ste Elisabeth, lequel par sa venue seroit sanctifié. Or ces raisons, et plusieurs autres que je pourrois rapporter, monstrent assez que NostreDame glorieuse Maistresse n'entreprit ce voyage que par un secret mouvement de Dieu, qui vouloit par cette visite donner commencement au salut des ames, en la sanctification du petit S. Jean.

O certes il est indubitable que ce fut particulierement une tres-ardente charité accompagnée d'une tres-profonde humilité, qui luy fit passer avec cette vitesse et promptitude les montagnes de Judée. Ce furent donc ces deux vertus qui la pousserent à faire ce voyage et luy firent quitter sa petite ville de Nazareth; car la charité n'est point tardive, ains elle bondit dans les cœurs où elle regne et habite, elle veut tousjours faire des bonnes œuvres: Nescit tarda molimina sancti Spiritus gratia (1), dit S. Ambroise : c'est pourquoy la tres-Ste Vierge, qui en estoit toute remplie, ayant l'amour mesme dans ses entrailles, estoit en de continuels actes de charité; non-seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie et conjointe par le lien sacré d'une tres-intime et tres-parfaicte dilection; ains encore envers le prochain qu'elle aymoit en un degré de tresgrande perfection, ce qui luy faisoit ardemment desirer le salut de tout le monde et la sanctification des ames. Et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à la sanctification de S. Jean qui estoit encore dans le ventre de Ste Elisabeth, elle y alla en grande diligence; outre que la charité l'y faisoit encore aller, pour se resjouyr avec sa cousine de ce que Nostre-Seigneur avoit beny son ventre d'une telle benediction, que nonobstant qu'elle fust sterile et infeconde, elle avoit neantmoins conceu celuy qui devoit estre le precurseur du Verbe incarné. Elle alloit donc s'en resjouyr avec (1) S. Amb., liv. II, sur S. Luc.

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elle, luy congratuler, et se provoquer l'une et l'autre à glorifier Dieu de ses misericordes, et le remercier de tant de graces et de benedictions qu'il avoit versées sur elle, qui estoit vierge, luy faisant concevoir le Fils de Dieu par l'operation du Sainct-Esprit, et sur Ste Elisabeth qui estoit sterile, la faisant concevoir miraculeusement, et par grace speciale, celui qui devoit estre son precurseur.

Mais considerez, je vous prie, s'il enst esté raisonnable que celuy qui estoit choisy pour preparer les voyes du Seigneur fust demeuré entaché du peché originel; c'est pourquoy Nostre-Dame alla promptement en la maison de Ste Elisabeth, afin qu'il fust sanctifié, et que ce divin enfant qu'elle portoit dans ses tres-pures entrailles, et auquel seul appartenoit la sanctification des ames, pust faire en cette visite celle du glorieux S. Jean, la purifiant et retirant du peché originel. Ce qui fut fait avec une telle plenitude de grace, qu'il y a plusieurs docteurs qui soustiennent qu'il ne pecha jamais, non pas mesme veniellement, bien que quelques-uns tiennent l'opinion contraire. Ce fut donc, comme vous voyez, la charité qui fut cause que la Ste Vierge coopera à cette sanctification: mais ce n'est pas merveille que ce cœur sacré de nostre glorieuse Maistresse fust si remply d'amour et de zele pour le salut des hommes, puisqu'elle portoit dans son sacré ventre la charité mesme, c'est-à-dire le Sauveur et Redempteur du monde.

Ne vous semble-t'il pas, mes cheres ames, que c'est à elle à qui l'on doit appliquer ces parolles du Cantique des Cantiques où le divin Espoux descrivant les beautez de son Espouse en detail et par le menu, dit que son chef ressemble au ment Carmel, Caput tuum ut Carmelus (1)? Le mont Carmel est un mont tres-agreable et lequel est tout couvert et diapré de fleurs tres-odoriferantes, et les arbres qui se treuvent sur ce mont ne portent que des parfums: mais que signifie ce mont, ces fleurs et ces parfums? sinon la charité, laquelle estant comme une tres-belle et odoriferante plante, produit toutes les fleurs des autres vertus dans l'ame qui la possede; car elle ne demeure jamais seule. Et bien qu'on approprie ces parolles du canti

(1) Caut. VIL.

que à l'Eglise, qui est la veritable Espouse de Nostre-Seigneur, en laquelle, comme en un mont Carmel, abondent toutes sortes de fleurs tres-odoriferantes, c'est-à-dire toutes sortes de vertus, de saincteté et de perfection; si est-ce neantmoins que cela se peut encore fort bien entendre de la tres-Ste vierge, qui est cette unique et parfaicte espouse du Sainct-Esprit, laquelle ayant la charité à un si eminent degré, ressembloit au mont Carmel par les actes frequens qu'elle en produisoit; de maniere que cette saincte charité plantée au milieu de son cœur comme un bel arbre, exhaloit continuellement des odeurs, et jettoit des parfums d'une suavité incomparable.

Mais les rabbins et quelques autres docteurs semblent nous faire encore mieux entendre que le divin Espoux parlant du chef de son Espouse, entend parler de la charité, qui est la premiere et la plus excellente de toutes les vertus; parce, disentils, qu'il le compare à l'escarlate, laquelle tire son prix de sa teinture, Et comæ capitis tui, sicut purpura regis vincta canalibus (4); ou bien, aux grains de la grenade qui sont rouges. O certes il est vray que tout cela nous represente merveilleusement bien la charité de la Ste Vierge, laquelle non seulement avoit la charité, mais il est vray qu'elle l'avoit reçeuë en telle plenitude, qu'on pourroit dire en quelque façon qu'elle estoit la charité mesme; d'autant qu'elle avoit conçeu dans son ventre le divin Sauveur de nos ames, qui estant tout amour l'avoit toute remplie d'amour; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lorsque l'Espoux sacré contemplant sa bien-aymée qui estoit en son doux repos, il fut saisi d'une si grande complaisance, qu'il se prit à conjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, leur disant: Filles de Hierusalem, je vous conjure par les chevreuils de ne pas esveiller ma bien-aymée, qui est en l'amour, c'est à dire qui prend son repos dans l'exercice de l'amour et de la charité, qu'elle ne le veuille ou desire; Adjuro vos, filiæ Hierusalem, per capreas cervosque camporum, ne suscitetis, neque evigilare faciatis dilectam, donec ipsa velit (2): ou

(1) Cant. vii. - (2) Cant. 11L

plustost, selon une autre version: Filles do Hierusalem, je vous conjure de ne pas esveiller la dilection et l'amour mesme qu'elle ne le veüille, et cette dilection et amour est ma bien-aymée, c'est-à-dire la sacrée Vierge, qui avoit l'amour en un si souverain degré de perfection, qu'on peut dire qu'elle seule a plus aymé Dieu que toutes les autres creatures ensemble; c'est pourquoy il l'a regardée avec une complaisance toute particulière.

Or qui est-ce qui a jamais donné plus de complaisance à Dieu entre les pures creatures, que celle qui estoit accomplie en toutes sortes de vertus? qui avoit une si ardente charité, accompagnée d'une si profonde humilité? car quelle plus profonde humilité peut-on jamais voir que celle qu'elle fit paroistre lorsque Ste Elisabeth la loua, disant que son bon-heur provenoit de ce que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, et que pour cela toutes les nations la loüeroient et appelleroient bien-heureuse, Quia respexit humilitatem ancillæ suæ, ecce enim ex học beatam me dicent omnes generationes (1). Mais pour oster de nos esprits tout subjet d'embrouillement, expliquons plus particulierement comment ces parolles se doivent entendre.

Il y a plusieurs docteurs qui tiennent que quand Nostre-Dame dit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, elle n'entendoit pas parler de la vertu d'humilité qui estoit en elle, parce, disent-ils, qu'encore qu'elle eust une tres-profonde humilité, si ne s'estimoit-elle pas humble; et semble que cette parolle eust été contraire à l'humilité mesme. Si bien que quand elle dit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entendoit parler de la vilité, bassesse et abjection qu'elle voyoit en elle, en ce qui estoit de sa nature, et du neant d'où elle estoit sortie : et que c'est en ce sens que se doivent entendre ces parolles; parce que le vray humble, disent ces docteurs, ne croit point avoir l'humilité, ny ne voit jamais en soy cette vertu. Toutesfois il y en a d'autres qui tiennent l'opinion contraire, laquelle semble estre la plus probable, et ceux-là disent que Nostre-Dame, par les parolles qu'elle respondit à Ste Elisabeth, entendoit parler de la vertu d'hu

(1) S. Luc, 11.

milité qui estoit en elle, et qu'elle connoissoit bien que c'estoit cette vertu qui avoit attiré Nostre-Seigneur dans ses tres-chastes entrailles. Il est donc croyable qu'elle sçavoit bien que l'humilité estoit en elle; de sorte que sans crainte de la perdre, elle parla ainsi, parce qu'elle sçavoit bien que l'humilité qui estoit en elle ne provenoit pas d'elle, ains luy estoit donnée de Dieu, et que c'estoit un effet de sa grace.

Mais ne voyons-nous pas le grand apestre S. Paul dire et confesser qu'il a la charité, avec des paroles si asseurées, qu'il sembloit qu'il parlast avec plus de presomption que d'humilité, quand il disoit avec tant d'assurance: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus-Christ? Quis ergo nos separabit à charitate Christi? Sera-ce la tribulation ou l'angoisse? la faim, la nudité ou le peril, la persecution ou le glaive? Je suis certain qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Nostre-Seigneur Jesus-Christ. Voyez, je vous prie, avec quelle assurance parloit ce grand apostre, quand il protestoit que rien ne le pouvoit separer de la charité de son Dieu. Il falloit donc qu'il creust qu'il avoit la charité. O certes, il n'y a point de doute, bien qu'il faille entendre, quand il disoit ces parolles, qu'il s'appuyoit sur la grace, et non sur ses propres merites.

Ainsi la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ny ne fit aucune faute contre cette vertu, quand elle dit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante; non plus que S. Paul quand il dit qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne le pourroit separer de la charité de JesusChrist, parce que cette Ste Vierge sçavoit bien qu'entre toutes les vertus, l'humilité est celle qui a le plus de pouvoir d'attirer Dieu en nous ce que le divin Espoux semble vouloir signifier au Cantique des Cantiques; car apres avoir consideré toutes les beautez particulieres de son Espouse, il ne fut point tant espris de son amour que lorsqu'il vint à jetter ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ainsi qu'il tesmoigne par ces parolles : Quàm pulchri sunt gressus tui in calceamentis, filia principis (4)! O fille du prince! que ta

(1) Cant. Vil.

chaussure et tes demarches sont pleines de beauté.

Ne lisons-nous pas de Judith lorsqu'elle alla treuver Holopherne, prince de l'armée des Assyriens, que nonobstant qu'elle fust extresmement bien parée, et que son visage fust doué de la plus rare beauté qui se peut voir, ayant les yeux estincellans, avec une douceur charmante, ses levres pourprines, et ses cheveux crespez flottant sur ses espaules; toutesfois Holopherne ne fut point touché, ny par les beaux habits, ny par les yeux, ny par les levres, ny par les cheveux de Judith, ny d'aucune autre chose qui fust en elle; mais seulement quand il jetta ses yeux sur ses sandales, ou sa chaussure qui, comme nous pouvons penser, estoit recamée d'or d'une fort bonne grace, il demeura tout espris d'amour pour elle (4).

Ainsi pouvons-nous dire que le Pere eternel considerant la varieté des vertus qui estoient en Nostre-Dame, il la treuva sans doute extresmement belle : mais lorsqu'il jetta les yeux sur ses sandales ou souliers, il en receut tant de complaisance et en fut tellement espris, qu'il se laissa gagner, et luy envoya son Fils, lequel s'incarna en ses tres-chastes entrailles. Mais qu'est-ce, je vous prie, mes cheres ames, que ces sandales et cette chaussure de la sacrée Vierge nous representent, sinon l'humilité? car nous voyons que les sandales ou souliers sont les plus vils accoustremens desquels l'on se serve pour l'ornement du corps humain, parce qu'ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la bouë; aussi est-ce le propre des ames qui ont la veritable humilité d'estre tousjours basses et petites à leurs yeux, et se tenir sous les pieds de tout le monde; car cette vertu qui est la base de la vie spirituelle a cela de propre qu'elle veut tousjours estre contre terre dans sa bassesse et dans son abjection et c'est cette bassesse que Dieu regarde avec tant de complaisance en la Ste Vierge, et de ce regard procede tout son bonheur, ainsi qu'elle dit en son sacré Cantique: Quia respexit humilitatem ancillæ suæ, ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes (2), advoüant qu'à cause de ce divin regard elle sera publiée bien-heureuse par toutes les (1) Judith. x. ➡ (2) S. Luc, I,

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