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la piscine, de l'ombre des mouchoirs, et de la robbe saincte, sans aucune authorité de l'Escriture, pourquoy ne pourront les chrestiens, ains ne devront beaucoup esperer de la vertu de la croix de Dieu, quoique l'Escriture n'en fist aucune mention?

Je treuve vostre proposition extresmement hardie et trop generale. « Ce qui n'est » escrit, dites-vous, est tenu comme nul. » Ceux qui ont disputé devant vous contre les sainctes traditions ne sont pas si aspres au mestier. Chandieu, l'un des rusez escrivains pour vostre nouveauté, confesse que les choses qui ne sont pas necessaires au salut peuvent estre bonnes et recevables sans Escritures; mais non pas les choses necessaires à salut. C'est sa distinction perpetuelle qu'il a faite au traitté contre les traditions humaines. Mais vous parlez absolument sans borne ny mesure.

Je sçay ce que vous repondez à l'exemple des mouchoirs de S. Paul, c'est « Que » Dieu a voulu par tels miracles honorer » l'apostolat de S. Paul. » Et pourquoy, je vous prie, n'aura-t'il voulu honorer de pareils miracles la majesté du Maistre S. Paul, à ce que ceux qui ne l'avoient point veu en face fussent persuadez que celuy que Dieu authorisoit par tels miracles estoit le vray Messie? « Mais il y a ce » que nous avons dit, repliquez-vous; à savoir que tels miracles des mouchoirs de »S. Paul sont testifiez par la parolle de » Dieu. Ce qu'on ne peut dire du bois de la » croix. A quoy je dy que la vertu des autres reliques, et que plusieurs choses ne sont testifiées en l'Escriture, qui ne laissent d'estre tres-asseurées, ce que j'ay jusques-icy prouvé.

pere et mere; quoy que l'Escriture non seulement n'en die rien, mais dit au contraire qu'il n'avoit ny pere ny mere.

2. Je dis que S. Paul ne dit pas que Melchisedech n'a jamais eu pere ny mere, mais seulement qu'il estoit sans pere et mere, ce qui se peut entendre du temps auquel il fit les choses qui sont touchées en l'epistre aux Hebreux, pour lesquelles il representoit Nostre-Seigneur.

3. L'apostre le produit, comme la Genese l'a descrit; car c'estoit en cette sorte qu'il representoit Nostre-Seigneur or la Genese ne descrit point sa genealogie, pour tant mieux l'apparier à Nostre-Seigneur : dont l'apostre, qui veut monstrer que l'ancienne Escriture n'a pas obmis la genealogie de Melchisedech sans mystere, dit qu'il estoit sans pere et mere. Il applique done le mystere de l'obmission de la genealogie de Melchisedech, sans tenir pourtant les père et mère de Melchisedech pour nuls; ains seulement pour non escrits, et mysterieusement celez en l'Escriture. Et de fait, il explique ce qu'il veut dire, quand il escrit qu'il estoit sans père et sans mère, lorsqu'il ajouste, sans genealogie, comme s'il disoit, ce que j'ay dit, qu'il estoit sans père et sans mère, c'est entant qu'on ne luy a point fait de genealogie, comme remarque très-bien S. Athanase sur ce lieu.

4. J'ay pitié de vostre aveuglement, qui voulez que S. Paul tienne pour nul ce qui n'est pas escrit de Melchisedech, et ne voyez pas que S. Faul, en cette epistre mesme, tient pour très-importante une doctrine qu'il avoit à dire du sacerdoce selon l'ordre de Melchisedech, laquelle neantmoins vous ne me sauriez monstrer estre escrite en aucun lieu, sinon dedans le cœur de l'Eglise. Certes S. Athanase ne peut entendre comme S. Paul a peu sçavoir que dedans l'Arche du Testament il y eust la manne et la verge

Voyons maintenant quelle couleur d'honnesteté vous baillerez à ces inepties. Vous citez l'epistre aux Hebreux, où il est dit que Melchisedech estoit sans pere et sans mere, « Pour cette seule raison, ce dites-d'Aaron, puisqu'au livre des Roys et au Pa» vous, que l'Escriture ne parle aucune➤ment du pere et mere d'iceluy, encore » qu'il soit tres-certain qu'il a eu pere et >> mere comme les autres hommes; ce sont vos propres parolles sur lesquelles j'aurois beaucoup à dire.

4: J'admire cette temerité, qui voulant rendre douteuse la vertu de la saincte croix, parce que l'Escriture n'en dit mot, tient neantmoins que Melchisedech eut

ralipomenon, il est dit que dans cette Archelà il n'y avoit autre chose que les tables de laloy: sinon disant qu'il l'a appris de Gamaliel et de la tradition (4). Si vous en sçavez quelqu'autre chose, produisez-le, autrement confessez que S. Paul ne tient pas pour nul ce qui n'est escrit.

Autant en diray-je de ce que S. Paul dit : « Que Moyse prenant le sang des veaux

(1) Hebr. x 4.

et des boucs avec de l'eau, et de la laitre » pourprée, et de l'hysope, il en arrosa le » livre et tout le peuple, le tabernacle et > tous les vaisseaux du service (1); » car la pluspart de ces particularitez ne se treu vent point escrites, non plus que les pere et mere de Melchisedech.

Et quand S. Paul diroit absolument que Melchisedech n'avoit jamais eu ny pere ny mere, la seule raison n'en seroit pas, parce que l'Escriture n'en dit mot ; car il en pourroit avoir d'autres, comme seroit que ses pere et mere fussent inconnus. Quia ejus generatio subobscurior fuerit, ditS. Athanase. Ainsi parlons-nous des enfans treuvez, ou qu'ils fussent payens, et de ceux desquels la memoire perit avec le son, et sont tenus pour nuls; non pour n'estre enrolez en l'Escriture saincte, mais pour ne l'estre pas au livre de vie. Ainsi S. Irenée, Hippolyte et plusieurs autres rapportez par S. Hierosme en l'epistre ad Evagrium, tiennent qu'il estoit de race cananeen, et partant gentil et payen, quoy que sainct et fidelle de religion, aussi bien que le patriarche Job.

CHAPITRE IV.

Preuve troisiesme. De la vertu et honneur de la croix, par un passage de l'Escriture, outre ceux que le traitteur avoit alleguez.

Reste maintenant à voir, pour le troisiesme, si ce traitteur a fidellement rapporté tout ce que l'Escriture touche de la croix, pour pouvoir si resolument dire, comme il fait en sa premiere proposition, qu'outre cela nous n'en lisons rien: et pour vray, il est tres-ignorant ou tres-impudent imposteur; car outre infinité de beaux poincts qui sont semez en l'Escriture, touchant la saincte croix de Nostre-Seigneur, desquels une partie sera produite cy-après, selon que nous les rencontrerons sur nostre propos, en voicy un si considerable, que mesme tout seul il pourroit suffire pour establir la creance catholique : C'est que la saincte croix est appellée croix de Jesus; car que pouvoit-on dire de plus honorable de cette croix?

C'est icy où j'appelle le traitteur, pour luy faire voir s'il n'a point de honte d'avoir si indignement parlé de cette saincte (1) Hebr. ix, 19.

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croix, lorsqu'il la veut rendre semblable en saincteté aux cruelles mains des bourreaux qui foüetterent et crucifierent Nostre-Seigneur, et à l'infasme et deloyable bouclie de Judas qui le baisa. Sa raison est, parce que si la croix a quelque vertu, c'est pour avoir touché au corps de Nostre-Seigneur : or ces mains et ces levres le toucherent aussi bien que la croix elles en auront donc receu une vertu esgale. « Ce qu'es> tant absurde, il l'est encore plus de dire » que du bois, n'ayant vie, par un seul » attouchement, aye esté rendu suscepti»ble de saincteté; car si cette vertu a esté » conferée au bois, parce que Christ y a » souffert, pareille vertu doit avoir esté » en ceux par qui il a souffert. »

Voilà son dire: mais je luy oppose que la croix est la croix de Jesus, et que les mains et levres des ennemys de NostreSeigneur ne sont ny mains ny levres de Jesus; mais de Malchus, de Judas, et tels autres garnemens, qui estant impies et meschans, ont rendu participantes de leurs meschancetez toutes leurs parties: si que la mauvaise ame dont elles estoient animées faisoit resistance aux precieux attouchemens de Nostre-Seigneur, par lequel, sans cela, elles pouvoient estre sanctifiées, là où en la croix il n'y a point de contrarieté en la sanctification. Et le traitteur est digne de compassion, quand il fait force en ce que la croix est inanimée, et les crucifieurs vivans, pour monstrer que la croix est moins susceptible de saincteté que les crucifieurs; car puisqu'on traitte icy d'une vertu surnaturelle et gratuite, d'estre vivant n'y fait rien, mais bien souvent y nuit par l'opposition que l'ame fait à la grace. Ainsi ne fut point sanctifié le diable, quoy, qu'il portast Nostre-Seigneur sur le faiste du temple, et le touchast en certaine façon, par l'application de son operation (1).

Or certes, tout ce qui a esté particulierement à Dieu, ou à Jesus-Christ son Fils, a esté doüé d'une speciale sanctification et vertu. Tous les coffres, tous les edifices, tous les hommes sont à Dieu, qui est le supresme Seigneur : neantmoins ceux qui luy sont specialement dediez sont coffres de Dieu, maisons de Dieu, hommes de Dieu, tours de Dieu, et sont sanctifiez avec de particuliers privileges, non qu'ils soient

(1) II. S. Malt. iv, 8

employez à l'usage de Dieu; car tout cela ne luy sert à rien, ouy bien à nous, pour l'honorer tant mieux : mais les choses lesquelles le Fils de Dieu a employées pour le service de son humanité, et à faire nostre redemption, ont ce particulier avantage, qu'elles luy ont esté dediées, non seulement à son honneur, mais encore pour son usage, selon l'infirmité à laquelle il s'estoit reduit, pour nous tirer de la nostre. Et celles-cy, outre la saincteté, ont eu de tres-grandes vertus et dignitez.

L'exemple de la saincte robbe de NostreSeigneur, fait extresmement à nostre propos, n'eut-elle pas une grande vertu, puisqu'au toucher du fin bord d'icelle, cette grande et si incurable maladie des hemorroïdes fut guerie? Aussi avoit-elle les conditions que je disois, elle avoit touché Nostre-Seigneur, sans aucune resistance à sa grace; et non seulement l'avoit touché, mais elle estoit sienne, dediée à son usage, « Si je touche le bord de sa robe, disoit >> cette pauvre femme, je seray guerie (4). » Elle ne dit pas le bord de la robbe qui le touche, mais le bord de sa robbe : ainsi, dis-je, que la croix est sanctifiée, non seulement par l'attouchement de Nostre-Seigneur, qui comme un baume precieux parfumoit tout ce qui la touchoit, quand il n'y avoit point de resistance au subjet, mais est encore beaucoup plus sanctifiée, pour avoir esté propre de Nostre-Seigneur, son instrument pour nostre redemption, et consacrée à son usage, dont elle est dite « Croix de Jesus (2). »

Et certes le traitteur voulant rire, est ridicule, quand il veut rendre comparable le falot à la croix; car s'il n'est tout-à-fait ecervellé, il doit avoir consideré que le falot n'estoit pas à Nostre-Seigneur, ny ne le toucha point: aussi ne le tiendroit-on pas pour relique, non plus que la lanterne, mais seulement pour une marque d'antiquité. Quant à la corde, l'esponge, le foüet, la lance, nos anciens, comme S. Athanase, les appellent sainctes et sacrées, et nous les honorons comme reliques et precieux instrumens de nostre salut, mais non en pareil degré que la croix; car ces choses ne furent point rendues propres à Nostre Seigneur, et n'avoient rien que le simple attouchement d'iceluy, dont l'Escriture ne

(1) Luc, viii, 3), (2) Joan. xix, 23.

les appelle pas foüet et esponge de Jesus, comme elle fait la croix.

Cependant c'est un traict de charlatan d'appeller le fouet, l'eschelle, la corde, l'esponge, le falot, saincts et sainctes, sans aucun article. « Saincte corde, dit le trait>>teur, saincte esponge, sainct foüet, sainct >> falot; » car nostre langue ne permet pas que l'on traitte ainsi, sinon des noms propres et particuliers, comme Pierre, Paul, Jean. Mais des noms generaux et communs, comme lance, foüet, esponge, on ne s'en sert qu'avec l'article pour les determiner, le sainct fouet, la saincte corde, la saincte lance. Or le traitteur fait ce traict, pour faire croire, sans le dire à son simple lecteur desjà embaboüiné, que nous tenons le falot ou le fouet de la passion pour sainctes personnes; car ce sont les risées ordinaires des reformateurs, et veut ainsi surprendre l'imagination du pauvre peuple. Ou peut-estre il a voulu (si d'avanture il estoit quelque ministre) canoniser lanterne, fouet, eschelle, falot, et comme il dit : « Ceux par lesquels Nostre-Seigneur » a enduré, » pour rendre sainct et canonisé, ministre; car entre les personnes, racontées par les evangelistes, qui tourmenterent Nostre-Seigneur, il y avoit force ministres, c'est-à-dire sergens, sbires, bourreaux, tueurs. Voulant donc tirer la saincteté du foüet de la saincteté de la croix, il voudroit encore, par mesme moyen, joindre à la liste de ces saincts sainct ministre, qui seroit un sainct bien nouveau et inconnu. Mais redisons un mot de ce que nous avons deduit pour apparier la croix à la robbe de Nostre-Seigneur.

Vous avez dit, traitteur, que ce qui n'est escrit est nul, entre les vrais fidelles. La devote malade n'avoit point leu qu'elle seroit guerie à l'attouchement de la robbe de Nostre-Seigneur, neantmoins elle le croit, et sa foy est approuvée : elle croit chose non escrite, et ne la tient point pour nulle, aussi la trouve-t'elle vraye; pourquoy done reprendrez-vous en moy une pareille creance, sur un pareil subject? Que ditesvous donc? Vous ne lisez rien de la croix, sinon que Nostre-Seigneur l'a portée, il a rendu l'esprit? Qu'est-ce que cette pauvre malade avoit veu de la robbe, sinon que Nostre-Seigneur la portoit? Elle n'y vit point le sang du Sauveur respandu comme

on l'a veu en la croix, et la consequence qu'elle en fit de pouvoir guerir fut si bonne, qu'elle luy donna la santé. Pourquoy me garderez-vous de faire, dire, et croire la mesme consequence de la tressaincte croix?

Le traitteur pense bien nous arrester en ce discours, quand il dit : « Que c'est une > erreur tres - pernicieuse d'attribuer au » bois de la croix ce qui est propre au seul crucifié; et qu'ès choses surnaturelles Dieu y opere par vertu miraculeuse non attachée à signe, ny à figure,» et semblables autres parolles respandues en tout son traitté. Par où il veut faussement persuader que nous attribuons à la croix une vertu en elle-même independante et inherente: mais jamais catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante, qui n'est autre que Dieu mesme, qui par la croix fait les miracles, quand bon luy semble, et en temps et lieu, ainsi qu'il le declara luy-mesme de sa robbe, quand il guerit cette pauvre femme; car il ne dit pas : « J'ay senti une » vertu sortie de ma robbe, mais j'ay ap» perçu une vertu sortir de moy (4), » et tout de mesme n'auroit-il pas dit : « Qui >> est-ce qui a touché ma robbe? » mais plutost: « Qui est-ce qui m'a touché? »

Comme donc il advoüa que toucher sa robbe par devotion, c'est le toucher luymesme; aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire à ceux qui touchent sa robbe. Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre-Seigneur qui est la vertu, non-inherente à la croix, mais bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle-mesme; car estant vertu de Dieu et Dieu mesme, elle est invariable, tousjours nue et esgale, mais elle n'est pas tousjours esgale en l'exercice, et selon les effets, car en quelques endroits, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles, et plus grandes et plus frequentes, que non pas aux autres. Que ce traitteur donc cesse de dire que nous attribuons à la croix la vertu qui est propre à Dieu; car la vertu propre à Dieu luy est essentielle, la vertu de la croix luy est assistante: Dieu est agissant en sa vertu propre, la croix n'opere qu'en la vertu de Dieu : Dieu est (1) S. Luc, vIII, 46.

le premier autheur, et mouvant, la croix n'est que son instrument et outil. Et tout ce qui se dit de la croix de Nostre-Seigneur se lit de sa robbe avec une esgale asseurance, puisque la mesme Eglise qui nous enseigne ce qui se lit de sa robbe nous presche ce qui se dit de la croix.

CHAPITRE V.

Preuve quatriesme par autres passages
de l'Escriture.

Ce que j'ay deduit jusques icy monstre assez combien est honorable le bois que Nostre-Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné pour estre immolé sur iceluy en divin agneau qui lave les pechez du monde : mais voicy des raisons particulieres inevitables.

Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la croix, il receut le corps mort, que la croix porta vivant et mourant: mais il ne fut point l'exaltation de NostreSeigneur, ny instrument de nostre redemption; et neantmoins voilà le prophete Isaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux, Et erit sepulchrum ejus glorio sum (4). C'est un texte tres-esprès, et S. Jerome en l'epistre à Marcelle rapporte ce trait d'Isaye à l'honneur que les chrestiens rendent à ce sepulchre, y accourant de toutes parts en pelerinage.

Davantage, Dieu est par tout, mais là où il comparoît avec quelque particulier effect, il laisse tousjours quelque saincteté, veneration, et dignité. Voyez-vous pas comme il rendit venerable le mont sur lequel il apparut à Moyse, en un buisson ardent?« Oste tes souliers, dit-il; car la » terre où tu es est saincte (2). » Jacob ayant veu Dieu et les anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honorable (3)? L'ange qui apparut à Josué, ès campagnes de Jericho, luy commanda de tenir ce lieulà pour sainct et d'y marcher pieds nuds, par reverance (4). Le mont de Sinaï, le temple de Salomon, l'Arche de l'alliance et cent autres lieux, èsquels la majesté de Dieu s'est monstrée, sont tousjours demeurez venerables en l'ancienne loy. Comme devons-nous donc philosopher du sainct bois, sur lequel Dieu a comparu (1) Isaïe, x1, 10.- (2) Exod. 1, 8. — (3) Gen. XXVIII, 26 — (4) Jos. v, 16.

tout embrasé de charité en holocauste, pour nostre nature humaine? La presence d'un bon ange sanctifie une campagne; et pourquoy la presence de Jesus-Christ, seul Ange du grand conseil, n'aura-t'elle sanctifié le sainct bois de la croix? Mais l'Arche de l'alliance sert d'un tres-magnifique tesmoignage à la croix; car si l'un des bois, pour estre l'escabeau ou marchepied de Dieu, a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege, et le throsne de ce mesme Dieu? Or que l'Arche d'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre: « Adorez, dit le psalmiste, l'es» cabeau des pieds d'iceluy (4); car il est » sainct (2). » On ne peut gauchir à ce coup, il porte droit dans l'œil du traitteur, pour le luy crever, s'il ne void que si cet ancien bois seulement enduit d'or, seulement marche-pied, seulement assisté de Dieu, est adorable; le precieux bois de la croix, teint au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un temps cloüé avec iceluy, doit estre beaucoup plus venerable.

Or que l'escabeau des pieds de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement (3); et qu'il le faille adorer, c'est-à-dire venerer; il s'ensuit expressement du dire de David, où le vray mot d'adoration est expressement rapporté à l'escabeau des pieds de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue hebraique. Et de fait, Dieu avoit rendu si honorable cette saincte Arche, qu'il n'en falloit approcher que de bien loin; et Oza la touchant indignement, en est incontinent chastié à mort (4). Bref, il n'estoit permis qu'aux prestres et levistes de toucher et manier ce bois, tant on le tenoit en respect.

Helisée garda soigneusement le manteau d'Helie, et le tint pour honorable instrument de miracle (5). Pourquoy n'honorerons-nous le bois duquel Nostre-Seigneur s'affeubla au jour de son exaltation, et de la nostre ? Que direz-vous de Jacob, qui adora le bout de la verge de Joseph (6)? n'eust-il pas honoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baisa le bout de la baguette d'or de son espoux (7); et qui empeschera l'ame devoste de baiser par honneur la baguette du sien?

(3) I. Paral.

(1) Psal. cxxx1, 7.-(2) Psal. xcvin, B. XXVIII. 2. — (4) II. Reg. vi, 7. — (5) IV. Reg. u, 13.(6) febr. xi,21. (7) liesth. v, 2

Je sçay la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de S. Paul; mais aussi sçay-je que celle-là de la vulgate est la plus asseurée naïfve, mesme estant rapportée et confrontée avec ce qui est dit d'Hester : aussi est-elle suivie par sainct Chrysostome.

Qui ne sçayt que la croix a esté le sceptre de Jesus-Christ? dont il est escrit en Isaye: « Duquel la principauté est sur son »espaule (1), » car tout ainsi que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim, fils d'Elcias, pour le mettre en possession de son pontificat (2), Nostre-Seigneur aussi prix sa croix sur son espaule, lorsque chassant le prince du monde, prenant possession de son pontificat et de sa royauté, il attira toutes choses à soy, comme interpreste S. Cyprien au livre second contre les Juifs, et S. Jerosme au commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le temps de Constantin-le-Grand, au livre de mysteriis profanarum relianciens, quoy que Calvin, sur ce pasgionum, cap. 22, et plusieurs autres des sage, sans authorité ny raison, se mocque de cette interprétation, l'appelant frivole. Et voilà un lieu en l'Escriture touchant la croix, outre ceux que le traiteur a alleguez, quand il a bien osé dire qu'outre cela il n'en lisoit rien.

Le bois de la croix a eu des qualitez qui le rendent bien venerable: c'est qu'il a esté le siege de la royauté de Nostre-Seigneur, comme dit le psalmiste: « Dites ès >> nations que le Seigneur a regné par le » bois (3). » Ainsi que lisent les Septante, S. Augustin et S. Justin le martyr, et S. Cyprien, qui remarque l'escriteau qui fut mis sur le bout de la croix, en hebreu, le mystere predit par David. Dont les Juifs, grec et latin, declara qu'alors se verifioit en haine des chrestiens, avoient raclé le mot à ligno, comme dit Justin.

La croix a esté l'autel du sacrifice de nostre redempteur, comme va descrivant S. Paul en l'epistre aux Hebreux, dont il dit aux Colossiens : « Que Nostre-Seigneur C'est son exaltation (5); c'est le temple » a tout pacifié par le sang de sa croix (4).» de ses trophées, « auquel il affigea (6), ► comme une riche despoüille, « la cedule (1) Isafe, IX, 6. — (2) Isaye, XX11. 22. — (3) Psal CT, 10. (4) Hebr. ix, 11. - (8) Col. 1, 20.- (6) Ib. 11, 16

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