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soit. Et Bede tesmoigne que c'estoit une huile qui sortoit de soy-mesme du bois de la croix. Voyez le grand cardinal Baronius, sous l'an 598.

>> benediction des sainctes reliques : c'est » à sçavoir, une partie d'une petite piece > du bois de la divine croix. » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle eglise de Nole, une piece de la croix, avec les reliques des Saincts dans le maistre-autel,

avec ces vers:

Hic pietas, hic alma fides, hic gloria Christi,
Hic est martyribus crux sociata suis.
Nam crucis è ligno, magnum brevis hastula
pignus,

Qu'est-ce que respondra à tout cecy le traitteur, dira-t'il que les tesmoins que je produits sont reprochables? Mais certes ce sont tous autheurs graves: peut-estre respondra-t'il que cependant ils n'attribuoient rien à la saincte croix, ou au seul signe d'icelle. Mais nous avons desja protesté que la croix n'est que l'instrument de Dieu ès œuvres miraculeuses, si que d'ellemesme elle n'a point de proportion avec telles operations, le cas est tout semblable Quam bene junguntur, ligno crucis ossa piorum Þ

en la robbe de Nostre-Seigneur, et ès os d'Helisée. Je conclueray donc avec Justinien l'empereur, que ç'a estoit pour nous que la croix a esté retreuvée : Helene, ditil, mere de Constantin-le-Grand, femme tres-devole, nous a treuvé le sacré signe des chrestiens.

CHAPITRE X.

De l'honneur de la croix tesmoigné par les anciens. Preuve neufviesme.

J'ay dit cy-dessus que les anciens avoient en usage le bois de la saincte croix, pour honorer en iceluy Jesus-Christ crucifié : d'autant que l'honneur de la croix se rapporte tout au crucifix. Or cecy a esté tesmoigné en l'antiquité par plusieurs moyens.

Et premierement par les lieux honorables dans lesquels ils logeoient les pieces de la croix. Nous avons veu que l'empereur Constantin en mit une dans sa propre statue, en un lieu fort honorable de Constantinople, comme une saincte defense de toute la ville. S. Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col, par honneur. S. Gregoire de Nissene nous a dit que Ste Macrine en portoit une dans une croix d'argent. Theodoret, Ruffin, S. Paulin, et les autres, raconte qu'Helene fit dresser un magnifique temple sur le mont de la croix, tout lambrissé en or, dans la sacristie duquel estoit precieusement gardée une piece de la croix. S. Paulin envoya une petite piece d'icelle à S. Sulpice, pour la consecration d'une eglise : « Nous avons treuvé, >> dit-il, dequoy vous envoyer pour la sanc»tification du temple et pour combler la

Totaque in exiguo segmine, vix crucis est. Hoc Melana sanctæ delatum munere Nolam, Summum Jerosolima venit ab urbe bonum. Sancta Deo geminum velant altaria honorem, Cum cruce apostolicos quæ sociant cineres:

Pro cruce ut occisis in cruce sit requies. C'est-à-dire,

Ici la piété, la foy, la gloire encore

De notre Redempteur se treuvent assemblez:
Icy la saincte croix à soy tient accouplez
Les corps des saincts martyrs, que pour siens elle

honore; Car pour peu qu'il y ayt de ce bois admirable, Le gage en est très-grand, et le moindre festu De toute la grand'croix tient toute la vertu, N'estant moins que son tout, à nous tous venerable.

C'est de Jerusalem qu'un bien si grand et rare
Nous arriva jadis par le devost bien-fait
De Meleine qui fut de nom saincte, et d'effet;
Qui d'un si riche don ne nous fut point avare:
Ces grands et saincts autels, quoy que couverte-
ment,
Presentent au grand Dieu double honneur dou-
blement,

Ayant avec la croix les cendres glorieuses
Des apostres aussi, reliques précieuses,

Qui sont bien à propos jointes en mesme lieu :
Cy la croix, là les os des serviteurs de Dieu,
Lesquels autresfors morts pour la croix en ce
monde,

Ore en la mesme croix prennent leur paix profonde.

Et S. Ambroise dit qu'Helene fit sagement, laquelle leva la croix sur le chef des roys, afin que la croix fust adorée des roys.

2. Par les pelerinages que l'on faisoit en Hierusalem pour visiter la saincte croix. « Helene laissa une partie de la croix en » une chasse d'argent, pour souvenance et >> monument à ceux qui seroient conduits » du desir de le voir. » Ce sont les parolles de Socrate et S. Paulin dit que cette piece-là n'estoit monstrée sinon les festes de Pasques. « Horsmis à la requeste de » quelques devostes personnes qui alloient » seulement en pelerinage en Hierusalem,

» pour voir cette saincte relique, en re▸ compense de leur long voyage. » Et tesmoigne que Ste Helene avoit esté en Hierusalem à cet effect, et en avoit apporté une petite piece du sainct bois. Ainsi Jean Moscus, Eviratus, ou Sophronius, racontent que l'abbé Gregoire avec Tallelæus firent ce pelerinage ensemble, et que l'abbé Jean Anachorete avoit accoustumé de le faire bien souvent.

3. Par l'adoration solemnelle de cette mesme croix qui estoit en Hierusalem « La» quelle (et ce sont les parolles de S. Paulin) l'evesque de cette ville-là produit » toutes les années à Pasques, pour estre > adorée du peuple, lui estant le premier à » l'honorer, » Episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini agitur, ado- | randam populo, princeps ipse venerantium promit. Et ceux qu'Eviratus raconte y avoir fait pelerinage y alloient pour adorer la saincte croix, et les lieux venerables, comme dit expressement l'histoire.

» que les Gentils nesme confessent que
» cecy est un vers de la sybille :

» O lignum felix in quo Deus ipse papendit!
>> O bois heureux qui tiens Dieu mesme
» en toy pendu? car personne (quoy
» qu'on voulust par tous moyens com-
>> battre contre cecy) ne le sçauroit nier;
» donc le bois de la croix, et sa veneration,
» a esté presignifié par la sybille. » Voilà

ses mots.

6. Parce que les anciens estimoient de beaucoup de s'entre-honorer, quand ils se donnoient les uns aux autres des pièces de la croix par present, comme nous avons veu d'Helene et Constantin, de Ste Melene et de Paulin, et de Sulpice. Ainsi S. Gregoire-le-Grand envoya à Reccarede, roy des Visigoths, une particule de la croix comme un grand present comme de la memoire de nos pères, le roy des Abyssins envoya par honneur un pareil present au roy Emmanuel de Portugal, par Matthieu Armenien, son ambassadeur, comme un gage de la fidelité de son alliance.

4. Mais il y a bien plus, car auparavant mesme que la croix fust treuvée par Helene, les chrestiens monstroient en quel honneur 7. Les anciens ont honoré la croix, ils avoient la croix, honorant mesme le luy attribuant plusieurs noms honorables, lieu où elle avoit esté plantée. Ce qui est comme Helene et S. Ambroise l'ont appelée touché par tous les autheurs; mais beau- « Estendart de salut, triomphe de Jesuscoup plus expressement par Sozomene,» Christ, palme de la vie eternelle, requi dit «Que les ennemis de la croix » avoient dressé un temple à Venus, dans » lequel ils avoient mis l'idole d'icelle, à >> cette intention, que ceux qui adoreroient » Jesus-Christ en ce lieu-là, semblassent » adorer Venus, et qu'à la longueur du » temps la vraye cause vinst en oubly, » pour laquelle les hommes honorent ce »lieu-là.» Donc les Gentils virent que les chrestiens honoroient ce sainct lieu, auquel Nostre-Seigneur avoit esté crucifié. Combien plus eussent-ils honoré la saincte croix?

5. Et partant Lactance Firmien, avant que la croix fust treuvée, avoit déjà escrit :

Flecte genu, lignumque crucis venerabile adora. Plie les genoux, et adore le bois venerable de la croix.

Sozomene, après avoir raconté l'histoire de l'invention de la croix, et les merveilles qui s'y firent : « Et cela, dit-il, n'est pas tant esmerveillable, principalement puis

>> demption du monde, espée de laquelle >> le diable a esté tué, remede de l'immor»talité, sacrement de salut, bois de ve>> rité. » S. Paulin l'appelle « Defense de » la vie presente, gage de l'eternelle, chose » de très-grande benediction. » Macaire, evesque de Hierusalem, l'appelle « Bois >> bien-heureux, croix qui a esté pour la >> gloire du Seigneur. » Justinian l'empereur : Sacrum christianorum signum, « Signe sacré des chrestiens. » Et le grand S. Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle Bois salutaire; » et ailleurs « Trophée du roy Jesus. » Eusebe, « Bois >> très-heureux. » Lactance, « Bois venera»ble. Ainsi l'antiquité l'a nommée de cent noms tres-venerables.

8. Quelques-uns des anciens pères ont estimé que ce mesme bois de la vraye croix seroit reparé, et comparoistroit au ciel le jour du jugement, selon la parolle de Nostre-Seigneur (4): « Alors apparois» tra le signe du Fils de l'homme au ciel ; » (1) Matth. xxiv.

c'est l'advis, ce me semble, de S. Chrysostome, au sermon de la croix et du larron, et de S. Ephrem, au livre de la vraye penitence, chap. 3, 4, et a esté predit par la sybille, disant :

() lignum felix in quo Deus ipse pependit! Nec le lerra capit, sed cœli tecla videbis, Cùm renovata Dei facies ignila micabat P

C'est-à-dire,

O bois heureux qui tiens Dieu mesme en toy
pendu!
Quel honneur te pourroit en terre estre rendu ?
Au ciel un jour, ô croix, tu seras triomphante,
Quand la face de Dieu s'y fera voir ardente.

Et la raison y est bien apparente, parce qu'entre toutes les croix, la vraye croix est le plus proprement signe et estendart de Jesus-Christ.

9. Ce n'est donc pas merveille si S. Macaire et Helene avoient esgale crainte en l'invention de la croix, « Ou de prendre le » gibet d'un larron pour la croix du Sei»gneur, ou que rejettant le bois salutaire » en guise de poteau d'un larron, ils ne le >> violassent, » comme parle S. Paulin: ny que S. Jerosme de pouvoir voir assez-tost Je jour, « auquel entrant en la caverne du » Sauveur, il peust baiser et rebaiser le » sainct bois de la croix, avec la devote

» Marcelle. » Et pour vray, « Si la robbe et » l'anneau paternel, ou quelque sembla» ble chose, est d'autant plus chère aux >> enfans, » comme dit S. Augustin, « que » l'affection et pieté des enfans vers leur » pere est plus grande,» tant plus un chrestien sera affectionné à l'honneur de Jesus-Christ, tant plus honorera-t'il sa croix.

S. Chrysostome proteste « Que si quel » qu'un luy donnoit les sandales et robbes » de S. Pierre, il les embrasseroit à bras » ouverts, et les mettroit comme un celeste » don dans le plus creux de son cœur. » Combien eust-il plus honoré la croix du Redempteur? Et S. Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoient faits avec un peu de la terre du mont Calvaire, apporté par Hesperius, l'un de ses familiers; et entr'autres qu'un paralytique y estant apporté, avoit esté soudain guery, et qu'il avoit mis cette terre-là honorablement en l'eglise. Quel respect eust-il porté à la croix de Nostre-Seigneur ? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur tout au long de son escrit.

LIVRE DEUXIESME.

DE L'HONNEUR ET VERTU DE L'IMAGE DE LA CROIX.

CHAPITRE PREMIER.

De la façon de peindre les croix.

C'est icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye croix; car comme parle le traitteur : « Il est aisé à recueillir que si le bois de la croix n'a point eu de > vertu ny de saincteté, ce qui n'en est » que le signe ou image n'en a non plus. » Au contraire donc, si le signe et image de la croix a beaucoup de saincteté et de vertu, la croix mesme en aura bien davantage. Prouvant donc, comme je feray dans la suite, la saincteté de l'image de la croix,

je la prouve beaucoup plus, et à plus forte raison de la croix mesme.

Or on a fait les images de la croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté de la forme et figure de la vraye croix; car les uns l'ont peinte comme un grand T latin ou grec. Comme aussi se faisoit le Thau ancien des Hebreux, duquel S. Hierosme dit qu'il estoit fait en maniere de croix. Ceux-cy ont cru que la vraye croix de Nostre-Seigneur a esté composée de deux bois, dont l'un estoit sur le bout de l'autre : et neantmoins, comme il se voit encore en quelques ima

ges, ils plantoient sur la croix un autre petit baston, pour y attacher l'inscription et cause que Pilate y fit mettre. Cette-cy est l'opinion de Bede.

Les autres estimant que les deux bois de la vraye croix se traversoient en telle sorte que l'un surpassoit l'autre, ont fait l'image de la croix en la mesme maniere, affichant l'escriteau à la partie plus haute. Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des chrestiens et que Justin le martyr, au dialogue qu'il fit avec Tryphon, appariant la croix à la corne d'une licorne, semble la descrire en cette sorte; et S. Irenée dit que « L'habitude ou figure » de la croix a cinq bouts ou pointes, deux > en longueur, deux en largeur, une au mi> lieu, sur laquelle s'appuye celuy qui est > crucifié. » Et pour cela la croix ne laissera pas d'estre semblable au Tlatin, grec et hebreu, puisqu'il y aura peu de difference.

Outre cela les anciens ont quelquesfois peint ou façonné sur la croix d'autres choses, pour remarquer quelques mystères et moralitez; car les uns courboient le bout de la croix en forme d'une crosse, pour representer la lettre P des Grecs : un peu plus bas, ils y mettoient deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premières lettres du nom de Christ; et un peu plus bas estoit le traversier de la croix, auquel pendoit un voile, comme on fait maintenant en nos gonfanons pour monstrer que c'estoit l'estendart de JesusChrist. C'est ainsi que l'a descrit Pierius, et après luy le docte Bellarmin, et plusieurs autres des nostres, à quoy le traitteur s'accorde. Les autres mettoient sur

la croix une couronne emaillée, qui de pierres precieuses comme Constantin fit en son labare, qui de fleurs, comme fit S. Paulin, en une belle eglise de Nole, sur l'entrée de laquelle ayant fait peindre en cette sorte une croix, il y fit met

tre ces vers:

Cerne coronalam Domini super atria Christi
Stare crucem, duro spondentem celsa labori
Præmia: tolle crucem qui vis auferre coronam.
Voy sur le sainct portail de cette église ornée
La croix de ton Sauveur hautement couronnée,
Qui fidelle promet aux peines et travaux
De ses vrays courtisans mille loyers très-hauts.
Prends donc avec sa croix tous les maux qu'il te
donne,

Si par elle tu veux prendre un jour sa couronne.

Et sur trois autres portes de la mesme eglise estoient peintes deux croix, deçà et delà, sur lesquelles, outre les couronnes de fleurs, estoient branchées des colombes avec cette devise:

Ardua floriferæ crux cingitur orbe coronæ,
Et Domini fuso tincta cruore rubet:
Quæque super signum resident cœleste columder,
Simplicibus produntregna patere Dei.

De mille belles fleurs une large couronne
La croix de mon Sauveur tout par tout environne:
Croix qui prend sa couleur de ce rouge et pur
sang,
Qui sort des pieds, des mains, de la teste, et du

Blanc: Deux colombes en sus monstrent qu'il nous faut croire Qu'aux simples seulement Dieu fait part de sa gloire.

Et sur le mesme subjet :

Hac cruce nos mundo, et nobis inter fice mundum,
Interitu culpæ vivificans animam:
Nos quoque perficies placilas tibi, Christe, co-

Si vigeal puris pars tua pectoribus. lumbas, Fay, Dieu! que par la croix nous mourions tous

au monde,

Fay que le monde aussi meure tout quant

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Le mesme S. Paulin avoit fait peindre la croix autour de l'autel, avec une troupe de colombes sur icelle, et force palmes, et un agneau qui estoit sous la croix teinte en sang : autant designoit-il d'en faire en une basilique qu'il faisoit bastir à Fondy; et tout cecy monstre combien d'honneur l'on portoit à la croix. Constantin mettant la croix en son labare, croyoit que ce luy seroit un estendart salutaire, comme dit Eusebe; et en y mettant le nom abregé de Christ, monstroit que la croix estoit la vraye enseigne de Jesus Christ, et non le siege de l'idolastrie, comme le traiteur l'a descrit; et y mettant la riche couronne do pierres precieuses, il declaroit que tout honneur et gloire appartient au crucifix, et que la couronne imperiale devoit s'appuyer sur la croix.

S. Paulin mettant la couronne de fleurs sur la croix, vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la croix nous

obtenons la couronne de gloire : par les colombes, il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires autresfois par la troupe des colombes, il entendoit la troupe des apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parolle de la croix : par les palmes et par le sang, il figuroit la royauté de Nostre Seigneur par l'agneau qu'il mettoit sous la croix, il representoit Nostre-Seigneur qui estant immolé sur l'autel de la croix, a lavé les pechez du monde.

C'estoit une tres-honorable persuasion que les anciens avoient de la saincte croix, qui les faisoit ainsi sainctement philosopher sur icelle. Par où l'on peut voir que quand le traitteur dit que les anciens ne faisoient d'autre honneur à la croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage. Mais c'est une temerité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.

CHAPITRE II.

De l'antiquité des images de la croix.

J'aurois une belle campagne, pour monstrer l'antiquité de l'image de la croix, si je voulois m'estendre sur un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté autres que les images de la croix et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car quelle raison y pourroitil avoir que cet ancien peuple, outre la parolle de Dieu, eust encore plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la croix future, et qu'il ne nous fust pas loisible d'en avoir en nostre eglise, pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passée.

Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois tant de sainctes observations qu'en a fait toute l'antiquité. Et S. Justin martyr, traittant avec Tryphon, Tertullien avec Marcion, et S. Cyprien avec tous les Juifs, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisant les figures de l'Ancien testament pour l'honneur et reverence de la croix pourquoy ne pourrois-je raisonner sur un mesme subjet par pareilles raisons avec un traitteur qui se dit estre chrestien? Or la briefveté à laquelle je me suis lié

ne me permet pas de prendre le loisir qu'il faudroit pour faire un si grand amas. Aussi lira-t'on avec plus de fruict ce que j'en pourrois dire, ès auteurs que j'ay desja citez, et en Jonas d'Orleans, en S. Gau dence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain. Je me contenteray seulement de mettre en avant celle que tous les anciens d'un commun accord appliquent à la croix : c'est le serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison de ceux qui estoient mordus de serpens. Duquel parlant le traitteur il remarque « Qu'il » ne fut pas mis, ou dressé sur un bois tra>> versier, comme on le peint commune»ment, car il estoit eslevé sur un esten» dart, dit-il, ou sur une perche, comme lo >> texte le dit.» Là où je contre-marqueray.

1. Que la proprieté des mots du texte ne porte aucunement que le serpent fut eslevé sur une perche. Aussi Sanctus Paguinus a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable, et se rapporte mieux à ce qui estoit signifié.

2. Je remarque que les estendarts et enseignes se faisoient autresfois en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on voit aujourd'huy en nos gonfanons. Tesmoins le labare des Romains, et Tertullien en son Apologetique. Si que le serpent estant mis sur un estendart, estoit par consequent sur un bois traversier.

3. Je remarque que le traitteur a tort de contredire en cecy la commune opinion, qui porte que le serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ny raison, ny authorité pour soy; et qu'au contraire il est raisonnable que S. Justin martyr soit preferé en cet endroit, lequel en l'apologie pour les chrestiens, recitant cette histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le serpent, le dressa en forme de croix.

Voicy donc où je pourrois cotter la premiere image de la croix; car puisqu'il est ainsi qu'une chose, pour estre image d'une autre, doit avoir deux conditions: l'une, qu'elle ressemble à la chose dont elle est l'image; l'autre, qu'elle soit copiée et tirée sur icelle; le serpent d'airain estant dressé en semblable forme que la croix, et ayant esté figuré par la prevoyance de Dieu sur icelle, ne peut estre sinon une vraye image de la croix. Mais pour m'accominoder au

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